Vincent Chaillet

Soirée Birgit Cullberg / Agnès de Mille

L’Opéra de Paris présente sa deuxième soirée mixte avec un programme 100% féminin. Féminin par ses chorégraphes, Birgit Cullberg, la Suédoise, et Agnès de Mille, l’Américaine ; féminin par ses héroïnes – Lizzie Borden et Mlle Julie ; féminin dans son aspect politique, de ce que ces pièces disent de la difficulté d’acquérir sa liberté quand on est femme. Du 21 février au 13 mars, deux ballets des années 50, Fall River Legend, et Mlle Julie, sont à voir au Palais Garnier. Retour sur la première de cette série, le 21 février.

Fall River Legend, d’Agnès de Mille, avec Alice Renavand, Vincent Chaillet, Stéphanie Romberg, Laurence Laffon, Christophe Duquenne, Léonore Baulac et Sébastien Bertaud.

Alice Renavand Agathe Poupeney

Cette pièce est inspirée d’un fait réel, l’affaire judiciaire de Lizzie Borden. La jeune femme a été accusée du double meurtre à la hache de ses parents. La pièce d’Agnès de Mille nous plonge donc dans cet univers immédiatement. Les premières notes de la partition sont stridentes et le drame se dessine déjà. La pièce s’ouvre sur procès où le porte parole rend compte des faits. Sébastien Bertaud donne de la voix pour énoncer très distinctement « Les jurés se sont rendus…. ». On a tout de suite l’impression d’être dans un film américain. Alice Renavand joue le rôle de l’Accusée. A son procès, elle est soutenue par le Pasteur incarné par Vincent Chaillet. Le personnage va être replongé dans son enfance. L’Accusée jeune, jouée par Léonore Baulac, est une petite brune aux jupons blancs. On reconnait à peine la jeune femme sous ces traits de fillette, mais la pétillance de sa danse transparait. L’Accusée revit la scène avec son double enfant. C’est bien construit. Renavand campe une jeune femme déjà assez en colère ou dans une certaine inquiétude. Elle est à ce moment comme une voix off qui vient apporter l’émotion d’une scène qui serait filmée de façon très objective. La rage contre cette belle-mère, qui remplace une mère douce et aimante – Agnès de Mille continue d’apporter au mythe de la marâtre – se lit aisément dans la chorégraphie et dans le langage de l’Accusée : les chevilles tournent, la main va au ventre ou au plexus, les contractions du ventre se répètent.

La danse est très lisible, avec des expressions du visage très marquées. La trame narrative est ainsi très bien construite. Le rire à gorge déployée de l’Accusée quand ces parents prennent peur la voyant la hache à la main, les regards marqués, les gestes très dessinés, à la manière d’un film muet, tout cela contribue à une narration formidable. On suit l’intrigue avec un certain suspense. Alice Renavand porte le personnage avec une grande force, sans jamais perdre ses belles qualités techniques, comme on peut le voir dans le duo avec sa mère, après le meurtre. On la fait passer pour folle. Elle est une femme en dehors du monde, dont l’enfance s’est terminée trop brutalement. Elle ne connaît rien du monde, on l’empêche de vivre l’amour, elle est une femme recluse qui veut gagner un peu de liberté. De cette envie de liberté naît une rage, un désir fou, où Tathanos prend le dessus sur Eros. La mort comme une libération à une existence qui n’en a pas ? Une façon de rejoindre une mère tant aimée ? Ce sentiment de colère qui naît chez le personnage de l’Accusée, prend forme dans une danse circulaire où le groupe de villageois tournent et dansent autour d’une femme qui ne fait pas partie de cette ronde.

La chorégraphie m’a fait penser aux comédies musicales américaines – West Side Story évidemment. L’église américaine avec son pasteur – dansé par Vincent Chaillet au port de tête noble –  et les danses de groupe, notamment la prière, m’ont plongé dans une Amérique que l’on voit dans les vieux films. Rien d’étonnant quand on sait qu’Agnès de Mille était d’une famille de cinéastes. Les toiles peintes montrent des ciels de couleur qui reflètent l’âme du personnage principal. On pense aux grand studios d’Hollywood, où tout est complètement articifiel, y compris les ciels. La musique et son côté jazzy m’ont fait pensé à Berstein, à Gershwin, à ces musiques qui savent nous raconter quelque chose avec une mélodie rebondissante. Les pas s’y calent en contretemps, les hanches se décalent parfois, avec une belle subtilité.

On sort de la pièce comme à la fin de film à suspense. Agnès de Mille a fait le choix de faire condamner son héroïne à la mort, alors que Lizzie Borden avait été acquitté. Vidée, Alice Renavand a porté ce personnage avec brio pendant 50 minutes et la robe blanche tachée de sang, elle livre au public une dernière émotion, la sienne cette fois.

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Mlle Julie, de Birgit Cullberg, avec Aurélie Dupont, Nicolas Le Riche, Amélie Lamoureux, Alessio Carbone, Michaël Denard, Aurélien Houette, Takeru Coste, Charlotte Ranson, Andrey Klemm, Jean-Christophe Guerri, Richard Wilk.

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 » Un valet est un valet
– Et une putain est une putain »

Strindberg, Mlle Julie, 1888.

Mlle Julie, est à l’origine, une pièce de théâtre naturaliste de l’auteur suédois August Strindberg. Elle raconte comment, un soir de la Saint Jean, Mlle Julie, jeune aristocrate va séduire son valet Jean, jusqu’à passer la nuit avec lui, au dépend de Krisitin, cuisinière et fiancée de Jean. Julie regrettera son geste et se suicidera à l’aube. L’adaptation de Birgit Cullberg ajoute quelques personnages et rompt avec l’unité de lieu. Tout d’abord, Julie apparaît revenant de la chasse, devant son père et un jeune prétendant, interprété par Alessio Carbone. Des villageois deviennent des personnages à part entière, dont la personnalité définit la danse. Quatre scènes au lieu d’un lieu, Cullberg montre ensuite ce qui est caché, à savoir la fête de la Saint Jean. Elle nous fait enfin partager les questionnements coupables de Mlle Julie dans une danse au milieu de ses aïeux qui la mènent au suicide.

En regardant la pièce, on pense à de nombreux autres ballets. Ceux de Mats Ek évidemment, notamment Giselle, avec le langage chorégraphique des paysans, et la danse de Kristin quand elle est seule dans la cuisine. La maison de Bernarda est aussi en résonance dans la pièce, avec les trois vieilles du village à la fête de la Saint Jean. Un autre chorégraphe contemporain de l’époque de ce ballet apparaît comme un fantôme, c’est Roland Petit. Carmen n’est pas loin, on le voit dans les costumes, dans les scènes de séduction, où les hanches s’ouvrent érotiquement.

Ce ballet est bien construit. La trame narrative est, là aussi, très lisible. Les personnages sont aussi complexes que dans la pièce. Mlle Julie apparaît très hautaine, froide, autoritaire. Aurélie Dupont campe à merveille cette noblesse, dans une tenue de cavalière très seyante. Dominatrice, de par son rang et sa personnalité, elle ne ménage pas son fiancé, qui la fuit, ne supportant pas le combat homme-femme qu’elle lui impose. Mlle Julie c’est une femme seule. Cette solitude va la pousser à aller danser avec ses serviteurs à la fête de la Saint Jean. Son serviteur, Jean, incarné par le sublime Nicolas Le Riche, est un serviteur obéissant. Jambes serrées, tête baissée, les bras le long du corps, respectant son rang de domestique. Il est attaché à ce dernier, aux principes de classe. On le voit bien dans la scène où il se moque de Julie devant Kristin. Il se joue de cette femme qui est sortie de son rang. Aurélie Dupont montre une femme fragile à la carapace faussement solide. Elle passe par de nombreux états.

« C’est toujours avec de belles paroles qu’on attrape les femmes »

La scène centrale du ballet est à mon sens celle de la séduction après la fête de la Saint Jean. Le désir est la domination de l’autre sont les deux éléments centraux qui vont faire basculer Julie dans une situation irréversible. Elle se laisse séduire par le beau jeune homme, tout en essayant de conserver son rang. D’une Julie froide, Aurélie Dupont montre un tout autre visage dans cette scène. Elle est outrageusement sensuelle, provocante, presque vulgaire. Jean en profite, tant qu’il peut, revenant parfois à la raison. Nicolas Le Riche est brillant, tellement, que parfois, il en écrase le jeu de sa partenaire. Sauts vertigineux, jeu impeccable, arabesques majestueuses, sa danse est superbe. On n’a d’yeux que pour lui. La domination de l’homme prend le dessus, et Julie est prise au piège. Le jeu de maître/valet est allé trop loin, il ne reste que la mort comme solution.

« Tu me reproches d’être grossier ? Jamais je n’ai vu une des nôtres se conduire comme tu t’es conduite cette nuit. « 

 Le ballet m’a beaucoup plu, d’autant que c’est une pièce que j’apprécie et dont j’ai vu de nombreuses versions. J’ai trouvé cette version chorégraphiée très juste, très proche de l’écriture de Strindberg. La tension dramatique monte bien, les danseurs sont merveilleux. Une belle soirée.

Saluts Mlle Julie Aurélie Dupont Nicolas Le Riche  © IKAubert

Nouvelles de 2013 n°8

L’actualité de la semaine danse a beaucoup tourné autour du gala Noureev quelque peu décevant organisé par l’Opéra de Paris. On retiendra donc les beaux moments offerts par Mathias Heymann, Nicolas Le Riche et Laëtitia Pujol. A relire donc, si vous l’avez ratée, ma chronique sur cette soirée, clic. Mais aussi :
Laura Capelle, FT, Homage to Rudolf Nureyev, clic
Le JDD, Une hommade ému à Noureev, clic
Culturebox, Une pluie d’étoiles dansent en souvenir de Noureev, clic
Les Balletonautes, par Fenella, clic, en anglais, et Un enterrement de 2e classe, clic
Danses avec la plume, Un hommage à Noureev sans panache, clic
A petits pas, Retour en images, clic
Une saison à l’opéra, clic

Noureev le jour d'une répétition de Manfred

J’ai aussi fait un gros rattrapage cinéma depuis 15 jours.  J’ai vu Amour d’Haneke, deux fois, c’est un chef d’œuvre, si vous ne l’avez pas vu, foncez. C’est beau, tout en retenue, admirablement filmé, écrit, joué, du grand cinéma en somme. Dans un tout autre genre, j’allais au cinéma des cinéastes voir Wajda, arrivés trop tard, F*** et moi nous sommes repliés sur  Blancanieves, du réalisateur Pablo Berger (bande annonce, clic). Le film raconte dans une Espagne des années 20, le conte de Blanche-Neige. C’est un film en noir et blanc, à l’ancienne, avec des cartons. Le film oscille entre des purs moments de génie, par la beauté des images et des plans, et des faiblesses de scénario. Les actrices sont sublimes, les scènes de corrida aussi. On en ressort avec de très belles images, mais un sentiment mitigé. Encore un genre complètement différent, j’ai vu Zero Dark Thirty que j’ai adoré (bande annonce, clic). Jessica Chastain tient le film avec une performance formidable. Le scénario nous tient en haleine, c’est bien mené, bien écrit.

J’étais à Marseille en fin de semaine, j’ai fait un tour au Pavillon M, structure éphémère pendant l’année européenne de la culture 2013, qui est censé être une vitrine du programme proposé. J’ai été quelque peu perdue dans une structure où le chemin n’est pas bien construit. Au final, comme sur leur site internet, je suis sortie en ne sachant pas quoi faire. Pas de découpage par discipline, pas de carte lisible des lieux, bref, pour le touriste, on sort sans information réelle. Le plus clair étant encore le guide de 362 pages, à feuilleter en pdf, ici. J’espère pouvoir un peu plus explorer la prochaine fois, les installations proposées. Il faudra voir le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerrannée dès qu’il ouvrira.

Cette semaine, je fais escale à Bruxelles. J’y étais allée lors d’un week-end proposé par l’Arop (relire ma chronique, clic). J’avais été un peu frustrée après deux jours, c’est pourquoi j’ai décidé de remettre pour une semaine. Après le soleil du sud, voilà la neige de Bruxelles ! Je prévois de belles visites de musée !

  • Les sorties de la semaine

A ne pas manquer au Théâtre des Champs-Elysées, le Eifman Ballet qui vient avec Rodin et son Eternelle Idole qui est un ballet en 2 actes. Eifman a un certain talent pour raconter des destins. Son Anna Karénine était très réussie, et saluée par la critique. Il raconte la relation entre les deux sculpteurs, Rodin et Claudel. Par la danse, il raconte l’amour et la passion des deux artistes, leurs tourments, leur amour et leur haine.
Plus d’infos et réservations, clic

Eifman Ballet danse Rodin © Mikael Khoury

A partir de vendredi, commence la soirée Roland Petit à Garnier. On y verra trois pièces, Le Rendez-Vous, Le Loup et Carmen. Ces trois pièces narratives sont trois petits chefs-d’œuvre. Dans chaque pièce, la femme est associée à la mort. Charmeuse, elle attire l’homme dans ses filets. La danse de Roland Petit est exigeante, nécessite un investissement entier. Avec des livrets signés Prévert, Mérimée, ou Anouilh, Roland Petit propose une danse narrative, simple et belle.
Côté distributions, on verra de beaux partenariats. Les distributions date par date, sont sur le site de l’Opéra, clic.
Plus d’infos et réservations, clic

Carmen avec Nicolas Le Riche et Eleonora Abbagnato

  •  La beauté de la semaine : Sarah Kora Dayanova

Sarah Kora Dayanova photographiée par Julien Benhamou

  • En vrac

Les réservations pour le Gala Noureev & Friends les 31 mai et 1er juin ouvrent aujourd’hui au Palais des Congrès. Pour réserver, clic.

Gala-Noureevfriends

Les réservations pour les Etés de la danse sont ouvertes, clic

Les étés de la danse

 Marie-Agnès Gillot et Vincent Chaillet ont fait une petite performance privée pour le lancement du CR Fashion Book de Carine Roitfeld. Des photos sont à voir ici.

A lire, une interview d’Aurélie Dupont dans le JDD : son rôle dans Carmen, la venue de Millepied à l’Opéra, sa retraite.

  • La vidéo de la semaine

Hommage à Noureev, quoi de mieux que de le regarder danser.

Gala Noureev à l’Opéra de Paris

Un gala  Noureev était sans doute la façon la plus simple de lui rendre hommage même si la chose n’était facile. Peu des danseurs présents sur scène ont travaillé avec Noureev, ni même connu le grand maître. La transmission par la génération Hilaire Legris est certes efficace, mais on entend souvent dire, que depuis qu’il n’est plus là, les ballets ne sont plus aussi bien dansés ou dansés différemment. Je suis de celle qui pense que la danse évolue, que les techniques changent et que les ballets se transforment, que les interprètes se les approprient et que la danse n’est pas un art figé dans le temps.

Saluts Gala Noureev

Difficile cependant de rendre hommage à Noureev. Quoi de mieux que de montrer ses chorégraphies. On a donc vu les pas de deux des grands ballets classiques qu’il a remontés pour l’Opéra de Paris. On regrettera le peu de variations masculines, les garçons étaient un peu délaissés dans les choix faits pour ce gala, ce qui est dommage, dans un programme où l’on rend hommage à un danseur comme l’était Noureev. On comprendra aisément le choix du troisième acte de la Bayadère, mais pourquoi ne pas l’avoir dansé en entier ? De même pour Don Quichotte, on aurait pu se fendre d’un acte entier, ce n’est pas comme si les danseurs ne l’avaient pas les jambes.

Nicolas Le Riche et Laëtitia Pujol dans Roméo et Juliette

La soirée a commencé par un hommage en photos, pendant que l’orchestre jouait l’ouverture du Lac des cygnes. Du gala, on retiendra surtout le très joli duo Nicolas Le Riche et Laëtitia Pujol dans Roméo et Juliette. Elle m’avait déjà bouleversée il y a 3 ans(relire ma chronique, clic). C’est une pure technicienne, qui ne laisse rien au hasard. Les talons sont toujours bien posés, l’en dehors est exemplaire, le déroulement des pieds pour monter et descendre de pointe est élégant. Ce qui est remarquable ce sont ses qualités de comédienne. Elle se transforme en une charmante Juliette de 14 ans, adorable et follement amoureuse. Elle joue à merveille l’émoi du premier baiser. Il faut dire qu’elle a avec elle un partenaire à sa hauteur. Le Riche est toujours surprenant, même en le savant à l’avance. Comme pour elle, un joli travail technique, avec une série de saut en l’air très réussis. C’est surtout son visage qui a accroché le spectateur et cette sensation de rajeunissement. Son air de jeune minot, son sourire angélique, un vrai gamin dansait sur scène hier soir, avec beaucoup de pureté. C’est le seul moment de la soirée où l’on a réussi à se plonger dans l’esprit du ballet. Les applaudissements s’en sont ressentis et les bravos ont été nombreux.

Mathias Heymann dans Manfred 2

L’autre moment fort de la soirée fut le solo de Mathias Heymann. Il dansait Manfred, ballet moins connu que les grands classiques, donné la dernière fois en 1986, qui est inspiré d’une pièce de Lord Byron. Le jeune homme faisait son retour sur scène, après une très longue blessure (relire l’article d’Ariane Bavelier, clic). Danse pleine d’émotions avec beaucoup d’investissement, le public a acclamé le jeune homme qui en était ému aux larmes. Il était grand temps qu’il revienne !

Bayadère acte des ombres

J’ai apprécié de voir danser les petits rats dans Casse-Noisette, qui étaient tous à la hauteur et peuvent faire la fierté de leur directrice. Les équilibres d’Aurélie Dupont dans l’adage à la rose ont aussi beaucoup plu au public, même si je l’ai trouvée un peu effacée. Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio étaient très bien, mais sans décor, Garnier parait bien vide. Il manquait un soupçon de piquant dans tout cela. Marie-Agnès Gillot a fait une belle Cendrillon, avec beaucoup de charisme, comme à son habitude.
Dans son discours « post-spectacle », Brigitte Lefèvre a dit que Noureev détestait les hommages, en le citant « Hommage, fromage, dommage ». J’ai trouvé pour ma part que la soirée manquait de grandiose et de magie et cela, oui c’était dommage.

Mille mercis à JMC pour la place.

Casse-Noisette avec Myriam Ould-Braham et Christophe Duquenne et les élèves de l’école de danse.
La Belle au bois dormant (Adage à la rose) avec Aurélie Dupont avec Vincent Chaillet, Stéphane Phavorin, Yann Saïz et Audric Bézard.
Cendrillon avec Marie-Agnès Gillot et Florian Magnenet
Don Quichotte (Fandango) Eve Grinsztajn et Vincent Chaillet et le corps de ballet
Don Quichotte avec Ludmila Pagliero et Karl Paquette
Raymonda (Variation de la claque) avec Isabelle Ciaravola
Le Lac des cygnes (Cygne blanc) avec Emilie Cozette et Hervé Moreau, voir la vidéo, clic
Le Lac des cygnes ( Cygne noir) avec Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio et Benjamin Pech, voir la vidéo, clic
Le pas de deux de Roméo et Juliette  avec Lætitia Pujol et Nicolas Le Riche voir la vidéo, clic
Manfred  avec Mathias Heymann voir la vidéo, clic
La Bayadère (les Ombres) Agnès Letestu et Stéphane Bullion et le corps de ballet, voir la vidéo, clic

Kaguyahime, première avec Alice Renavand

Le ballet de Kylian inspiré du conte Japonais de la princesse Kaguyahimé m’avait fait une forte impression quand il avait été présenté à Bastille il y a trois ans. A Garnier, le ballet a pris une âme plus particulière, car il se déploie avec beaucoup plus de beauté dans ce lieu. Après avoir vu la séance de travail, retour sur la première du spectacle.

Kaguyahimé photographie d'Agathe Poupeney

Ce qui fut génial à Garnier, c’est le son des tambours qui résonnait dans toute la salle. Dès le début, les bâtons de pluie, les fracas métalliques, on se plonge dans la dualité du monde terrestre et du monde lunaire de la princesse. C’est le ballet des balançoires, qui laisse entrevoir au fond sur une plate-forme un ombre de lumière. Alice Renavand est d’emblée lumineuse. Le halo blanc s’agrandit, les cinq hommes traversent la scène au ralenti. Le ballet joue avec les contrastes de suspension et d’accélération, entre le monde des hommes et celui de la Lune, le monde occidental et le monde japonais, entre la danse et la musique. La musique siffle pour annoncer l’arrivée sur terre. Les danseurs sont tous sur-investis par cette chorégraphie qui semble les transporter. Vincent Chaillet est puissant et généreux dans sa danse. Il montre de nouveaux de belles qualités avec des arabesques et un dos solide qui emmène le reste du corps. Adrien Couvez est impressionnant par sa façon d’entrer dans le sol et dans l’air. Il déploie une énergie incroyable. Yvon Demol et Alessio Carbone sont eux aussi très engagés dans leurs solos (j’aurai bien aimé revoir Jérémie Bélingard vu en séance de travail qui était lui aussi très beau dans ce répertoire), Aurélien Houette maîtrise à la perfection le sujet, c’est un reptile dansant, il rampe dans l’air, et se saisit de Kaguyahimé impassible.

Les marches sont l’autre force de ce ballet. Elles sont très marquées dans le sol. Chez Kylian, ce sont souvent les pas les plus simples qui sont déclinés à l’infini avec une intelligence dans la construction du ballet. Et si Kaguyahimé n’est pas son ballet le plus déroutant en terme de chorégraphie, il est remarquablement construit.

Allister Madin dans Kaguyahimé de Jiri Kylian photographie de Julien Benhamou

Les passages avec les villageoises accélèrent le rythme. Laurène Lévy est radieuse, c’est un vrai plaisir de voir cette ballerine s’épanouir dans ces langages contemporains (dans Forsythe, elle avait déjà un charisme incroyable). L’affrontement entre villageois et citadins vous prend au vif, vous colle au fond du siège. C’est frénétique. L’espace semble immense, on a du mal à tout voir, cela bouge, les musiciens s’affrontent eux aussi, blancs contre noirs, tout cela pète comme de l’orage, quand le rideau noir s’abaisse, comme si Kaguyahimé en avait assez vu de ce monde terrestre. Solo lent, Alice Renavand est étonnante. Elle oscille entre sensualité et froideur lunaire. Chaque pas est exécuté avec beaucoup de matière. Elle perce l’espace avec son corps, comme la lumière dans l’obscurité. Les cambrures montrent comme une souffrance de cet être lumineux face à la noirceur de la guerre. Tout s’éteint en elle. Seul le Kodo résonne, comme une petite voix intérieure. L’ondulation du rideau noir est le souffle de la princesse qui va disparaître à la rencontre du prince Mikado.

Ébloui par sa beauté, il l’invite à venir à son palais et tente de la capturer. Malgré ses plaintes, marquées par de grands étirements qui se contractent ensuite, Il tente de la retenir. L’éblouissement de la pleine Lune qui arrive, réalisée avec les miroirs, est fabuleuse. Les scénographies de Kylian sont soignées, prennent sens à chaque instant, et il n’y a pas de décor « accessoire » comme on peut le voir chez tant d’autres chorégraphes.
Mikado ne voit donc pas Kaguyahimé partir, qui remonte sur sa Lune, avec sa lenteur.

Vincent Chaillet dans Kaguyahimé de Jiri Kylian photo de Julien Benhamou

Très belle soirée, mon impression première s’est vérifiée, un ballet c’est toujours mieux à Garnier, c’est comme un bijou dans l’écrin. Avec cette musique puissante, on a voyagé à travers ce conte d’orient. Alice Renavand y est divine.
Petit plus de ma soirée, j’avais emmené un ami d’enfance qui n’avait jamais mis les pieds à Garnier. C’est toujours fascinant de voir l’émerveillement dans les yeux de quelqu’un. Des fois on aimerait retrouver cette première émotion.

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  • Distribution du 1er février 2013
Kaguyahime Alice Renavand
Mikado Hervé Moreau
Muriel Zusperreguy, Amandine Albisson, Laurène Lévy, Charlotte Ranson, Caroline Robert
Yvon Demol, Vincent Chaillet, Alessio Carbone, Adrien Couvez, Aurélien Houette
Maki Ishii Musique
Jirí Kylián Chorégraphie
Michael Simon Décors et lumières
Ferial Simon, Joke Visser Costumes

Nouvelles de Noël

Me voilà enfin en vacances, je vais pouvoir mettre ces jours de repos à profit et vous raconter (enfin oserai-je dire) les quelques spectacles que je n’ai pas encore chroniqués.

La semaine dernière fut rude, je suis tout même allée danser parce que même fatiguée, la danse c’est essentiel ! J’ai vu un Don Quichotte à défaut de deux, mais j’ai passé une excellente soirée. Vincent Chaillet fut un Basilio élégant, accompagné d’une Muriel Zusperreguy charmante. Le couple avait une belle complicité et semblait prendre beaucoup de plaisir à danser ce ballet. Ils danseront encore ensemble cette semaine allez les découvrir, c’est une interprétation bien différente, d’autant qu’ils ont été coachés par Monique Loudières.

J’ai aussi passé une soirée éblouissante et émouvante devant le NDT en live jeudi soir. Trois chorégraphies de Paul Lightfoot et Sol Leon. Trois styles avec une même ligne chorégraphique, trois pièces, complètement différentes. De l’humour, plein d’émotions, une danse parfaite, des lumières à tomber par terre, des artistes magnifiques. Ne manquez pas la soirée du 7 février ! Pour relire ma chronique, clic.

Cette semaine, il ne faut pas remplir que les ventres, prenez-en pleins les yeux et les oreilles, il y a plein de choses à voir ! J’espère que le père Noël vous gâtera.

  • Les sorties de la semaine

Ceux qui pensaient voir Svetlana Zakharova les 24 et 26 décembre ont de quoi être déçus, la belle russe ne viendra finalement pas danser Don Quichotte. C’est Ludmila Pagliero et Karl Paquette qui danseront deux fois de nouveau le ballet. Allister Madin en chef gitan, Laura Hecquet en reine des dryades. Suite de la distribution, clic.

Vincent Chaillet dans Don Quichotte

La soirée Forsythe Brown se joue toujours à Garnier. Pour ma part j’y retourne le 31.
Si vous souhaitez y aller, infos et réservations, clic.

Akram Kahn a beaucoup séduit Elendae qui en a fait part sur son compte twitter, clic. Je découvrirai ce spectacle samedi soir pour ma part.

Plan B d’Aurélien Bory se joue au Théâtre du Rond-Point. J’avais découvert ce metteur en scène de cirque à la Villette en début de saison dans un spectacle prometteur, clic. Dans ce spectacle, Aurélien Bory explore les désirs de l’homme de transformation de sa physicalité. Un monde comme dans Matrix bientôt possible ?
Plus d’infos et réservations, clic.

  • Les émissions de Noël

Quand la danse n’est pas diffusée après minuit, elle l’est un peu pendant les fêtes. Mercredi 26 décembre, soirée 100% danse sur France 2.

On commence avec un téléfilm, Fais danser la poussière, de Christian Faure. Ce film raconte l’histoire de Maya, une enfant métisse, qui n’a jamais connu son père, et qui se retrouve un peu perdue dans une famille recomposée. Elle décide de s’investir dans sa passion à fond, la danse. Elle intègre une compagnie de ballet à New-York. Ce téléfilm raconte à sa manière l’histoire de Maya Dô, danseuse chez Alvin Ailey. La réalisation est bonne d’après plusieurs critique.

Fais danser la poussière Copyright photo Tatiana Seguin

La soirée se poursuit avec Une vie, un destin, consacré à Rudolf Noureev. L’émission de Laurent Delahousse brosse le portrait de la légende de la danse. On n’apprendra pas grand chose si on a déjà lu plusieurs ouvrages sur Noureev, mais c’est toujours bien de voir des images du beau russe.

Rudolf Noureev le prince russe

Pour finir, La danse à tout prix, est un documentaire qui a suivi quatre danseurs. François Alu, Léonore Baulac, Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau. L’équipe a suivi ces quatre danseurs jusqu’au concours, où chacun doit se dépasser.

  • En vrac

Plus qu’un jour pour faire les courses de Noël, si vous n’avez pas d’idées faites donc un tour à la Galerie de l’Opéra de Paris. Vous y serez très bien conseillé. J’ai eu récemment le DVD La danse au travail, pour les passionnés de danse, c’est un cadeau parfait… Guillem, Forsythe… vous serez comblé !

A lire, un article d’Ariane Bavelier, Les bienfaits du Tsar Noureev, clic. Une bonne lecture avant de voir le documentaire sur France 2 mercredi soir.

Revoir pendant 7 jours Cendrillon de Joël Pommerat sur Arte +7, clic. Relire ma chronique, clic.

Revoir l’émission sur les ballets de Monte-Carlo diffusée sur France 3 samedi soir, clic.

  • La vidéo de la semaine

Superbe Dorothée Gilbert, si vous l’avez raté comme moi, consolez vous…Voilà une Kitri qui envoie à fond dès le premier acte .