Au théâtre Antoine, le public a beaucoup ri cette après-midi. Il faut dire que François Alu sait y faire. Avec ces cinq compères – Lydie Vareilhes, Clémence Gross, Hugo Vigliotti, Takeru Coste et Simon Le Borgne – ils ont régalé le public de virtuosités et de sketchs dansants.
Ne jamais se prendre au sérieux. On pourrait mettre ce mantra en légende du spectacle de François Alu. Le spectacle est à l’image de ceux proposés par 3ème étage, la personnalité de François Alu en bonus. Il fait le show pendant près de deux heures. Pas de deux, solo, trio, le tout multipliant les difficultés techniques. On se joue de la danse, on en rit, on en dénonce certains aspects, mais non sans un certain humour : tout le monde en prend pour son grade à commencer par ce cher Louis XIV qui un jour eut l’idée de codifier la danse classique. Viennent ensuite les chorégraphes contemporains prétentieux, les professeurs méprisants et farfelus, les maitres chanteurs (vous savez ces chorégraphes qui s’approchent un peu trop des danseuses…). Ils sont caricaturés, dénoncés, le tout en dansant avec beaucoup de talent. On adore découvrir Lydie Vareilhes en chorégraphe déjantée à la recherche de SA création ou encore Hugo Vigliotti en obsédé du 4ème temps (oui désolé les musiciens, mais en danse, il y a toujours huit temps !).
Le spectacle reprend des passages connus des fidèles spectateurs de 3ème étage comme le désormais très célèbre Me 2 de Samuel Murez ou encore le concours de technique des garçons (et avec Hugo Vigliotti et Simon Le Borgne en rivaux de François Alu on n’est pas déçu du voyage). A cette machine qui fonctionne très bien, François Alu a su y glisser sa patte. La variation de Basilio pour le rôle fétiche, celle des Bourgeois pour montrer une autre facette de son talent. C’est bien cela que le public vient voir aujourd’hui. Un danseur qui sort du cadre pour nous montrer l’envers du décor, pour dire ce qu’il a à dire sur le monde du ballet classique aujourd’hui, et pour nous dévoiler toutes les facettes de sa personnalité artistique. En partageant la scène avec 5 superbes danseurs, on ne peut que sortir ravis de ce spectacle. A voir assurément.
Le temps laisse place aux souvenirs, voilà que je me remets à penser à tout ce que j’ai vu, ce qui m’a touchée, parfois bouleversée, souvent émue et changé mon regard.
Les dix spectacles qui ont retenu mon attention, et auxquels je repense souvent, sont :
Desh d’Akram Khan, vu au Théâtre de la Ville le 29 décembre 2012. Incontestablement celui qui m’a le plus touchée, en alliant la beauté la beauté de la danse et la justesse du propos. La question des origines y est traitée avec beaucoup d’humilité et d’émotion. Relire ma chronique, clic
Medea de Pascal Dusapin, chorégraphie de Sasha Waltz, vu au T.C.E. le 10 novembre 2012. Force, élégance du geste, puissance narrative sur la très belle musique de Dusapin, cette pièce m’a marquée par sa richesse chorégraphique, dont certains passages continuent d’aller et venir dans mon esprit. Relire ma chronique, clic
Kontakthof de Pina Bausch, vu au Théâtre de la Ville les 11 et 21 juin 2013. On se passerait presque de commentaires tant le chef d’œuvre parle de lui-même. Un très grand moment d’émotion, les mots m’ont manqué pour en parler. Non chroniqué.
May B de Maguy Marin, vu au Théâtre du Rond-Point le 1er décembre 2012. Je crois que ce soir là je n’ai pas décollé mon dos de mon siège et mes yeux n’ont pas cligné, tant j’étais absorbée par l’univers beckettien de cette pièce remarquable. Les mouvements et les intentions peignent avec beaucoup de véracité la complexité de la nature humaine. Relire ma chronique, clic
Désordres de Samuel Murez, vu au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison le 8 juin 2013. La belle surprise de l’année. Un spectacle brillant, moderne où la forte théâtralité met toujours en valeur la danse, très virtuose, servie par des interprètes comme on ne les voit nulle part ailleurs. Relire ma chronique, clic
Soirée Forsythe/Brown, vu à l’Opéra de Paris, les 3 et 31 décembre 2013. Meilleur programme pour moi de la saison à l’Opéra, j’en garde un excellent souvenir. Le très beau Pas./Parts emportait définitivement le public, avec des danseurs très engagés et lumineux. Aurélia Bellet signait quant à elle une belle performance dans In the middle. Je n’ai pas encore enlevé la musique de Thom Willem dans mon ipod. Relire ma chronique, clic
Soirée Roland Petit, vu à l’Opéra de Paris, vu les 26 et 27 mars 2013. La danse narrative et sensuelle de Roland Petit me fascine. Revoir Carmen était un vrai délice, la nomination d’Eleonora Abbagnato, la cerise sur le gâteau. Le genre de soirée dont je ne saurais me lasser. Relire ma chronique, clic
Brilliant Corners d’Emanuel Gat, vu au Théâtre de la Ville le 6 avril 2013. Très belle chorégraphie, dans cette pièce les corps s’emmêlaient et se démêlaient. Un véritable kaléidoscope. L’exigence et la lisibilité de l’écriture rappellent qu’Emanuel Gat fait partie des chorégraphes inventifs et modernes. Non chroniqué.
Elena’s Aria d’Anne Teresa de Keersmaeker, vu au Théâtre de la Ville le 15 mai 2013. Le silence que sait imposer la chorégraphe belge m’a amené dans une lente contemplation. Une phrase, rien qu’une phrase, qui se construit à travers un dédale de chaises. Une épreuve pour certains, un ravissement pour d’autres. Relire ma chronique, clic
Hasta Donde de Sharon Fridman, vu le 21 novembre 2012 au Silencio. Petite madeleine, qui me fait immédiatement remonter les émotions en tête. Le lieu, l’ambiance, la danse, la fluidité des corps, une soirée remarquable avec A***. Non chroniqué.
Pour mes grosses déceptions, je dirai dans le désordre, Ballet am Rhein vu au théâtre de la Ville, Israël Galvan (je n’aime toujours pas le flamenco…), le Gala Noureev à l’Opéra de Paris, et Tabac Rouge de James Thiérrée dont j’attendais sans doute trop.
Côté théâtre et « autres spectacles » mes coups de cœur de la saison vont à Nouveau Roman de Christophe Honoré (vu le 24 novembre au théâtre de la Colline), Grandeur et misère du IIIème Reich par le Berliner Ensemble (vu le 25 septembre au Théâtre de la Ville), Fin de partie, mise en scène d’Alain Françon (vu au Théâtre de l’Odéon le 16 janvier 2013), Mahabharata, vu au musée du Quai Branly le 8 février 2013.
Et vous, après ce bel été, que retenez-vous de la saison dernière ?
Beaucoup de temps a passé depuis ma dernière chronique, je renonce à la régularité, mon emploi du temps étant trop fluctuant !
Beaucoup de beaux spectacles vus ces trois dernières semaines, dont le très émouvant Kontakthofde Pina Bausch. Tout est dit sur les relations humaines avec si peu de mots. Les danseurs de la compagnie sont beaux, font passer des émotions comme personne.
L’autre très beau spectacle que j’ai vu ces dernières semaines est Désordresde la compagnie 3ème étage menée par l’ingénieux Samuel Murez. Un spectacle euphorisant, plein de bonnes idées, qui vous capte du début à la fin. La danse est virtuose, on rit, on est touché, on est impressionné, on est baladé aux quatre coins de la scène par des chorégraphies inventives et intelligentes.
La dernière de la soirée mixte Nijinsky/Béjart/Robins/Cherkaoui/Jalet, fut belle mais sans grandes sensations fortes. Le Boléro avait pris de la fluidité en comparaison de la générale. Un faune très sexuel de Jérémie Bélingard, un beau duo, entre Myriam Ould Braham et Mathias Heymann, lequel avait déjà brillé lors de l’oiseau de feu.
Je crois que je suis passée à côté de Light de Béjart. De la belle danse, de beaux danseurs, mais la chorégraphie m’a laissée de marbre.
Petit rappel, les réservations pour la Dame aux caméliasont ouvert aujourd’hui sur le net, pensez à réserver, surtout pour le 10 octobre, les adieux de Letestu.
Les sorties de la semaine
La Sylphide de Pierre Lacotte est au palais Garnier depuis samedi soir. La Sylphide raconte l’histoire du jeune James, fiancée à la jolie Effie. Cette idylle amoureuse se rompt quand James tombe amoureux d’une charmante Sylphide, sorte d’être féérique. James voudra garder la sylphide près de lui, mais c’est un lourd prix à payer.
La Sylphide est un ballet romantique qui exige de belles exigences techniques comme artistiques. Les garçons devront montrer toute leur belle technique de saut tout en ne perdant jamais de vue leur rôle. Pour les filles, il faudra montrer de la légèreté, de l’évanescence, qeulque chose de vaporeux dans les bras et dans les jambes. Pour cela, il ne faut pas manquer la venue de la belle Obraztsova les 24 juin, 28 juin, 2 et 8 juillet.
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Tabac rouge de James Thierrée s’installe au théâtre de la ville. Les premières critiques ne sont pas très bonnes, mais si vous souhaitez découvrir ce que peut faire le talentueux danseur magicien comme chorégraphe, cela se passe du 25 juin au 8 juillet.
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La nouvelle de la semaine
Mathilde Froustey l’a annoncée cette semaine : elle a pris la décision de partir au San Francisco Ballet, dirigé par le chorégraphe Helgi Tomasson. Grande compagnie, au répertoire très riche, elle y entre directement comme « principal », équivalent de nos étoiles. Elle pourra y danser Ratmansky, Mc Gregor, Possokhov, Christopher Wheeldon, Morris, Lifar, Liam Scarlett, Balanchine, Robbins… Bravo à elle et on lui souhaite beaucoup de bonheur dans cette nouvelle aventure ! Peut-être reviendra-t-elle danser en France quand Millepied prendra la direction….
« Il est grand temps de vous annoncer qu’à partir du 1er juillet je deviendrai « Principal dancer » au San Francisco Ballet pour la saison 2013/2014 !
Merci encore à vous tous pour votre soutien et votre amitié, merci au public parisien pour toute l’énergie et l’amour que vous m’avez offert, ce fut un immense plaisir de danser pour vous !
Merci enfin à cette magnifique compagnie du Ballet de l’Opéra de Paris pour ces 11ans passés aux cotés d’êtres et de danseurs exceptionnels que je continuerai à admirer toujours. »
Désordres avec Samuel Murez, Lydie Vareilhes, Takeru Coste, Ludmila Pagliero, Matthieu Botto, Léonore Baulac, François Alu, Fabien Révillon, Hugo Vigliotti, Laura Hecquet, Jérémy-Loup Quer. Représentation du samedi 8 juin 2013 au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison.
Samuel Murez est un artiste est un artiste très doué. Quand on voit la qualité de son spectacle et le bonheur qu’il procure, on se dit qu’on aimerait voir plus souvent ce type de talents mis en avant sur la scène actuelle française.
Désordres est un spectacle comme on a peu l’habitude d’en voir dans les théâtres parisiens, car il mêle l’exigence technique classique, à une scénographie ultra léchée, le tout avec un fond humoristique qui emmène petits et grands. Ceux qui s’attendaient à un gala de danseurs pouvaient rester chez eux, Désordres, c’est bien plus que cela.
Le spectacle est composé d’une suite de pièces qui met en scène la virtuosité et l’élégance chorégraphique. Ainsi la valse qui ouvre le bal donne le ton. Tout s’enchaîne avec une belle fluidité. Les difficultés techniques semblent inexistantes. Les danseurs utilisent l’espace et leurs qualités techniques comme rarement. La diversité et la complexité des chorégraphies écrites par Samuel Murez permettent de voir l’étendue des danseurs du groupe. Dans Quatre, Matthieu Botto, François Alu, Fabien Révillon et Hugo Vigliotti se montrent plus virtuoses que jamais. Les sauts sont époustouflants, les tours n’en finissent pas de tourner. Tout est impeccablement réglé sur la musique et dans l’espace. Takeru Coste est un éblouissant partenaire avec Ludmila Pagliero. Ils créent ensemble ce pas de deux très sensuel alors que les instructions techniques sont leur seule musique.
Les pièces qui composent le spectacle sont liées par une narration fantastique. Un chapelier nous guide vers cette aventure où l’on va croiser le désormais mythique duo de « ME2 » qui se démultipliera en me9. L’unité sonore est elle aussi assurée. On retrouve des jeux de sons, qui se déclenchent à la suite de certains mouvements, comme dans Book Dance, où les protagonistes s’électrocutent entre eux. Les personnages ont une identité forte et attirent de façon magnétique le regard. Les personnages un peu gauches de Book Dance sont terriblement charmants. Le personnage du rêveur incarné par Hugo Vigliotti est sans doute le plus fort car c’est celui qui est capable de provoquer beaucoup de tendresse et qui possède un fort potentiel comique, par ses mimiques et son angoisse du monde du travail. Les qualités techniques et artistiques d’Hugo Vigliotti en mettent plein la vue.
Samuel Murez a l’intelligence de comprendre que ce qui fait un spectacle ce sont tous les détails qui le composent. Il ne laisse rien au hasard. Les lumières y sont extrêmement travaillées et sont une grande partie de la réussite. Les douches de lumières qui s’allument ça et là nous surprennent, les nuances des couleurs sont bien ajustées, tout les effets sont réglés au millimètre et à la seconde près. Pas un écart, pas une erreur, le spectacle est tenu de bout en bout, avec brio et on en ressort complètement ébloui. C’est drôle, beau, plein de surprises et de rebondissements. Assurément, un de mes gros coups de coeur de cette saison.
La troupe de 3e étage sera cet été au très prestigieux Jacob’s Pillow Festival du 31 juillet au 4 août.
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A l’Opéra de Paris, il y a toujours des initiatives individuelles intéressantes. Quoi de plus normal quand on vit au sein d’une telle maison. Samuel Murez y est entré à l’âge de 17 ans. Il danse dans de beaux rôles. On retiendra parmi ceux ci ceux que lui a donnés Forsythe (Approximate Sonata), Laura Scoozy, Mats Ek, Pina Bausch, sans oublier Roland Petit. Mais ce qui préoccupe l’esprit du jeune danseur c’est la chorégraphie. Créer sur les autres, faire ressortir leurs qualités, les mettre dans la lumière. De là, est né 3ème étage. Ce nom, c’est tout simplement celui de l’étage où sont les loges des danseurs. Au départ, un danseur avec cette volonté de mettre ensemble des brillants artistes et de créer quelque chose de nouveau, qui tire la tradition vers la modernité. Au départ, des spectacles qui ressemblent fort à des galas. Puis, une forme nouvelle s’impose avec un spectacle. Désordres, est un tout. Ce ne sont plus des pièces ou extraits isolés que vous verrez au théâtre de Rueil, mais bien un spectacle pensé de bout en bout par l’équipe de Samuel Murez. Ce nouveau spectacle est complètement auto-produit et c’est un nouveau défi que s’est donné le danseur-chorégraphe. Il a loué pour 4 jours le théâtre André Malraux à Rueil-Malmaison. Cet été, il retourne au Jacob’s Pillow Dance Festival pour la deuxième fois. Toutes les dates là-bas sont pleines, les Américains en redemandent ! La qualité du programme n’est plus à démontrer, aux Franciliens de le découvrir ce week-end.
Avant la dernière de la soirée mixte à Garnier, rendez-vous avec Samuel Murez au restaurant de l’Opéra. Rencontre avec un artiste passionnant.
Comment passe-t-on de la danse classique à la création d’une compagnie ?
La danse classique st une forme qu’on a apprise depuis tout petit. On a appris comment doit être notre corps, dans quelle position doit être, qu’est ce qui se passe dans notre corps à ce moment là. Ce sont des idées qui sont ancrées en nous, très précises. Et en même temps, juste avec ces idées là, on ne peut pas faire grand chose d’intéressant. Il faut donc avoir une part de transgression et de folie, qui vont être nécessaires à la créativité. Une pièce avec que des règles et de l’ordre, c’est nul, le contraire, une pièce qu’avec de la folie c’est nul aussi.
J’aime le cinéma, la mise en scène. J’aime que tout soit impeccable pour faire un vrai spectacle avec des effets. C’est pour cela qu’est né 3ème étage.
De quelles contraintes partez-vous pour créer une pièce ?
La contrainte est justement tout le thème du spectacle ! Je joue sur le mot « désordre ». Des ordres et du désordre. Quand on travaille ensemble, au départ c’est très classique, assez virtuose et assez réglé. Après je questionne un peu tout cela, les habitudes, les attentes que l’on peu avoir. Les personnages que je crée évoluent et interagissent avec les danseurs. On arrive vers des formes moins ordonnées, mais cela peut être aussi dans le déroulement du spectacle, avec des parts d’improvisation.
La reproduction en danse ce n’est pas intéressant. Il y a toujours quelqu’un qui a fait mieux ou différemment. La chose qui m’intéresse c’est quand j’ai l’impression que rien n’est écrit et que l’interprète est en train de recréer quelque chose. Je travaille sur l’intention et sur l’effet théâtral.
Comment faites-vous pour mettre les danseurs dans cet état qui fait qu’ils puissent créer dans une chorégraphie écrite ?
Je travaille sur les effets. Je vais changer la musique ou la lumière ou même la chorégraphie jusqu’à ce que l’effet que j’ai en tête soit atteint. Il y a beaucoup de paramètres, il faut tout régler au millimètre, surtout quand on change de salle, qu’on n’a pas l’éclairage qui va bien, etc. Il y a donc forcément une part de liberté pour les danseurs, et cela permet qu’ils se surprennent eux-mêmes.
Qui sont ces danseurs qui sont avec vous dans cette aventure ?
Des artistes que j’admire beaucoup. Chacun à sa façon a du génie. Mais pas seulement parce qu’ils font bien des pas, ça ce n’est pas intéressant. Ils m’emmènent très loin. Pas tous par la même chose. Josua par exemple, c’est par sa précision, sa rigueur, sa pureté d’intention, de retenue. Ludmila, par son obsession du détail. Il y a des choses chez eux qui me touchent. Pour moi, ils sont différents. Ils ont quelque chose en plus. Takeru est un homme de théâtre, capable d’emmener toute une salle avec lui. C’est une vraie star, il fait vivre des personnages d’une façon extraordinaire. Il captive le public. Hugo sait quant à lui un rôle de soliste brillament.
C’est la première fois que le spectacle est auto-produit. L’intention est donc différente des précédents spectacles …
J’ai voulu faire quelque chose de différent. Je voulais être proche de Paris pour ce premier spectacle. Je veux amener un public différent. Le but c’est d’avoir une expérience différente de la danse. Quand on va voir un film, il y a tout un univers autour du film. Les trailers, les affiches, les bandes annonces, les rumeurs, puis vient le making off, les bonus. Les spectateurs interagissent avec cela. Dans la danse, ce n’est pas le cas. Je voulais donc que le public qui vienne ne débarque pas au hasard, juste pour aller au théâtre. Je veux faire naître la curiosité et l’envie. Je veux que la danse dialogue avec les gens de la société, pas qu’elle soit cloisonnée dans les 4 murs d’un théâtre. L’artiste d’aujourd’hui ne doit plus être dans sa tour d’ivoire, il doit s’ouvrir au monde extérieur. C’est pour cela que j’ai fait des bandes-annonces dans les cinémas, pour créer du lien avec le public, faire des conférences, faire une vraie expérience du spectacle.
Comment s’organise le travail de 3ème étage ?
On travaille dès qu’on a du temps de libre. J’y passe personnellement tout mon temps libre. Le matin, les jours off, les week-ends.
C’est un vrai travail de groupe. Je prends les idées de tout le monde. Je ne m’assois pas avec une feuille blanche. J’ai un groupe de folie, mon ingé son est formidable, les musiciens avec lesquels je travaille me font des créations géniales. Mon éclairagiste comprend tout de suite où je veux en venir. Je fais appel à des accessoiristes, des costumières. On travaille ensemble, toute l’année. On se connaît bien. Du coup, les situations qu’on vit ensemble, dans les moments nombreux que l’on partage peuvent se retrouver dans une pièce. Une galère, un moment de joie, peut donner quelque chose en scène. Chacun donne des idées. Il faut beaucoup de mauvaises idées avant de trouver une bonne. L’œil de chacun est intéressant.
Le groupe s’enrichit ensemble. Je crois que quelqu’un comme François Alu s’est beaucoup construit aussi grâce au groupe. Il a regardé le travail de Josua pendant longtemps. Il a écouté les nombreuses corrections. Le groupe laisse peut être le temps d’éclore des choses. A l’Opéra, cela va vite et moi je veux prendre le temps de créer. Une création peut mettre un an à se faire, si elle doit se transformer, de spectacle en spectacle, il faut prendre ce temps. Des fois, il y a des choses qui ne sont pas prêtes. Il faut essayer, refaire, reprendre, aller en plateau, travailler en résidence, réessayer.
De votre travail, on a vu des extraits aux Danseurs-chorégraphes. C’est un travail très abouti ou on sent une grande rigueur. Comment parvenez-vous à ce résultat ?
Je suis un obsessionnel du détail. Il faut que tout soit en place. La lumière, la mèche de cheveux du danseur au fond côté cour de la scène, la façon aussi de se placer dans la lumière. Tout cela est très important. C’est ce qui fait la réussite. Je suis très exigeant, mais je crois que mes danseurs le sont aussi par conséquent. Je leur demande beaucoup, je leur demande de chercher tellement loin, mais pour créer quelque chose qui soit digne d’eux.
Pour créer quelque chose d’intéressant, qui mérite d’être retenue par le public, comme ont pu l’être les Ballets Russes, il faut du temps, de la liberté, des gens créatifs, de la confiance.
Vos pièces sont très efficaces. On ne s’y ennuie pas et on reste captivé par les personnages, comme dans la pièce Le Rêveur. Comment concevez-vous la trame d’une pièce ?
Je suis aussi dans l’économie. Dans la danse, les gens ont l’impression que plus c’est long, mieux c’est. Mais c’est faux. Des fois on voit une bonne idée d’une minute et la scène dure un quart d’heure. La bonne idée devient de l’ennui car on l’a étirée. Au cinéma, on filme des heures, et puis on coupe pour arriver à 1h40. C’est sain narrativement. J’essaie toujours de réduire le temps. Je vois qu’une pièce fonctionne quand elle perd du temps et que les idées s’enchaînent sans longueurs. J’aime que les pièces soient compactes. Par exemple, Me2 a perdu une minute. Il faut jeter une partie, tout n’est pas bon dans ce que l’on crée. Je veux raconter une histoire aux gens, il faut qu’ils restent dans l’attente de quelque chose, comme quand on voit un film au cinéma.
Comment gérez-vous votre temps entre l’Opéra et ce projet ?
J’adore l’Opéra. C’est une maison extraordinaire. Elle n’a pas son pareil dans le monde entier par plein d’aspect. C’est un honneur d’être là, je ne le perds jamais de vue. Le projet est un autre investissement. Mais ce n’est pas contradictoire. Cela ne s’oppose pas. Au contraire. J’ai l’impression de faire vivre la tradition de l’Opéra avec ce projet. L’opéra m’a formé. J’ai appris à chorégraphier avec tous ces grands noms de la danse, que sans l’Opéra je n’aurais jamais rencontrés. J’y ai appris la rigueur. Je ne rejette pas cela, je prends du recul et je le questionne. Je crois que c’est aussi comme cela que les traditions vivent.
Désordres, un spectacle de Samuel Murez du 8 au 12 juin 2013 au Théâtre de Rueil-Malmaison
Lumières : James Angot
Son : Jérôme Malapert
Avec : Ludmila Pagliero, Josua Hoffalt, François Alu, Léonore Baulac, Takeru Coste, Laura Hecquet, Jérémy-Loup Quer, Fabien Révillion, Lydie Vareihles et Hugo Vigliotti.