Yann Chailloux

Don Quichotte avec Mathilde Froustey et Pierre-Arthur Raveau

La salle n’était pas pleine hier soir à Bastille. Pourtant les balletomanes ne s’y sont pas trompés en venant assister à la première représentation de Mathilde Froustey en Kitri. On peut dire qu’hier soir Mathilde Froustey a eu sa revanche sur le concours. Le public a été conquis par sa technique, brillante, et son interprétation, intelligente. Ce que Froustey a et qui charme tout le monde, c’est son amour du partage en scène. Elle donne sans relâche. La soirée fut en crescendo et la belle danseuse m’a eue là où je ne l’attendais pas.

L’acte I est sans doute un des plus difficiles du répertoire car il nécessite une bonne endurance. On a senti les deux protagonistes un peu stressés, notamment dans les portés. L’entrée en scène de Kitri est réussie, le premier temps levé est puissant, imposant, et la place entière de Barcelone ne peut que la suivre des yeux.

L’espièglerie de Froustey n’est plus à démontrer. Elle joue à merveille cette chipie amoureuse et séductrice. Les passages vifs sont piquants et enlevés. Le couple formé par Pierre-Arthur Raveau apporte beaucoup de fraîcheur à ce ballet.

J’ai beaucoup ri de voir Takeru Coste en Sancho Pança. Il avait une pantomime claire et semblait bien s’amuser à jouer ce personnage gourmand et ivrogne.

Époustouflante, Kora Dayanova en danseuse de rue, qui de ses yeux de biche, séduit tous les toréros. Elle a vraiment un style plein d’élégance et de finesse qui s’accordait à merveille avec Christophe Duquenne, débordant de virilité.

Au deuxième acte, la première scène est l’occasion d’admirer une fois de plus les talents d’Allister Madin. Son chef gitan est un régal. Il mange la scène et s’impose avec beaucoup de facilité.

Je suis en revanche toujours perturbée par ce début de deuxième acte qui est sur la même musique que le premier acte de Bayadère, mais ce passage avait le mérite de revoir le couple Kitri Basilio dans un adage bien mené et plein de tendresse.

La surprise et l’émotion sont venues pour moi à la scène du rêve de Don Quichotte. Au milieu des dryades, Kitri devient Dulcinée et c’est avec une grande élégance que Mathilde Froustey est passée de l’une à l’autre. Je n’aime pas trop ce passage chorégraphique, je préfère de loin la version Bolchoï qui est plus lisible pour le spectateur. Chez Noureev, on se perd un peu entre Cupidon, la reine des Dryades et Dulcinée. Mathilde Froustey a réussi à être au-dessus avec beaucoup de grâce. Ainsi, Don Quichotte ne pouvait voir qu’elle. Sa variation est un délice, elle est très musicale et enchaîne de très beaux équilibres. Le chef d’orchestre la suit, leur complicité est rare en danse et nous avons eu le droit à une très belle interprétation musicale. Cet acte II devient magique, quand il a d’ordinaire l’habitude de m’ennuyer.

Au troisième acte, on atteint des sommets. Froustey est déchaînée, elle profite de toute la scène et domine la chorégraphie. Elle offre au public de la danse et non un simple enchaînement de variations vues et revues. Elle nous donne à voir un équilibre arabesque magnifique qui dure, qui dure, qui dure… Le public en devient fou ! Le chef d’orchestre ne la quitte pas des yeux pour relancer la note suivante. Battement de cils de la belle et l’audience crie bravo ! Elle risque des fouettés difficiles ( 4-3-4) et se joue des ratés, enchaîne les tours. Elle danse, danse, danse encore et garde cette audace de la scène.

Le public est aux anges, moi la première. Ovation et pluie de bravos pour la belle danseuse. De ma place je la vois remercier chaleureusement chef d’orchestre et musiciens. Une très belle soirée.

NB : ne plus accepter le premier rang de Bastille. Contrairement à Garnier, on ne voit pas les pieds.

Distribution du 5 décembre

Kitri Mathilde Froustey
Basilio Pierre Arthur Raveau
La Reine des Dryades Héloïse Bourdon
Espada Christophe Duquenne
La Danseuse de rue Sarah Kora Dayanova
Cupidon Marine Ganio
Le Gitan Allister Madin

Concours de promotion Opéra de Paris 2012 hommes

Retour à Garnier ce matin, pour voir le concours garçons. Dans l’ensemble, je suis plutôt en accord avec le classement sauf peut être pour les coryphées où Sébastien Bertaud n’est pas classé.

Félicitations à tous les danseurs et danseuses qui ont encore une fois passé cette épreuve tout de même assez difficile par son aspect infantilisant, et, qui ne reflète pas toujours certains artistes. Cela reste une belle occasion de voir les danseurs et danseuses du corps de ballet, de les découvrir. J’ai par ailleurs appris, en discutant çà et là, qu’auparavant (je n’ai pas la date) le concours était obligatoire et que si on ne le passait pas, on retombait dans le grade en dessous. Il y eut une époque aussi où on annonçait les résultats dans la salle avec le public.

  • Concours Quadrilles

2 postes à pourvoir

Classement :
1. Jérémy Loup Quer, promu
2. Mathieu Contat, promu
3. Germain Louvet
4. Hugo Marchand
5. Alexandre Labrot
6. Florent Mélac

Variation imposée : La Sylphide, chorégraphie de Pierre Lacotte d’après Taglioni)
Acte II, 1ère variation de James, montrée par Gil Isoart. Vidéo, clic.

Mes impressions : La variation imposée est une démonstration de technique qui permet de montrer sa batterie ainsi que ses tours, et tours en l’air. Il fallait donc veiller à avoir de bonnes réceptions, une maîtrise du nombre de pirouettes car il fallait enchaîner le manège ensuite.
Dans cet exercice, Alexandre Labrot s’en est très bien tiré, tout comme Hugo Marchand et Jérémy-Loup Quer qui se sont fait remarquer par leur légèreté. On sent chez Hugo Marchand beaucoup de volonté et une énergie qui transpire dans ses mouvements. Le visage d’ange de Mathieu Contat me séduit, ainsi que ses entrechats à la fois rapides et plein d’amplitude. Takeru Coste fait une belle prestation malgré un léger déséquilibre dans les tours suivis. Germain Louvet également, même si on le sens tendu pour ce premier concours. Il a de belles qualités. Florent Mélac impose une danse très grande, malheureusement, il glisse et c’est dommage car le reste de la variation était bien menée.
Cette classe fut vraiment intéressante car les danseurs avaient beaucoup de personnalités. On ne s’est pas ennuyé en les regardant. Germain Louvet montre son amplitude de saut dans sa variation de Colas. Florent Mélac propose un Frollo plein de fougue. Jérémy-Loup Quer parvient à rendre intéressante la variation de Marco Spada. Il est très pétillant et piquant. Takeru Coste se retient un peu trop dans Approximate Sonata, c’est dommage car ce langage lui va bien et je pense qu’il aurait du être classé. Mathieu Contant fait une prestation honorable et rattrape bien quelques arrivées de sauts un peu hésitantes.

Mes cinq favoris : Hugo Marchand, Jérémy Loup Quer, Takeru Coste, Alexandre Labrot et Mathieu Contat

Variations libres

Alexandre Carniato, Genus, Mc Gregor
Jean-Baptiste Chavignier, Raymonda, Acte II, Abraham, Rudolf Noureev
Cyril Chokroun, Marco Spada, Acte I, 1ère variation, Pierre Lacotte
Mathieu Contat, Le lac des cygnes, acte III, Siegfried, Rudolf Noureev
Takeru Coste, Approximate sonata, William Forsythe
Alexandre Labrot, Giselle, Acte I, Pas de deux des paysans, Jean Coralli
Germain Louvet, La fille mal gardée, Acte I, Colas, Heinz Spoerli
Hugo Marchand, Suite en blanc, Mazurka, Serge Lifar
Florent Melac, Notre-dame de Paris, Acte I, Frollo, Roland Petit
Antonin Monie, Le lac des cygnes, acte III, Rothbart, Rudolf Noureev
Jérémy-Loup Quer, Marco Spada, Acte I, 1ère variation, Pierre Lacotte
Pierre Rétif, L’arlésienne, dernière variation de Frédéri, Roland Petit
Alexis Saramite, Raymonda, Acte II, Abraham, Rudolf Noureev

  • Concours Coryphées

2 postes à pourvoir

Classement :
1. François Alu, promu
2. Yann Chailloux, promu
3. Maxime Thomas
4. Axel Ibot
5. Alexandre Gasse
6. Mathieu Botto

« Mickaël Lafon a su après son accident reprendre courage et confiance. A ce titre, et pour la qualité de sa prestation, le jury tient à le féliciter particulièrement. »

Variation imposée : Etudes, chorégraphie de Harald Lander, Mazurka, montrée par Nicolas Le Riche. Vidéo, clic.

Mes impressions : La Mazurka d’Etudes est la variation parfaite pour ce concours ! Il faut avoir du panache, montrer son excellence en restant léger car toutes les difficultés y sont. Il faut se montrer léger, bref faire comme si on claquait des doigts comme au début de la variation.
Vous vous en doutez si vous connaissez le personnage, François Alu a dominé le concours. C’était une partie de plaisir, rien ne semble difficile. Il place une pirouette de plus que tout le monde partout, saute plus haut, atterrit sans faire un bruit. Maxime Thomas met beaucoup d’enthousiasme et d’énergie. Axel Ibot fait de jolis tours en l’air et de beaux fouettés, avec des réceptions tout en douceur. Grégory Dominiak fait une bonne prestation, malgré de légers déséquilibres à la fin des tours. Yann Chailloux fait lui aussi de belles choses bien qu’il se soit déséquilibré. Sa pirouette qui accélère, puis ralentit montre une bonne maîtrise technique. Hugo Vigliotti glisse aussi par deux fois et c’est dommage car il avait bien ouvert le concours.
François Alu nous a bien fait comprendre le message. Solor c’est son truc et il fait ça à merveille. Il nous en fout plein la vue, il est insolent de facilité, même si cette variation a moins de panache que celle qu’il avait présentée l’an passé. J’aime l’énergie de Vigliotti. Plein d’humour, il me fait penser à Daniil Simkin. Adrien Couvez, souvent choisi pour les pièces de Mats Ek, a fait un bon choix avec cette variation de la cuisine. Axel Ibot fait un Arepo très propre. Il me fait beaucoup penser à celui de Vincent Chaillet quand il avait été promu premier danseur. Le personnage de Don José va bien à Sébastien Bertaud, que j’ai senti un peu tendu dans ses mouvements. Mickaël Lafon fait un bon retour sur scène, ce qui est très positif. Mathieu Botto danse un beau Frédéri, même si je l’ai trouvé un peu timide dans l’interprétation. Maxime Thomas fait un beau concours surtout dans sa variation libre où il est fluide et nuancé dans ses mouvements.

Mes cinq favoris : François Alu, Sébastien Bertaud, Adrien Couvez, Mathieu Botto, Axel Ibot

Variations libres

Hugo Vigliotti, Push comes to shove, Twyla Tharp
François Alu, La Bayadère, Acte III, Rudolf Noureev
Sébastien Bertaud, Carmen, Don José, Roland Petit
Matthieu Botto, L’arlésienne, dernière variation de Frédéri, Roland Petit
Yann Chailloux, Le lac des cygnes, Acte I, variation lente, Rudolf Noureev
Adrien Couvez, Appartement, la cuisine, Mats Ek
Julien Cozette, L’arlésienne, première variation de Frédéri, Roland Petit
Yvon Demol, Sylvia, Acte II, Orion, John Neumeier
Grégory Dominiak, Sept danses grecques, Maurice Béjart
Alexandre Gasse, Notre-dame de Paris, Acte I, Frollo, Roland Petit
Axel Ibot, AREPO, Maurice Béjart
Mickaël Lafon, AREPO, Maurice Béjart
Maxime Thomas, Nouvelle Lune, Andy Degroat

 

  • Concours Sujets

1 poste à pourvoir

Classement :
1. Audric Bezard, promu
2. Pierre-Arthur Raveau
3. Fabien Revillion
4. Allister Madin
5. Yannick Bittencourt
6. Marc Moreau

Variation imposée : La Belle au bois dormant, chorégraphie de Rudolph Noureev d’après Marius Petipa, Acte II, 3ème variation du Prince, montrée par Laurent Hilaire. Vidéo, clic. (à 3′)

Mes impressions : Il fallait avoir les hanches bien ouvertes pour faire cette variation. Entre les tours à la seconde et les ronds de jambes, l’en dehors devait être montré ! Les tours en dedans (oui l’en dedans et l’en dehors en danse classique cela veut dire plein de choses différentes!!) ne devaient pas se finir avec le genou de majorette. Les bras doivent être majestueux (et Désiré c’est LE prince avec un nom pareil!) et le rester dans la petite batterie. Les réceptions doivent être précises, sinon on perd vite le personnage.
Audric Bézard remplit à merveille toutes ces conditions. Allure princière ( moi qui le préfère d’habitude nettement en contemporain), buste élégant, jambes admirables, il a mené cette variation avec brio. Allister Madin est lui aussi majestueux avec une jolie technique. Néanmoins, deux réceptions sont un peu déséquilibrées et c’est bien dommage quand on connaît son potentiel. Pierre-Arthur Raveau a de jolis équilibres mais il semble tendu. Julien Meyzindi et Marc Moreau semblent eux aussi un peu crispés, cela se voit dans leurs appuis. Yannick Bittencourt souffre lui aussi de déséquilibres dans ses tours, mais le reste de la variation est pas mal du tout.
Pour les variations libres, je pense qu’après le passage d’Audric Bézard, les filles de ma loge et moi étions d’accord sur le fait que c’était lui le futur premier danseur. Classe, terriblement sensuel, son Don José m’a absorbée. Florimond Lorieux était bien parti pour son Rothbart, mais sa chute lui fut fatale. Quel courage de reprendre son manège, les secondes ont du lui sembler longues. Yannick Bittencourt montre une forte personnalité dans sa variation. Ses sauts de chats battus sont très amples et fins. Julien Meyzindi me touche beaucoup en Siegfried. Je l’ai trouvé romantique, il racontait une histoire, malgré des fragilités techniques. Allister Madin est un diable maléfique dans Arepo, il a peut être manqué un petit quelque chose. Pierre-Arthur Raveau propose une variation très propre de l’Oiseau de feu.

Mes cinq favoris : Audric Bezard, Allister Madin, Pierre-Arthur Raveau, Marc Moreau, Yannick Bittencourt

Variations libres

Simon Valastro, Rhapsody, Frederic Ashton
Audric Bezard, Carmen, Don José, Roland Petit
Yannick Bittencourt, Other Dances, 2ème variation, Jerome Robbins
Florimond Lorieux, Le lac des cygnes, acte III, Rothbart, Rudolf Noureev
Allister Madin : AREPO, Maurice Béjart
Julien Meyzindi, Le lac des cygnes, acte I, Siegfried variation lente, Rudolf Noureev
Marc Moreau, The Four Seasons, le printemps, Jerome Robbins
Pierre-Arthur Raveau, L’oiseau de feu, 1ère variation, Maurice Béjart
Fabien Révillion, La Belle au bois dormant, Acte II, Désiré, Rudolf Noureev
Daniel Stokes, Other Dances, 2ème variation, Jerome Robbins