La conférence de presse n’avait même pas commencé, mais les danseurs savaient déjà. Aurélie Dupont remplacera Benjamin Millepied à la direction de la danse en septembre prochain. Elle avait refusé d’être directrice associée (laissant la place à Benjamin Pech) il y a quelques mois, la voilà promue directrice. Alors que la sphère des balletomanes attendait le retour d’un Le Riche ou d’un Legris, c’est donc une femme qui prendra la tête de la compagnie. Retour à la tradition avec quelqu’un 100% maison.
Opéra de Paris
Benjamin Millepied quitte l’Opéra de Paris
Tout comme son arrivée à la tête du ballet en avait surpris plus d’un, son départ fut tout aussi fulgurant. Une dépêche dans Paris Match, puis une autre sur France Info. Les danseurs du ballet ne semblaient pas informés. La générale de sa nouvelle création, La Nuit s’achève, a lieu demain soir. La présentation de la nouvelle saison la semaine prochaine. Il se chuchote même qu’il ne sera pas là.
On sait que la tâche administrative était lourde. Il voulait comme il le répétait « dépoussiérer » l’Opéra de Paris, « le paquebot ». Ce qu’on voyait dans Relève, c’était surtout un chorégraphe qui avait envie de faire émerger sa génération d’étoiles. Le problème c’est que le ballet de l’Opéra de Paris, c’est 154 danseurs, pas 25. Alors certains se sont légèrement sentis comme mis de côté. Et puis, ça et là, des remarques pas toujours habiles, comme le corps de ballet qui fait « papier peint ». Joli papier peint dans Bayadère. On entendait les rumeurs, les crispations. Pas facile de diriger un « paquebot ».
Cela ne doit pas être facile de débarquer à l’Opéra de Paris. 154 danseurs, qui se connaissent depuis l’enfance. Des codes très établis. Un public capricieux. Un an et demi, c’est peut être trop peu pour adopter la compagnie. Il aurait fallu un peu plus de persévérance, d’observation. Prendre le temps de voir la compagnie dans sa richesse, dans sa diversité, plutôt que de pointer dans les médias tous les points qui n’allaient pas.
Millepied fut le roi de la communication : ultra-connecté, postant à tout va sur Instagram, il est sûr qu’avec lui, le public 2.0. avait accès comme jamais auparavant à l’Opéra de Paris. C’était aussi un formidable atout pour lever des fonds pour l’AROP et l’Opéra de Paris.
On attend avec impatience la conférence de presse qui aura lieu jeudi 4 février à 15h. Puis, bien entendu, il s’agira de savoir, qui reprendra le poste. Affaire à suivre…
Relève
Voilà un titre prometteur pour ce nouveau documentaire que l’on vient de voir sur Canal plus ce soir. Après un live-tweet enflammé de la balleto-twittosphère, voici le moment d’en écrire une petite synthèse. Mais pour cela, il faut donc répondre à la question : c’est qui, la relève ?
La relève c’est d’abord, puisque c’est présenté ainsi dans le documentaire, Benjamin Millepied. Jeune directeur de la danse, fraîchement arrivé dans ce « paquebot » comme il se plaît à l’appeler avec son directeur Stéphane Lissner, Benjamin Millepied est un personnage enthousiaste, débordant d’énergie, qui veut tout changer à l’Opéra. Cela commence par les sols dont la dureté le choque, puis la médecine, il faut bien le dire quasi inexistante à l’Opéra de Paris. Il bouleverse les codes, a envie de créer un ballet avec des jeunes. Il veut découvrir sa génération, celle qui représentera le style de danse qu’il défend. Pour Millepied, tout commence par la musique. On le voit en studio, écouter la musique au casque pour ne se concentrer que sur cela. Il commence à esquisser quelques pas. La musique a une place centrale : on le voit souvent avec le brillant Maxime Pascal à qui il a confié la direction d’orchestre. Peu à peu, les grandes lignes viennent. Des passages sont mieux pour des groupes, d’autres que pour les filles, d’autres pour un pas de deux. Millepied introduit sa nouvelle équipe : Jannie Taylor, Sébastien Marcovici (qui n’est pas inconnu des danseurs car il a fait l’école).
La relève c’est avant tout cette jeunesse, ce groupe de 16 danseurs. Cette fameuse « génération Millepied » que l’on a vue dans tous les magazines. Léonore Baulac, Axel Ibot, Letizia Galloni, Hugo Marchand… Ces danseurs sont jeunes, fabuleux et regorgent de talent. Benjamin Millepied sait les repérer, les faire émerger. Il les met en valeur, ne cesse de les féliciter, les chouchoute pour qu’ils ne se blessent pas. Il les regarde avec une émotion non feinte lors de la première et laisse simplement un « wahou » sortir de sa bouche. Il leur promet un destin d’étoile en les faisant monter au concours de promotion.
Du point de vue de la réalisation, le documentaire offre de jolis moments de répétition, quoiqu’un peu rapides à mon goût (et pas toujours bien cadrés… mais pourquoi donc couper les extrémités…). Les ralentis sont un peu clichés, on s’en passerait aisément. Le film est rythmé par les jours restants à Millepied pour finir sa création, comme pour créer un suspens. On se croirait dans un film politique, vous savez ce genre de film sur les campagnes des candidats à la présidentielle. Cela dit, Millepied est presque en campagne. Il veut mener une révolution à l’Opéra : caster les jeunes, mettre en avant la diversité, imposer son style. De belles promesses de campagne en somme. Les chorégraphes contemporains ont toujours casté. Pina Bausch a bien entendu choisi ses danseurs pour donner son précieux Sacre et Orphée & Eurydice. Les pièces contemporaines sont ainsi prisées car elles permettent de voir des talents qu’on connaît moins qu’avec les pièces plus classiques. Quant au débat sur la diversité… vaste débat, si complexe. D’abord, il y a des danseurs d’origines diverses dans le ballet. Jean-Marie Didière, Raphaëlle Delaunay, Eric Vu-An ou Charles Jude ont bien existé, dansé des premiers rôles. Qui sont les élèves qui entrent à l’école de danse ? Des élèves blancs, en majorité, issus de classes sociales élevées. C’est peut-être par là qu’il faut commencer si on souhaite changer le visage de l’Opéra de Paris. L’école de danse en prend pour son grade par de minces remarques, mais assez acerbes. Le style Millepied ? Un néo-classique, fortement inspiré par Balanchine et Robbins. Ce sera au public de juger si il aime ce style ou non.
Le documentaire nous laisse un peu sur notre faim. Est-ce un documentaire sur le processus de création ? On n’apprend pas grand chose sur le travail de chorégraphe de Millepied (écrit-il avant, fait-il des workshop, travaille-t-il l’improvisation sur des thèmes?) mis à part l’utilisation de son smartphone. Est-ce un portrait de ces 16 danseurs ? En quelque sorte, même si finalement, ils sont presque absents. Au milieu du documentaire, on leur laisse enfin la parole, c’est une vraie respiration dans le rythme effréné de Millepied. Que dire du reste de la compagnie ? Rien visiblement, mais on ne peut pas tout traiter dans un film. Ceci-dit, cette absence flagrante pose une vraie question sur la façon dont Millepied gère sa troupe. Relève c’est avant tout un portrait de Benjamin Millepied. Ce qui reste en suspens, c’est comment parviendra-t-il à faire sa révolution ? Clear, Loud, Bright, Forward n’est qu’une étape. La suite reste à écrire.
Wheeldon/McGregor/Bausch, Opéra Garnier
A la fin de l’année, côté ballet, il y a toujours un grand classique à Bastille et une soirée plus contemporaine à Garnier. A Bastille, les bayadères vous transportent dans un univers indien. A Garnier, il s’agit d’une autre ambiance. Soirée mixte, avec 3 chorégraphes : une entrée au répertoire, une création et la reprise d’un chef-d’œuvre. Comment s’articulent les 3 pièces ? Comment cette soirée se vit ? Retour du la soirée du 3 décembre.
Jamais facile d’associer le Sacre du Printemps de Pina Bausch, chef d’œuvre absolu, dont les mots manquent pour tarir d’éloges cette pièce. Puisqu’il faut toujours patienter avant de voir cette pièce, je commencerai donc ma chronique par elle. Vous pourrez donc vous passez de la suite de la lecture ! C’est la première fois que le Sacre est repris sans Pina. C’est Jo-Ann Endicott qui a mené les répétitions. Karl Paquette tient le rôle masculin avec beaucoup de poigne et de puissance. C’est définitivement dans ce registre qu’il brille de son titre. Quant à l’Elue, le rôle revient à Eleonora Abbagnato, dont on se réjouit de sa présence en scène. L’étoile italienne danse ce rôle pour la énième fois. Elle en connaît les secrets, les difficultés, les forces. Elle livre au public une danse incroyable, épurée de tout artifice. La danse de Pina ne permet de pas de tricher. Il ne s’agit pas là de faire semblant. Avec sa silhouette à la fois frêle et athlétique, Abbagnato est une élue possédée par la danse, dont les mouvements sont mues par une force intérieure très puissante, qui se ressent jusque dans la salle. Les yeux presque révulsés, le corps tremblant, elle sait maintenir la tension à l’instar de la musique qui nous tient aggrippés au rebord de la loge. Il y a un vertige dans le Sacre, un effet paroxystique qui vous attire de manière inconditionnelle. Le cœur bat, sur les barissements des cuivres. Le corps de ballet est somptueux, la transmission s’est faite. On admire la danse d’Alice Renavand, qui semble donner le rythme à l’ensemble du groupe.
Que dire alors des deux autres pièces ? Polyphonia de Wheeldon d’abord. C’est une composition de douze tableaux où 4 couples dansent. Duos, quatuor et ensembles se succèdent sur les pièces pour piano de Ligetti. L’ensemble n’est pas désagréable, on peut même dire que c’est plastiquement beau cette espèce d’épure, où les lignes des jambes cisaillent l’espace. La musique est sublime, admirablement jouée par Ryoko Hisayama et Michel Dietlin. Qu’en reste-t-il ? Pas grand chose, peut-être le passage de la valse et le style de Lydie Vareilhes. Un bon Robbins aurait sans doute fait mieux l’affaire.
Alea Sands est un hommage à Pierre Boulez, puisque cette création est sur les Anathèmes II pour violon. Passé l’hommage, où la scénographie fait honneur à la musique, la chorégraphie de Mc Gregor est bien vide. Tous les éléments forts de la pièce sont autres que la danse. La servent-ils ? Pas franchement. Ils cachent une chorégraphie dont on se lasse. On en oublierait presque les merveilleux danseurs qui sont sur scène.
Ce fut donc une soirée peu équilibrée, où l’on attend le Sacre avec beaucoup d’impatience. Deux entractes, c’est long aussi… Dommage qu’avec les nouvelles mesures de sécurité on ne puisse pas arriver juste au deuxième, pour assister au chef d’oeuvre de Pina.
Concours de promotion hommes 2015
Les 3 et 6 novembre ont lieu le concours de promotion interne du ballet de l’Opéra de Paris. Cette année le jury était présidé par Stéphane Lissner. Il était composé de Benjamin Millepied (directeur de la danse), Benjamin Pech (Danseur étoile, et collaborateur artistique du Directeur de la Danse), Yuri Fateyev (Directeur du Ballet du Théâtre Mariinski), Noëlla Pontois (Danseuse étoile et pédagogue), Lionel Delanoë (maître de ballet – suppléant), Laura Hecquet (danseuse étoile), Ludmila Pagliero (danseuse étoile), Lucie Clément (sujet), Sabrina Mallem (sujet), Alexis Renaud (sujet) Murielle Zusperreguy (première danseuse- suppléante). Retour sur le concours hommes. La chronique ne reflète que mon avis tout personnel. Si vous décidez de laisser un commentaire, le concours étant toujours un sujet « bouillant » et objet de controverse, merci de rester cordial.
- Quadrilles 11h
Nombres de postes à pourvoir : 2
Classement :
1. Paul Marque (à l’unanimité des membres du jury)
2. Pablo Legasa (à l’unanimité des membres du jury)
3. Takeru Coste
4. Axel Magliano
5. Cyril Chokroun
6. Antonio Conforti
Variation imposée : La belle au bois dormant, Acte II, 1ère variation du Prince Désiré, Rudolf Noureev. En vidéo, clic
Variations libres :
Pablo Legasa, La Sylphide, Acte II, variation de James, Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni
Isaac Lopes Gomes, Dances at the gathering, 2ème variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.
Axel Magliano, Tchaïkovski – Pas de deux, George Balanchine
Paul Marque, Le Lac des cygnes, acte III, variation du Prince Siegfried, Rudolf Noureev
Antonin Monié, Push comes to shove, Twyla Tharp
Cyril Chokroun, Dances at the gathering, 1ère variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.
Antonio Conforti, Don Quichotte, Acte I, variation de Basilio, Rudolf Noureev
Takeru Coste, Speaking in Tongues, Paul Taylor
Julien Guillemard, Paquita, Acte II, Grand Pas, variation de Lucien D’Hervilly, Pierre Lacotte d’après Marius Petipa.
Mes impressions : Je n’ai pas vu cette classe.
- Coryphées, 12h10
Nombres de postes à pourvoir : 1
Classement :
1. Jérémy Loup Quer
2. Hugo Vigliotti
3. Antoine Kirscher
4. Florent Mélac
5. Yvon Demol
6. Mickaël Lafon
Variation imposée : La Sylphide, Acte I, variation de James, Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni. En vidéo, clic (à 40′)
Variations libres
Antoine Kirscher, Grand Pas classique, Victor Gsovsky
Mickaël Lafon, Le Lac des cygnes, variation de Rothbart, Rudolf Noureev
Florent Mélac, Le Lac des cygnes, variation lente du prince Siegfried, Acte I, Rudolf Noureev
Jérémy-Loup Quer, Esmeralda, Variation du Pas de deux, d’après Marius Petipa
Hugo Vigliotti, Appartement, variation de la télévision, Mats Ek
Yvon Demol, Dances at the gathering, 1ère variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.
Mes impressions : La petite classe des coryphées était très intéressante à voir. J’ai profité de ma pause déjeuner pour me glisser dans ma loge et vibrer avec ces 6 garçons. J’avais eu quelques échos de la générale qui était tendue, car le niveau était serré. Le jour J, les différences se faisaient plus sentir. Globalement la variation imposée a été plutôt réussie, avec des tensions et des erreurs techniques chez chacun. Antoine Kirscher est encore une peu vert sur l’imposé, il manque parfois de puissance mais il arrive avec une belle détermination sur scène. Florent Mélac saute particulièrement haut, mais ses réceptions sont un peu bruyantes. Le prix de la plus jolie arabesque de départ revient à Yvon Demol. Mickaël Lafon est plein d’énergie mais le stress le désaxe un peu dans les tours. Jérémy-Loup Quer danse avec style, très proprement et il affirme à nouveau sa place de soliste en scène. Côté sauts, Hugo Vigliotti montre une belle puissance et ses réceptions sont silencieuses. Il n’y a que les déboulés de la fin qui m’ont semblé un peu fragiles.
Place aux libres. Cela se jouait entre Vigliotti et Quer. L’un a choisi une variation très technique classique, l’autre très contemporaine avec Mats Ek. Technique vs interprétation. Le moins qu’on puisse dire c’est que les deux danseurs étaient très bons. J’avais une petite préférence pour Hugo Vigliotti, car je trouve qu’il n’y a pas de danseurs comme lui dans la classe des sujets. Il a du style, il a une forte personnalité et il mérite plus de rôle de solistes. Vous souvenez vous de son bossu avec Nicolas Le Riche dans le Rendez-Vous ? J’en garde un souvenir ému. Jérémy Loup a eu envie de montrer sa belle technique classique, sa variation le mettait parfaitement en valeur. J’ai eu aussi un coup de coeur pour Florent Mélac qui a montré un bel univers mélancolique dans son Siegfried. Ce garçon a vraiment un dos magnifique.
Un très beau concours, un peu court, on aurait aimé voir plus de coryphées.
- Sujets 14h20
Nombre de postes à pourvoir : 1
Classement :
1. Hugo Marchand
2. Fabien Révillion
3. Germain Louvet
4. Marc Moreau
5. Florimond Lorieux
6. Sébastien Bertaud
Variation imposée : Sylvia, Pas de deux, Georges Balanchine. En vidéo, clic (à 7′)
Variations libres
Florimond Lorieux, The Four Seasons, Variation de l’automne, Jerome Robbins.
Germain Louvet, Other Dances, 2ème variation, Jerome Robbins
Allister Madin, Speaking in Tongues, Variation du Prédicateur, Paul Taylor
Hugo Marchand, Dances at the gathering, 1ère variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.
Marc Moreau, Etudes, Mazurka, Harald Lander
Fabien Révillion, La Sylphide, Acte II, variation de James, Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni
Daniel Stokes, Roméo et Juliette, Acte I, variation de Roméo, Rudolf Noureev
Sébastien Bertaud, A suite of Dances, Jerome Robbins.
Mes impressions : je n’ai pas vu cette partie du concours.
Bravo à tous les artistes, promus ou non, qui font la beauté de la compagnie !