Sarah Lamb

ROH au cinéma ! Romeo & Juliet de Kenneth MacMillan

Depuis quelques années, des productions ont eu l’idée de retransmettre en direct ou en différé, des ballets au cinéma. Mardi dernier, je me suis rendue au Publicis des Champs-Elysées pour assister au Roméo et Juliette chorégraphié par Kenneth MacMillan en direct depuis le Royal Opera House de Londres. Incarnés par Sarah Lamb et Steven McRae, Roméo et Juliette ont été très émouvants, malgré le truchement de la vidéo.

Steven McRae & SArah Lamb photo de Alice Pennefather

(c) Alice Pennefather

L’avantage de la vidéo, c’est qu’elle permet d’être au plus prêt des danseurs. Cela peut être un désavantage, quand on voit de trop près certains maquillages de scène, qui sont faits pour être vus de loin. Dans un ballet aussi narratif, et dans la chorégraphie qu’en a fait MacMillan, c’est certainement un avantage, car on vit le ballet comme un film. La caméra nous plonge au milieu de la place principale de Vérone, elle se fixe au fond des yeux de Juliette, désespérés, elle nous fait vibrer dans les pas de deux enflammés des deux protagonistes. De voir si près les interprètes permettait de voir la justesse du jeu des danseurs anglais. Tels de véritables comédiens, les visages portaient l’expression de la tragédie et dans la salle de cinéma, on sentait le public pris aux tripes.

Pour ce qui est de la chorégraphie que je ne connaissais pas, j’ai trouvé les pas de deux vraiment somptueux. La gradation de l’amour des jeunes amants, les portés vertigineux, l’élégance des lignes font ressortir les qualités techniques et artistiques des deux danseurs. Sarah Lamb est délicieuse ; ses grands yeux se remplissent de joie ou de désespoir selon l’avancement de l’histoire. Elle campe une Juliette juvénile à la danse impeccablement réglée. Quant à Steven McRae, il incarne la drôlerie de Roméo qui se remplace peu à peu par la passion pour Juliette. Ses sauts sont merveilleux et c’est un partenaire épatant.

Les ensembles et l’esthétique générale du ballet ne m’ont pas beaucoup plu. Les robes ocres, le décor un peu lourd, tout cela était peu élégant. Pour faire un ballet parfait, il faudrait mêler les ensembles de Noureev avec les pas de deux de MacMillan. J’ai la même réserve d’ailleurs pour L’histoire de Manon, dont je n’aime pas beaucoup les costumes et les décors, ainsi que les ensembles dont le fouillis m’a toujours un peu donné mal à la tête.

Une très belle soirée de manière générale, un vrai plaisir de découvrir l’oeuvre et les danseurs au cinéma. La prochaine soirée du ROH en live est Les Noces de Figaro pour l’opéra et pour la danse, une soirée mixte Liam Scarlett / Jerome Robbins / George Balanchine / Carlos Acosta qui crée un Carmen. A voir non ?

 

(c) Bill Cooper

(c) Bill Cooper

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Ne manquez pas le World Ballet Day, le 1er octobre en live depuis le Royal Ballet !

World Ballet Festival de Tokyo ( programme b)

Cette année, je passe mes vacances au Japon. C’est un rêve pour moi de découvrir ce pays. Je ne pensais pas alors aller au ballet (je pensais bien aller faire un tour au kabuki) mais la danse m’a rattrapée. Quand Naomi m’a proposé un billet, je ne pouvais pas résister. Après une longue balade dans le trésor agréable parc Ueno je retrouve Naomi devant le Tokyo Bunka Kaikan. Retour sur le programme B du 8 août.

Word ballet festival
Quand les Japonais organisent un gala, ils ne font pas les choses à moitié. Un programme alléchant, les plus grandes étoiles, un bon orchestre, bref on est loin du gala où les stars finissent par s’absenter et où la sono livre un mauvais son. La salle est pleine à craquer, le spectacle peut commencer.

Après une présentation du programme en musique, le premier pas de deux, Diane et Actæon, interprété par Viengsay Valdés et Osiel Gouneo, est un feu d’artifice de technique. D’ailleurs, chaque prouesse est chaleureusement applaudie par le public nippon. Il y a de quoi, surtout devant la coda, avec d’audacieux fouettés. Cendrillon, dansé par Iana Salenko et Vladimir Malakhov, ramène plus de féerie. C’est très élégant et délicat ; il faut dire que Iana Salenko a un port de tête somptueux et de beaux bras. Changement d’ambiance avec One for my baby (chorégraphie de Twila Tharp) dansé par Igor Zelensky.si la musique de Sinatra est distrayante, la danse l’est moins. C’est assez répétitif et monotone, comme une balade triste un dimanche après-midi. Je passe à côté de Peter Gynt : oui 11h de vol la veille ça fatigue un peu. C’est le très beau Dream Adagio de Raymonda qui me replonge dans un monde magique, avec une Lopatkina évanescente à souhait. Un paradigme de raffinement.

Les entractes sont minutieusement réglés, des horloges décomptent le temps restant. Mathias Heymann et Liudmila Konovalova ouvrent la deuxième partie avec le pas de deux de La belle au bois dormant. Comme à son habitude, l’étoile française semblait ne pas toucher terre tant l’on n’entendait aucun bruit lors de ses réceptions. Sa partenaire rayonne et le résultat est très réussi. Après cela, il y avait le très beau No man’s Land chorégraphié par Liam Scarlett. Au piano, Frédéric Vaysse-Knitter accompagne avec talent Alina Cojocaru et Johan Kobborg. Les lignes des deux danseurs se mêlant dans une atmosphère très sombre, les attitudes lassives laissent place à des portés très impressionnants. Un gala n’est pas un gala sans un Corsaire bien éxécuté. C’est chose faite avec Sarah Lamb, dont j’ai particulièrement apprécié les ports de bras et Vadim Muntagirov à la belle technique mais qui n’en fait pas des tonnes dans l’interprétation. Un mélange savamment dosé. Fan d’Oscar, pas de Béjart. Je reste toujours indifférente à ces Danses grecques malgré le charme certain de celui qui est aujourd’hui l’une des figures emblématiques du Béjart Ballet Lausanne. J’étais tellement passée à côté des adieux d’Aurélie Dupont (si, si) que je ne pensais pas être aussi émue en gala. Et bien, Aurélie Dupont et Hervé Moreau, c’est une alchimie certaine qui a su me donner des frissons. C’était très beau.

La troisième partie s’est placée sous le thème des amours passionnées. A part Les bourgeois, pièce de gala sans grand intérêt hormis celui de voir Daniil Simkin bondir toujours plus haut, les pas de deux amourachés se succèdent. C’est tout d’abord le tourbillonnant Romeo & Juliette de Kenneth MacMillan qui donne le ton. Remarquablement dansé par Iana Salenko et Steven McRae. Puis Alicia Amatrian et Friedemann Vogel dansent Légende de Cranko avec beaucoup de finesse et de subtilité. Comme dans Onéguine, la chorégraphie est une vraie dentelle, dont les chemins sinueux nous égarent pour mieux nous émouvoir. Le piano a sauvé La Dame aux camélias. Je n’ai pas aimé l’interprétation exaltée de Tamara Rojo, donnant beaucoup d’épaules comme pour prendre le dessus sur son partenaire. La jolie petite fable de Diana Vishneva et Vladimir Malakhov termine cette partie avec beaucoup de poésie.

La quatrième et dernière partie offre le moment le plus gracieux de la soirée, avec Ulyana Lopatkina dans La mort du cygne. Elle vogue sur la scène tandis que les notes du violoncelle font vibrer ses bras avec la plus grande finesse qu’il soit. Je ne sors pas de cette douceur et, par conséquent je passe à côté de Sylvia, malgré sa belle exécution par Silvia Azzoni et Alexandre Riabko. J’ai préféré la dame de Maria Eichwald à celle de Tamara Rojo : plus fine, plus subtile, accompagnée avec brio par Marijn Rademaker. Ce fut ensuite une joie immense que de voir Isabelle Guérin et Manuel Legris danser La Chauve-souris. Drôles, brillants, débordants d’énergie, ce fut un des moments les plus réjouissants de la soirée ! La soirée se finit en grandes pompes avec Maria Alexandrova et Vladimir Lantratov qui dansent comme il se doit le pas de deux de Don Quichotte.

Superbe moment que ce beau gala ! Je comprends mieux pourquoi les danseurs aiment tant se produire au Japon. Pas un bruit dans la salle, aucun téléphone sorti pendant le spectacle, des applaudissements généreux et une foule enthousiaste à la sortie des artistes. Merci à Naomi pour la place.