Pathé

NDT Live Programme III

Cette année les cinémas Gaumont et Pathé ont eu l’idée géniale de retransmettre quatre soirées en direct du NDT. La première soirée avait eu lieu le 15 novembre, on pouvait y voir deux ballets de Kylian et une création de Medhi Walerski.

Cette deuxième soirée était exclusivement composée de trois pièces de Paul Lighfoot et Sol Leon. Comme en mai, clic, la réalisation était très réussie, avec des entractes très intéressants, sur la construction des ballets, l’élaboration des décors et des costumes, des extraits de répétition.

Une bande-annonce présentait les trois pièces. Noir et blanc, esthétique épurée. Un homme en costume blanc qui rit sous une pluie de cotillons ; une femme dont on ne voit que le profil en clair-obscur, ouvre une porte ; un soldat fou qui hurle, la bouche bougeant comme une vache.

J’ai passé une soirée formidable et j’ai hâte que le NDT revienne en France. D’ici là, je songe à m’organiser un petit week-end à la Haye. Trop tentant après avoir vu ça !

Sh Boom NDT photo de Rahi Rezvani

Sh-boom est une pièce qui se regarde comme on chanterait un air joyeux dans la rue. Musiques du monde variées, les saynètes s’enchaînent, avec beaucoup d’humour et toujours, cette exigence de recherche chorégraphique et de virtuosité technique. L’influence de Kylian est très forte dans ce ballet. D’abord avec cet humour si propre à la compagnie, que l’on avait découvert dans Birth-D ; ensuite, par de nombreux enchaînements, notamment ce quatuor de femmes dans des douches de lumières, dansant sur un tango finois. Le travail des expressions du visage est magnifique. L’homme au costume blanc fait une démonstration de jeu de scène. C’est un clown, qui vole sur scène. Ses sauts sont majestueux, plein d’amplitude. Un autre danseur, nous fait beaucoup rire, avec le fameux numéro du double costume. « John » et « Marshall » se font jouir devant un micro comme sur un ring de boxe. Hilarant, fait avec beaucoup de talent.

L’ensemble de fin avec les mouchoirs dans la bouche est aussi surprenant qu’interpellant. C’est un manifeste de la danse, elle se suffit à elle même, un geste et tout est dit. Cette pièce est comme une signature de ce qu’est le NDT aujourd’hui, mais aussi un témoignage de ce qu’il fut. Compagnie internationale, multiculturelle, riche de sa diversité qui sait allier technique époustouflante et jeu de scène formidable. Le tout avec une pointe de légèreté avec ce « sh boom, sh boom, lalalalalalalalal » !

Shoot the Moon NDT 1 Photo de © Rahi Rezvani

On change complètement d’ambiance avec Shoot The Moon. Après avoir vu cette pièce, j’avais le souffle coupé par tant de justesse. La pièce raconte ce qu’est la solitude, mieux qu’on ne le ferait avec des milliers de mots.

Le décor est une sorte de manège qui tourne. Il y a trois pièces au papier peint sophistiqué, noir et blanc. Dans la première pièce, il y a deux portes noires. Elles sont comme des échappatoires, mais elles cachent aussi ce qui pourrait être derrière elles. Dans la deuxième chambre, même décor avec une porte et une fenêtre. Idem dans la dernière pièce. Le décor tourne pour laisser entrevoir chaque espace.

La pièce traite du silence qui s’installe au bout de quelques temps dans les couples. Chacun est dans sa bulle de silence, chacun dans sa solitude. La chorégraphie est poignante, la musique de Philip Glass nous fait entrer très vite dans l’intimité et le désarroi des personnages.

Le langage de Paul Lightfoot et de Sol Leon est à la fois riche, complexe et hautement intelligible. Les courbes des dos montrent l’angoisse de ce couple qui ne se parle plus. Les ventres se contractent, les corps s’assemblent par habitude et non par passion. Les lignes des jambes dessinent une forme d’espoir dans cette chambre vide. Les portés se font sans effort, le travail de ces danseurs est sans pareil. Derrière la porte, il ne faut pas imaginer que l’herbe soit plus verte. Un autre couple, plus expressif, représentant sans doute, une souffrance plus explicite. Les corps sont plus malmenés, les mouvements sont plus rapides, plus rectilignes. Les visages prennent des formes plus sévères. Derrière la fenêtre, la silhouette d’un homme. Au-dessus du décor, il est filmé dans sa grande solitude. Medhi Walerski interprète à merveille (ce garçon est formidable) cet homme plongé dans son chagrin, ou dans ses regrets, d’un amour passé. Sans être lasse, la chorégraphie montre tout le vide qui règne dans cette pièce, qui devient emprisonnante, comme les pensées qui habitent le jeune homme. Les murs sont trop petits pour s’exprimer. Il s’y colle, dans la recherche d’un contact. La fenêtre joue un double rôle. Rencontrer cette femme, qui semble si triste, elle aussi, derrière cette fenêtre ou si jeter à travers, puisque plus rien ne paraît possible entre ces murs.

C’est donc une pièce plutôt sombre qui vous fait frissonner. Criante de vérité, les gestes sont bien plus compréhensibles que les mots. C’est un roman qui s’ouvre sous nos yeux, nous arrivons au chapitre de la fin.

La scénographie est divine, avec ces lumières, qui donnent de la chaleur à travers les vitres des fenêtres, une ambiance glaciale dans les pièces. Rien n’est vain, ni en trop, le film qui est projeté au dessus du décor a pleinement sa place. A la fin le décor tourne, tourne, accélère, comme le fil de la vie.

Same Difference Medhi Walerski photo Rahi Rezvani

 

Same differences m’a beaucoup fait penser à Shine a light, clic. Même scénographie, musique similaire, si le propos principal est ici l’ego qui enferme dans des principes, un langage, un mode de mouvement et de pensée, sur la forme, cela ressemble beaucoup au spectacle que j’avais vu en mai. Ainsi on se retrouve dans un monde très onirique avec des personnages fantasques. Pluie de lumière blanche, paroles incompréhensibles hurlées par un soldat, qui traîne la patte sur une petite passerelle. Un poète, dansé par Medhi Walerski, est le personnage central. Par ses paroles douces, dans plusieurs langues, il fait le lien entre ces personnages qui, finalement, ne communiquent pas entre eux, faute d’un ego trop grand.

Le langage chorégraphique est sans cesse renouvelé. Il n’y a pas de facilité. Chaque pas est exploré, étiré, tourné, jusqu’à trouver la forme parfaite qui va convenir à chaque corps, à chaque caractère. Les ensembles montrent la grande qualité de cette compagnie. Tout est très dessiné, c’est du design chorégraphique.

Prochaine soirée avec le NDT Live au cinéma le 7 février. Le NDT a donné carte blanche à Crystal Pite, danseuse et chorégraphe canadienne, très inspirée par le travail de Forsythe. Elle a depuis monté sa compagnie Kidd Pint. Ne manquez pas de découvrir son travail.

  • Extrait vidéo Shoot the moon