Tchaïkowsky

Séance de travail Balanchine

Retour à Garnier pour la première fois de la saison, cela ne pouvait pas se passer facilement ! Outre le défilé des Galeries Lafayettes qui occupait le quartier, mes lunettes sans qui je suis complètement dans le flou, avaient décidé de divorcer. Chouette, aller voir un spectacle sans lunettes…. Certes, il n’y a pas de sur-titres, et je connais les chorégraphies, mais quand même ! Bref, j’ai passé une soirée dans le flou ou les yeux collés à mes jumelles seul moyen pour moi de voir la danse ! Chers danseurs, hier dans mes yeux vous étiez tous doublés, ce qui avait un effet grandiloquent. Parlons plutôt des ballets que vous pourrez voir à partir de lundi prochain au Palais Garnier.

Le programme est composé de trois ballets, tous trois très différents.

Le premier est Sérénade. C’est un ballet qui a été créé en 1934. C’est une des premières créations « outre-atlantique », peu de temps avant la fondation du NYC Ballet. Pas d’argument dans cette petite pièce sur une musique de Tchaïkowsky. Balanchine a fait avec les moyens du bord. Premier jour de répétition, il y avait une vingtaine de filles, le surlendemain, plus que six. Qu’à cela ne tienne, il écrit la chorégraphie, le mouvement doit continuer. Une fille entre en pleurant dans le studio ? On conserve alors cette entrée. C’est cela qui fait la douceur de pièce. Elle regorge de petites pépites, d’intentions dissimulées ça et là. Balanchine n’a eu de cesse de modifier cette pièce, en ajoutant ou retirant des détails, des regards, parfois même des gestes entiers. On peut s’inventer une histoire alors qu’il n’y en a pas. Les longs tulles bleus renforcent cette idée romantique, peut être d’une passion entre un danseur et cette jolie blonde qui arrive au cours en retard. Il n’en est rien, mais rien ne vous empêche de laisser aller votre imagination.

Extrait vidéo clic

Dans mes jumelles, j’ai tout de même aperçu Eleonora Abbagnato, pour ma plus grande joie. Mathilde Froustey et Myriam Ould Braham ont aussi déjà offert du spectacle !

Le deuxième ballet proposé est de loin mon préféré. Il s’agit d’Agon, ballet de 1957. Sur une musique de Stravinsky, qui peut vous sembler sans mélodie, Balanchine construit une chorégraphie qui ne manque pas d’innovation. Ce « combat » est plus une « battle » entre la danse et la musique, car il ne faut jamais en perdre le rythme. La virtuosité technique exigée par Balanchine rappelle la complexité de la partition et il se construit un dialogue entre les deux qui m’emmène dans un imaginaire fabuleux. On peut dire qu’Agon fait partie des ballets en noir et blanc au même titre que Les 4 Tempéraments (que j’adore!), où les pas de deux succèdent aux pas de quatre, sans transition et pourtant on n’en perd pas pour autant le fil.

Extrait vidéo clic

Le dernier ballet est Le Fils Prodigue. Il a été écrit pour Serge Lifar, dans Les Ballets Russes de Diaghilev, en 1929. La version présentée date de 1957, Balanchine avait l’habitude de remanier ses ballets. L’argument est fort simple. Un fils veut plus de liberté, et quitte le foyer familial. Il se fait voler par ses deux compères, puis il rencontre un bande de lutins, qui le mettent dans les bras d’une femme envoutante et dominatrice qui finit de le ruiner. Il se retrouve seul et en guenilles. Il rentre alors chez son père, qui est heureux d’enfin le retrouver. La chorégraphie ressemble beaucoup à du Roland Petit et on ne peut pas s’empêcher de penser au Jeune Homme et la Mort. On est dans une écriture assez fine, résolument contemporaine avec un langage néoclassique. La musique de Prokofiev sert la narration, car elle l’accompagne et insiste sur les moments forts de la vie de ce jeune homme. En même temps, cette musique offre au chorégraphe des changements de rythme fabuleux pour monter une chorégraphie d’une grande modernité. Hier soir, Je n’ai pas quitté des yeux, des jumelles Agnès Letestu… Quelles jambes !

Extrait vidéo clic.

Les distributions sur le site de l’Opéra de Paris

Allez je m’en vais me racheter des yeux pour y voir quelque chose à la première de lundi !

Black Swan de Darren Aronofsky

Black Swan movie

 

Je n’avais pu me rendre à l’avant première de ce film le 10 décembre car j’allais au
théâtre de la Colline voir une super pièce soit dit en passant (Lulu). Heureusement, il n’y a pas qu’une avant première ! Je suis donc allée voir ce nouveau film de Darren Aronofsky.
J’avais beaucoup aimé les deux précédents films, Requiem for a dream et The Wrestler.

L’histoire est simple, cela se passe dans une compagnie. Le maître de ballet décide de remonter le Lac dans une version plus viscérale, plus contrastée, plus moderne. Nina est
danseuse dans cette compagnie. Quelque peu caricaturale dans sa petite vie bien rangée et organisée par sa mère, elle ne porte que des couleurs pastels, vit dans un monde de princesse. Quand elle passe l’audition pour le rôle d’Odette/Odile elle montre sa faiblesse à devenir un être maléfique. La fragilité de la jeune femme l’empêche d’aller dans ce genre  de rôle. Peu à peu, elle va, suite à mauvais rêve où elle est transformée en cygne, développer des stigmates de l’animal. Elle entre alors dans un délire schizophrénique.

J’ai bien aimé la façon de filmer de Darren Aronofsky, on est soit dans les yeux de quelqu’un, dans ceux de Nina, souvent derrière elle, comme si son double maléfique était juste là prêt à surgir. Tout bouge, tout danse, la caméra contribue à l’ambiance psychotique du film. On ne sait jamais si on est dans un rêve ou dans la réalité et ce jusqu’au bout. On peut avoir plusieurs lectures. Tout comme dans le Lac de Noureev, on ne sait jamais si on est dans l’imagination de Nina ou dans la réalité, dans une fiction fantastique. tout se retourne en un instant, on passe du paradis à l’enfer, de l’humain au cygne, du rose bonbon au noir le plus sombre, du large sourire de Nina à ses yeux entachés de sang. La tension sur le spectateur se fait par oscillation
qui maintient une certaine dose de stress et d’intrigue de façon assez habile.

La bande son est bien utilisée, la musique de Tchaïlowsky s’adapte à toutes les situations du film. Personnellement je ne me lasse pas de la musique de Tchaïkowsky… alors dans un film, c’est encore plus merveilleux.

J’ai trouvé intéressant le parallèle entre le conte et la vie de cette jeune femme. Dans les deux cas, aucune des deux ne peut devenir une femme. Le Lac, vous connaissez l’histoire, je vous l’ai déjà racontée plusieurs fois. Dans le film, Nina est dans
l’incapacité de devenir une femme. Sa mère l’en empêche et la traite comme une petite fille ; elle veut la garder, qu’elle ne la dépasse pas dans son avancement de carrière elle qui a sacrifié la sienne pour sa fille. Dans la vie, tout la ramène à l’enfance. Elle a peur de tout, est affectée par tout ce qu’on peut penser d’elle. Il n’y a que la danse qui la fasse se battre, s’affirmer.
Elle est un animal en cage. Elle voudrait aimer son maître de ballet, mais lui n’est là que pour l’amener vers son rôle. Cela m’a fait penser au roman d’Anne Wiazemsky, Jeune Fille. Lisez le si ce n’est pas déjà fait.

J’ai lu ça et là que le film développe des clichés sur la danse classique. Qui peut affirmer que les rivalités dans un corps de ballet sont inexistantes ? N’y a t-il pas de
problème d’anorexie chez les danseuses? Certes ce sont des clichés mais ils ne sont pas tous faux. Les puristes de la danse n’ont pas compris qu’il ne s’agit pas d’un film de danse, mais d’un film qui prend pour décor un milieu dans lequel la quête de perfection est constante, la remise en question est incessante, l’exigence est telle qu’elle pousse les danseurs dans un regard sur soi qui peut devenir déformé.

Que vous dire de Natalie Portman? Merveilleuse en danseuse, elle a travaillé comme une dingue pour transformer son corps puisqu’il ne s’agissait pas seulement de faire un régime, mais d’avoir un corps de danseuse qui travaille avec depuis son plus jeune âge. Elle s’en sort avec brio et est tout à fait crédible dans le rôle. Il est tout à fait  naturel qu’elle est eu le Golden Globe de la meilleure actrice. Je pense qu’elle est en bonne voie pour l’oscar…Je ne peux pas en dire autant de Mila Kunis, dont on voit bien qu’elle a moins
d’aisance avec la danse classique. Vincent Cassel est très juste et même un peu en dessous de la réalité quand on pense à certains chorégraphes ou maîtres de ballet odieux !

Parlons enfin un peu de la chorégraphie de Benjamin Millepied. Ce n’est pas un film de danse, donc elle n’est pas forcément beaucoup filmée. Une barre, une variation du cygne mais centrée sur le visage de Nina, il n’y a qu’à la fin qu’on voit quelques moments du Lac. Je n’ai pas été convaincue par cette version, et je crois que je ne suis pas la seule… Benjamin Millepied a montré d’autres qualités chorégraphiques dans sa composition  Amoveo pour l’Opéra de Paris. C’est amusant de
le voir derrière une caméra comme acteur.

Je conseille le film, j’ai passé un excellent moment et je vais y retourner avec grand plaisir !

 

Affiche de Black Swan version retro

  • Revue de presse

Article de USA Today « Meet Benjamin Millepied, Natalie Portman’s husband to be » par Alison Maxwell

Article de Huffington Post  » Peeking at the ballet world via Black Swan » par
Ashley Bouder, principal dancer at the NYCB

Article et ITW de Vincent Cassel dans le Figaro « Vincent Cassel ouvre le Festival de Venise avec Black Swan »
par Marie Noëlle Tranchant

Article de The Independent « Portman tells of the agony she
endured to be a dancer
 » par Terry Judd et Jerome Taylor.

Article de Fashion « Raising the barre for fashion » par Emma Sibbles

Article de The Guardian « What Britain’s ballet star made of
BlackSwan
 » par Judith Mackrell

Dans Danser, à lire le dossier d’Ariane Dollfus avec les interviews d’Agnès Letestu, Elisabeth Platel, Pietra, Phillipe Grimbert, Patrice Leconte et bien d’autres…

 

  • Bande annonce