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Myriam Ould-Braham nommée étoile

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© Agathe Poupeney

Quelle année ! Myriam Ould-Braham a été nommée étoile ce soir dans La Fille Mal Gardée, ballet de Frederick Ashton. On attendait ce titre depuis longtemps pour cette
jeune danseuse, talentueuse et avec des qualités rares. Danseuse atypique, toujours surprenante, ce petit bout de femme a la capacité de prendre les rôles avec un talent certain. La légèreté de ses bras n’est plus à démontrer quand on a vu sa Nikiya, sa force de caractère dans sa Juliette l’an passé, son evanescence dans Naïla. Elle a l’intelligence des grandes étoiles qui savent s’approprier avec un rôle, faire que la technique serve le rôle.

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© Elendae

Après Josua Hoffalt et Ludmila Pagliero, une troisième étoile vient rejoindre la constellation de l’Opéra de Paris. Merci à Elendae pour sa vidéo vite postée, qui même derrière mon écran, me
donne des frissons.

Félicitations à cette très belle ballerine !

 

Dates importantes :

1996 : entre à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris.
1999 : est engagée à 17 ans dans le Corps de Ballet.
2001 : Coryphée
2002 : Sujet
2005 : Première Danseuse.

Prix Carpeaux en 2002, Prix Massine en 2005 et Prix de l’AROP en 2005.

 

Rencontre Arop avec Clairemarie Osta

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© Laurent Philippe

J’arrive en retard, de quelques minutes, je manque la présentation de Jean-Yves Kaced et les premières questions de Brigitte Lefèvre. E*** me fait un rapide résumé, qui en gros revient à la bio de Clairemarie Osta. Elle a commencé la danse par les claquettes, elle
en est d’ailleurs championne de France. Elle entre à l’Opéra de Paris en 1988, elle est nommé étoile en 2002, à l’issue de Paquita. Elle a reçu plusieurs distinctions, dont le Prix de l’Arop, une médaille de bronze à Varna, elle est Chevalier des Arts et des Lettres et Chevalier de la légion d’honneur.

Brigitte Lefèvre : Cela a toujours été dans tes projets d’être danseuse ?

Clairemarie Osta : J’avais le projet d’être heureuse avant toute chose. Au moment où je me suis tournée vers la danse, c’était une des
conditions. Pour être heureuse, j’avais besoin de danser. La problématique était donc comment avec cet art, moi j’existe.

Brigitte Lefèvre : Jeanine Monin, qui était ton professeur de danse à Nice, disait « ce sera la première danseuse étoile issue de Nice ». Tu le savais non ?

Clairemarie Osta : Je ne le savais pas. C’est elle en tous les cas qui m’a fait réaliser que j’allais être danseuse.

Brigitte Lefèvre : Ah, tu as du oublier, ta maman m’avait dit que tu le savais. La nomination d’étoile, tes rôles, tout cela ce sont encore des souvenirs très vibrants. J’aimerais que tu nous parles de ta façon d’interpréter les rôles. Je sais que tu apprécies beaucoup le travail d’Isabelle Huppert, qui dit souvent qu’avant un rôle, elle est une page blanche que le personnage et son histoire vont venir combler.

Clairemarie Osta : C’est très mystérieux. J’ai confiance quand j’aborde un rôle, parce que je ne vais pas avoir à l’inventer. J’ai confiance dans le chorégraphe qui a tellement réfléchi pour créer le rôle. Mon travail de mémorisation est très rapide, parce que finalement, tout cela est inscrit dans la musique, dans le style chorégraphique et parce qu’on les a vus plein de fois. J’écoute les conseils des maîtres de ballet. Et puis il y a une part de medium. Il y a une vibration indescriptible, quelque chose de plus large que je ne pourrais expliquer. Il y a Clairemarie et Manon, par exemple. Clairemarie n’est pas sur scène, elle reste en coulisses. Sur scène je vis vraiment l’histoire de mon personnage.
Bon, dimanche, Clairemarie a eu du mal à rester en coulisses ! Il m’a fallu un acte pour que Manon prenne le dessus.

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© Agathe Poupeney

Brigitte Lefèvre : Nous avons eu l’occasion de te voir dans de nombreux rôles. Tu as été la première à danser Tatiana. Quand on est artiste, il y a un moment magique, celui avant que le rideau se lève…Il y a une sorte de cérémonial. Et, quand vous cherchez Clairemarie, normalement, vous le ne la trouvez pas. Pour Onéguine, tu étais assise sur la méridienne, les jambes allongées. Est-ce que tu méditais ?

 Clairemarie Osta : Pas vraiment. Mais ce moment est comme une seconde naissance. Il y a une attente avant le lever du rideau. Le ballet Onéguine est construit avec une tension particulière, il faut se mettre dans cet état d’esprit.

 Brigitte Lefèvre : Parlons un peu de technique. C’est quoi pour toi la technique ?

Clairemarie Osta : Pour moi, c’est découvrir une langue et son goût, et puis ensuite, c’est atteindre un certaine niveau pour pouvoir s’en servir. Après il faut l’entretenir, pour avoir le plus de possibilités, pour être disponible pour les ballets.

 Brigitte Lefèvre : Quel est le rôle qui t’a posé le plus de problèmes ?

 Clairemarie Osta : Ahh ! Je crois que c’est Gamzatti. Je ne l’aimais pas. Je préférais l’autre, non pas ambition ou grade dans les rôles, mais je n’aimais pas ce personnage. Alors j’ai dû me mettre à sa place, me dire qu’elle avait été élevée comme cela, qu’il était normal de vivre ce qu’elle vit avec Solor. J’ai alors pensé qu’il était impossible pour elle de vivre son destin autrement, ce qui me l’a rendue plus sympathique.

Question du public : Pouvez-vous nous parler un peu plus de vos relations et méthodes de travail avec Roland Petit, notamment dans
Clavigo et Carmen ?

Clairemarie Osta : C’était le choix de Roland Petit de me prendre pour Clavigo. Son envie était motivée par rapport au personnage de Marie, qui est l’incarnation du romantisme, de la féminité. Il avait choisi Nicolas (Le Riche, son compagnon à la ville, NDLR) et il fallait que ce soit crédible que je puisse mourir d’amour pour lui. Bien sûr, ce n’est pas si facile, car l’intimité n’est pas la même en scène. Il fallait donc ensuite transcender le rôle. Mais dans le studio, il y avait déjà tellement imaginé dans sa tête. Cela lui est venu très facilement, comme si il l’avait rêvé. L’autre aspect du travail de Roland, c’est son souci que notre qualité de danseur « classique » soit montré. Pour lui, c’est un dessin esthétique, académique. Par exemple dans Carmen, il joue sur l’en-dedans/en-dehors, et cela a un côté très érotique. Mais pas seulement. Il faut faire une 5ème très provancante par rapport à l’en-dedans, pour montrer la capacité que l’on a de faire cette cinquième. C’est un peu « regardez, je suis capable de le faire, c’est magique ! ».

 Brigitte Lefèvre : Roland Petit était un personnage extraordinaire et effrayant ! Il avait une relation compliquée avec les femmes. Il était très marqué par Zizi Jeanmaire. Pour Clavigo, il avait bien sûr choisi son danseur de prédilection qu’est Nicolas Le Riche. Pour le rôle de Marie, il m’avait dit « Vous n’avez pas de danseuse romantique ! ». Roland Petit n’a jamais pu s’enlever l’image de Zizi.

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© Laurent Philippe

Question du public : Quels sont vos projets ?

 Clairemarie Osta : J’ai envie de profiter. Après avoir pris le visage d’autres, le visage de ma vie réelle m’attend. La relation entre danse et transmission m’intéresse beaucoup.

Question du public : Qu’est-ce qui a changé depuis que vous êtes entrée à l’Opéra de Paris ?

Clairemarie Osta : Je n’ai pas encore fait le voyage en arrière ! D’un côté, il y a l’institution, qui a une mission et cela se passe sans nous. Au moment où on le vit, on a l’impression que c’est à nous. C’est du présent pour nous. Comme toutes les nouvelles générations, on a l’impression qu’on réinvente le monde. On ne fait que passer. Et le temps passe très très vite.

Brigitte Lefèvre : C’est vrai qu’on a la sensation que cette maison nous appartient. Je pars dans deux ans et en fait, on a pas le temps de penser au futur. On ne s’en soucie pas. L’heure des bilans sonne très très tard. C’est une maison magnifique, dans laquelle on reste danseur, même si on ne fait que passer. On se sent héritier de quelque chose. On me dit souvent, « vous leur faites tout danser ». Je réponds non. On danse des choses différentes. D’ailleurs, comment se situe t-on quand on danse en même temps Robbins et Mats Ek ?

Clairemarie Osta : C’est une préparation différente. Il y a une exigence totale dans les deux. On vit un déchirement à chaque fois qu’on quitte un studio pour répéter dans un autre et vice-versa. C’est une manière de se rendre compte de quoi on est capable. On est totalement engagé, on se sent vivant à chaque fois. C’est une alternance qui coûte, pas du point de vue des courbatures, parce que ça ce n’est pas bien, mais c’est quelque chose qui vous apporte beaucoup.

Brigitte Lefèvre : Il y a bientôt la tournée aux Etats-Unis. Tu vas y danser Giselle. Chacun a sa Giselle, quelle est la tienne ?

Clairemarie Osta : C’est un bon exemple de la réalité de la transmission. Quand on est sujet, on doit porter le reste du corps du ballet. J’étais la plus petite, donc la dernière des Willys. Patrice me disait toujours, « il faut qu’on te voit, sinon il y en aurait une de moins ». Ensuite j’ai dansé le rôle des vendangeurs et pour m’échauffer, je dansais le rôle de Giselle. Je vous avais dit « J’espère que vous avez compris ».. Je n’ai pas eu de complexe.

Question du public :  Nicolas Le Riche a t-il été un partenaire particulier ? Parlez-vous beaucoup de danse à la maison ?

Clairemarie Osta : Non, on parle très peu de danse à la maison. Les distributions ne dépendaient pas de moi, j’ai eu beaucoup de partenaires, avec qui j’ai partagé des choses différentes.

 Brigitte Lefèvre : Pour ma part, je ne tiens pas particulièrement à ce que les couples dansent tout le temps ensemble. C’est important de construire sa propre carrière.

Question du public : Vous avez un regard très réfléchi, très structuré sur votre art. Avez-vous eu le désir de chorégraphier vous même ?

Clairemarie Osta : Pour l’instant non. J’ai aimé toute ma place comme interprète.

Question du public : L’émotion peut-elle être aussi forte quand on est danseuse dans le corps de ballet ?

 Clairemarie Osta : Oui, il faut s’en persuader ! Blague à part, il y a des transes indescriptibles dans le corps de ballet, quand on danse toutes ensemble et c’est un privilège souvent féminin. Bien sûr dans Giselle, dans Bayadère. Le Lac des cygnes reste bien entendu inégalé. Il y a une vie du groupe, une inertie. C’est une addition d’énergies.

Question du public : Comment avez-vous vécu le 13 mai ? D’autant que dans le dernier acte votre personnage meurt.

Clairemarie Osta : Quand je danse, je pense que le public vient voir Manon, pas Clairemarie Osta. Là, c’est moi qu’on venait voir. C’était dur. J’avais la frustration de ne pas pouvoir laisser paraître mon émotion intime. Clairemarie était très présente. Tellement, parfois que dans le dernier assemblée, avant de mourir dans les bras de Des Grieux, je me suis dit « oh ben non, j’y vais pas! ». Je sais qu’il y a eu un film j’aimerais bien voir mon visage à ce moment là.

Brigitte Lefèvre : Tu as été nommée étoile en matinée. Tu as fait tes adieux en matinée, pour tes filles. Elles sont danseuses ?

Clairemarie Osta : Non, pas pour l’instant, elles sont trop jeunes.

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© Agathe Poupeney

 

L’histoire de Manon Dupont/Hoffalt/Bélingard/Zusperreguy

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Deuxième soir de représentation, je fais la queue pour les pass jeunes avec La souris et Palpatine. La chance nous sourit donc, puisque nous obtenons trois pass jeunes, les vacances scolaires ont du bon.

Direction donc le premier rang du balcon pour revoir cette distribution que j’avais eu la chance de voir en répétition. Dans l’ensemble, je trouve que le ballet a de vraies longueurs et si il y a certains passages qui me plongent dans un émoi particulier, d’autres m’ennuient beaucoup.

J’ai trouvé cette distribution très équilibrée. Aurélie Dupont est une Manon séduisante et séductrice qui a conscience de son pouvoir sur les hommes. C’est pleine d’assurance qu’elle se jette dans les bras de Des Grieux. Technique bluffante, on sent une bonne complicité entre les deux partenaires et surtout beaucoup de plaisir à danser ce ballet, à se découvrir dans ces rôles tragiques que dans Bayadère. Dupont vit cette histoire avec une joie lisible sur son visage et qui transparaît dans sa danse. Le pas de deux du premier acte est très fluide. Quant à Josua Hoffalt, il est ce jeune homme fougueux, innocent et naïf que l’amour va mener à faire les pires choses. Sa danse fluide va se rigidifier à mesure qu’il connaît et qu’il aime Manon. Le jeu, la tricherie, le meurtre vont transformer ce personnage. Comment un amour si pur, si innocent, peut mener à tant de vices ? La femme semble clairement montrée du doigt, à travers le personnage de Manon, et les prostituées de façon plus générale.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Jérémie Bélingard est hilarant dans le rôle de Lescaut. Il joue l’ivresse à fond, en prenant les déséquilibres avec brio, et défiant les lois de la gravité. J’aime son ébriété festive et le duo avec Muriel Zusperreguy fonctionne bien. Elle joue une maîtresse bienveillance, tout en restant rayonnante et séductrice. Hormis ce pas de deux et la variation de Manon, le reste m’a beaucoup ennuyée. Je trouve qu’il se passe trop de choses sur scène, j’ai envie de tout voir et forcément je n’y arrive pas. Sur France Musique, Clairemarie Osta disait à juste titre qu’il se passait mille histoires sur scène, que chaque personnage avait sa propre histoire. Il est vrai qu’on peut se laisser emmener dans le fond du tableau et regarder le jeu de séduction entre tel et tel personnage mais parfois, j’ai du mal à trouver la visibilité. D’autre part, je n’accroche pas du tout avec la scénographie, ni avec les costumes. De l’ocre, encore de l’ocre, oups du jaune. Si la finition des costumes est impressionnante, comme toujours à l’Opéra de Paris, on est loin de La Dame aux camélias. Au concours, les sujets dansaient la variation de Manon avec une robe de velours noire, très sensuelle, le velours bougeant à chaque mouvement de jambe avec délicatesse. Là, je trouve que la robe de Manon fait un peu kitch, voire cheap. Le décor fait de chute de tissus ocres et abîmés rappellent évidemment la condition dont Manon a le plus peur. La peur, la honte, devenir pauvre en une nuit, comme elle devient riche en quelques minutes avec un manteau et un collier, tout cela hante Manon, et le décor reflète cela, il n’empêche que je trouve ça très laid. Je ne parle même pas de l’acte trois où les lianes avec le plein feu vert, plus la fumée… si allez, j’en parle. Alors voilà, nous avons notre Manon qui dépérit au sol, dans les bras de Des Grieux et tous ses souvenirs apparaissent derrière elle. La frivolité, son frère coureur de jupons, le jeu, le meurtre, puis arrive le pas de deux final, qui est une chorégraphie merveilleuse et qui m’émeut énormément. Mais franchement, ces lumières vertes…Je trouve que cela manque de raffinement, puisqu’après tout c’est le peu de choses qui reste à la jeune Manon.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Pour revenir à la misogynie, elle est présente tout au long du ballet. Aurélien Houette interprète un Monsieur de G.M. violent, conscient de sa puissance, de son argent. Il considère Manon presque comme une bête de foire, qu’on montre, qu’on utilise sexuellement, qu’on attache avec de l’hermine, des rivières de diamants, des bracelets clinquants. Monsieur de G.M. ne se laisse pas duper par les manigances de Lescaut ou de Manon. Il impose son pouvoir sur Manon, tout comme son frère d’une certaine façon, ainsi que le geôlier. Tout ceci est assez bien chorégraphié et rend le propos sur les femmes abject. Si l’amour pur donnent des pas de deux d’une beauté éblouissante entre Manon et Des Grieux, la soumission de Manon aux hommes, portée d’homme en homme, donne à voir un spectacle qui met mal à l’aise, qui dérange. Est-ce la volonté du chorégraphe ? Je n’en suis pas si sûre…

Une belle soirée, avec des longueurs donc, mais avec un beau travail d’interprétation. Prochaine distribution Ciaravola/Ganio !

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L’histoire de Manon sur le site de l’Opéra de Paris

  • Distribution du 23 avril 2012, 19h30
Manon Aurélie Dupont
DesGrieux Josua Hoffalt
Lescaut Jérémie Bélingard
La Maîtresse de Lescaut Muriel Zusperreguy
Monsieur de G. M. Aurélien Houette
Madame Viviane Descoutures

Visite de l’Opéra Bastille

P1050353.JPG Voici la vue que l’on a de la scène. D’ici la salle paraît petite. L’architecte Carlos Ott a voulu que cet opéra soit le plus confortable possible pour les artistes. En effet, le granit breton, cette pierre grise bleutée, crée un effet d’optique. Le fond de la salle parait moins loin qu’il n’y est. Si on parle matériaux, le bois est du bois de poirier qui vient de Chine, choisi pour sa couleur qui est proche de celle des instruments à cordes. Le velours noir a été choisi car c’est la couleur des musiciens les soirs de représentations. La salle est le trésor, le bijou dans la boite, même si celle ci ne représente que 5% du volume total. C’est le contraire de l’Opéra Garnier. L’Opéra Bastille occupe une surface de 22 000 mètres carrés au sol ! Avant lui, il y avait la Gare Bastille, qui n’était plus utilisée pour sa fonction première mais comme une lieu d’exposition. On a donc fait un concours en 1983 à la demande de François Mitterrand, 1700 architectes ont posé leur candidatures, 756 projets ont été analysés. C’est donc Carlos Ott qui remporte le concours en mars 1983. Les travaux ont commencé en octobre 1984 et on a inauguré l’Opéra le 13 juillet 1989. PAs le 14 comme prévu car on célébrait le centenaire de la Révolution Française. La première saison de Bastille était celle de 1990, ce qui fait donc que nous en sommes à la 22ème cette année. La construction a coûté l’équivalent de 427 millions d’euros.

Vous avez l’impression que les balcons sont incurvés et que les spectateurs des côtés vont tomber au centre ? Illusion d’optique, les balcons sont parfaitement rectilignes.

En guise de lustre, sous une bâche de verre, se cachent 2700 tubes fluorescents. Ils sont changés en une seule fois tous les trois ans. En comparaison, les ampoules de Garnier sont changées deux fois par an. De la salle, on a l’impression que les vagues se succèdent dans tours. En fait de la scène, le lustre accueille les rampes de projecteurs.

De la scène, on voit la fosse d’orchestre. Elle peut accueillir jusqu’à 130 musiciens. Elle est mobile car montée sur des podiums hydrauliques. Passons maintenant derrière le rideau.

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Sur les côtés de la scène, il y a deux scènes de 500 mètres carrés. Derrière la scène, il y a le même espace avec les petits espaces de 500 mètres carrés. Ah j’avais oublié, la scène fait 750 mètres carrés ! Trop de chiffres ! En tout il y a 5000 mètres carrés de scène, chaque espace étant isolé par des rideaux de fer anti incendie. Les décors se déplacent sur des rails, ainsi en 15 minutes on peut installer le décor sur la scène principale, le remettre derrière. L’isolement acoustique est aussi excellent, car pendant qu’il y a un spectacle sur scène, il peut y avoir une répétition derrière sans qu’on entende le moindre bruit. Ainsi, l’Opéra Bastille permet de nombreuses répétitions, et c’est pour cela que les spectacles tournent très vite. Un seul espace n’est pas utilisé. Il sert un peu de débarras, mais appartiendra bientôt à la Comédie Française, pour stocker ses décors.

Sous la scène, il y a la même chose, c’est à dire le même espace qui permet aux machinistes le montage des décors. Bref une véritable folie !

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Voir les décors de la Bayadère c’est un vrai moment d’émotion ! Si tout est faux, c’est tout de même rudement bien fait. Chaque détail est minutieux et on n’est pas déçu de voir cela de près. C’est aussi beau que de loin !

On peut observer ce travail minutieux dans les ateliers de menuiserie qui se situent derrière les espaces de scène. On découvre les décors d’un Opéra, en train de sécher. Des centaines de plaques de bois, prêtes à être découpées pour faire des décors toujours plus beaux. Au mur, des dessins ou des photos des décors, pour les menuisiers, pour savoir quoi faire.

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Au dessus de la menuiserie, il y a les costumes ! Mais c’est chasse gardée, impossible d’y aller. Dommage je serai bien allée faire un tour par là haut. La fabrication des
costumes, des tutus, des broderies est un véritable objet de fascination pour moi. Je rêve de voir ces petites fées aux doigts d’or travailler.

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Après la menuiserie, nous prenons l’ascenseur direction les ateliers de peinture. Dans un bel atelier, à la lumière du jour, on entre dans un lieu, qui me fait une nouvelle fois
rêver. C’est amusant, certains pourraient penser que de voir l’envers du décor gâcherait le côté magique d’une représentation. Il n’en est rien. Découvrir tout le travail fait derrière, ne fait que renforcer ce rêve. En France, il y a 18 personnes qui savent peindre avec la technique Renaissance. 8 sont à l’Opéra de Paris. Cette technique consiste à peindre sur une grande toile, avec dans une main la peinture au format A4, et dans l’autre, un très grand pinceau pour reproduire à l’échelle la toile. Même la caméra au-dessus n’est jamais utilisée tant ils sont forts ! La plupart a fait les Beaux Arts et il faut ensuite 15 ans de formation pratique pour parvenir à peindre les décors des spectacles. Les peintres travaillent à la lumière du jour et dans un silence absolu. Très isolés, ils ont besoin de beaucoup de concentration pour réaliser leurs oeuvres.

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Quelques marches, une mezzanine plus tard, et nous arrivons dans les ateliers de sculpture. Là aussi, c’est un travail remarquable qui y est fait. Pour voir quelque chose de
vraiment impressionnant, il faut aller voir la saison prochaine Capriccio de Strauss dans lequel le petit foyer de la danse est reproduit à l’identique et tout en polystyrène ! C’est la matière première des sculptures qui servent des les productions. On aperçoit des maquettes, des projets en photos. C’est surprenant de réalisme. Avant de descendre sous la scène, nous passons par un couloir où les sculpteurs se sont amusés à mettre des têtes de taureaux. Ouh ça fait froid dans le dos !

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Fin de la visite sous la scène où l’on découvre le premier lieu de montage/démontage des décors. Certains sont en rangement, d’autres se montent. Lieu plein de vie, ce fut une balade délicieuse à travers les méandres et recoins de ce théâtre. Merci à l’Arop et à Patrick pour cette visite !

L’opéra Bastille sur le site de l’Opéra de Paris.

L’opéra Bastille sur Wikipédia

 

Rencontre Arop avec Laurent Hilaire

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© Anne Deniau

 

Première rencontre AROP pour ce deuxième semestre et c’est Laurent Hilaire qui va partager avec nous, pendant une heure et demi, sa vie de danseur, de maître de ballet, associé à la direction de
la danse. Brigitte Lefèvre  commence la conversation, puis ce sont les membres de l’Arop qui la continuent, la directrice assistant à la représentation Robbins/Ek.

 

Brigitte Lefèvre : Je ne cache pas tout l’admiration que j’ai pour Laurent Hilaire. J’étais même une groupie quand il était danseur.

Je voudrais évoquer quelque chose qui m’a beaucoup touché, c’est la transmission du ballet Bayadère. Beaucoup se souviennent de Laurent, héroïque Solor. C’est un rôle extraordinaire, où on
imaginait mal quelqu’un d’autre que lui et aujourd’hui, des danseurs nous prouvent qu’ils peuvent prendre la relève. Je suis touchée que ce soit Laurent Hilaire qui transmette, non seulement le
rôle de Solor, mais surtout tout le ballet. Il a remonté l’ensemble de la production, pour revenir à ce qui a été fait la première fois. L’objectif est de revenir à l’origine tout en sachant
qu’on voyage.

 

Je vais commencer par une question simple : pourquoi as-tu fait de la danse ?

 

Laurent Hilaire : En fait j’ai commencé par la gymnastique. Et puis j’ai déménagé et je suis arrivé dans un club qui était un peu moins bien.
J’avais 7 ans et toute l’attention était portée sur moi, notamment en compétition. J’ai aimé ce premier contact avec le public. Ensuite, c’est un concours de circonstance. Un copain de mon frère
faisait de la danse et il paraissait que c’était bien. J’ai eu un professeur intelligent qui ne m’a pas gardé pour faire le rôle masculin dans le spectacle de fin d’année. Je suis donc allé
passer le concours de l’école de danse que j’ai eu. J’ai eu la chance très tôt de monter sur la scène de l’Opéra, car j’étais petit page.

 

Brigitte Lefèvre : Est-ce que la gymnastique t’as aidé ?

 

Laurent Hilaire : Oui, ça aide à ne pas avoir peur dans les sauts. En gymnastique on n’a pas peur de se propulser. Quand on n’a pas d’appréhension
pour sauter et se lancer en l’air, c’est 50% de la réussite d’un pas athlétique.

 

Brigitte Lefèvre : Est-ce qu’il y a un professeur, qui t’a donné plus ?

 

Laurent Hilaire : Oui, il y a Alexandre Kalujni (pardon pour l’orthographe). Il dirigeait la classe d’étoile. A l’Opéra, on prend les cours en
fonction de sa classe, quadrille, coryphée, sujet, premier danseur, étoile. Ce professeur m’avait donc proposé de venir. Il était athlète et avait un grand sens de la musicalité. Il m’a appris à
sauter sur le 1. Cela veut dire qu’on attend pas le « et » quand on compte 1 et 2. En fait, cela permet de rester plus suspendu en l’air. Il proposait aussi un merveilleux travail d’articulation,
de travail du corps. Les gens qui voulaient avancer, allaient travailler avec lui. En tous les cas, c’est toute la base de mon travail, qui m’a permis de tenir jusqu’à la fin de ma carrière dans
de bonnes conditions. 

 

Brigitte Lefèvre : Tu as rencontré Noureev dans ce cours, non ?

 

Laurent Hilaire : Oui, toujours dans la classe, j’étais dans mon coin, et là je vois entrer Rudolf Noureev, en sabots, peignoir, bonnet, thermos.
Il regarde la salle et vient se mettre à la barre à côté de moi. Je me suis dit « oh ça va être compliqué ». Il avait ce regard inquisiteur. Il ne me restait plus qu’à travailler. J’ai travaillé
pendant un mois à côté de lui, c’était ma première rencontre avec lui. Il a du voir le danseur que j’étais. quand il est revenu à Paris, il m’a choisi pour danser aux Champs-Elysées pour danser
avec Elisabeth Maurin.

 

Brigitte Lefèvre : Je pense que Laurent Hilaire a une sincérité artistique, parce qu’il donne tout ce qu’il sait. C’est sa noblesse, comme dans le
rôle de Solor.

 

Laurent Hilaire : Il faut que je vous dise qu’en coulisses, Brigitte me salue comme dans la Bayadère avec la main sur le front ! (rires).

 

Brigitte Lefèvre : ah si tu donnes toutes nos privates jokes ! Revenons à Noureev. C’était un moment très particulier quand il est arrivé à la
tête de cette compagnie. Il y avait une ferveur dans la troupe, et en même temps, Noureev a été très rejeté. Et puis, il y a eu cette Bayadère avec ce trio Hilaire/Guérin/Platel et tout le monde
a en tête ce trio là. Tu nous as parlé de technique, qu’est ce que tu peux nous dire sur la théâtralité ? Comment tu fais pour transmettre la théâtralité, car il y en a beaucoup dans
Bayadère ?

 

Laurent Hilaire : En fait, dans tous les ballets, il y a un schéma qui est très clair, et dans ce schéma, il y a finalement une grande liberté. Je
pense à Josua Hoffalt qui a pris possession du rôle et j’ai une grande satisfaction à le voir danser. Je suis retourné aux sources, c’est un mouvement à faire si l’on veut redonner du sens aux
choses. Il faut rendre la simplicité comme une évidence. Ensuite les choses peuvent évoluer. On peut faire évoluer un personnage sans le dénaturer.

 

Brigitte Lefèvre : Tu as dansé Le Parc, à sa création. Aujourd’hui, tu le transmets aussi. Tu vois une évolution ? Comment tu
appréhendes la technique ?

 

Laurent Hilaire : Il faut s’imprégner de l’ambiance qu’un chorégraphe met sur un plateau, comment il organise le travail. Il faut regarder et se
demander quelles sont les priorités. il faut observer la façon dont un chorégraphe s’adresse aux danseurs, comment il leur parle, comment les danseurs s’imprègnent du style. Un danseur a besoin
de digérer.

Rudolf Noureev donnait peu d’indications par exemple. Il pensait que la chorégraphie suffisait et nourrissait le danseur. Les ballets de Rudolf sont difficiles, en cela.

D’autre part, il faut toujours se mettre en tête quand on est danseur l’idée d’aller plus loin. Il n’y a jamais aucune économie. Quand on met un pied en scène, l’énergie doit être totale. que ce
soit difficile c’est notre problème. On se nourrit de sa propre énergie. C’est à ce moment là, qu’on est suspendu et que c’est magique.

 

Brigitte Lefèvre : Maintenant tu es associé à la direction. Comment ça se passe ? Tu regrettes le temps où tu dansais ?

 

Laurent Hilaire : Je n’ai aucune nostalgie. J’ai fait de belles rencontres. C’est grâce à toi, si à la fin de ma carrière j’ai pu évoluer vers ce
métier de maître de ballet. Pour moi remonter un ballet, c’est lui redonner de la vie. Mais se trouver face à 80 danseurs, ce n’est pas facile. On ne cesse d’apprendre. C’est une véritable
épreuve que l’on arrive à transcender.

J’ai mis plus de temps à transmettre avec les filles. D’abord parce que la technique de point m’était inconnue. Je n’ai jamais dansé la belle-mère dans Cendrillon.

 

Brigitte Lefèvre : Quand j’ai pensé à toi comme maître de ballet, associé à la direction, Patrice Bart m’a dit que je faisais un très bon choix.
Vous êtes différents, dans le style, dans le répertoire. De toutes façons, c’est difficile de satisfaire 154 danseurs, si on y arrivait ce serait extraordinaire, alors on essaye de faire les
meilleurs choix.

 

Laurent Hilaire : J’ai des convictions. Je crois qu’elles sont bonnes. C’est un défi que cette fonction. En ce moment dans Bayadère, il faut
rassembler autour de soi une dynamique pour faire respirer 32 ombres ensemble. Il faut qu’elles s’écoutent entre elles. Il faut qu’il y ait une résonance entre les danseuses. Chacun doit
travailler pleinement et chacun dans ses responsabilités. Je suis très attentif à appliquer mes convictions. On peut demander beaucoup aux danseurs techniquement. Après chaque représentation est
un nouvel enjeu. Il faut se fixer un objectif. On doit être à l’écoute de ça. Cet engagement a un intérêt commun. Ainsi la scène devient un carré magique.

Il ne faut jamais perdre de vue qu’on est au service d’une oeuvre, d’un public. Le jour où un danseur perd cette notion là, cela devient un fonctionnaire, au sens péjoratif du terme. On perd le
côté artistique.

 

Brigitte Lefèvre : C’est vrai que l’Opéra de Paris est une compagnie reconnue dans le monde entier. C’est sans doute un des plus beaux répertoires
au monde. En outre, l’adaptabilité est de plus en plus rapide. il y a quelque chose qui s’inscrit déjà dès l’école de danse. Les danseurs ont déjà beaucoup d’appétit. L’éclectisme c’est quelque
chose de fort.

 

Laurent Hilaire : J’étais à la création de In the middle. On allait au delà. C’est un moment qui aide à construire. Au début, on était
nombreux, puis peu à peu, cela s’est vidé. Seuls les jeunes sont restés. On avait envie de vivre quelque chose de différent.

 

Question : A l’école française, on travaille beaucoup sur le pied. Qu’en est-il du haut du corps ?

 

Laurent Hilaire : Lacotte apprenait la respiration. Il disait « marquez mais faites les bras ». J’insiste désormais beaucoup là dessus. Je pense
souvent à l’école russe pour les bras. C’est toujours bien de s’enrichir. J’ai beaucoup dansé au Royal Ballet. Dans les scènes, où le corps de ballet fait un peu décor, tous les danseurs étaient
dans leurs rôles. Il n’y avait aucune retenue. Il y a une vraie tradition théâtrale.

Quand on arrive à vivre pleinement comme on vit un rôle c’est une véritable création. Quand on a conscience de soi même, de ce que l’on fait, on arrive à quelque chose d’assez exceptionnel. C’est
un état de bonheur, de grâce. Je le souhaite à tous les artistes.

Aujourd’hui, je suis tourné vers le présent et je me passionne pour ce que je fais. Il faut essayer de donner les clefs, sans oublier que l’on peut pas aller plus vite que la maturité, la pudeur.
Chaque danseur est différent. Il faut savoir et sentir à quel moment on peut pousser un danseur. Sur scène, on est seul face à ce challenge qu’est une représentation. Il faut donc laisser de
l’autonomie à l’artiste, car sur scène, il ne pourra s’en remettre qu’à lui même. Il faut donc aller au delà du confort. En fait, il n’y a pas de règle, donc il faut aller sur la scène, toujours
avec le même investissement. Je leur dit souvent de se donner les moyens. C’est un travail de l’esprit. Je vais vous donner un exemple avec Rudolf Noureev. Un soir de décembre Rudolf m’a appelé
pour un Gala du 31 décembre. Rudolf n’est pas quelqu’un à qui l’on dit non. Il m’annonce au téléphone toutes les chorégraphies que je devais danser ; plus de trois que je ne connaissais pas. J’ai
regardé les vidéos toute la nuit, le lendemain j’ai pris l’avion et le soir je dansais. Je ne me suis pas posé de question parce que je n’avais pas le choix. On peut faire des choses qui nous
dépasse. J’ai un souvenir de La Belle aussi avec Sylvie Guillem, où j’avais du me surpasser. La soirée de nomination de Ludmila illustre bien ce que peut être notre métier.

 

Question : Vous avez parlé de Sylvie Guillem. Cela pose la question du rapport avec l’institution. Quel est votre rapport justement
avec cette institution ?

 

Laurent Hilaire : Sur le fond ça n’a jamais été un problème. J’ai toujours assumé un côté et l’autre. J’ai réussi à m’organiser. C’était important
pour moi d’aller voir d’autres publics, j’avais besoin de rencontrer d’autres choses.

 

Question : Vous avez pensé à quitter l’Opéra ?

 

Laurent Hilaire : Oui une fois pour des raisons de structure. Mais le directeur de l’Opéra de l’époque a su me retenir. Pour revenir à Sylvie,
c’est quelqu’un de très entier dans sa façon de partager. Elle ne tire jamais la couverture à elle. On est dans un rapport de vérité, de sincérité avec elle.

J’ai plein de souvenirs de rencontres, de personnes, je pense à Ghyslaine Thesmar, qui est une personne rare, qui parle de la danse avec beaucoup de couleurs. J’ai un souvenir aussi de Pavarotti
sur scène qui fut un éblouissement. C’est cela que je cherche. Le meilleur souvenir que j’aimerais laisser c’est l’émotion.

 

Question : Avez-vous fait des découvertes dans la Bayadère ?

 

Laurent Hilaire :  Déjà le tableau ! C’était toujours mon visage dessus ! On y a ajouté le visage de Josua, pour la reprise.

Il n’y a rien de plus essentiel que de revenir à la source. Il a fallu que je me mette dans l’optique de Rudolf. Je reprends les vidéos. Il y a des choses qui évoluent. La chorégraphie se suffit
à elle même. Il y a aussi bien sûr le travail du chef d’orchestre, qui met en valeur la musique et avec le ballet c’est formidable.

 

 

 

 

 

 

 


 

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Rencontre Arop avec Laurent Hilaire:

© Anne Deniau

 

Première rencontre AROP pour ce deuxième semestre et …