William Forsythe

Lander et Forsythe à l’Opéra de Paris

Le ballet de l’Opéra de Paris a ouvert sa saison samedi soir avec une soirée mixte : Etudes d’Harald Lander et deux pièces de William Forsythe, Woundwork 1 et Pas./Parts. Si ces deux dernières ont été vues récemment, la première pièce n’avait pas été donnée depuis 2004. Voyage à travers la technique classique, de la barre aux hanches décalées. En bonus, pour la première, on a eu le droit au défilé.

défilé

 

La soirée s’ouvre avec la traditionnelle marche du défilé. Certains y sont attachés, d’autres moins, et le moins qu’on puisse dire c’est que ces courtes quinze minutes de défilé presque militaire déchaînent les passions. L’applaudimètre est en place et les admirateurs peuvent s’exprimer. On ne s’étonnera donc pas d’entendre François Alu très applaudi, d’autres danseurs peu vus, moins applaudis, malgré leur rang plus élevé. La salle veut bouleverser les grades par les applaudissements et pourtant, les plus conservateurs d’entre eux craignent l’arrivée de Millepied et sa vague proposition d’enlever un grade au corps de ballet. Toujours impeccablement réglé et très majestueux, ce n’est pourtant pas cela qui me provoque un frisson, mais la révérence d’Aurélie Dupont qui va quitter la scène cette année et le sourire de Mathieu Ganio qui ferme le rang. La scène est illuminée de blancheur, à l’instar de la salle, où les téléphones s’allument pour conserver un souvenir flou d’une tradition figée dans le temps.

On reste dans la tradition avec le ballet de Lander, Etudes. Véritable ode à la danse classique, le corps du ballet de l’Opéra s’y illustre avec brio.  Cela commence à la barre, où seuls les bas de jambe sont dévoilés. Dégagés, pliés, petits battements sur le coup de pied, ballonés, jetés, pas de cheval, rond de jambe, toute la barre classique est impeccablement exécutée, avec des jambes sublimes. Le ballet se compose de petites scènes qui se succèdent, qui montre tous les pas traditionnels de la danse classique. La danseuse est tantôt une femme romantique au tutu long, tantôt une bête de scène enchaînant les pirouettes. Dorothée Gilbert qui tient de le rôle de l’étoile fait honneur à ce titre. Sa danse montre à la fois une technique très solide (quels équilibres!) et un charisme qui capte tout le public. Son regard profond plonge dans ceux des spectateurs et elle semble nous dire « Vous ne pourrez pas faire autrement que de me regarder ». Chez les hommes c’est le sourire de Josua Hoffalt qui nous attire et nous mène à ses bas de jambes si beaux dans tout son travail de batterie. Si le ballet est un véritable marathon technique, il n’est pas tout de même pas d’une grande modernité. Le découpage en scènes est un peu lourd, surtout quand il s’accompagne des applaudissements qui hachent la musique et le bout des arabesques… Les lumières ne sont pas toujours heureuses, surtout quand on est placé de côté.

C’est tout de même, pour sûr, la meilleure définition de l’école française !

Woundwork1 Forsythe

Woundwork 1  était dansé ce soir-là par quatre étoiles. Aurélie Dupont, Hervé Moreau, Laëtitia Pujol et Mathieu Ganio dansent dans ce cube de lumière cette courte pièce de Forsythe. Pourtant, le temps semble s’étaler dans l’espace si grand. Il y a un certaine spiritualité dans la pièce, qui se lit dans les corps des danseurs. Forsythe utilise tout le langage classique mais le rend plus graphique. Les corps sont dessinés avec des jupettes rigides asymétriques. Les jambes des hommes sont légèrement coupées par des caleçons courts. Ayant peu vu le couple Ganio/Pujol pour des raisons d’angle, la pièce ne m’a pas plus émue que la première fois. Forsythe y pose une atmosphère, impose une écriture au tracé subtil, que les quatre interprètes de ce soir ont parfaitement compris.

 

Saluts Forsythe Pas. /Parts Eve et Jérémie

Le petit bijou de la soirée est sans aucun doute Pas./Parts. Ballet écrit pour le ballet de l’Opéra de Paris, Forsythe y déconstruit tout le langage classique vu dans le premier ballet de la soirée. Justaucorps colorés, musique évocatrice et urbaine de Thom Willems, lumières mouvantes, le ballet est lui aussi une succession de petits duos, trios, et autres, mais ne tombe pas dans l’écueil du noir. Les danses sont liées entre elles par l’énergie des interprètes. On oscille entre l’étirement maximal des corps, et la rapidité de petits mouvements fulgurants qui nous explosent aux yeux. Tous les danseurs y sont absolument époustouflants : chacun y révèle une partie de sa personnalité et de son talent. Jérémie Bélingard (enfin sur scène… ) donne une leçon de style, Marie-Agnès Gillot et Laurène Lévy, une démonstration de jambes. C’est avec un grand bonheur que l’on regarde tous ces artistes si virtuoses dans ce très beau ballet. On en redemande encore !

Bilan de la saison 2012 2013

Le temps laisse place aux souvenirs, voilà que je me remets à penser à tout ce que j’ai vu, ce qui m’a touchée, parfois bouleversée, souvent émue et changé mon regard.

Les dix spectacles qui ont retenu mon attention, et auxquels je repense souvent, sont :

  1. Desh d’Akram Khan, vu au Théâtre de la Ville le 29 décembre 2012. Incontestablement celui qui m’a le plus touchée, en alliant la beauté la beauté de la danse et la justesse du propos. La question des origines y est traitée avec beaucoup d’humilité et d’émotion. Relire ma chronique, clic
  2. Medea de Pascal Dusapin, chorégraphie de Sasha Waltz, vu au T.C.E. le 10 novembre 2012. Force, élégance du geste, puissance narrative sur la très belle musique de Dusapin, cette pièce m’a marquée par sa richesse chorégraphique, dont certains passages continuent d’aller et venir dans mon esprit. Relire ma chronique, clic
  3. Kontakthof de Pina Bausch, vu au Théâtre de la Ville les 11 et 21 juin 2013. On se passerait presque de commentaires tant le chef d’œuvre parle de lui-même. Un très grand moment d’émotion, les mots m’ont manqué pour en parler. Non chroniqué.
  4. May B de Maguy Marin, vu au Théâtre du Rond-Point le 1er décembre 2012. Je crois que ce soir là je n’ai pas décollé mon dos de mon siège et mes yeux n’ont pas cligné, tant j’étais absorbée par l’univers beckettien de cette pièce remarquable. Les mouvements et les intentions peignent avec beaucoup de véracité la complexité de la nature humaine. Relire ma chronique, clic
  5. Désordres de Samuel Murez, vu au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison le 8 juin 2013. La belle surprise de l’année. Un spectacle brillant, moderne où la forte théâtralité met toujours en valeur la danse, très virtuose, servie par des interprètes comme on ne les voit nulle part ailleurs. Relire ma chronique, clic
  6. Soirée Forsythe/Brown, vu à l’Opéra de Paris, les 3 et 31 décembre 2013. Meilleur programme pour moi de la saison à l’Opéra, j’en garde un excellent souvenir. Le très beau Pas./Parts emportait définitivement le public, avec des danseurs très engagés et lumineux. Aurélia Bellet signait quant à elle une belle performance dans In the middle. Je n’ai pas encore enlevé la musique de Thom Willem dans mon ipod. Relire ma chronique, clic
  7. Soirée Roland Petit, vu à l’Opéra de Paris, vu les 26 et 27 mars 2013. La danse narrative et sensuelle de Roland Petit me fascine. Revoir Carmen était un vrai délice, la nomination d’Eleonora Abbagnato, la cerise sur le gâteau. Le genre de soirée dont je ne saurais me lasser. Relire ma chronique, clic
  8. Brilliant Corners d’Emanuel Gat, vu au Théâtre de la Ville le 6 avril 2013. Très belle chorégraphie, dans cette pièce les corps s’emmêlaient et se démêlaient. Un véritable kaléidoscope. L’exigence et la lisibilité de l’écriture rappellent qu’Emanuel Gat fait partie des chorégraphes inventifs et modernes. Non chroniqué.
  9. Elena’s Aria d’Anne Teresa de Keersmaeker, vu au Théâtre de la Ville le 15 mai 2013. Le silence que sait imposer la chorégraphe belge m’a amené dans une lente contemplation. Une phrase, rien qu’une phrase, qui se construit à travers un dédale de chaises. Une épreuve pour certains, un ravissement pour d’autres. Relire ma chronique, clic
  10. Hasta Donde de Sharon Fridman, vu le 21 novembre 2012 au Silencio. Petite madeleine, qui me fait immédiatement remonter les émotions en tête. Le lieu, l’ambiance, la danse, la fluidité des corps, une soirée remarquable avec A***. Non chroniqué.

Akram Khan Desh

Pour mes grosses déceptions, je dirai dans le désordre, Ballet am Rhein vu au théâtre de la Ville, Israël Galvan (je n’aime toujours pas le flamenco…), le Gala Noureev à l’Opéra de Paris, et Tabac Rouge de James Thiérrée dont j’attendais sans doute trop.

Côté théâtre et « autres spectacles » mes coups de cœur de la saison vont à Nouveau Roman de Christophe Honoré (vu le 24 novembre au théâtre de la Colline), Grandeur et misère du IIIème Reich par le Berliner Ensemble (vu le 25 septembre au Théâtre de la Ville), Fin de partie, mise en scène d’Alain Françon (vu au Théâtre de l’Odéon le 16 janvier 2013), Mahabharata, vu au musée du Quai Branly le 8 février 2013.

Et vous, après ce bel été, que retenez-vous de la saison dernière ?

L.A. Dance Project de Benjamin Millepied

De passage pour quelques jours à la capitale, Benjamin Millepied a eu l’occasion de montrer sa jeune compagnie, ses créations ainsi que ses choix de répertoire. L’occasion pour le public de fantasmer sur son travail futur à l’Opéra de Paris. Ne faisons pas un bond en avant dans le temps et revenons sur la soirée du 24 mai.

La soirée s’ouvrait avec Reflections une pièce de Benjamin Millepied pour 5 danseurs. Si les quinze premières minutes ne sont pas désagréables, on tombe assez rapidement dans l’ennui. Certes, on sent bien les formes et les matières que le chorégraphe a voulu explorer. De là à le faire pendant 40 minutes, on en a perdu de l’émotion en route. Il nous perd dans des courses qui n’en finissent pas. Quand le panneau GO apparaît, (mais pourquoi cette scénographie ????) on aurait presque envie d’obéir et de quitter la salle. On se rappelle alors qu’après il y a un Cunningham et le merveilleux Quintett de Forsythe, qu’on ne manquerait sous aucun prétexte. On se met donc, nous aussi spectateur à explorer et décortiquer les intentions, les effets, à défaut que cela ne provoque un quelconque effet en nous. La pièce permet d’observer les cinq danseurs, très beaux, à la technique assez remarquable.

 

Reflections (c) Marie-Noëlle Robert

 

D’autres spectateurs ont sans doute eu le même besoin que moi de quitter la salle pendant le Cunningham. Je reconnais qu’au delà du 10 rang, on ne devait pas distinguer grand chose de cette pièce qui n’est éclairée que par des phares de voitures et quelques lampes torches de mauvaise qualité. Rajoutez à cela des bruits urbains en guise de musique, certains spectateurs s’agitaient drôlement sur leurs fauteuils. Pourtant, la chorégraphie de la pièce est absolument captivante et si on ne la lâche pas, elle devient obsédante, comme souvent chez Cunningham. La danse fait sens presque à elle seule, dans un enchaînement de pas très dessinés dans un espace qui brouille le regard du spectateur. Les traits noirs dessinés dans l’espace par les corps deviennent lumineux. Ils chutent au sol de façon successive, se relèvent à chaque fois d’une façon qui semble différent. Le tout crée une mélodie chorégraphique très mélodieuse en opposition à la musique si cacophonique.

winterbranch (c) Ryan Schude

Le bijou de la soirée reste Quintett remarquablement exécuté par les cinq danseurs de la compagnie. La pièce est une succession de solos, duos, trios sur la très obsedante musique de Gavin Bryars. La délicatesse des portés, les pas à la fois virtuoses dans leur exécution et si dans leur intention, tout concorde à mener le public vers l’attendrissement et l’émotion. Si la pièce a été créée suite à un décès, elle évoque de multiples sentiments ; la peur, le doute, la fragilité humaine mais aussi l’espoir. On ne ressent jamais la fatalité car tout est calme il n’y a rien de précipité. Les interprètes affichent toujours un sourire serein.

Quintett (c) Marie-Noële Robert

Une belle compagnie, des choix de pièces pertinents, Benjamin Millepied pose le décor pour sa future venue à la tête de l’Opéra de Paris. Espérons que le public lui laisse du temps pour mettre en place des choses intéressantes comme celles qu’on a vues ce soir.

Représentation du vendredi 24 mai 2013, avec Charlie Hodges, Nathan B. Makolandra, Rachelle Rafailedes, Julia Eichten, Morgan Lugo.

Nouvelles de Noël

Me voilà enfin en vacances, je vais pouvoir mettre ces jours de repos à profit et vous raconter (enfin oserai-je dire) les quelques spectacles que je n’ai pas encore chroniqués.

La semaine dernière fut rude, je suis tout même allée danser parce que même fatiguée, la danse c’est essentiel ! J’ai vu un Don Quichotte à défaut de deux, mais j’ai passé une excellente soirée. Vincent Chaillet fut un Basilio élégant, accompagné d’une Muriel Zusperreguy charmante. Le couple avait une belle complicité et semblait prendre beaucoup de plaisir à danser ce ballet. Ils danseront encore ensemble cette semaine allez les découvrir, c’est une interprétation bien différente, d’autant qu’ils ont été coachés par Monique Loudières.

J’ai aussi passé une soirée éblouissante et émouvante devant le NDT en live jeudi soir. Trois chorégraphies de Paul Lightfoot et Sol Leon. Trois styles avec une même ligne chorégraphique, trois pièces, complètement différentes. De l’humour, plein d’émotions, une danse parfaite, des lumières à tomber par terre, des artistes magnifiques. Ne manquez pas la soirée du 7 février ! Pour relire ma chronique, clic.

Cette semaine, il ne faut pas remplir que les ventres, prenez-en pleins les yeux et les oreilles, il y a plein de choses à voir ! J’espère que le père Noël vous gâtera.

  • Les sorties de la semaine

Ceux qui pensaient voir Svetlana Zakharova les 24 et 26 décembre ont de quoi être déçus, la belle russe ne viendra finalement pas danser Don Quichotte. C’est Ludmila Pagliero et Karl Paquette qui danseront deux fois de nouveau le ballet. Allister Madin en chef gitan, Laura Hecquet en reine des dryades. Suite de la distribution, clic.

Vincent Chaillet dans Don Quichotte

La soirée Forsythe Brown se joue toujours à Garnier. Pour ma part j’y retourne le 31.
Si vous souhaitez y aller, infos et réservations, clic.

Akram Kahn a beaucoup séduit Elendae qui en a fait part sur son compte twitter, clic. Je découvrirai ce spectacle samedi soir pour ma part.

Plan B d’Aurélien Bory se joue au Théâtre du Rond-Point. J’avais découvert ce metteur en scène de cirque à la Villette en début de saison dans un spectacle prometteur, clic. Dans ce spectacle, Aurélien Bory explore les désirs de l’homme de transformation de sa physicalité. Un monde comme dans Matrix bientôt possible ?
Plus d’infos et réservations, clic.

  • Les émissions de Noël

Quand la danse n’est pas diffusée après minuit, elle l’est un peu pendant les fêtes. Mercredi 26 décembre, soirée 100% danse sur France 2.

On commence avec un téléfilm, Fais danser la poussière, de Christian Faure. Ce film raconte l’histoire de Maya, une enfant métisse, qui n’a jamais connu son père, et qui se retrouve un peu perdue dans une famille recomposée. Elle décide de s’investir dans sa passion à fond, la danse. Elle intègre une compagnie de ballet à New-York. Ce téléfilm raconte à sa manière l’histoire de Maya Dô, danseuse chez Alvin Ailey. La réalisation est bonne d’après plusieurs critique.

Fais danser la poussière Copyright photo Tatiana Seguin

La soirée se poursuit avec Une vie, un destin, consacré à Rudolf Noureev. L’émission de Laurent Delahousse brosse le portrait de la légende de la danse. On n’apprendra pas grand chose si on a déjà lu plusieurs ouvrages sur Noureev, mais c’est toujours bien de voir des images du beau russe.

Rudolf Noureev le prince russe

Pour finir, La danse à tout prix, est un documentaire qui a suivi quatre danseurs. François Alu, Léonore Baulac, Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau. L’équipe a suivi ces quatre danseurs jusqu’au concours, où chacun doit se dépasser.

  • En vrac

Plus qu’un jour pour faire les courses de Noël, si vous n’avez pas d’idées faites donc un tour à la Galerie de l’Opéra de Paris. Vous y serez très bien conseillé. J’ai eu récemment le DVD La danse au travail, pour les passionnés de danse, c’est un cadeau parfait… Guillem, Forsythe… vous serez comblé !

A lire, un article d’Ariane Bavelier, Les bienfaits du Tsar Noureev, clic. Une bonne lecture avant de voir le documentaire sur France 2 mercredi soir.

Revoir pendant 7 jours Cendrillon de Joël Pommerat sur Arte +7, clic. Relire ma chronique, clic.

Revoir l’émission sur les ballets de Monte-Carlo diffusée sur France 3 samedi soir, clic.

  • La vidéo de la semaine

Superbe Dorothée Gilbert, si vous l’avez raté comme moi, consolez vous…Voilà une Kitri qui envoie à fond dès le premier acte .

Soirée Forsythe Brown

Si il y a une chose que j’aime dans la danse de William Forsythe, c’est sa capacité à dessiner des formes dans l’espace, avec un questionnement toujours passionnant sur le corps du danseur.  Ainsi devant ses ballets, tout un tableau se remplit de cercles, lignes et polygones en tout genre. Les traits sont plus ou moins épais, ils se tirent, se dessinent avec les différents matériaux que le corps peut offrir. Elastiques, fusain, ou la plume d’un stylo, la palette graphique de Forsythe semble sans limite.

Vincent Chaillet In The Midlle Somewhat was elevated William Forstyhe photo de Julien Benhamou

La musique de Thom Willem a les mêmes couleurs que la danse. Crée pour les pièces la plupart du temps, mais sans lien comme chez Cunnigham, l’univers sonore du compositeur anglais donne à voir des formes musicales diverses et toujours nouvelles. Eclairs, grincements, suspension métallique, un monde se construit qui prend une forme physique lui aussi dans l’espace. La danse et la musique fusionnent sur le corps des danseurs.

J’ai vu deux fois la même distribution lors de la générale et de la première. Les deux fois j’ai vécu les mêmes émotions face à cette soirée qui m’a enchantée.

In the middle est le « diamant brut » de Forsythe. Chef d’oeuvre crée en 1987 avec Guillem/Hilaire/Legris, il fait aussi partie du ballet Impressing the Czar. Il faut absolument oublier cela pour rentrer dans la version de 2012. C’est ce que souhaite le maître américain, c’est ce qu’il a demandé à ses interprètes. On recommence et on se réapproprie l’oeuvre, l’imitation n’étant jamais bonne. Attention les yeux, Aurélia Bellet est sublime dans cette pièce et il ne faut pas la manquer. Son pas de deux avec Vincent Chaillet est envoutant, elle est fascinante. Chaillet montre tous ses talents. Cette danse terriblement sensuelle met en valeur les corps des hommes, avec ces lignes très précises dans les jambes tandis que les dos se courbent. Le passage où Chaillet est en 4ème position fondu sur la jambe de derrière, le dos dans l’alignement, puis qui d’un coup se courbe est très euphorisant. Cela vous prend au ventre comme la musique qui se gonfle d’un son qui semble venir de loin. Les danseurs marchent comme des automates, ils encadrent la scène avant d’entrer et de sortir. Ce pièce faite d’un thème, l’excellence technique qui joue avec la gravité, se décline en solo, duo, trio, que les danseurs de l’Opéra exécutent avec un investissement rare, si bien qu’on a eu l’imrpession de ne voir qu’un éclair parfaitement dessiné dans le ciel. Magique !

Soirée Forsythe Brown copyright photo Anne Deniau

Au milieu des pièces de Forsythe, on a eu la bonne idée de remettre ce petit bijou d’O Zlozony O composite de Trisha Brown. Contraste complet. Fond de scène étoilé, bienvenue dans le rêve de Trisha Brown. La danse est comme en apesanteur, faite de courbe qui s’enchaînent et s’entrelacent sans heurs. La pièce a encore gagné en épaisseur et je l’apprécie encore plus qu’il y a trois ans. Ce poème polonais offre à vos oreilles un voyage dans le surnaturel. Chaque séquence de la pièce donne à voir des qualités de mouvements différentes et pourtant il y a une continuité dans le langage proposé.  Le tout dansé magnifiquement par Le Riche Dupont et Bélingard… Cela ne vous suffit-il pas pour partir dans la troisième dimension ?

Jérémie Bélingard dans O Zlozony O Composite de Trisha Brown Merci Agathe Poupeny pour cette belle photo !

 

Univers beaucoup plus solaire avec Woundworks 1 qui ne m’a pas trop emballée. Il y a un aspect frustrant qui fait qu’un a du mal à voir en même temps les deux couples et on a la sensation de rater quelque chose.  Quand votre regard se pose sur l’un, difficile d’aller vers l’autre. Il y a très peu de pauses dans le mouvement et on reste bloqué. Les deux soirs, je n’ai pas décroché mon regard du couple Le Riche /Ciaravola. Le dos de Nicolas Le Riche, les jambes d’Isabelle Ciaravola, cela suffirait presque devant une pièce qui vous laisse quelque peu sur votre faim.

Pas. /Parts de William Forsythe copyright photo Agathe Poupeney

La soirée se termine en beauté avec Pas. / Parts. Comme dans Woundworks 1, le décor se compose simplement de rideaux de mousseline sur lesquels on peut changer les éclairages et créer des ambiances différentes. Alors là tout m’a plu ! Le solo de Sabrina Mallem, le duo Bélingard/Abbagnato, le duo court mais intense et viril de Bélingard / Bézard (si vous êtes cardiaque, évitez….), le solo d’Aurélien Houette, toujours aussi bon dans tout ce qu’il touche, la légèreté puissante de Bertaud, les jambes de Gillot qui défie sans cesse les lois de la gravité et ce chachacha qui vous donne envie de vous lever de votre siège et de de danser !

NB : même au 5ème rang de parterre, il vaut mieux être côté jardin.

Distribution des 30 novembre et 3 décembre 2012

IN THE MIDDLE SOMEWHAT ELEVATED

Aurélia BelletAlice RenavandValentine ColasanteLaurène LévyEléonore Guérineau,Charlotte Ranson
Vincent ChailletMarc MoreauDaniel Stokes
O ZLOZONY O COMPOSITE
Aurélie Dupont
Nicolas Le RicheJérémie Bélingard
WOUNDWORKS 1
Agnès LetestuIsabelle Ciaravola
Nicolas Le RicheHervé Moreau
PAS./ PARTS.
Marie-Agnès GillotNolwenn DanielEleonora AbbagnatoSabrina MallemValentine ColasanteJuliette HilaireCaroline RobertCaroline Bance
Jérémie BélingardAudric BezardAurélien HouetteChristophe DuquenneSébastien BertaudCyril Mitilian