ONP

La Source première !

Mathias Heymann en Zaël

© Julien Benhamou

Quand la rumeur court, elle est tenace. Des tweets, des posts sur Facebook, tout le monde disait que ce soir là, Ludmila Pagliero serait nommée étoile. N’ayant jamais vu de nomination, je ne voulais manquer cela sous aucun prétexte. Je revends mes places de la soirée Découvertes des danses partagées, qui me permettra de m’offrir un billet pour la première de La Source. Dans ma tête la soirée est à 20h, je ne me presse pas et prends le bus vers 19h10. Les textos arrivent de Pink Lady, de Fab, « alors tu as eu une place? »… euh ben je suis dans le bus.. Ah c’est à 19h30, il serait temps que le petit rat mette le turbo sous ses pattes pour arriver à l’heure. Je cours, je cours, j’arrive dans le hall à 19h28, « plus de pass jeunes? » Siiiiiiiii! Moi! 19h29 obtention d’un pass jeune et direction le dixième rang d’orchestre.

Mon souvenir tout frais de la soirée de vendredi, va me permettre d’apprécier
encore plus ce ballet. Quoique les « officiels » derrière moi n’ont cessé de bavarder, je vous fais un résumé « Oh c’est Matthias! il est bien Matthias, il saute haut! oh c’est Vincent! Ah il est très bien aussi. Oh c’est Alexis [ah non… c’est Christophe Duquenne…] ».

Ce soir là je suis plus rentrée encore dans la musique. Les bruits des appareils photo en moins m’aident aussi. Le premier acte est vraiment l’acte le plus prenant, tant par les
danses de groupes que par les variations de solistes. Matthias Heymann est la superstar incontestée de ce ballet. Ses sauts vertigineux, plein d’amplitude émerveillent l’audience. Il éxécute tout avec une facilité insolente et pas un bruit sur le plancher n’ose retentir, tant ses pliés sont moelleux. Enfin un rôle qui lui va à merveille, dans lequel il peut s’épanouir complètement. On retrouve l’étoile tel qu’il l’était à ses débuts. C’est avec une joie non dissimulée que le public l’applaudit et cri bravo, sans même attendre les saluts. On en
redemanderait ! A côté Karl Paquette a bien du mal à convaincre, même si il sait jouer de son expérience pour donner à Djémil un caractère intrépide et curieux. J’apprécie la
couleur qu’il donne à son personnage. Il faut aussi saluer nos quatre elfes et amis de Zaël qui une fois encore, sont absolument fabuleux.

Cette distribution m’a plus plu que celle de la veille, car elle me semble plus équilibrée, les rôles ayant été mieux distribués. Vincent Chaillet offre un spectacle viril. Son Mozdock est violent, terrien, et sans demi mesure. C’est avec intensité qu’il réalise chaque variation. On sent la tension qu’il exerce sur son peuple jusqu’au bout de ses doigts. Il est un chef
au physique noble dont le rythme entraîne ses camarades. La relation qu’il a avec Nourreda est très protectrice. Isabelle Ciaravola est une Nourreda fragile, et lunaire. A mon sens, son caractère est parfois un peu trop proche de ce que devrait être Naïla. Les jambes de Ciaravola, c’est tout de même quelque chose ! Telles des fils infinis, elle s’étendent et charment tout le monde.

Si la rumeur court, en tous les cas, elle booste Ludmila Pagliero. On apprécie sa maîtrise technique de la chorégraphie et son implication dans le rôle. Si elle manque parfois
d’évanescence, elle charme Djémil avec ardeur. Très souriante, elle est une Naïla joyeuse et enthousiaste, après passée l’appréhension de ce chasseur inconnu.

Vincent Chaillet en Mozdock

© Julien Benhamou

Le premier acte me laisse une meilleure impression que la veille. Le rythme est soutenu, un véritable enthousiasme émane des danseurs malgré les difficultés techniques de la chorégraphie.

A l’entracte, l’euphorie se retrouve sur les visages de Pink Lady, Fab et moi. Pink Lady qui a déjà assisté à deux nominations (Paquette et Bullion, si je ne l’aimais pas je
serai jalouse..) nous explique comment cela se passe. Après les saluts, le grand lustre reste éteint. Puis le rideau se soulève à nouveau et Brigitte Lefèvre arrive sur scène. Fab s’intéresse aux problèmes techniques du genre « Aura-t-on le temps de twitter? » et moi à la position de Bri-bri dans la salle.

Retour à l’orchestre pour le 2ème acte. Si le rythme ralentit et que l’action a des longueurs, la chorégraphie n’en est pas moins travaillée. La forme circulaire (ou l’arc de
cercle) reste la plus employée. Les variations s’enchaînent au milieu des autres personnages. Pas sûre que ce soit très agréable quand on est placé sur un côté de la scène.

Nolwenn Daniel est une Dadje colérique et entêtée dont la danse est électrique. Elle en fait des tonnes en matière de jalousie et cela permet de donner un peu de vie à ce
deuxième acte. Jean Guillaume Bart a utilisé peu de pantomime dans tout son ballet, et parfois, il est vrai que pour lire l’action cela peut manquer un peu. En même temps, il est aussi joli de voir la danse parler d’elle même sans un code pré-établi. Vincent Chaillet montre de nouveau de très belles qualités dans son rôle de Mozdock. Sa danse devient encore plus imposante. Sa prestation est quelque chose de fort, qui vous reste dans la tête longtemps après le spectacle. Les variations que Jean Guillaume Bart a écrites pour Ciaravola la mettent en valeur. Son port de tête est imposant et le pas de deux avec Christophe Duquenne montre un jeu de séduction intéressant. Mais bien vite, quand Naïla arrive avec sa bande de joyeux elfes trouble-fête, c’est dans les yeux de cette dernière que le Khan va plonger les siens et la belle Nourreda n’a que les bras de son frère pour pleurer. L’humiliation suprême vient quand elle doit dévêtir la robe de favorite.
Je trouve que ce passage aurait du être plus lent, parce que là, cela fait limite, on n’a plus de place en coulisses pour changer Nourreda. Ralenti, on sentirait encore mieux l’humiliation de cette femme, qui n’osait pas se dévoiler devant un incoonu, et qui se voit là, nue, forcée de repartir dans ses contrées caucasiennes.

Le passage qui suit divise. J’aime beaucoup pour ma part la scénographie sombre, sans décor, on est comme plongé dans l’esprit de Nourreda. On est dans un rêve. A partir de ce moment là, on ne sait plus si tout cela est réel. Il y a un côté aparté qui me plaît. Et le pas de deux entre Nourreda et Djémil est celui que je préfère de tout le ballet. Il y a quelque chose de tragique dans cette danse, bien plus que dans le sacrifice de Naïla qui suit. Ici, toute la tragédie est dans le rejet de Nourreda des hommes, d’où ce décor vide. Rejet de son frère protecteur et dominant, rejet de l’amour de cet homme dont elle ne sait rien. C’est par l’usage des dons de Naïla que Djémil peut conquérir le coeur de Nourreda, je vois là dedans un leurre. Jusqu’au dernier moment Nourreda n’aime pas Djémil. Les charmes de Naïla n’agissent qu’à sa mort, que seul Zaël pleure. Je trouve que Ludmila Pagliero rentre bien dans le tragique de la dernière scène, elle tient le rôle de bout en bout. Si elle avait du être nommée ce soir cela aurait été amplement mérité. Belle prestation et grande générosité. Malheureusement pour elle, ce ne sera pas ce soir. Si j’ai l’impression que nous sommes nombreux à attendre, je me trompe car le lustre se rallume après des applaudissements très très chaleureux, des spectateurs debout et des bravos nombreux. C’est un succès !

Djémil et Naïla au premier acte

© Julien Benhamou

  • A lire dans la presse

Essayages dans la garde-robe du ballet La Source La Croix

La source réinvente le romantisme Le JDD

La surprise de la Source au palais Garnier Le figaro, Ariane Bavelier

La Source rejaillit à L’Opéra de Paris, La Croix

  • Distribution du 22 octobre 19h30
Naila Ludmila Pagliéro
Djemil Karl Paquette
Nourreda Isabelle Ciaravola
Mozdock Vincent Chaillet
Zael Mathias Heymann
Dadje Nolwenn Daniel
Le Khan Christophe Duquenne
  • Bonus vidéo

Je préfère tout de même le redire, ce n’est pas moi qui ai filmé. C’est un extrait visiblement filmé à la générale, avec la deuxième distribution. A voir sur le site de l’opéra de Paris, les vidéos des coulisses et de nombreuses interviews.

 

Répétition générale de La Source

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Aujourd’hui, je suis en vacances et tellement ravie de l’être, d’autant plus que je vais voir La Source ! Je récupère les places de Y*** qui tente la nouvelle entrée par le restaurant.
En fait ce n’est pas si évident, pour l’instant l’ascenseur fonctionne avec une clef, il faut donc qu’un ouvreur vous y donne accès, et pour cela il vous faut une autorisation. Bref nous parvenons tout de même au premier rang du balcon pour assister à cette nouvelle création. Je dis création et non réécriture, car la chorégraphie originale a été tellement perdue, qu’il serait incorrect de dire réécriture. Comme l’indique le programme « il ne s’agit pas de marcher dans les pas du style de Saint-Léon ou d’interroger quelques archives inédites ». En effet, c’est tout un ballet qui se réinvente.

Le rideau se lève et l’on découvre une scène d’où pendent des cordes et des rideaux déchirés de théâtre. Si la corde (mot à ne jamais prononcer dans un théâtre!) rappelle le théâtre et l’histoire de ce ballet, disparu, puis remonté, une espèce d’eden perdu, j’y vois pour ma part immédiatement des fils d’eau qui coulent. Toutes ces cordes, ces fils qui tombent pour s’évanouir sur le sol, forment à la fois un ensemble inquiétant, mais derrière lesquels on peut apparaître et disparaître comme vont le faire tous les esprits et autres nymphes de la forêt.

Le début du ballet est très dynamique. Les nymphes passent ça et là, des charmants petites créatures bleues bondissantes interprétés par Allister Madin, Fabien Révillon, Adrien Bodet et Hugo Vigliotti, font de tout cet univers un monde merveilleux. Attention, pas un univers ringard comme on pouvait le voir dans  Psyché, non, un bel univers dans
lequel je rentre immédiatement. Le personnage de Zaël, sorte de chef des elfes, interprété ce soir par un Alessio Carbone très en forme, est une vraie joie pour le public. Cet personnage est malicieux, la chorégraphie est très belle, faite de petites batterie, tours et grands sauts en tout genre, ce qui a un effet immédiat sur le public. Le sourire du bel italien rajoute une touche d’éclat dans ce tableau. Le chasseur Djémil vient tous les jours auprès de cette source, sans jamais y voir ses créatures fantastiques qui n’apparaissent que la nuit. Si on peut trouver l’ambiance un peu sombre, elle ne m’a pas gênée. Ce clair obscur va de la sens de la féerie. Dans la deuxième partie du premier acte, on voit débarquer une bande de Caucasiens, menés par leur chef Mozdock, interprété ce soir par Christophe Duquenne. Ce dernier manque à mon goût de poigne et de fermeté, tant dans sa danse que dans l’interprétation du personnage. Je le trouve un peu trop doux. La halte qu’ils font près de cette source permet à Nourreda, la soeur de Mozdock, de se dégourdir les jambes. Muriel Zusperreguy se présente comme une Nourreda, timide, presque chétive. Sa danse est délicate, la chorégraphie proposée par Bart me plaît particulièrement. Il renoue avec un langage classique, qui ne manque pas de phrasés, et d’un vocabulaire riche. J’aime beaucoup le travail des bras qu’il propose dont l’avant goût que j’avais vu aux convergences m’avait déjà charmée. Il utilise des courbes complexes, avec des dos qui se balancent. C’est très harmonieux. Seul hic, pourquoi donc les Caucasiens ne frappent-ils pas vraiment dans les mains quand Nouredda danse ? Ils ont l’air bien ridicules à ne pas faire de bruit. Cela donnerait du rythme, un peu comme dans Don Quichotte pendant les pirouettes de Kitri. Les danses de groupe présentent de beaux ensembles, avec une danse de caractère qui mêle différents genres. Le corps de ballet est bien réglé et les danses caucasiennes, hommes comme femmes sont un bon divertissement. La musique de Minkus, qui n’est pas ce qu’il y a de mieux en terme de musique, se marie très bien avec les frappes de pied.

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C’est alors que les fleurs merveilleuses de la source apparaissent et la sourire arrive enfin sur le visage de Nourreda. Mozdock proposent à ses amis de décrocher une fleur à la belle. Personne n’y parvient, on se croirait dans un concours, il ne manque que les battements de tambour. C’est alors que Djémil réapparaît en scène. Lui seul parvient à prendre une fleur pour l’offrir à Nourreda. Le garçon est fort gourmand, il soulève avec impolitesse la voile de la jeune femme. L’amour le frappe en un éclair quand il aperçoit ce visage, mais le poing de Mozdock aussi.  Je me suis toujours amusée de ces batailles fictives dans les ballets. Elles savent montrer la violence sans la produire vraiment. Autant les faux applaudissements me déplaisent, autant cet affrontement viril m’emballe. Djémil est laissé sans vie, tandis que les Caucasiens poursuivent leur chemin vers le palais du Khan. C’est alors qu’entre Naïla, esprit de la source, sous les traits de Myriam Ould Braham. Elle incarne à merveille cet être évanescent, spirituel. La scène de l’apparition que nous avions vue lors des convergences a bien progressé. Le duo Hoffalt/Myriam Ould Braham est un délice. Josua Hoffalt montre de belles qualités tant en solo que dans ce duo. Attentif et généreux, il est un partenaire qui met en valeur sa ballerine, tout en ne s’effaçant pas. Myriam Ould Braham est l’interprète idéale pour le rôle par sa fragilité et sa légèreté. Si je trouve que dans ce premier acte, elle court parfois un peu derrière la musique. Il faut dire que dans la variation proposée au milieu des nymphes n’est pas évidente et le nombre de pas par note de musique est important. Les passages des nymphes sont réussis, très ensembles et le groupe est harmonieux, malgré quelques longueurs. A la fin du premier acte, Naïla et Zaël proposent à Djémil leur aide pour rejoindre Nouredda.

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© Julien Benhamou

A l’entracte, je découvre que les lois de Garnier sont encore plus drastiques qu’à Bastille. Cartons de sortie, on n’entre pas à nouveau au balcon comme dans un moulin.
Impossible de faire les ninjas. Je mets Palpatine au défi…

Deuxième acte, nous voilà plongés dans le palais du Khan qui attend la venue de Nouredda. Les cordes pendent mais symbolisent cette fois-ci l’enfermement du harem. Les femmes se disputent, mais surtout une, Dadje, qui n’accepte pas la nouvelle venue. Elle charme le Khan mais rien n’y fait. Il la repousse sans relâche. Charline Giezendanner est une femme très jalouse, qui s’affirme dans sa danse, malgré quelques hésitations dans la chorégraphie. Le Khan renvoie ses femmes dans sa chambre quand les Caucasiens arrivent. Les danses de groupe  alternent avec les solos, bien chorégraphiés, mais parfois ennuyeux et manquant un peu d’émotions. Nourreda et le Khan tombent amoureux après une danse. Mais quand les esprits de la forêt arrivent au palais et dévoilent leur plus belle beauté Naïla, le Khan n’a plus d’yeux que pour elle. Nourredda est désespérée de voir celui dont elle devait être la favorite se détourner d’elle. Son frère s’énerve et demande au Khan de faire un choix. L’envoûtement de l’esprit de la source est puissant. Il choisit Naïla. Il faut dire que dans ce deuxième acte, Myriam Ould Braham est complètement dans le rôle, elle flotte sur scène, ses bras ondulent et envoûtent le Khan.

Le décor change, il devient minimaliste et sombre, presque noir. Est-ce pour montrer le désespoir de Nourreda? A présent, elle rejette son frère. Djémil la rejoint. Ils dansent
ensemble un pas de deux que j’ai trouvé très beau tant par la chorégraphie que par l’émotion qu’il procurait. Le partenariat Hoffalt/Zusperreguy fonctionne très bien, naturellement. Techniquement impeccables, chacun reste dans son univers. Lui, passionnément amoureux d’elle, elle rejetant tout forme d’amour à présent. Ce pas de deux est entrecoupé des apparitions de Naïla qui tente de mettre en Nourreda l’amour qu’elle a pour Djémil. L’esprit de la source sauve Djémil du poignard de Mozdock, qui ne veut pas voir cet homme approcher sa soeur. Djémil s’enfuit avec Nourreda mourante. Il n’y a qu’une seule solution, pour la faire revenir à la vie, il lui faut à nouveau l’aide de sa petite fée. Le dernier tableau est celui du sacrifice de Naïla. Djémil demande à cet être si merveilleux d’échanger sa vie contre celle de Nourreda. Si la scène manque encore d’émotions, on peut l’imputer à la chorégraphie qui manque peut être de pantomime et
qui est un peu longue, car les danseurs fournissent un joli jeu tragique. Naïla meurt dans l’indifférence des deux amoureux, seul Zaël pleure la mort de sa fleur bien-aimée. Le réel triomphe du surnaturel, mais l’amour a eu besoin de cette force invisible pour pouvoir exister malgré tout.

Bonne impression dans l’ensemble, de très belles variations, des costumes magnifiques (on ne pouvait pas s’attendre à moins de la part de Christian Lacroix), La Source a tout pour un beau succès. J’ai hâte de revoir le ballet avec plus de recul. La première fois est toujours une soirée où l’on voit beaucoup de choses, il faut les digérer.

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A voir une vidéo des coulisses de la Source, avec une interview sur le livret et la
dramaturgie.

Léo Delibes, Ludwig Minkus Musique
Marc-Olivier Dupin Réalisation
Jean-Guillaume Bart Chorégraphie
Eric Ruf Décors
Christian Lacroix Costumes
Dominique Bruguière Lumières
Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart Dramaturgie
  • Distribution du 21 octobre répétition générale
Naila Myriam Ould Braham
Djemil Josua Hoffalt
Nourreda Muriel Zusperreguy
Mozdock Christophe Duquenne
Zael Alessio Carbone
Dadje Charline Giezendanner
Le Khan Alexis Renaud

 

Adios l’étoile du Paradis

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© Blog à petit pas

Ce fut une soirée très très émouvante, drôle, dansante, espagnole, bref une soirée à l’image de son étoile, José Martinez. Tous les balletomanes de la capitale et les amis de José Martinez s’étaient donné rendez vous pour le voir faire des adieux officiels à la scène de Garnier, car en réalité il reviendra y danser dès la saison prochaine.

Dès l’arrivée dans le grand escalier, les troubadours et autres acrobates annoncent le programme : « Entrez Mesdames et Messieurs ! Venez voir le spectacle ! Soirée d’adieux de José Martinez ». Le spectacle fut truffé de références à José Martinez, à son Espagne natale. Les funambules crient lors du début du premier acte de s’approcher pour voir José Martinez qui fait ses adieux ce soir. Les tutus de répétition au divertissement du début du 2ème acte qui sont d’ordinaire noir et blanc, les danseuses sont cette fois ci en rouge et jaune.

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Et ce soir, bien sûr c’est José Martinez dans le rôle de Baptiste. Et c’est amusant de voir à quel point l’étoile chorégraphe s’est taillé un rôle sur mesure. Il est absolument parfait, les lignes mettent son corps en valeur. Quant à son jeu, les scènes de pantomime sont brillantes, les deux scènes de la chambre sont très émouvantes, est-ce parce qu’il danse avec sa partenaire favorite, Agnès Letestu? Agnès Letestu… ce soir elle avait mangé du lion ! Elle était belle, très à l’aise dans ses bottines, d’une complicité parfaite avec José Martinez. C’est une Garance pleine de délicatesse et très assurée de son pouvoir de séduction, qui ne se construit pas au fur et à mesure du ballet. Au contraire, plus l’amour la gagne plus elle doute de la frivolité de ses autres conquêtes. Sa danse devient plus fine à mesure, comme de la dentelle légère.

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La distribution de ce soir est parfaite. Que dire de Clairemarie Osta, une Nathalie si juste, avec une émotion retenue, une pudeur, qui fait d’elle la meilleure interprète de ce rôle. Vincent Chaillet est un Lancenaire si perfide et calculateur, qu’il fait trembler tout le monde sur la scène. J’aime sa façon d’utiliser tout son dos, pour s’imposer dans ce personnage de dandy. La moustache lui va à ravir. Florian Magnenet m’a coupé le souffle à chaque fois que je l’ai vu. Technique époustouflante, je suis sous le charme de ses sauts et de ce qu’il a accomplit dans ce rôle. Je l’imagine très bien dans un rôle de Basilio, quelque chose de très viril, avec de belles variations , pleines d’envolées.  Il est superbe en Frédéric Lemaître, tant dans la première période, qu’à l’entracte avec Charlotte Ranson (moment où j’ai dû ramasser la mâchoire de Palpatine, tombée sur le sol..) ou dans le ballet Robert Macaire. Son duo avec Sarah Kora Dayanova fonctionne très bien. Tous deux allient charme et séduction, pour le plaisir du public. Kora Dayanova est une ballerine, qui sait retenir ses mouvements, qui s’approprie la variation en y mettant son propre rythme. J’apprécie ses moments de suspension qu’elle installe dans le pas de deux ou dans ses passages en solo.

Yann Saïz en Comte, c’est l’accord parfait entre la rigueur et la maturité. Il assure dans ce rôle, pas si évident, hormis ce cri quand Garance part, qui je le répète est de trop.

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Le spectacle est une vraie réussite ce soir. Pas de couac de rideau (hier j’ai oublié de vous raconter que le rideau de scène s’est malencontreusement baissé lors du 2ème acte… le responsable a du s’en mordre les doigts…), tout s’enchaîne, jusqu’à l’apogée finale. La séparation entre Baptiste et Garance sonne comme une vraie déchirure. Difficile d’imaginer Agnès Letestu sans Martinez… La chute du rideau laisse place à une grande émotion et 30 minutes d’applaudissements chaleureux. Les ballons rouges et jaunes tombent du ciel. José Martinez semble très heureux, si heureux qu’il saute dans la fosse d’orchestre, puis va au parterre pour saluer le public. Son regard passe dans toute la salle, pour dire merci, pour partager ce moment avec tous. C’est un moment très fort, très beau et surtout plein de joie.

Mes mains tremblantes après tant d’applaudissements, je me dirige vers le grand foyer pour voir la remise de médaille. Bernard Stirn fait un discours peu écouté, il faut dire que tout le monde attend les petits fours… le champagne ça hydrate, mais ça donne faim. Brigitte Lefèvre prend le relais, en décidant de s’adresser prioritairement aux danseurs, mais là encore, les oreilles ont l’air peu attentives. Elle rappelle la carrière du danseur, ses grands rôles, lui remet la médaille de commandeur des arts et des lettres. En cadeau, il reçoit un siège de l’Opéra à son nom, à défaut d’une loge, il pourra toujours venir s’y asseoir… Et un costume signé Christian Lacroix, une sorte d’Arlequin, je crois, car le petit Rat est petit… et ne voit pas bien derrière toutes ces grandes personnes. José Martinez prend enfin la parole et le silence se fait tout de suite. Il remercie la ministre de la culture espagnole pour sa présence, il remercie bien sûr tous ses camarades. Il rappelle l’importance du plaisir sur scène. Il fait beaucoup d’humour, et la fête peut enfin commencer ! La soirée est à l’image du danseur, joyeuse, généreuse, inoubliable.

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© Agathe Poupeney /Photoscene.fr

  • Distribution du 15 juillet à 19h30

Baptiste : José Martinez
Frederick Lemaitre : Florian Magnenet
Garance : Agnès Letestu
Nathalie : Clairemarie Osta
Lacenaire : Vincent Chaillet
La Ballerine : Sarah Kora Dayanova
Le Comte : Yann Saïz
Madame Hermine : Caroline Robert
Desdemone : Charlotte Ranson

  • A lire

Le monde, Rosita Boisseau parle d’un retraité hyperactif

ResMusica, La tête et les jambes de José Martinez, par Marie-Astrid Gauthier

La Croix, Marie-Valentine Chaudon revient sur la carrière du danseur

Le Figaro, Ariane Bavelier José Martinez tire sa révérence

Et à lire sur les autres blogs, leurs impressions sur cette soirée : Blog à petits pas, Palpatine, Amélie Danses avec la plume, Joël Riou, Une saison à l’Opéra,
Cams danse opéra

  • A revoir

 

14 juillet : les Enfants du paradis

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© Syltren/rêves impromptus

Je commence par la fin.. par le final comme diraient certains ! Je commence par ce court moment. Court, humble et intense comme la danseuse. Miteki Kudo dansait pour la dernière fois ce soir, et c’était dans les escaliers de Garnier. J’adore cette artiste, élue merveilleuse dans le Sacre comment l’oublier ! Ce soir elle fut la Desdémone la plus aboutie, et la plus délicate que j’ai vue pendant toute la série des Enfants du Paradis. On la pousse un peu pour qu’elle s’avance et le corps de ballet la salue et l’applaudit chaleureusement. On aperçoit toute l’émotion de la danseuse. Le public la salue une dernière fois. Le ballet se sépare d’une superbe artiste.

Je ne vais pas dérouler à l’envers ma soirée, ce serait trop compliqué à suivre… Je remonte le temps et reviens vers 18h30, heure à laquelle je fais la queue pour les pass.. crotte de bique, je suis deuxième… Je trouve ça stressant cette histoire de queue pour les pass. On ne sait pas ce qu’il va se passer, va t-on en avoir… bref au moment où ma voisine et moi rageons en disant que de toutes façons il n’y a jamais de pass, voilà qu’il en tombe quatre et hop direction le balcon d’orchestre. Premier rang, place royale.. La soirée va être bonne.

Elle fut excellente pour tout vous dire. Je suis rentrée complètement dans le ballet et j’ai trouvée la distribution formidable. Le ballet commence, le rideau s’ouvre lentement, la lampe torche de Jean-Louis Barrault fouile dans ce lieu de tournage. On distingue à peine le décor. Le coffre qu’ouvre ce promeneur nocturne promet d’être plein de merveilles et de souvenirs pour la suite. Le violon vibre, rien n’a encore commencé. Plein feux sur la place, deux femmes se battent pour une corbeille de fleurs. Les musiciens en séduisent quelques autres. Les soldats font leur entrée avec de jolis grands jetés. Des badauds se bagarrent dans un coin.. pendant que les vendeurs de journaux cherchent des acheteurs potentiels. Lancenaire, un dandy, écrivain à ses heures perdues, fait son entrée sous les traits de Sébastien Berthaud. Quelle élégance, ce Sébastien Berthaud. Il est très fin et très léger. Il donne une couleur assez intelligente au personnage qui ne se contente pas d’être qu’un pervers. Il vole la montre d’un bourgeois, puis s’enfuit et c’est Garance qui se retrouve accusée du crime. Ludmila Pagliero est une superbe Garance. Dès le début du ballet elle
s’impose avec un sourire qui charme toute l’audience. Elle se fait malmener par les officiers qui veulent l’arrêter. C’est très beau, car elle est très légère, elle vole de mains en mains. Baptiste qui a tout vu depuis son tonneau sur la scène décide de mimer la scène pour démontrer que Garance est innocente. Ah Mathieu Ganio ! Génial Baptiste qui en fait des tonnes sur la pantomime et c’est tellement drôle. Il n’y a rien à dire sur sa prestation si ce n’est qu’il est génial. Garance lui offre une rose rouge pour le remercier.

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Ludmila Pagliero

Baptiste rentre ensuite au théâtre des funambules où il trouve Nathalie en pleine rêverie, qui danse avec une robe de mariée. Christelle Granier a le rôle ce soir ; technique superbe, notamment une technique de pointes superbe mais d’un point de vue du rôle, je trouve qu’au début elle en fait un peu trop. Trop désespérée que Baptiste ne lui offre pas cette rose. Elle est déjà dans le tragique, le dramatique, alors qu’à mon sens, à ce moment là de la pièce, Nathalie est juste vexée, un peu blessée mais pas plus. Ils vont donner la pièce avec le lion qui permet à Frédéric, un ami de Baptiste de briller en tant que comédien. Karl Paquette est très bien dans ce rôle qu’il connaît bien, et qui lui sied. Les deux amis s’en vont fêter cette nouvelle gloire dans un café où Baptiste va revoir Garance. Charline Giezendanner et Charlotte Ranson séduisent Frédéric Lemaître et l’ambiance du café est caliente. Fête Nationale oblige, les premières notes de la musique ressemblent étrangement à La Marseille.Garance entre dans le café avec Lancenaire à son bras. C’est dans cette variation que Pagliero s’impose. Elle séduit Baptiste, non pas par des regards
soutenus comme peut le faire Letestu, ou Ciaravola, non elle propose autre chose, un grand sourire, et un regard franc, droit dans les yeux, pendant que sa jambe se déroule dans un développé, et Baptiste est conquis. Elle s’enfuit avec Baptiste abandonnant le vicieux Lancenaire, tandis que Frédéric décide d’inviter Mme Hermine, la tenante de la pension, quitte à ne pas passer la nuit tout seul. Caroline Bance en Mme Hermine c’est un petit bijou ! C’est une superbe danseuse et interprète, qui met tellement de joie dans tout ce qu’elle fait que sur scène elle attrape toute l’attention sur elle. Dans la chambre, les amoureux se découvrent, et Garance est prête à se livrer. Baptiste hésite, et là il faut voir le jeu de Ganio, assis sur ce lit, qui ne sait pas quoi faire, on dirait un jeune adolescent, mal à l’aise devant cette femme si sûre d’elle qui réapparaît nue, enveloppée dans un drap. Il s’enfuit et Garance reste. Plagiero est géniale à ce moment là car elle met beaucoup d’humour dans cette situation où elle se retrouve seule. Son haussement d’épaule suivi du sourire de voir un homme, Frédéric, débarquer dans la chambre, donne un peu de
légèreté à ce rôle.

La vie de Baptiste se reflète au théâtre et c’est désespéré qu’il constate l’amour entre Frédéric et Garance. Garance est au milieu de ce duo, Nathalie tente de protéger Baptiste, quand arrive le comte qui va venir compliquer l’affaire. Pendant la pièce, dans la loge de l’impératrice, un comte regarde Garance jouer et tombe amoureux d’elle. Garance se laisse séduire par cet homme puissant, envoie balader Frédéric, et reste sans voix et sans geste devant la colère de Baptiste. Garance reste seule dans sa loge, pour peu de temps seulement, car Mme Hermine, jalouse de l’amour de Frédéric pour la belle danseuse, a trouvé une condamnation pour un crime quelconque, afin de se venger. La belle Garance ne peut que se servir du comte pour sortir de cette situation.

A l’entracte, on fait un saut dans le temps, puisque Frédéric Lemaître a monté sa propre compagnie et donne dans le Grand Escalier, Othello. J’adore ce moment où tout le public se retrouve dans ce lieu, qui devient plus vivant qu’à l’ordinaire. Les personnages se baladent, saluent les spectateurs, les mimes, nous entraînent et nous guident vers ce spectacle. Miteki Kudo a une grâce que peu de ballerine ont. Sa fragilité lui confère beaucoup de délicatesse dans ses mouvements. Son regard tragique dans ce rôle, installe un silence dans les balcons tout autour de l’escalier. Danser pour la dernière fois dans cet espace est un moment de beauté, c’est un vrai partage avec tout le public. Beaucoup d’émotions dans ce moment, il est temps de retourner dans la salle après des bravos et applaudissements nombreux.

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Ludmila Pagliero

Le début du deuxième acte donne à voir Robert Macaire, un ballet où Frédéric Lemaître se met en scène avec une superbe ballerine dansée ce soir par Charline Giezendanner qui m’a complètement bluffée. Karl Paquette montre de beaux atouts, avec une noblesse dans le port de buste et de la force dans les jambes. Parmi le corps de ballet, Marc Moreau montre de belles choses notamment des sauts d’une propreté et d’une légèreté, qui le distingue des autres. Charline Giezendanner a des bras fabuleux, je l’ai trouvée d’une classe et d’un charisme que je ne lui connaissais pas. Après ce charmant ballet, plein de numéros de virtuosité, on se replonge dans l’univers de Garance qui est devenue une femme entretenue par le comte. Pagliero sait montrer l’enfermement de Garance, la
compromis qu’elle a choisit, l’argent à la place de l’amour et du théâtre. Elle danse comme si le sol devenait fragile, ses pas sont lourds, plein de peine, mais son visage reste le même. Le sourire radieux du premier acte a disparu. Son corps s’est rigidifié comme pour se protéger des mains de ce comte qu’elle n’aime pas. Elle met une vraie distance, avec une danse engagée et déterminée. Avant d’aller au bal, elle va revoir la troupe de Baptiste. Ce dernier l’aperçoit au balcon, et retombe dans ses pensées où les mimes viennent le hanter. Il danse la plus belle variation du ballet avec une élégance que seul Mathieu Ganio peut donner, pleine de nuances, comme si tous les souvenirs de Garance lui revenaient en tête, et venait se loger dans chacun de ses membres. C’est très beau, très émouvant, j’aurais aimé que la fin ne soit pas applaudi et qu’on reste un peu dans cette tristesse.

Au bal Garance retrouve ses anciens amants, Frédéric  et Lancenaire. Ludmila Pagliero y est majestueuse. Elle  est habitée par une grande noblesse, avec un port de tête qui n’est plus du tout le même qu’au premier acte. J’aime l’énergie du bal, je trouve ça efficace, les costumes sont superbes, et l’espace ne cesse d’évoluer à mesure des danses. Baptiste débarque en courant, comme un cri d’espoir. Garance ne peut être qu’à lui, mais la jeune femme est réservée, elle est prisonnière du comte d’une certaine façon. C’est Lancenaire, qui calme le jeune héros et qui propose aux deux amants de s’isoler. C’est lui aussi qui les met en lumière, en montrant au comte qu’il n’aura jamais le coeur de Garance. Berthaud brille en Lancenaire, mais le comte lui devient un peu insignifiant et surtout le cri final est vraiment ridicule.

La scène de la chambre est très émouvante. Je trouve que le couple fonctionne bien. Ganio est un partenaire attentif et Pagliero semble d’une facilité à manier si je peux m’exprimer ainsi. Elle se laisse complètement emmener dans les bras de son partenaire pour se concentrer sur son personnage. Ce couple se retrouve après les années, Garance a changé, Baptiste quant à lui a toujours cet amour innocent, sauf que cette fois il ne veut pas la laisser filer comme la première fois. Ils vivent une première nuit d’amour, comme si l’amour devait forcément être consommé pour devenir réel. Je suis vraiment absorbé par Pagliero, que j’ai toujours trouvée géniale techniquement, mais qui ne m’avais jamais émue à ce point (il y avait déjà un excellent début dans la soirée Mats Ek). Là elle est bouleversante d’émotions… Je suis clouée à mon siège. Avec Mathieu Ganio, quel partenariat ! Il faut remettre ça vite. Nathalie qui est désormais la femme de Baptiste interrompt cette nuit d’amour, et Garance fuit, poussée par la gêne et la honte. Dans
la rue, c’est journée de carnaval et 14 juillet, donc des petits drapeaux tricolores s’agitent ça et là. Au milieu de la foule, Garance se fraye un chemin et s’en va dans l’obscurité du la salle. Baptiste court mais la perd de vue. Il reste là, à lavant scène, le regard vide et triste. A l’arrière Jean-Louis Barrault retrouve la rose d’origine de Garance.

Très belle soirée, très belle distribution, parfaitement équilibrée. Il faut dès à présent se trouver un lieu pour voir le feu. J’étais un peu loin certes, mais je l’ai trouvé très beau. Et avec un très beau final…

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  • Distribution du 14 juillet 19h30

 

Baptiste Mathieu Ganio
Frederick Lemaitre Karl Paquette
Garance Ludmila Pagliéro
Nathalie Christelle Granier
Lacenaire Sébastien Bertaud
La Ballerine Charline Giezendanner
Le Comte Alexis Renaud
Madame Hermine Caroline Bance
Desdemone Miteki Kudo

 

  • Vidéo bonus

 

L’anatomie de l’ennui

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Suite à la grève, samedi 02 juillet est donc finalement devenu le soir de première pour la nouvelle création de Wayne Mc Gregor. Je retrouve ma Pink Lady pour faire la queue pour les pass. Après quelques embrouilles avec les revendeurs-arnaqueurs, un bilan approfondi de la Summer Party de l’ENB (les Louboutins se sont finalement vendues à £5000), les Pass tombent pour nous et en plus à côté.

Je n’attendais rien en particulier. J’avais apprécié Genus pour son langage désarticulé, parfois hip hop néo classique.  Puis j’avais visionné plusieurs oeuvres de Mac Gregor et
j’avais été déçue de voir qu’il n’y avait souvent rien derrière ce langage. Enfin si, Mc Gregor veut y mettre du sens, mais de mon point du vue, on pourrait échanger les titres des pièces, ça ne changerait pas grand chose…

Il y a quelque chose que j’ai beaucoup aimé dans cette pièce, c’est la scénographie. Des grands panneaux blancs sur lesquels sont projetées différentes couleurs en fonction des tableaux. Tableaux de peintures, fond de toiles, les tableaux se succèdent en fonction de la partition musicale. Je reviens sur la scénographie avant de parler plus précisément de la construction chorégraphique. Ces grands panneaux sont superbes, ils s’ouvrent et se ferment et changent l’espace dans lequel vont évoluer les danseurs. Parfois l’espace est même partitionné comme dans un diptyque ou un triptyque. J’aime bien l’idée de contraindre l’espace, comme la taille de la toile du peintre sur laquelle il faut jeter des couleurs.

Côté musique, ça a été très douloureux pour moi. Je n’ai pas du tout aimé la musique de Turnage, aussi bien interprétée soit elle par l’ensemble intercontemporain. Ça ne m’a pas
aidée à rentrer dans le ballet. J’ai trouvé ça froid, distant et assez brutal. J’étais assez mal à l’aise à vrai dire avec cette musique, elle prend tellement d’espace que j’avais du mal à lier la danse avec elle. Soit je me concentrais sur la danse, soit sur la musique mais les deux ensemble, sacrée cacophonie.

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J’en arrive à la danse. On pourrait débattre du titre de la pièce de Mc Gregor et sur Twitter les pastiches pleuvent. Que sa pièce soit pour Francis Bacon pour quelqu’un d’autre peu importe. Il y a chez Bacon une sensualité des corps, quelque chose d’extrêmement charnel que je n’ai absolument pas retrouvé ici. La pièce est découpée comme la musique en neuf mouvements. Le premier Blood on the Floor, met en scène Mathias Heymann et Jérémie Bélingard. Le duo devrait être sensuel, avec ces deux là. Et bien rien, il ne se passe rien. Il ne suffit malheureusement pas de les mettre en slip (même si c’est toujours agréable à regarder.. ) pour que les corps parlent avec sensualité. Déjà je savais que c’était mal parti, si je m’ennuie pendant un duo Bélingard/Heymann… aie !

Le deuxième mouvement, Junior Addict, solo dansé par Gillot, même chose. J’adore Gillot dans ce langage chorégraphique, je la trouve merveilleuse et ses jambes qui s’étirent à l’infini me fascinent. Mais là encore, voir MAG reculer une épaule, puis la tête, puis hop je te mets un grand écart, et hop on démêle tout ça dans l’autre sens, non merci. De même que ses deux camarades précédents, elle n’était pas sensuelle, cela manquait terriblement de féminité. Le troisième mouvement, Shout, me réveille un peu mais je trouve que les ensembles étaient mal réglés. Des erreurs de synchronisation, il manquait une énergie commune. J’avais l’impression de voir des poupées dansant dans des petites bulles de verre.  J’ai bien aimé Laurène Lévy, qui s’éclate vraiment, qui ose un sourire et elle attire le regard un peu plus que les autres sur sa danse. Au quatrième mouvement, Sweet and Decay, je décide de m’accrocher plutôt que de tomber dans le sommeil. Les deux couples MAG/Audric Bézard et Hoffalt/Renavand, dansent dans deux espaces différents et je l’ai dit plus haut, j’apprécie cette idée. En plus, je trouve que ces deux couples ont quelque chose en plus que les autres. Ils se passent enfin quelque chose sur scène. Vais-je enfin avoir une sensation ? Je n’irai pas jusque là, malheureusement. Au cinquième mouvement,
Needles, je ne tiens plus en place et hésite franchement à m’en aller. Du coup je prends la distribution et compte le nombre de tableaux qu’il me reste. Je discute un peu avec Pink Lady, mais étant sur un strapontin qui grince ce n’est pas pratique. D’un regard, on comprend vite qu’on est du même avis. Je suis aussi venue pour voir danser Aurélie Dupont, donc j’attends. Ouf c’est le mouvement suivant, Elegy for Andy. Retour de Dupont sur scène et avec son mari c’est du jamais vu (ou presque!) mais là encore du point de vue de la chorégraphie que je ne trouve rien que me touche, qui  me fasse frissonner. Aurélie Dupont revient au top, rien à dire sur sa technique, cela fait plaisir de la voir sur scène, mais j’aurai aimé la voir dans autre chose. Dupont/Bélingard c’est quand même le couple électrique, par là je veux dire on devrait sentir une tension entre eux, et bien non. Le septième mouvement, Cut up, je décide de prendre des notes sur ce que je viens de voir.. J’ai l’impression que cette heure de danse dure au moins le triple… Ca devient douloureux. Le huitième mouvement, Crackdown, avec le duo Hoffalt/Renavand est enfin une petite bulle de bonheur au milieu du reste. Ça en jette, ça danse ! Les mouvements sont très élevés quand Renavand danse sur pointes, puis tout se recroqueville au sol. Il y a une tension entre le sol et le plafond et entre les deux danseurs. On dirait qu’il y a des aimants un peu partout. C’est le meilleur moment de la pièce d’un point de vue danse. Mc Gregor s’est donné la peine de faire « un final » Dispelling the Fears qu’on aurait aussi pu enlever. Que je n’aime pas ce genre de construction, avec un final lourd, type feu d’artifice ou cerise sur le gâteau. Je trouve ça ringard.

 

Applaudissements assortis de nombreux bravos, c’est pour ma part assez dépitée, que je sors de la salle. On rattrape Fab au passage (dont la tête n’est pas plus enthousiaste que la mienne), mais on rate Joël et Laura. L’avantage d’un ballet qui dure 1h15 c’est qu’à 21h15 on était dehors, on a pu aller manger aux Associés (il est là le vrai restau de l’Opéra ! parce que « Chez Brigitte » à Garnier n’est pas prêt d’ouvrir). On a même pu convaincre Fab que Ganio avait un côté magnétique (ok on a rien fait il est juste passé ça a suffit). Mon dessert, brioche façon pain perdu au caramel laitier, m’a donné plus de sensations fortes que cette anatomie. Pauvre Francis Bacon !

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  • Presse et autres liens

Ariane Bavelier dans Le Figaro est Loin de Francis Bacon, Pour Phillipe Noisette dans
Les Echos c’est Un plaisir vide de sens, Nicole Duault dans le JDD parle
d’une Sensation sans rage.

L’express : L’hommage à Francis Bacon

Reportage audio sur France Info

A écouter interview de Josua Hoffalt, Dorothée Gilbert.

Répétition avec Josua Hoffalt et Alice Renavand.

A lire sur les autres blogs : Blog à petits pas, Danses avec la plume, Joël Riou, Envie d’ailleurs, etc… voir la dansosphère ci contre.

La matinée du 14 juillet 14H30 est GRATUITE

  • Distribution du samedi 02 juillet 20h00
Mlle Aurélie Dupont
Mlle Dorothée Gilbert
solo 2ème mouvement Marie-Agnes Gillot
Mlle Marie-Agnes Gillot
Mlle Laurène Lévy
Mlle Myriam Ould Braham
Mlle Alice Renavand
MM Jérémie Bélingard
MM Mathias Heymann
MM Josua Hoffalt
MM Simon Valastro

 

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Mark Anthony Turnage Musique
Blood On The Floor
Wayne McGregor Chorégraphie
John Pawson Décors
Moritz Junge Costumes
Lucy Carter Lumières

 

  • Extraits vidéo