Opéra Bastille

Rentrée et nouveautés !

Me revoilà, après trois longs mois d’absence sur mon blog. La fin de l’année a été très chargée et j’ai eu du mal à assurer la mise à jour de mon blog. Des chroniques n’ont pas été écrites, comme celle de la soirée Paul Taylor à Chaillot. Oh cela viendra sûrement, tout étant écrit à la main, quelque part dans un de mes multiples carnets !

J’ai eu ensuite envie de changer mon blog, dont je me lassais sous Overblog. J’ai mis les pieds dans le plat de WordPress et j’en suis assez satisfaite. Quelques galères pour ensuite récupérer mes articles d’Overblog… il reste encore des défauts, mais j’ai décidé de me calmer avec l’informatique, donc je vais faire ça au fur et à mesure ! Soyez donc indulgents, si il y a des couacs de mise en page, surtout dans les anciens articles.

La saison en danse n’a pas vraiment commencé, donc je ne suis pas si en retard que cela !

Je n’ai tout de même pas fait que de l’informatique cet été ! Le mois de juillet a été riche de spectacles, avec Paris Quartier d’Eté. Outre mon coup de coeur pour Sharon Fridman (oui je ne m’en suis toujours pas remise..), j’ai complètement déliré à l’Extra-Bal. Je l’ai fait au cirque Zingaro. Le concept ? Du John Cage en live, un public qui se déchaine et se déhanche après avoir appris les chorégraphies avec des danseurs, bref un concentré de bonne humeur comme je les aime ! Je me suis ensuite exilée loin de Paris, pour me reposer, prendre le soleil et lire… les vraies vacances… eaux turquoises, sable fin, bruit des vagues et pile de livres. Voyez plutôt…

Depuis j’ai recommencé à travailler. J’ai eu le temps d’aller voir Les Contes d’Hoffman d’Offenbach, mis en scène par Carsen, que j’ai beaucoup aimé. La musique peu avenante est compensée par cette mise en scène, fine et intelligente, qui remet du sens, à un livret qui en manque souvent. La réflexion sur le théâtre dans le théâtre, sur la position de spectateur/personnage est bien traitée et on passe vraiment un très bon moment.

Palpatine m’a entraînée aux vendanges Avenue Montaigne mardi, où le champagne pleuvait et où mes yeux pleuraient devant certaines robes au prix inabordables…(un jour j’aurai une robe Elie Saab…) Agréable soirée qui s’est soldée par le rencontre IRL de la responsable public du TCE. Rencontre charmante et très intéressante.

Mercredi, boulot, galère informatique, mais je finis tout de même par m’échapper pour rejoindre Sébastien Mathé et Palpatine pour aller écouter la thèse de sociologie de Joël Laillier « La vocation /au travail/. La « carrière » des danseurs de l’Opéra de Paris ». C’était très intéressant de voir comment un don naturel, une vocation devient rationnelle et va être entretenue tout au long de la carrière du danseur de l’Opéra de Paris. Le chercheur a voulu montrer comment concevoir et comprendre l’engagement de ces jeunes enfants vers cette voie d’excellence et quelles étaient les conditions sociales pour arriver donner sens à cet engagement et à le maintenir dans le temps. La thèse est sous clause de confidentialité, mais une version « publique » devrait sortir d’ici un an.

Jeudi, direction Elephant Paname, où l’inauguration de l’exposition avait lieu. J’ai retrouvé sur place Danses avec la plume, déjà arrivée sur les lieux (un jour on m’expliquera pourquoi il n’y a que 24h dans une journée… moi je voudrais que les heures soient extensibles ! ). Le lieu est beau, bien réaménagé, cela donne vraiment envie d’y passer du temps. On ne peut pas ce soir là accéder aux salles de danse, mais cela a l’air vraiment beau. Hâte d’y retourner de jour, pour voir le lieu vivre.

Vendredi, exposition au Palais Garnier L’étoffe de la modernité, avec un guide un peu mièvre… L’exposition retrace le métier de costumier du début du XXème siècle à nos jours. Elle a lieu au Palais Garnier jusqu’au 30 septembre.

Samedi, direction le théâtre Dejazet pour découvrir un groupe de hip-hop humoristes « Les Drôles de Mecs« . De l’humour, parfois un peu graveleux, des danseurs à la technique précise, une bonne présence scénique, mais cela manquait un peu d’écriture. Un bon spectacle tout de même pour le samedi soir.

Dimanche rime souvent avec cinéma pour moi. Je n’ai pas vu beaucoup de films cet été. Fou rire devant Batman que j’ai trouvé très mauvais. Enorme coup de coeur pour Laurence Anyways de Xavier Dolan. J’ai adoré ce film, encore plus je crois que Les Amours Imaginaires, qui est déjà dans mon top ten. La semaine dernière, j’ai vu Du vent dans mes mollets, petit film ma foi bien ficelé. Hier j’ai vu le film dont tout le monde Camille redouble de Noémie Lvovsky. C’est un très joli film, qui vous plonge dans une nostalgie pleine d’émotions, sans trop en faire. C’est bien écrit, et on se laisse mener dans cette histoire farfelue sur le papier et si proche de la réalité de chacun.

Cette semaine, la saison du Théâtre de la Colline recommence pour moi. Je m’y rends jeudi pour y voir Six personnages en quête d’auteur de Luigi Pirandello, mis en scène par Stéphane Braunschweig. Et mardi, j’irai voir la séance de travail consacré à la soirée Balanchine à Garnier. Encore une semaine bien remplie !

C’est parti pour les nouvelles de la semaine  !

  • Les sorties de la semaine

Le gala des étoiles du XXIème siècle a lieu les 21, 22 et 23 septembre. C’est l’occasion de découvrir de nombreux artistes venus d’aillleurs.

Infos et réservations sur le site du TCE.

15e édition
Polina Semionova
American Ballet Theatre et Dimitri Semionov  Ballet de l’Opéra de Berlin
Aki Saito et Wim Vanlessen Ballet Royal de Flandre
Rasta Thomas et Adrienne Canterna  Etoiles internationales
Hélène Bouchet et Thiago Bordin  Ballet de Hambourg
Fabrice Calmels et Victoria Jaiani  Joffrey Ballet
Jason Janas et Jumaane Taylor  New York Tap Stars
Julien Lestel et Gilles Porte  Compagnie Julien Lestel

Et avec la participation exceptionnelle samedi 22 septembre de
Svetlana Zahkarova et Andrey Merkuriev Ballet du Bolchoï
Yana Salenko Opéra de Berlin et Vladimir Shklyarov Théâtre Mariinski

Au Théâtre de la Ville, vous pouvez aller découvrir, …du Printemps ! de  Thierry Thieû Niang & Jean-Pierre Moulères. Hommage au Sacre du Printemps, dont on a pas fini de célébrer le centenaire, la pièce se veut être une réflexion sur le temps qui passe. Danses avec la plume a vu le spectacle et est restée, on peut le dire, très perplexe.

A Elephant Paname, on peut aller assister à la répétition publique d’Europa Dance, samedi 22 septembre à 17h. C’est gratuit, il suffit de réserver. Plus d’infos en suivant le lien.

Côté opéra, vous pouvez aller voir Capriccio à Garnier, ou Les contes d’Hoffmann à Bastille. Les deux jouent mercredi, Capriccio joue en plus samedi 22/09, mais pour le moment, c’est complet. A noter, Capriccio sera diffusé sur France Musiques le 22 septembre en direct.

Côté théâtre, faites comme moi et allez voir le Pirandello au Théâtre de la Colline. A la Comédie Française, on pourra aller s’émerveiller devant Antigone de Jean Anouilh, mis en scène par Marc Paquien. Au Théâtre du Rond-Point, Fellag saura vous faire rire, avec ses Petits chocs des civilisations.

Presse sur Six personnages en quête d’auteur.
La Croix : La grande magie pirandellienne à Avignon
Le Huffington Post : Six personnages en quête d’auteur débarquent à la Colline
Evene : Pour ou contre Six personnages en quête d’auteur ?
Le monde : Six personnages de Pirandello englués dans le réel.
Toute la culture : Braunschweig actualise habilement Pirandello

Pour cette rentrée, il est temps de prendre de bonnes résolutions et de reprendre le chemin des cours de danse. Je m’y attèle dès ce soir, avec un petit cours de danse classique, histoire de remettre les pieds dans les bottines ! Blog à petits pas nous a fait le tour des cours sur Paris, pour trouver chausson à son pied !

J’ai enfin créé une page Facebook du blog, qui permettra de mettre en lien les chroniques, liens et infos. N’hésitez donc pas à cliquer sur « J’aime » à droite sur le blog pour vous tenir informés. Bonne semaine.

Visite de l’Opéra Bastille

P1050353.JPG Voici la vue que l’on a de la scène. D’ici la salle paraît petite. L’architecte Carlos Ott a voulu que cet opéra soit le plus confortable possible pour les artistes. En effet, le granit breton, cette pierre grise bleutée, crée un effet d’optique. Le fond de la salle parait moins loin qu’il n’y est. Si on parle matériaux, le bois est du bois de poirier qui vient de Chine, choisi pour sa couleur qui est proche de celle des instruments à cordes. Le velours noir a été choisi car c’est la couleur des musiciens les soirs de représentations. La salle est le trésor, le bijou dans la boite, même si celle ci ne représente que 5% du volume total. C’est le contraire de l’Opéra Garnier. L’Opéra Bastille occupe une surface de 22 000 mètres carrés au sol ! Avant lui, il y avait la Gare Bastille, qui n’était plus utilisée pour sa fonction première mais comme une lieu d’exposition. On a donc fait un concours en 1983 à la demande de François Mitterrand, 1700 architectes ont posé leur candidatures, 756 projets ont été analysés. C’est donc Carlos Ott qui remporte le concours en mars 1983. Les travaux ont commencé en octobre 1984 et on a inauguré l’Opéra le 13 juillet 1989. PAs le 14 comme prévu car on célébrait le centenaire de la Révolution Française. La première saison de Bastille était celle de 1990, ce qui fait donc que nous en sommes à la 22ème cette année. La construction a coûté l’équivalent de 427 millions d’euros.

Vous avez l’impression que les balcons sont incurvés et que les spectateurs des côtés vont tomber au centre ? Illusion d’optique, les balcons sont parfaitement rectilignes.

En guise de lustre, sous une bâche de verre, se cachent 2700 tubes fluorescents. Ils sont changés en une seule fois tous les trois ans. En comparaison, les ampoules de Garnier sont changées deux fois par an. De la salle, on a l’impression que les vagues se succèdent dans tours. En fait de la scène, le lustre accueille les rampes de projecteurs.

De la scène, on voit la fosse d’orchestre. Elle peut accueillir jusqu’à 130 musiciens. Elle est mobile car montée sur des podiums hydrauliques. Passons maintenant derrière le rideau.

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Sur les côtés de la scène, il y a deux scènes de 500 mètres carrés. Derrière la scène, il y a le même espace avec les petits espaces de 500 mètres carrés. Ah j’avais oublié, la scène fait 750 mètres carrés ! Trop de chiffres ! En tout il y a 5000 mètres carrés de scène, chaque espace étant isolé par des rideaux de fer anti incendie. Les décors se déplacent sur des rails, ainsi en 15 minutes on peut installer le décor sur la scène principale, le remettre derrière. L’isolement acoustique est aussi excellent, car pendant qu’il y a un spectacle sur scène, il peut y avoir une répétition derrière sans qu’on entende le moindre bruit. Ainsi, l’Opéra Bastille permet de nombreuses répétitions, et c’est pour cela que les spectacles tournent très vite. Un seul espace n’est pas utilisé. Il sert un peu de débarras, mais appartiendra bientôt à la Comédie Française, pour stocker ses décors.

Sous la scène, il y a la même chose, c’est à dire le même espace qui permet aux machinistes le montage des décors. Bref une véritable folie !

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Voir les décors de la Bayadère c’est un vrai moment d’émotion ! Si tout est faux, c’est tout de même rudement bien fait. Chaque détail est minutieux et on n’est pas déçu de voir cela de près. C’est aussi beau que de loin !

On peut observer ce travail minutieux dans les ateliers de menuiserie qui se situent derrière les espaces de scène. On découvre les décors d’un Opéra, en train de sécher. Des centaines de plaques de bois, prêtes à être découpées pour faire des décors toujours plus beaux. Au mur, des dessins ou des photos des décors, pour les menuisiers, pour savoir quoi faire.

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Au dessus de la menuiserie, il y a les costumes ! Mais c’est chasse gardée, impossible d’y aller. Dommage je serai bien allée faire un tour par là haut. La fabrication des
costumes, des tutus, des broderies est un véritable objet de fascination pour moi. Je rêve de voir ces petites fées aux doigts d’or travailler.

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Après la menuiserie, nous prenons l’ascenseur direction les ateliers de peinture. Dans un bel atelier, à la lumière du jour, on entre dans un lieu, qui me fait une nouvelle fois
rêver. C’est amusant, certains pourraient penser que de voir l’envers du décor gâcherait le côté magique d’une représentation. Il n’en est rien. Découvrir tout le travail fait derrière, ne fait que renforcer ce rêve. En France, il y a 18 personnes qui savent peindre avec la technique Renaissance. 8 sont à l’Opéra de Paris. Cette technique consiste à peindre sur une grande toile, avec dans une main la peinture au format A4, et dans l’autre, un très grand pinceau pour reproduire à l’échelle la toile. Même la caméra au-dessus n’est jamais utilisée tant ils sont forts ! La plupart a fait les Beaux Arts et il faut ensuite 15 ans de formation pratique pour parvenir à peindre les décors des spectacles. Les peintres travaillent à la lumière du jour et dans un silence absolu. Très isolés, ils ont besoin de beaucoup de concentration pour réaliser leurs oeuvres.

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Quelques marches, une mezzanine plus tard, et nous arrivons dans les ateliers de sculpture. Là aussi, c’est un travail remarquable qui y est fait. Pour voir quelque chose de
vraiment impressionnant, il faut aller voir la saison prochaine Capriccio de Strauss dans lequel le petit foyer de la danse est reproduit à l’identique et tout en polystyrène ! C’est la matière première des sculptures qui servent des les productions. On aperçoit des maquettes, des projets en photos. C’est surprenant de réalisme. Avant de descendre sous la scène, nous passons par un couloir où les sculpteurs se sont amusés à mettre des têtes de taureaux. Ouh ça fait froid dans le dos !

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Fin de la visite sous la scène où l’on découvre le premier lieu de montage/démontage des décors. Certains sont en rangement, d’autres se montent. Lieu plein de vie, ce fut une balade délicieuse à travers les méandres et recoins de ce théâtre. Merci à l’Arop et à Patrick pour cette visite !

L’opéra Bastille sur le site de l’Opéra de Paris.

L’opéra Bastille sur Wikipédia

 

Josua Hoffalt étoile de l’Opéra de Paris

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© Syltren

 

Hier soir, on s’y attendait, on le savait et pourtant, même sans surprise l’émotion est belle. Après une agréable soirée, une bayadère qui m’a enchantée, voilà qu’arrivent les caméras, certaines
personnes dans la salle se lèvent, Brigitte est en talons, Agathe Poupeney se faufile à côté de ma rangée avec un gros télé-objectif. Les applaudissements vont bon train, les bravos fusent, on
sent que l’ambiance est chaude ce soir dans la salle. Les balletomanes ne s’y sont pas trompés, ils sont tous au rendez-vous. Le rideau se relève, un micro est installé, cris de joie dans la
salle. C’est la première fois que je vois une nomination et j’ai le coeur qui bat pour l’artiste qui va être récompensé pour son travail, son investissement, sa générosité, son talent.

 

Josua Hoffalt rejoint le ciel étoilé de l’Opéra de Paris. Il est nommé dans un des plus grands rôles du répertoire. C’est un titre mérité, qu’il a reçu avec une émotion sincère. Félicitations à
lui, c’est un danseur que j’apprécie beaucoup et qui saura faire honneur à ce titre.

 

 

 

 

 

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Josua Hoffalt étoile de l’Opéra de Paris:

© Syltren

 

Hier soir, on s’y attendait, on le savait et pourtan …

Séance de travail Roméo et Juliette, premier coup de foudre

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Je n’avais jamais vu ce ballet. En « vrai » je veux dire. Des dizaines et des dizaines de fois en DVD par contre. C’est donc plein d’attentes que je m’étais inscrite pour la séance de
travail. Hélas l’Arop et son « merveilleux » site m’avait éliminée des « élus » pour pouvoir y assister. Le petit rat n’allait pas en rester là. Pire qu’un conflit entre Montaigu et Capulet, il
fallait que j’assiste à cette séance de travail. Lundi une belle âme pensa à moi et j’obtenais le saint Graal pour pénétrer les lieux. Mais pourquoi cette séance de travail avait elle été un tel bazar à organiser? 3 classes de primaires, 2 classes de lycéens (à vrai dire je ne sais pas trop quel âge avaient ces jeunes gens qui ont passé plus de temps à regarder leurs sms et à se les montrer car voir le drame qui se déroulait sous leurs yeux..).

Tout le monde connaît l’histoire de Roméo et Juliette. Deux familles opposées, une guerre qui réveillent les passions, deux jeunes gens qui tombent passionnément amoureux, mais dont l’amour est impossible au vue de la guerre qui déchire leur famille respective.

Vincent Chaillet répétant Tybalt/ Photo Julien Benhamou

© Julien Benhamou

J’ai été complètement happée par le drame et ce non seulement grâce à la danse, mais aussi au jeu de comédiens des danseurs. Je donne tout de suite une mention spéciale à Agnès Letestu, qui fut une grande tragédienne et qui m’a beaucoup émue à la fois dans l’amour passion, mais surtout dans la tragédie.

C’est un ballet qui est très particulier car ce n’est pas un ballet classique. Ici pas de tutus, pas de Tchaïkowsky, ou Minkus. La musique de Prokofiev est très narrative, prend des couleurs particulières à chaque variation. Elle donne un aspect différent à la danse. La partition me semble complexe, pleine de mystères. Elle mène Roméo à Juliette et réciproquement. Elle raconte des sentiments, tout comme la danse, chaque geste, chaque note est une phrase beaucoup plus que dans un ballet « classique ».

« Deux illustres maisons, d’égale dignité

Dans la belle Vérone où nous plaçons la scène,

Enflamment à nouveau leur antique querelle,

Et de leur propre sang les citoyens se souillent. »

On est plongé d’entrée dans une ambiance très sombre. Le ballet est construit comme un film fait de flashbacks et de visions. Cela renforce la trame narrative. On assiste à un enterrement. Le décor est posé. Des visages sombres. La fin est déjà là, toute annoncée dans cet enterrement.

Roméo apparaît accompagné de ses compagnons, cousins et autres personnages appartenant à la famille des Montaigu. Roméo est dansé par Florian Magnenet que je trouve d’emblée très léger et à l’aise d’un point de vue technique mais un peu trop scolaire.

« Amoureux ?

– Dépourvu…

D’amour ?

– Des faveurs de celle que j’aime. »

Eve Grinsztajn apparaît sous les traits de Rosaline. Elle est parfaite dans le rôle de séductrice sans trop en faire. Elle émeut Roméo par un jeu de bas de jambes très gracieux. Elle le soutient du regard tout en le laissant à distance. Les amis de Roméo tentent de l’éloigner de celle qu’ils considèrent comme un corbeau caché sous l’apparence d’un cygne, car Rosaline n’aime pas Roméo.

Les Capulet entrent et commence le premier combat entre les deux familles. C’est très beau. Les duels sont parfaitement réglés. Le maniement des épées m’impressionne (pour avoir eu l’occasion d’en soulever une, je peux vous dire que ce n’est pas si léger..). Dans cette guerre, il n’y a pas que les hommes qui se battent les femmes sont prises à parti. Elles sont même parfois monnaie d’échange pour cesser un duel qui deviendrait trop dangereux. On est dans un film de cape et d’épée, tous les danseurs révèlent leurs qualités de comédien. Un prêtre met fin à cette querelle.

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© JMC

On change de décor, on est dans la suite de Juliette fille de Capulet. C’est le seul décor un peu plus joyeux. Letestu se montre tout de suite comme une Juliette parfaite. Ses bas de jambes sont présentés élégamment à chaque pas. Son jeu est impeccable, elle incarne à merveille cette adolescente de quatorze ans qui joue à cache-cache avec ses amis, quand sa mère ( interprétée ce soir par Stéphanie Romberg ) entre pour lui annoncer le bal du bal et surtout son futur mariage avec Paris.

« Le valeureux Paris vous voudrait pour femme. […]

Lisez le livre de son visage, et les délices

Que la beauté y trace de sa plume. […]

Et en le possédant, [vous] ne serez pas diminuée. »

 

A la fête des Capulet, s’introduisent Roméo et ses amis. J’ai adoré la danse des chevaliers, je ne me lasse pas de la puissance de la musique. Emmanuel Thibaut en Mercutio est décidément brillant. Trop même, tout cela semble bien trop facile pour lui. Le rôle lui va comme un gant, jeune héros, bondissant d’aventures en aventures. Du coup j’ai hâte d’y voir Heymann ! Bullion en Tybalt c’est comment vous dire un pléonasme. Fougueux, insolent, haineux, Bullion ne laisse aucun pas ni regard au hasard. On sent que ses nerfs peuvent lâcher à tout moment à la simple vue d’un Montaigu. Les danses commencent, je suis une nouvelle fois absolument charmée par cet ensemble harmonieux.

« Celles dont les pieds

Ne sont pas affligés de cors vont vous faire faire

Un petit tour de danse. […]

Jouez du talon, jeunes filles. « 

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© JMC

Dans le bal, c’est sur un simple regard que Roméo et Juliette tombent amoureux. Les regards deviennent de plus en plus complices. Les pas de danse se délient et se complexifient comme les sentiments s’enrichissent. Le couple fonctionne bien même si je ne suis pas convaincue par Magnenet en Roméo. Il lui manque quelque chose dans son jeu. Bizaremment il est peut être un peu trop juvénile. Il lui manque un peu de gravité, je ne l’ai pas senti envahi par un sentiment puissant. Cela ne s’est pas assez répercuté dans sa danse. Agnès Letestu est elle complètement soumise à ce coup de foudre, chaque pas évolue vers une passion plus forte. Au baiser Juliette semble plus éprise que jamais, elle s’abandonne complètement.

« Mes lèvres sont toutes prêtes, deux rougissants pèlerins,

À guérir d’un baiser votre souffrance. […]

Et que mon pêché

S’efface de mes lèvres grâce aux tiennes.

– Il s’ensuit que ce sont mes lèvres

Qui portent le pêché qu’elles vous ont pris.

– Le pêché, de mes lèvres ? Ô charmante façon

De pousser à la faute ! Rends-le moi ! « 

La dernière scène de l’acte I est celle du balcon. L’ambiance est douce, c’est la nuit, Juliette est sur son balcon en chemise de nuit. Roméo apparaît et leur dialogue est tout en
délicatesse. Je sens encore Magnenet fragile sur le jeu « d’acteurs » mais tout à fait solide dans sa danse. Il faudrait qu’il se lâche plus car il a vraiment en face de lui une partenaire idéale qui s’éprend de lui comme on s’éprend d’un premier véritable amour. Agnès Letestu se jette à corps perdu dans les bras de son partenaire. Elle est lumineuse. Malgré mes voisins qui ne cessent de parler, la scène est très émouvante. J’ai rarement vu un pas de deux comme celui là. Tous les pas sont des déclarations d’amour, chaque geste raconte une histoire. Chaque baiser augmente en intensité comme si à chaque fois cela devait être le dernier. Chaque mouvement gagne en amplitude à mesure que l’amour naît entre ces deux êtres. Je savais que c’était beau, mais en « vrai » c’est une vraie découverte !

« Ô Roméo,

Si tu m’aimes, proclame-le d’un cœur bien sincère, […]

Je suis trop éprise »

Après l’entracte, il est temps de passer aux choses sérieuses. Sur une place Roméo rêve de sa Juliette. « Roméo aime à nouveau, il est aimé. » Mercutio et Benvollio (interprété par
Yann Saïz) se jouent de lui en se déguisant en femmes. C’est très drôle. La nourrice arrive pour donner un billet à Roméo mais elle doit d’abord passer entre les mains des deux compères qui la taquinent allègrement. S’ensuit la danse des drapeaux, assez impressionnante. Un variation entre les trois amis qui me plaît beaucoup aussi. Après la lecture de la lettre, Magnenet se lâche un peu plus et me laisse entrevoir ce qu’il est capable de faire. Mais de retour chez le prêtre pour le mariage, je le sens encore un peu coincé et mal à l’aise. Oh ce n’est qu’une répétition, il a encore le temps de s’épanouir dans ce rôle.

« Ô Roméo, Roméo, le brave Mercutio est mort. […]

Tybalt est tué! »

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La mort de Mercutio est l’occasion de voir une dernière fois les bonds d’Emmanuel Thibaut. Sa mort à laquelle ses amis ne croient pas au début est une farce qui tourne à la tragédie. Roméo venge Mercutio d’un coup d’épée dans le coeur de Tybalt. Je suis plus touchée par Tybalt que Roméo. Je crois que pour les balletomanes assises à côté de moi, ce soir notre Roméo c’est Stéphane Bullion ! Il est bien plus tragique que Magnenet. Il est plus dans l’histoire, dans la trame de la pièce.

« Roméo a tué Tybalt, et il est banni. […]

– Oh, Dieu ! La main de Roméo a versé le sang de Tybalt ? »

Deuxième entracte, on entre au troisième acte qui m’a paru un peu long. Surtout au début. Le pas de deux de la chambre est très beau, il me semble très difficile, mais Letestu et Magnenet s’en sortent bien. J’ai aussi aimé le conflit qui oppose Juliette et ses parents. C’est très fort et très théâtral et encore une fois Agnès Letestu ne perd pas une minute son rôle. Il y a des passages très puissants dans cet acte. J’ai été envoûtée par le retour de Tybalt et de Mercutio qui hantent la conscience de Juliette. La scénographie est superbe, les lumières bleutés nous plongent dans l’esprit de l’héroïne tiraillée entre l’amour et l’honneur. C’est bien entendu l’amour qui l’emporte et il faut dès lors trouver le plan pour retrouver son cher Roméo.

« Ce « banni », ce seul mot : « banni »

A tué dix mille Tybalt. « 

La scène de la ruse entre Frère Laurent et Juliette se joue sur deux plans. Au premier Agnès Letestu, qui écoute les paroles du prêtre. Au second, une autre Juliette qui danse la future scène. Ça marche assez bien, l’effet a du charme.

« Accepte d’épouser Paris. […]

Eloigne la nourrice de ta chambre,

Prends cette fiole et, une fois au lit,

Bois la liqueur qui y est distillée […]

Ni souffle ni chaleur n’attesteront que tu vis. « 

Ce qui suit est une tragédie complète. Je suis très émue par la mort de Juliette qui à son réveil ne trouve qu’un mort à la place de son amant. Le corps encore chaud et les gouttes de poison ne suffiront pas à la tuer, le poignard est la seule issue pour rejoindre son amour.

« Ô poignard, bienvenu,

Ceci est ton fourreau. ( Elle se poignarde.) Repose là,

Pour que je puisse mourir.

(Elle tombe et meurt sur le corps de Roméo). « 

 

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© Agathe Poupeney/ Fedephoto

Le ballet s’achève sur cette double mort. J’en suis toute retournée. Je vais voir ce ballet le 28 et le 30 avril, mais je crois que les places à 5€ vont être mes meilleures amies pour
pouvoir revoir ce ballet. Je vous le conseille mille fois.

J’ai passé une soirée délicieuse et ce n’était qu’une répétition. J’ai hâte de le voir avec une salle comble.

  • Distribution du 8 avril 2011

 

Juliette Agnès Letestu
Roméo Florian Magnenet
Tybalt Stéphane Bullion
Mercutio Emmanuel Thibault
Benvolio Yann Saïz
Pâris Yannick Bittencourt
Rosaline Eve Grinsztajn

 

Serguei Prokofiev Musique
Rudolf Noureev Chorégraphie et mise en scène
(Opéra national de Paris, 1984)
Ezio Frigerio Décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano Costumes
Vinicio Cheli Lumières

 

  •  Bonus vidéo