Théâtre du Rond-Point

La grenouille avait raison, James Thierrée

Vu au Théâtre du Rond-point au début de mois de décembre, c’est le regard plein de paillettes que je suis sortie du spectacle de James Thierrée. J’avais détesté Tabac Rouge, paresseux d’un  point de vue chorégraphique et très fouillis à mon goût. La grenouille avait raison reprend des ressorts qui fonctionnent – que l’on a certes déjà vus dans les spectacles de Thierrée.

On a l’impression d’être sous un chapiteau, tout est de bric et de broc. Un vieux piano, un escalier qui se forme à mesure qu’on l’escalade, une espèce d’aquarium verdâtre où l’on imagine les grenouilles en jaillir. Le décor est posé, le conte peut commencer. Au milieu de ce décor mi-circassien, mi inquiétant, on n’attend que les animaux imaginaires de Victoria Chaplin. Cela ne tardera pas.

1h30 de James Thierrée avec tout ce qu’on attend dedans : des artistes géniaux, un montage musical qui nous transporte, Thierrée dansant (cet homme peut tout faire non ?) un peu de magie, de l’humour et le public est conquis.

Si on peut reprocher la facilité du « déjà-vu », on ne peut enlever l’émerveillement. Avec un regard naïf, on admire ce spectacle sans trame narrative évidente – personnellement je n’ai pas cherché à retrouver Grimm – mais où les scènes s’enchainent avec des liens invisibles. On suit les chamailleries fraternelles, les roulades acrobatique, les grimaces et les dialogues dans des langues imaginaires, avec beaucoup de délectation.

James Thierrée est fascinant et n’a pas fini de l’être…

PS : Je n’ai pas de photo de moi, rouge tomate au bar du théâtre, quand j’ai croisé le regard de Thierrée…. Fascinant je vous ai dit.

Un métier idéal, Nicolas Bouchaud

Un métier idéal est une pièce de théâtre à l’affiche du Théâtre du Rond Point du 21 novembre au 4 janvier. Seul sur scène Nicolas Bouchaud raconte la vie de John Sassall, un médecin de campagne dont la vie fut narrée dans l’ouvrage de John Berger et John Mohr. Mis en scène par Eric Didry, Nicolas Bouchaud livre une performance émouvante, drôle et pleine d’humanité. Retour sur la performance du 13 décembre.

Sur la scène, un décor en toile de fond. Une colline, la forêt, du brouillard. Nicolas Bouchaud entre. Look de médecin ; pantalon en velours, chaussures Camper, chemise sobre. Un petit carnet à la main il fait l’appel des spectateurs. Le public se prête au jeu. L’intimité de la salle ressemblerait presque à une salle d’attente. Il commence par décrire un cas auquel s’est confronté le médecin Sassal : un bûcheron coincé sous un arbre au fond de la forêt. La description du décor nous plonge dans cette atmosphère de campagne, on aurait presque froid en écoutant la description de ce brouillard. On suit l’avancement du médecin dans ses soins, comme un bon polar où l’enquête avance à grand pas.

Nicolas Bouchaud

Nicolas Bouchaud a une diction remarquable où chaque mot sonne et résonne (raisonne) dans notre esprit. Le regard qui ne lâche jamais un spectateur, la pièce est une grande démonstration de théâtre. On est happé par ce regard qui nous fait nous interroger sur ce métier de médecin. Tout y passe ; la relation aux médicaments (le seul vrai est finalement le médecin lui-même), la relation d’intimité avec son médecin, la polyvalence du médecin, les instruments du médecin, la conscience professionnelle du médecin, ses négligences aussi. Ce qui apparaît c’est tout d’abord l’humanité de ce personnage, ce qui le motive, ce qui le fait courir dans sa campagne.

Ce qui transparaît aussi dans la pièce c’est le parallèle entre les relations patient/médecin, spectateur/acteur. Nicolas fait comme Sassall ; il crée les conditions pour entrer en contact avec nous. La catharsis opère et on ressort de la pièce avec cette même impression que quand on sort du médecin après qu’il nous a annoncé le nom de notre maladie et rempli une ordonnance de médicaments aux noms plus farfelus et inquiétants les uns que les autres. On se sent bien et presque déjà plus malade. Nicolas Bouchaud use de tout son talent pour cela ; tours de magie, musique, chorégraphie scénique, humour, émotion en parlant de la relation à l’enfance. Un très beau spectacle à voir sans modération et sans ordonnance !

Perplexe, au Théâtre du Rond Point

Perplexe est une pièce de Marius von Mayenburg, mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia avec Valérie Bonneton, Samir Guesmi, Christophe Paou et Agnès Pontier, présentée au Théâtre du Rond-Point du 04 décembre au 05 janvier. Un pièce absurde où on ne sait jamais qui sont les personnages, où les rôles changent et où les situations se retournent en un clin d’oeil. Retour sur la représentation du 11 décembre.

Un très joli décor d’appartement. Un couple, Eva et Robert, rentre de vacances. Il s’engueulent en se retrouvant de nouveau dans ce quotidien, loin des plages de sable blanc. Prise du courrier, vérification de l’état des plantes. Des éléments intrigants apparaissent. Des plantes nouvelles, une odeur infecte, et pas d’électricité. Les amis, Judith et Sébastian, qui ont gardé la maison, arrivent. Ils semblent interloqués de leur présence, puis leur demandent de partir car ils souhaitent aller se coucher. Malaise. Incompréhension, le public commence à comprendre que des choses ne tournent pas comme à la normale. Judith et Sébastian vont se coucher, Sébastian redescend en trombe, nu et se demande ce que font encore ses amis là.

perplexe

Dès lors, tous les rôles vont s’échanger. Les partenaires vont s’échanger. Les comédiens vont prendre tous les rôles ; mère, amante, amant, enfant, jeune fille au pair, mari, épouse, chef nazi, agent immobilier. Les situations loufoques vont se multiplier. Une fête déguisée, au thème « nuit nordique » dégénère, un enfant tyrannique trouve un costume de SS dans le placard de l’appartement de location et oblige ses parents à l’emmener au ski. Une porte se ferme et on entre dans une nouvelle saynète. Les personnages sont comme les hommes dans la caverne de Platon; ils ne voient le monde qu’à travers un prisme. Ils sont embourbés dans leur situation, ne voit pas le monde extérieur ou s’en font de fausses idées.

Pour le spectateur, on met un peu de temps à entrer dans ce rythme effréné. Toutes les petites scènes ne sont pas drôles, il y a des moments de flottement. Les comédiens sont bons, bien dirigés ; c’est surtout du côté du texte que le bas blesse. Il y a des longueurs, des ressorts comiques qui ne marchent pas. La pièce est porté par ses comédiens, qui mériteraient cependant un peu plus de contenu.


Je suis un volcan ! / Perplexe par WebTV_du_Rond-Point

Nouvelles de 2013 n°2

La semaine dernière fut agitée. Le monde de la danse a été bouleversé par un attentat terrible contre le directeur artistique du Bolchoï Sergeï Filin. Jeudi soir, tard, un homme masqué a aspergé le visage du danseur d’acide. Son visage est brûlé et il y a un grand risque qu’il perde la vue. L’homme avait déjà reçu des menaces car sa gestion et ses choix artistiques ne plaisent pas à tout le monde. Alexei Ratmansky, qui a eu le même poste par le passé, a témoigné que l’ambiance dans le théâtre n’était pas toujours bonne. De nombreux danseurs ont témoigné de leur soutien, dont Svetlana Zakharova. Brigitte Lefèvre a aussi donné son soutien, à titre personnel et de tout l’Opéra de Paris. Plus d’infos sur le sujet, dans Le Huffington Post, Le Guardian, Euronews, Le New-York Times et Le Monde.

Je n’ai pas vu beaucoup de danse ces derniers jours. Je suis allée au théâtre voir des bonnes choses, comme Tristesse animal noir, au théâtre de la Colline. La pièce d’Anja Hilling, mise en scène par Stanislas Nordey, traite de la catastrophe. Comment vivre quand on a vécu un tel traumatisme ? Que faire de sa culpabilité quand on est responsable ? Le texte est dur, mais criant de vérité. Les comédiens sont vraiment excellents, et moi qui ne suis pas toujours enthousiaste du style Nordey, j’ai été plutôt conquise cette fois là. Ma chronique à relire, clic. La purge que je me suis tapée était Nouvelle comédie fluviale qui se joue en ce moment au Théâtre du Rond-Point. Humour gras, blagues à tiroirs, décor en carton pâte, sketch qui font des flops, j’ai trouvé la pièce très ringarde, et j’ai vraiment souffert devant tant de niaiseries… Heureusement, ma joie est revenue quand je suis allée voir Fin de partie à l’Odéon. Chef d’œuvre littéraire, la pièce de Beckett est jouée avec brio et intelligence. Cela fait du bien de voir ces grands textes, mis en scène avec tant de justesse. Relire ma chronique, clic.

Décor de fin de partie, en ce moment à l'Odéon, photo d'Agathe Poupeney

J’ai aussi assisté à la rencontre AROP avec Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt, dont je vous ferai un petit compte rendu dans la semaine.

Pas vu grand chose au cinéma, si ce n’est Tabou, film de Miguel Gomes, qui raconte en noir et blanc et sur un discours narratif la vie d’une femme, qui a eu une grande histoire d’amour cachée, lors de sa vie en Afrique. Le film ne m’a pas emballée alors que les critiques sont dithyrambiques. Je suis restée un peu à côté du film, pas assez touchée sans doute par cette histoire d’amour, qui arrive après une première partie, qui se passe à Lisbonne et qui est bien longue. Voir la bande annonce, clic. J’ai hâte d’aller voir le dernier Tarentino.

Ce week-end j’ai été enchantée par la neige, j’ai longtemps marché dans Paris, Garnier étant à deux pas de chez moi, je me suis laissée aller à faire ma touriste.

Garnier sous la neige @lepetitrat sous Instagram

  • Les sorties de la semaine

A Chaillot, il faut foncer voir Don Quichotte du Trocadéro. Presse, bloggeurs et spectateurs sont très enthousiastes devant ce spectacle plein de vie, drôle et bien chorégraphié.
Plus d’infos et réservations, clic.
A lire :
Le blog de la blonde, clic
Culturebox, José Montalvo invente Don Quichotte, clic
Le Figaro, Don Quichotte revient dans la danse, clic
Les Balletonautes, clic

Au Théâtre de la Ville, la compagnie Ultima Vez vient avec Œdipus/bêt noir, chorégraphié par Wim Vandekeybus. Cette chorégraphie reprend le mythe d’Oedipe par le biais du livre de Jan Decorte. Dans un atmosphère très sombre, 16 danseurs et comédiens racontent le mythe grec. Voir un extrait vidéo, clic.
Plus d’infos et réservations, clic

Côté théâtre, vous l’aurez compris, je vous conseille fortement Fin de Partie, à l’Odéon, mis en scène par Alain Françon. Joël Pommerat propose une pièce aux ateliers Berthier, La réunification des deux Corées, qui m’a déjà mis l’eau à la bouche, le rendez-vous est pris.

  • La beauté de la semaine : Mathilde, again ! Par Julien Benhamou.

Mathilde Froustey par Julien Benhamou

  • En vrac

La collection Ballet Rosa dessinée par Isabelle Ciaravola est disponible chez Cas danse ! Personnellement, je vais aller y faire un tour dès la semaine prochaine, ce petit justaucorps grenat en velours et dentelle me fait bien envie.

L’exposition Noëlla Pontois débutera le 1er février à Elephant Paname. La danseuse étoile fera une séance de dédicace les 2 et 14février ainsi que  les 2, 21 et 24 mars. On sait déjà que sa loge sera reproduite à l’identique avec des objets personnels.

L’Opéra de Paris est encore montré du doigt pour « harcèlement moral ». Cette fois ci, le dossier concerne les hôtes de caisse de l’Opéra Bastille. Décryptage par L’Express, clic.

Revoir Tam Taï de Karine Saporta sur ARTE Live Web, spectacle du festival Suresnes Cité Danse, clic.

Blanca Li devrait réitérer sa fête de la danse au Grand Palais en septembre.

Agathe Poupeney expose ses photographies du 19 janvier au 2 février à Viry-Châtillon dans le cadre du festival de danse Les envolées. Plus d’infos, clic.

A lire, un portait d’Aurélie Dupont qui dansera Giselle lors de la tournée en Australie, clic.

Sharon Fridman a un nouveau site internet, clic

  • La vidéo de la semaine

Maria Alexandrova et Sergei Filin dans la Fille du Pharaon.

Nouvelles du 03 décembre

Il serait bon que les journées durent plus longtemps, pour que j’ai le temps enfin de rédiger les chroniques en retard… Le mois de novembre était donc décidément bien chargé, mais que de belles choses découvertes.

La semaine dernière, j’ai vu la compagnie Circa à la Villette pour sa pièce Wunderkammer. Cette chambre des merveilles n’a pas tenu toutes ses promesses. On assiste à un spectacle avec de beaux interprètes, des acrobates assez géniaux, mais la mise en scène et la composition restent un peu pauvres et manquent cruellement de sens. Un peu décevant donc, même si très impressionnant.

La pièce de ma semaine fut sans aucun doute May B de Maguy Marin. Le souvenir de samedi est encore vibrant dans mon esprit, tant l’intelligence de cette oeuvre m’a parlé. Les personnages de Beckett incarné par ces danseurs complètement hallucinants, la construction de la pièce, tout m’a plu, tout m’a touché, c’était un moment très fort et on sentait le public entier vibrer au moindre mouvement de ces personnages de fin de monde.

La générale de la soirée Forsythe Brown vendredi remplit ses promesses. Une soirée pleine de peps, qui vous donne une énergie folle, avec sa touche de tendresse et de poésie avec O Zlozony/O Composite.  J’écoute Tom Willems en boucle depuis vendredi…

  • Les sorties de la semaine 
 La soirée magique à ne pas manquer c’est la soirée Forsythe/Brown à l’Opéra de Paris. Deux grands chorégraphes américains, quatre pièces dont trois de William Forsythe.
La soirée s’ouvre avec In The Middle, somewhat elevated, qui n’a pas pris une ride pour moi et qui au contraire a beaucoup changé. Forsythe n’a pas voulu refaire ce qu’il avait crée en 1987, mais bien retravailler l’oeuvre avec les danseurs actuels. vous y découvrirez (entre autres) Vincent Chaillet, dominant la scène, accompagné d’Aurélia Bellet, fascinante dans ce répertoire et Alice Renavand, toujours juste dans le sens de sa danse. Laurène Lévy y est elle aussi captivante. On entre ensuite dans un moment de poésies avec la pièce de Trisha Brown qui a beaucoup évolué aussi. O Zlozony/O Composite est une parenthèse onirique, dansée par deux hommes et une femme. Le Riche Bélingard Dupont, avouez que ça fait rêver.
Woundwork 1 est une pièce pour 4 danseurs qui dansent sans se voir deux pas de deux. Le regard du spectateur voyage de l’un à l’autre, comme dans un dialogue.
Pas./Parts clôture la soirée en beauté par une suite de solo, duo, trio, septuor, où on voit passer, Sébastien Bertaud, Jérémie Bélingard, Eleonora Abbagnato, Marie-Agnès Gillot, Yannick Bittencourt et d’autres qui vous saisissent du début à la fin. Le tout sur la musique de Tom Willems… J’adore !
A voir Ailleurs, toujours Cendrillon de Maguy Marin, mais cette fois ci il faut aller à la MAC de Créteil. Plus d’info et réservations, clic.
Pendant ce temps, au Théâtre de la ville ont lieu les dernières représentations de Ballet am Rhein. Je vais les voir mardi soir, malgré des critiques mitigées.
A Chaillot, Decouflé et Nosfell reviennent pour Octopus. Pour relire ma chronique c’est ici, clic.
Réservations, clic 
Au CND, le Ballet de Lyon se produit avec entre autres la pièce de Millepied, This part of Darkness. Plus d’infos et réservations, clic. Relire ma chronique sur ce pièce, clic.
Et toujours Don Quichotte à Bastille.
  • Le film de la semaine

Le grand saut réalisé par Virginie Kahn sera diffusé dimanche 9 décembre à 16h50 sur ARTE. Ce film raconte l’histoire de 12 enfants du CRR de Paris. J’ai déjà vu le film, c’est un très joli portrait de l’enfance et de la danse. J’ai aussi rencontré sa réalisatrice, passionnée et passionnante. Relire ma chronique, clic.

  • En vrac
Agathe Poupeney  exposera à Viry Chatillon du 19 janvier au 2 février.
A lire Don Quichotte et Carmen, deux grands d’Espagne, par Ariane Bavelier, clic.
 Danil Simkin a été nommé « principal » à l’ABT.
Charles Picq, fondateur de Numéridanse est décédé la semaine dernière.
La danse classique thérapie contre la morosité de l’adolescence? A lire ici, clic.
  • La vidéo de la semaine
In the Middle  by Sylvie… indémodable.