Quoi de mieux que de faire sa rentrée chorégraphique avec Pina Bausch ? Rien ma foi. C’est donc avec joie que je suis allée voir Viktor, dansé par le Tanztheater Wuppertal le dimanche 4 septembre. Viktor est une pièce qui date de 1986, créée juste après Two cigarettes in the dark. Retour sur une pièce sombre mais pas moins fascinante.
Ce que j’aime avec les pièces de Pina Bausch, c’est qu’elles ont un nombre de degrés de lecture assez grands. A l’image de la terre qui entoure les personnages, on peut gratter et découvrir des couches invisibles. on entre alors à chaque fois dans un univers de plus en plus sombre, mais de plus en plus fascinant. On creuse quand un personnage tente d’enterrer les autres. Autour de la scène, une montagne de terre. Dessus un homme qui observe les autres et jette, à mesure des 3h de spectacle, des pelletées de terre. On est dans une tombe. On le sent tout de suite. On marie des morts, on enroule une femme dans un tapis.
Qui est Viktor ? La pièce porte ce nom, ce prénom, mais qui est Viktor ? Ce personnage à la canne, cet autre qui enterre les autres ? Ou Viktor, est-ce toutes ces femmes ? Viktor se cache dans chacun des personnages de la pièce.
Parmi la galerie de personnages, on s’attachera particulièrement à ceux des femmes. Pina Bausch poursuit dans cette pièce, son exploration du corps de la femme. Corps oppressé, corps montré, examiné, violé, manipulé. Pas de morale chez Pina Bausch, juste des faits qui se succèdent et des images qui frappent. Et puis la danse reprend le dessus, comme si la vie n’était qu’une farandole qui se répète à l’infini.
Il faut d’ailleurs bien flotter au-dessus de cette vie, quand on est déjà plongé dans la tombe. Alors les danseuses se balancent à bout de bras, laissant leurs sublimes robes vibrer dans les airs.
Viktor a été créée après un voyage à Rome et la vision de Pina Bausch est profondément sombre. Les personnages semblent déterminés à une fin tragique.
Malgré ses 3h30, Viktor est une grande pièce de Pina Bausch. Forte par ses images qui se superposent à d’autres, d’autres pièces – les jeux d’eau, le défilé des femmes, la distribution de thé au public – Pina réinvente une fois de plus le quotidien et nous permet de nous interroger sur le notre. Encore une pièce merveilleuse !