L’opéra n’est pas plein. L’Arop a du céder des places mais le prix a du en faire fuir beaucoup. Le décor n’en est pas moins sublime, fait de roses et de pivoines (mes fleurs préférées), dans des tons très romantiques, très poudrés qui me plaisent beaucoup.
Le rideau se lève après la mise en place des musiciens. Sur la scène, des soldats, certains sur une petite scène surélevée. Le ton est tout de suite donné. Amis révolutionnaires, la cocarde et le bleu, blanc, rouge sont au rendez-vous. Lantratov fait son apparition sous les traits de Philippe, jeune soldat marseillais, et Alexandrova sous ceux de Jeanne, jeune paysanne qui veut quitter le nid familial. Le frère de Jeanne, Jérôme, dansé par Denis Savin, est animé par un désir de l’engagement révolutionnaire. Il sent que son destin peut basculer et qu’il faut qu’il saisisse sa chance. D’un simple baiser, Philippe et Jeanne tombent amoureux. Jérôme s’engage aux côtés de Philippe ; les deux jeunes paysans doivent faire leurs adieux à leurs parents. Alexandrova montre dans ces quelques moments de pantomime de grandes qualités. Elle n’en fait pas trop et son jeu n’en est pas moins explicite. J’adore ce grand sourire qui illumine son visage, mais qui ne la rend pas niaise. Après ces adieux, les deux jeunes gens traversent la forêt et rencontrent en chemin le Marquis Costa de Beauregard, qui chasse. Il est très facile dans le ballet d’identifier les classes sociales par les costumes. Les nobles sont en noir et blanc, perruques et poudre tandis que les révolutionnaires arborent des costumes bleu, blanc, rouge. Jeanne plaît au marquis, et c’est assez brutalement qu’il lui fait comprendre ses intentions. Une fois encore la pantomime est bien jouée, encouragée par la musique qui souligne l’angoisse de la situation. Jérôme arrive au secours de sa sœur et parvient à la faire s’échapper. Lui tombe entre les griffes du marquis et est jeté dans un cachot. Adeline la fille du marquis tombée sous le charme du jeune héros, le délivre de ses chaînes. La jeune femme est dansée par Anna Rebetskaya, que je trouve très élégante dans sa danse, où tout est finesse et raffinement.
Nous arrivons au Palais Royal. Toute la cour débarque en grandes pompes, perruque, poudre et crinoline, couleurs pastels et tissus luxueux. J’apprécie le bal que je trouve très
élégant, la construction rompt complètement avec ce que l’on vient de voir précédemment. Tout est structuré et ordonné, on retrouve les formes chorégraphiques traditionnelles du cercle et des lignes de bal. Le rythme est ralenti par rapport au reste du ballet, où tout bouge en permanence. Là on prend le temps de s’aligner pour danser. Je suis séduite par cette entrée en matière, mais si déçue par ce qui suit. Un ballet dans le ballet. Ce petit divertissement que l’on retrouve parfois dans les grands ballets, comme dans La Dame aux Camélias (on regarde au théâtre L’histoire de Manon). Je suis assez réticente à ces mise en abîme qui viennent, à mon sens, alourdir la trame narrative et qui peuvent perdre en route quelques spectateurs non avertis. Je ne comprends pas l’intérêt narratif et chorégraphique, si ce n’est donner un second rôle à un(e) soliste frustré(e) de ne pas avoir le premier. Dans Flammes de Paris, nous avons donc le droit à Rinaldo et Arminde. Cela s’accorde très bien avec tout le kitch du ballet en général. Ce divertissement raconte l’amour naissant de ce jeune prisonnier qu’est Rinaldo et Arminde, dont l’armée vient de rentrer. Je commence par trouver le costume d’Arminde très laid. Noir et rouge, brodé de doré, avec des plumes rouges et blanches sur la tête, des « guêtres » noir, rouge et doré, les pointes noires coupées au bout qui est grisâtre et plein de colophane, comme dirait Anne Teresa de Keersmaeker, cet « emballage cadeau » me fait un peu peur. Je n’ai pas entièrement tort car côté chorégraphie, ce n’est pas mieux. Quel ennui, la fatigue de la journée me reprend et je lutte pour ne pas fermer les yeux. Cette danse met en valeur la ballerine qui est sans cesse placée au centre. Ceci est renforcé par le décor et la scénographie où les nobles du bal royal sont à présent assis sur les côtés et regardent ce ballet-drama. Pour la belle Arminde, tout se joue dans dans le bas de jambe. Le problème c’est que je ne trouve pas que Nina Kaptsova ait un très joli coup de pied et les guêtres ne mettent pas du tout en valeur ses mollets. Ce qui m’a plu par contre c’est tous les passages d’Amour qui lance des flèches sur la princesse et le prisonnier. La danseuse est très légère, et a de très belles lignes. Tous les petits sauts éveillent un peu ce ballet qui ressemble trop à un vilain tableau. La variation de ce petit Cupidon, m’a fait penser à celle de Don Quichotte pendant le rêve de ce dernier. L’adage entre Arminde et Rinaldo ne finit pas de m’ennuyer. Arrive la fin de l’histoire, accrochez-vous, c’est costaud. Le fantôme de feu la fiancée de Rinaldo revient (comme quoi même mort, la jalousie en torturent encore quelques-uns), emporte Rinaldo dans un bateau (Oh my god, on dirait un mauvais remake du Corsaire, souvenir douloureux), mais Arminde déclenche l’orage, ramène ses furies (créatures mi diable, mi chauve souris, mi ce que vous voulez de maléfique), Rinaldo tombe à l’eau et hop se retrouve mort aux pieds d’Arminde. Fin du drame, que de larmes versées dans les rangs des crinolines assises, qui viennent féliciter les deux comédiens. Moi à ce moment là je me dis que j’ai perdu le fil, que cet intermède n’a décidément aucun intérêt.
Encore un peu d’ennui avant l’entracte, entrée du roi et de la reine. Le roi nous fait une démonstration de tour en l’air en sixième, repris par sa cour. Une fois d’accord, mais
plusieurs fois vraiment? Bon alors nous voilà partis pour une danse de cour qui a le mérite d’être drôle, mais qui chorégraphiquement est creuse. La marseillaise tonne dans le fond de la scène, les Marseillais envahissent l’espace. La panique naît chez les nobles, et Adeline en profite pour fuir le palais royal. La salle est plutôt froide à la fin du premier acte, et j’avoue que je ne suis pas conquise, non pas par les interprètes, car je trouve qu’ils ont dans leur danse quelque chose d’unique, une fougue, une âme bien particulière, mais par la chorégraphie en elle-même.
Entracte de gala dit champagne, makis délicieux de l’Opéra et macarons. Il y a aussi les délicieuses pâtes au pesto que Pink Lady a découvert lors du cocktail de Roméo et Juliette. Miam, se remettre d’aplomb avant d’attaquer le deuxième acte qui est beaucoup plus réjouissant que le premier.
Après ces rafraîchissements et mon observation scrupuleuse des tenues de soirée, retour dans la loge pour le deuxième acte. C’est un acte dynamique, qui est sans cesse en
mouvement, où la foule ne s’arrête jamais. C’est une grande fête, dans laquelle Marie Antoinette et Louis XVI sont démembrés avec une liesse étonnante.
Jeanne danse sur la Carmagnole. Au début de cet acte, elle n’est pas en pointe mais en chaussure de caractère et j’ai apprécié qu’on voie la soliste danser autrement. Alexandrova se montre
complètement absorbée par le rôle. J’ai adoré les fois où elle brandit le drapeau et l’agite. Son visage était illuminé. J’ai complètement été sous le charme de son sourire, par lequel elle donne beaucoup. Chacun de ses saluts sont une vraie révérence au public.
Le passage très rythmé, après le petit pas de deux entre Jérôme et Adeline, où les danseurs frappent des pieds emmenés par une Jeanne hystérique de bonheur de faire cette révolution, est un de mes préférés. La salle se réchauffe un peu d’ailleurs à ce moment-là et le public semble y prendre plus de plaisir.
La danse basque laisse entrevoir les qualités des garçons de cette compagnie, avec une série de sauts en l’air et autres pirouettes.
Retour des comédiens du premier acte, qui dansaient pour la noblesse, les revoilà mais cette fois pour danser pour le peuple. Véritable fresque, le tableau n’a pas
d’intérêt chorégraphique. C’est un défilé d’odalisques au bonnet phrygien, on pourrait presque renommer le passage la liberté guidant le peuple, même si le tableau me fait beaucoup plus d’effet que ce passage là. Arrive enfin le fameux pas de deux, où les étoiles russes peuvent nous éblouir par leur technique qui défie les lois de la gravité. Maria Alexandrova est délicate, tout en finesse dans ses mouvements, sans jamais perdre son énergie. Elle nuance beaucoup ses mouvements, ce qui donne des qualités différentes. Quant à Lantratov, c’est impeccable. Que j’ai hâte de voir Vasiliev dans ce pas de deux qui va forcément en rajouter des tonnes (pour le plaisir du public) ! Lantratov montre une aisance technique, avec une belle amplitude et des retombées impeccables. Le couple fait monter la sauce assez vite et enfin la salle s’enthousiasme ! Ouf il était temps de faire un accueil convenable à cette compagnie.
Un dernier pas de deux entre Jérôme et Adeline très beau, avec des transferts de poids du corps de l’un vers l’autre, des portés assez intéressants. L’adage est joli, sort du vacarme de la révolution pour mieux nous y replonger ensuite, quand Adeline décide de rejoindre son père sur l’échafaud. La guillotine fait tomber la tête d’Adeline, recueillie dans les bras de Jérôme qui se lamente, tandis que les révolutionnaires continuent leur marche sur Paris, Jeanne et Philippe en tête.
En résumé, une très bonne soirée, un ballet qui a ses faiblesses chorégraphiques, mais un vrai divertissement, plein de réjouissances. Le ballet ne peut être dansé que par une compagnie comme le Bolchoï, de part son côté exubérant. Je retourne voir Vasi/Osi dans Flammes le 15 mai, j’ai hâte de voir ce que ça donne. Je ressors très impressionnée par la danse des Russes, que je trouve généreuse, et très communicative. Il y a une âme dans cette danse qui donne des émotions très particulières.
Merci encore à JMC pour la place de gala.
Boris Asafiev | Musique |
Alexei Ratmansky | Chorégraphie D’après Vasily Vainonen |
Ilya Utkin, Evgeny Monakhov | Décors |
Yelena Markovskaya | Costumes |
Damir Ismagilov
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Lumières
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- Distribution du 05 mai 2011 19h30
Jeanne, fille de Gaspard et de Lucille : Maria Alexandrova
Jérôme, son frère : Denis Savin
Philippe, un Marseillais : Vladislav Lantratov
Le marquis Costa de Beauregard : Iouri Klevstov
Adeline, sa fille : Anna Rebetskaya
Mireille de Poitiers, une actrice : Nina Kaptsova
Antoine Mistral, un acteur : Artem Ovcharenko
Jarcasse, une vieille femme : Yuliana Malkhasyants
Gilbert, le capitaine des Marseillais : Alexandr Vodopetov
Le roi Louis XVI : Ruslan Skvortsov
La reine Marie-Antoinette : Olga Suvorova
Gaspard, un paysan : Alexandr Petukhov
Lucille, sa femme : Natalia Novikova
Amour : Anastasia Stashkevich
L’apparition de la fiancée : Olga Kishneva
Les amies d’Arminde : Yulia Grebenshchikova, Olga Marchenkova, Maria Zharkova, Angelina Vlashinets.
Les furies : Anastasia Meskova, Victoria Osipova, Victoria Litvinova, Anna Tikhomirova, Anna Okuneva, Anna Leonova.
Des chasseurs, amis du marquis : Batyr Annadurdyev, Yan Godovsky, Maxim Surov, Igor Tsvirko
Danse auvergnate : Anna Antropova, Krisitina Karaseva, Alexandr Vodopetov, Alexeï Kostin.
Danse marseillaise : Alexeï Matratov, Dmitry Zagrebin, Igor Tsvirko
Le président de la Convention : Alexandr Fadeechev
Le maître de cérémonie : Alexeï Loparevitch
David, un artiste : Egor Simachev
Sutler : Anastasia Vinokur
- Bonus vidéo