Myriam Ould-Braham

Myriam Ould-Braham nommée étoile

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© Agathe Poupeney

Quelle année ! Myriam Ould-Braham a été nommée étoile ce soir dans La Fille Mal Gardée, ballet de Frederick Ashton. On attendait ce titre depuis longtemps pour cette
jeune danseuse, talentueuse et avec des qualités rares. Danseuse atypique, toujours surprenante, ce petit bout de femme a la capacité de prendre les rôles avec un talent certain. La légèreté de ses bras n’est plus à démontrer quand on a vu sa Nikiya, sa force de caractère dans sa Juliette l’an passé, son evanescence dans Naïla. Elle a l’intelligence des grandes étoiles qui savent s’approprier avec un rôle, faire que la technique serve le rôle.

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© Elendae

Après Josua Hoffalt et Ludmila Pagliero, une troisième étoile vient rejoindre la constellation de l’Opéra de Paris. Merci à Elendae pour sa vidéo vite postée, qui même derrière mon écran, me
donne des frissons.

Félicitations à cette très belle ballerine !

 

Dates importantes :

1996 : entre à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris.
1999 : est engagée à 17 ans dans le Corps de Ballet.
2001 : Coryphée
2002 : Sujet
2005 : Première Danseuse.

Prix Carpeaux en 2002, Prix Massine en 2005 et Prix de l’AROP en 2005.

 

Répétition générale de La Source

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Aujourd’hui, je suis en vacances et tellement ravie de l’être, d’autant plus que je vais voir La Source ! Je récupère les places de Y*** qui tente la nouvelle entrée par le restaurant.
En fait ce n’est pas si évident, pour l’instant l’ascenseur fonctionne avec une clef, il faut donc qu’un ouvreur vous y donne accès, et pour cela il vous faut une autorisation. Bref nous parvenons tout de même au premier rang du balcon pour assister à cette nouvelle création. Je dis création et non réécriture, car la chorégraphie originale a été tellement perdue, qu’il serait incorrect de dire réécriture. Comme l’indique le programme « il ne s’agit pas de marcher dans les pas du style de Saint-Léon ou d’interroger quelques archives inédites ». En effet, c’est tout un ballet qui se réinvente.

Le rideau se lève et l’on découvre une scène d’où pendent des cordes et des rideaux déchirés de théâtre. Si la corde (mot à ne jamais prononcer dans un théâtre!) rappelle le théâtre et l’histoire de ce ballet, disparu, puis remonté, une espèce d’eden perdu, j’y vois pour ma part immédiatement des fils d’eau qui coulent. Toutes ces cordes, ces fils qui tombent pour s’évanouir sur le sol, forment à la fois un ensemble inquiétant, mais derrière lesquels on peut apparaître et disparaître comme vont le faire tous les esprits et autres nymphes de la forêt.

Le début du ballet est très dynamique. Les nymphes passent ça et là, des charmants petites créatures bleues bondissantes interprétés par Allister Madin, Fabien Révillon, Adrien Bodet et Hugo Vigliotti, font de tout cet univers un monde merveilleux. Attention, pas un univers ringard comme on pouvait le voir dans  Psyché, non, un bel univers dans
lequel je rentre immédiatement. Le personnage de Zaël, sorte de chef des elfes, interprété ce soir par un Alessio Carbone très en forme, est une vraie joie pour le public. Cet personnage est malicieux, la chorégraphie est très belle, faite de petites batterie, tours et grands sauts en tout genre, ce qui a un effet immédiat sur le public. Le sourire du bel italien rajoute une touche d’éclat dans ce tableau. Le chasseur Djémil vient tous les jours auprès de cette source, sans jamais y voir ses créatures fantastiques qui n’apparaissent que la nuit. Si on peut trouver l’ambiance un peu sombre, elle ne m’a pas gênée. Ce clair obscur va de la sens de la féerie. Dans la deuxième partie du premier acte, on voit débarquer une bande de Caucasiens, menés par leur chef Mozdock, interprété ce soir par Christophe Duquenne. Ce dernier manque à mon goût de poigne et de fermeté, tant dans sa danse que dans l’interprétation du personnage. Je le trouve un peu trop doux. La halte qu’ils font près de cette source permet à Nourreda, la soeur de Mozdock, de se dégourdir les jambes. Muriel Zusperreguy se présente comme une Nourreda, timide, presque chétive. Sa danse est délicate, la chorégraphie proposée par Bart me plaît particulièrement. Il renoue avec un langage classique, qui ne manque pas de phrasés, et d’un vocabulaire riche. J’aime beaucoup le travail des bras qu’il propose dont l’avant goût que j’avais vu aux convergences m’avait déjà charmée. Il utilise des courbes complexes, avec des dos qui se balancent. C’est très harmonieux. Seul hic, pourquoi donc les Caucasiens ne frappent-ils pas vraiment dans les mains quand Nouredda danse ? Ils ont l’air bien ridicules à ne pas faire de bruit. Cela donnerait du rythme, un peu comme dans Don Quichotte pendant les pirouettes de Kitri. Les danses de groupe présentent de beaux ensembles, avec une danse de caractère qui mêle différents genres. Le corps de ballet est bien réglé et les danses caucasiennes, hommes comme femmes sont un bon divertissement. La musique de Minkus, qui n’est pas ce qu’il y a de mieux en terme de musique, se marie très bien avec les frappes de pied.

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C’est alors que les fleurs merveilleuses de la source apparaissent et la sourire arrive enfin sur le visage de Nourreda. Mozdock proposent à ses amis de décrocher une fleur à la belle. Personne n’y parvient, on se croirait dans un concours, il ne manque que les battements de tambour. C’est alors que Djémil réapparaît en scène. Lui seul parvient à prendre une fleur pour l’offrir à Nourreda. Le garçon est fort gourmand, il soulève avec impolitesse la voile de la jeune femme. L’amour le frappe en un éclair quand il aperçoit ce visage, mais le poing de Mozdock aussi.  Je me suis toujours amusée de ces batailles fictives dans les ballets. Elles savent montrer la violence sans la produire vraiment. Autant les faux applaudissements me déplaisent, autant cet affrontement viril m’emballe. Djémil est laissé sans vie, tandis que les Caucasiens poursuivent leur chemin vers le palais du Khan. C’est alors qu’entre Naïla, esprit de la source, sous les traits de Myriam Ould Braham. Elle incarne à merveille cet être évanescent, spirituel. La scène de l’apparition que nous avions vue lors des convergences a bien progressé. Le duo Hoffalt/Myriam Ould Braham est un délice. Josua Hoffalt montre de belles qualités tant en solo que dans ce duo. Attentif et généreux, il est un partenaire qui met en valeur sa ballerine, tout en ne s’effaçant pas. Myriam Ould Braham est l’interprète idéale pour le rôle par sa fragilité et sa légèreté. Si je trouve que dans ce premier acte, elle court parfois un peu derrière la musique. Il faut dire que dans la variation proposée au milieu des nymphes n’est pas évidente et le nombre de pas par note de musique est important. Les passages des nymphes sont réussis, très ensembles et le groupe est harmonieux, malgré quelques longueurs. A la fin du premier acte, Naïla et Zaël proposent à Djémil leur aide pour rejoindre Nouredda.

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© Julien Benhamou

A l’entracte, je découvre que les lois de Garnier sont encore plus drastiques qu’à Bastille. Cartons de sortie, on n’entre pas à nouveau au balcon comme dans un moulin.
Impossible de faire les ninjas. Je mets Palpatine au défi…

Deuxième acte, nous voilà plongés dans le palais du Khan qui attend la venue de Nouredda. Les cordes pendent mais symbolisent cette fois-ci l’enfermement du harem. Les femmes se disputent, mais surtout une, Dadje, qui n’accepte pas la nouvelle venue. Elle charme le Khan mais rien n’y fait. Il la repousse sans relâche. Charline Giezendanner est une femme très jalouse, qui s’affirme dans sa danse, malgré quelques hésitations dans la chorégraphie. Le Khan renvoie ses femmes dans sa chambre quand les Caucasiens arrivent. Les danses de groupe  alternent avec les solos, bien chorégraphiés, mais parfois ennuyeux et manquant un peu d’émotions. Nourreda et le Khan tombent amoureux après une danse. Mais quand les esprits de la forêt arrivent au palais et dévoilent leur plus belle beauté Naïla, le Khan n’a plus d’yeux que pour elle. Nourredda est désespérée de voir celui dont elle devait être la favorite se détourner d’elle. Son frère s’énerve et demande au Khan de faire un choix. L’envoûtement de l’esprit de la source est puissant. Il choisit Naïla. Il faut dire que dans ce deuxième acte, Myriam Ould Braham est complètement dans le rôle, elle flotte sur scène, ses bras ondulent et envoûtent le Khan.

Le décor change, il devient minimaliste et sombre, presque noir. Est-ce pour montrer le désespoir de Nourreda? A présent, elle rejette son frère. Djémil la rejoint. Ils dansent
ensemble un pas de deux que j’ai trouvé très beau tant par la chorégraphie que par l’émotion qu’il procurait. Le partenariat Hoffalt/Zusperreguy fonctionne très bien, naturellement. Techniquement impeccables, chacun reste dans son univers. Lui, passionnément amoureux d’elle, elle rejetant tout forme d’amour à présent. Ce pas de deux est entrecoupé des apparitions de Naïla qui tente de mettre en Nourreda l’amour qu’elle a pour Djémil. L’esprit de la source sauve Djémil du poignard de Mozdock, qui ne veut pas voir cet homme approcher sa soeur. Djémil s’enfuit avec Nourreda mourante. Il n’y a qu’une seule solution, pour la faire revenir à la vie, il lui faut à nouveau l’aide de sa petite fée. Le dernier tableau est celui du sacrifice de Naïla. Djémil demande à cet être si merveilleux d’échanger sa vie contre celle de Nourreda. Si la scène manque encore d’émotions, on peut l’imputer à la chorégraphie qui manque peut être de pantomime et
qui est un peu longue, car les danseurs fournissent un joli jeu tragique. Naïla meurt dans l’indifférence des deux amoureux, seul Zaël pleure la mort de sa fleur bien-aimée. Le réel triomphe du surnaturel, mais l’amour a eu besoin de cette force invisible pour pouvoir exister malgré tout.

Bonne impression dans l’ensemble, de très belles variations, des costumes magnifiques (on ne pouvait pas s’attendre à moins de la part de Christian Lacroix), La Source a tout pour un beau succès. J’ai hâte de revoir le ballet avec plus de recul. La première fois est toujours une soirée où l’on voit beaucoup de choses, il faut les digérer.

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A voir une vidéo des coulisses de la Source, avec une interview sur le livret et la
dramaturgie.

Léo Delibes, Ludwig Minkus Musique
Marc-Olivier Dupin Réalisation
Jean-Guillaume Bart Chorégraphie
Eric Ruf Décors
Christian Lacroix Costumes
Dominique Bruguière Lumières
Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart Dramaturgie
  • Distribution du 21 octobre répétition générale
Naila Myriam Ould Braham
Djemil Josua Hoffalt
Nourreda Muriel Zusperreguy
Mozdock Christophe Duquenne
Zael Alessio Carbone
Dadje Charline Giezendanner
Le Khan Alexis Renaud

 

Rencontre autour de La Source

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La saison des rencontres convergens à l’amphi Bastille reprend enfin avec une répétition publique de La Source. Je n’avais pas de place, inscription tardive à l’Arop dont le contingent de places pour ce genre d’évènement a été réduit, mais je rentre et retrouve quelques balletomanes. Je m’installe avec AS*** mon amie de khâgne, cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas vues, mais la classe prépa, ça crée des liens indestructibles (il fallait bien l’être…).

Brigitte Lefèvre entre et nous parle bien sûr de l’actualité. Elle nous donne des nouvelles de ses danseurs qui trouvent très agréable de danser Phèdre. Pour elle, cette saison est sous le signe du merveilleux, cela se poursuit avec la Source.

Puis elle revient sur Roland Petit, en disant qu’il nous a quitté en faisant cette mauvaise plaisanterie. Elle évoque la difficulté à rendre hommage à un grand chorégraphe. C’était très compliqué d’organiser un gala, elle a donc opté pour une soirée cinéma avec la projection du  Rendez-vous et de Proust car Roland Petit aimait la façon dont ils avaient été filmés.

Jean Guillaume Bart fait son entrée et Brigitte Lefèvre revient sur leurs premières discussions autour de ce ballet. La première évocation date de 1997. Brigitte ne manque pas de rappeler les qualités de Bart, comme danseur et grand pédagogue. La dernière fois que La Source a été dansée en France, c’était lors de l’inauguration du Palais Garnier, on en a dansé un extrait.

Myriam Ould Braham, Florian Magnenet ainsi qu’Eléna Bonnay, la pianiste, entrent sur le plateau. Myriam est l’esprit de la Source, Florian est Djémil, le jeune chasseur qui vient se reposer tous les jours près de cette source. On va nous montrer un extrait du premier acte où Djémil a été laissé comme mort. Pour plus de précisions sur l’histoire, j’ai fait un résumé plus complet .

La scène qui est présentée est celle où Naïla rencontre Djémil. Il faut bien comprendre qu’elle n’est qu’une petite chose fragile, une enfant, qui va tomber amoureuse de ce beau
jeune homme. Lui est intrigué par ce personnage merveilleux, il veut la connaître sans lui faire de mal. Elle est douce, délicate, il a arraché sa fleur magique. Quand elle apparaît, elle est un peu comme une bête effarouchée. Jean Guillaume Bart insiste beaucoup sur le travail des extrémités. Il montre, il est minutieux, il corrige. Un élève de mon cours de danse avait eu la chance de prendre un cours avec lui, et je savais qu’il était un pédagogue merveilleux. On aurait dit un sculpteur qui avait de la terre dans les mains. Il la manie, la transforme avec tant de délicatesse. Il utilise plein d’images, car il pense qu’elles sont parfois bien plus efficaces que de grand discours. Il évoque Fred Astaire, compare Naïla à un ruisseau qui doit onduler, tant il est insaisissable. Il revient sur la difficulté de cette scène. Il n’y a pas beaucoup de danse, d’un point de vue technique. Il y a du vide et c’est dur de combler  le vide. Il se rappelle avec émotion la variation d’Albrecht, où il n’y a rien à faire à part remplir le vide, remplir la musique et l’espace, avec une intention. Cela s’acquiert avec la maturité, mais une fois qu’on y parvient c’est un bonheur immense. C’est cela qu’il faut chercher dans cette première scène, en se laissant porter par la musique. Jean-Guillaume Bart a d’ailleurs l’oreille fine et est très exigeant. Il ne tolère pas un retard d’un quart de temps. Parlons de la musique du ballet d’ailleurs, c’est un « mix » entre Delibes et Minkus. C’est la seule chose que je redoute un peu dans ce
ballet. Minkus mélangé à Delibes… bon je verrai bien.

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Dans cette première scène, Myriam Ould Braham dévoile son personnage avec tendresse. Elle est délicieuse et correspond complètement à ce rôle. Délicatesse et douceur sont les mots qui s’accordent avec sa danse et la personnalité de Naïla. Florian Magnenet est toujours en pleine ascension, donc au top.

Jean-Guillaume Bart décide de nous présenter une autre scène. C’est un pas de deux dont il a fait l’ajout. Dans la création originelle, il y avait très peu de pas pour les hommes, et très peu de pas de deux. Il a donc procédé à des ajouts pour que ces messieurs aient un peu de matière (pour ma plus grande joie!). La salle est comblée et c’est avec de grands applaudissements que la salle les remercie.

Prochain rendez vous le 12 novembre avec Cendrillon. En passant je remercie chaleureusement J*** pour la place qu’elle m’a réservée pour le 12.

Les distributions de la source sont là.

A voir le superbe diaporama d’Anne Deniau avec les photos des coulisses

La Source, du 22 octobre au 12 novembre, séance de travail AROP le 18 octobre, répétition générale le 21 octobre.

Léo Delibes, Ludwig Minkus Musique
Marc-Olivier Dupin Réalisation
Jean-Guillaume Bart Chorégraphie
Eric Ruf Décors
Christian Lacroix Costumes
Dominique Bruguière Lumières
Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart Dramaturgie

Balanchine in Paris par Dominique Delouche

GEORGE BALANCHINE

Mon dilemne d’hier soir s’est finalement conclu en allant à la cinémathèque pour y rejoindre Fab et autres balletomanes. On y présentait donc le dernier film de Dominique Delouche, cinéaste désormais consacré à la danse.

Balanchine in Paris est construit de la manière suivante ; Ghyslaine Thesmar est interviewée par le réalisateur et elle fait le lien entre les différents extraits. L’idée est de montrer comment se fait la transmission d’un ballet, d’un pas de deux, et surtout ce qu’était la danse de Balanchine. Une danse tournée et centrée sur les femmes, sur ces bijoux, ces parfums que Balanchine mettait dans des écrins, pour qui il écrivait de superbes chorégraphies.

Avant la projection, Brigitte Lefèvre dit quelques mots et Dominique Delouche qui nous lit une lettre de Ghyslaine Thesmar qui ne peut pas être là ce soir.

On commence avec Le Palais de Cristal. On va voir Isabelle Ciaravola et Hervé Moreau en répétition avec Ghyslaine Thesmar dans le grand adage du 2ème mouvement, le tout
superposé avec Ghyslaine Thesmar et Mickaël Denard dansant la même chose dans le Grand Escalier de Garnier. Les corrections de Thesmar portent beaucoup sur des ports de têtes ou des ports de bras qui doivent être plus grands, plus intense qu’en danse classique. L’adage est très beau, même si il vrai que le danseur n’y fait pas grand chose. On voit d’ailleurs un extrait où Balanchine retenait le garçon en coulisses pour que seule la ballerine ait les applaudissements et ovation du public.

On continue avec Le Chant du Rossignol où Myriam Ould-Braham prend un cours avec Alicia Markova qui lui transmet tout ce qu’elle a appris de Mister B. La danseuse avait
14 ans en 1925 quand elle a dansé cette variation pour la première fois. C’est le début de l’apprentissage et Markova corrige avec rigueur la jolie première danseuse. Les jambes doivent être moins hautes, les mouvements plus à l’écoute de la musique. Elle partage avec Ould-Braham et Platel qui assiste à la répétition, sa relation avec Balanchine, ses cours, tout ce qui lui a transmis. C’est un des moments les plus intéressants du film, car se pose la question de l’interprétation. Jusqu’à quel point un danseur a t-il la liberté de mettre sa touche de couleur ? A partir de quel point on change la chorégraphie ?

Ensuite Delouche nous colle un extrait qu’on connaît déjà, entre Violette Verdy et Monique Lourdières travaillant sur Sonatine. Sur grand écran ce n’est pas top, car la qualité de l’image est vraiment mauvaise. L’enthousiasme débordant de Verdy, ses petites phrases si propres à elle, et la danse de Loudières en font quand même un bon extrait sur la transmission mais une restauration n’aurait pas fait de mal.

On continue avec La Somnambule dansée par Muriel Hallé et Valéry Collin. Ici Nina Vyroubova et Milorad Miskovitch transmettent d’une façon différente. Ils dansent avec
eux. puis ils échangent de partenaires pour apprendre à l’un et à l’autre son rôle. La leçon se finit par la variation complète filmé dans une obscurité douce qui sublime la danse.

La dernière leçon est d’une beauté toute particulière puisqu’elle met en scène Violette Verdy transmettant à Lucia Lacarra et Cyrille Pierre une valse. La scène se passe dans le petit foyer de la danse à Garnier.C’est le plus beau moment du film, Lacarra prend la lumière d’une façon merveilleuse, sa danse est impeccable, Violette Verdy s’éblouit devant tant de beauté. Ses métaphores autour du chat font une fois de plus rire l’assemblée, mais de voir toute la tendresse avec laquelle elle donne son savoir est un vrai bonheur.

Le film est bien rôdé, rien d’original ni dans la construction ni dans les extraits choisis mais il a le mérite de présenter au public le travail de Balanchine pour la Ballerine dans les pas de deux. Il est maintenant disponible en DVD.

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Les cinq leçons du film :

  • Le Palais de Cristal/Symphony in C
    Musique de Georges Bizet, chorégraphie Balanchine (1947/1949)
    Ghislaine Thesmar transmet à Isabelle Ciaravola et Hervé Moreau, étoiles de l’Opéra de Paris
  • Le Rossignol
    Musique Igor Stravinski, chorégraphie Balanchine (1929)
    Dame Alicia Markova transmet à Myriam Ould Braham, première danseuse de l’Opéra de Paris
  • La Somnambule
    Musique Bellini, chorégraphie Balanchine (1960)
    Nina Vyroubova et Milorad Miskovitch transmettent à Muriel Hallé et Valery Colin, sujets à l’Opéra de Paris
  • Liebeslieder Walzer
    Musique Brahms, chorégraphie Balanchine (1960)
    Violette Verdy transmet à Lucia Lacarra et Cyrille Pierre, étoiles au Bayerisches Staatsballett
  • Sonatine
    Musique Ravel, chorégraphie Balanchine (1975)
    Violette Verdy transmet à Monique Loudières, étoile de l’Opéra de Paris

 

« Balanchine disparu, il nous reste des ballets qui ne survivent que grâce au geste et au dire des danseurs, ceux-là mêmes sur qui Mr B. a sculpté de première main sa chorégraphie. Ce sont ces figures historiques, ses muses que j’ai convoquées afin qu’elles déposent, tel un pollen, leur héritage balanchinien auprès de nouvelles générations de danseurs. Alicia Markova avec le concours d’Élisabeth Platel, Nina Vyroubova et surtout Violette Verdy et Ghislaine Thesmar m’ont livré les bribes d’un patrimoine génétique, alimentant chez moi cette lente poursuite d’une anamnèse, c’est-à-dire d’une mainmise sur le temps qui passe » – Dominique Delouche

A voir cette vidéo extraite de Violette Verdy et Mr. B.

Sublime Juliette, Laëtitia Pujol ou la tragédie incarnée

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

Je ne suis pas blasée. Souvent j’entends dire « Oh mais tu en vois tellement, tu en regardes tellement en DVD tu ne dois plus avoir d’émotions ». Mais non, la danse est bien l’art qui me procure le plus d’émotions et c’est pourquoi j’ai toujours besoin d’en voir plus, d’en savoir plus, de la comprendre plus. Les émotions se transforment et s’affinent parfois, mais elles restent entières et sincères. Elles ne baissent que rarement en intensité, elles prennent au contraire des ascensions étonnantes.

Laëtitia Pujol nous a offert un spectacle sans pareil. J’ai toujours trouvé sa technique exemplaire mais je ne pensais pas qu’elle avait ça en elle. Quand je dis « ça » j’entends ce
talent de comédienne. Elle ne joue pas Juliette, elle est Juliette. Et ce jusqu’au bout des ongles.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

C’était une distribution superbe. A la séance de travail j’étais tombée sous le charme du ballet. Il y a des centaines de détails que vous voyez sur scène qui ne sont pas visibles dans une captation vidéo. Ce soir j’ai été complètement émue par l’histoire, le jeu des danseurs, très bien réglé.

Ce qui fait la force de Laëtitia Pujol dans ce ballet, c’est qu’elle transcende le rôle. Elle retrouve des traits d’enfants dans la première scène où on la voit jouer avec ses
amis. Elle a en face d’elle Delphine Moussin dans le rôle de Lady Capulet qui en impose pas mal. Pour clore la famille Capulet Bullion en Tybalt, fou de rage contre les Montaigu, sanguin, explosif, avec de belles lignes.

Pour Roméo, Mathieu Ganio au physique de prince ne fait pas pâle figure en face de sa Juliette. Technique parfaite, grâce et élégance, fougueux et amoureux, le couple qui se
connaît bien, fonctionne à merveille. Ils vont très bien ensemble, on croît à leur histoire d’amour comme dans un conte de fées et moi qui adore les histoires d’amour et les rebondissements tragiques, je rentre dedans à 100%.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

L’acte I est marqué par les trublions et amis de Roméo qui mettent une ambiance douce et drôle dans cette tragédie. A la fête des Capulets, le ton de haine est donné. La danse
des chevaliers fait toujours son effet, la musique n’y étant pas pour rien. Chaque thème, résonne et nous rappelle à l’histoire, si bien que le spectateur novice ne peut pas s’y tromper. Matthias Heymann en Mercutio remplit ses promesses. Bonds, légèreté, insolence lui vont très bien. Benvollio incarné par Christophe Duquenne se montre lui aussi très joueur. Duquenne est d’ailleurs parfait dans ce rôle et semble bien plus à l’aise que dans les rôles de prince qu’on s’entête à lui coller. Je l’ai vraiment trouvé très épanoui dans ce rôle. Myriam Ould Braham est mutine en Rosaline, mais n’est pas assez indifférente à Roméo à mon goût. Bullion montre au fur et mesure ses talents et une fois encore, me laisse stupéfaite devant son interprétation de Tybalt. L’acte I se termine par la scène du balcon qui est pleine d’amour et de tendresse. C’est finalement le seul moment de répit pour les deux amants. Tant Pujol que Ganio semblent épris et leur couple nous
plonge dans le film de cette tragédie. L’un et l’autre interprètent les rôles à la perfection. Je suis complètement sous le charme, et bouleversée par ce couple.

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© Syltren / Rêves impromptus

L’acte II est celui de Roméo, Juliette ne faisant que deux apparitions, au mariage secret chez le prêtre, et à la mort de Tybalt. Sur la place, Mercutio et Benvollio se moquent
de Roméo. Le pas de trois entre les amis est superbe, Ganio me surprend à chaque minute, il sait être drôle, sortir de ce carcan de prince, tout en gardant des lignes et une technique superbes. Heymann s’amuse bien dans ce rôle, mais entre les deux amis c’est vraiment Duquenne qui se révèle. J’aime beaucoup le deuxième acte, à cause de ce passage. Celui avec la nonne qui se fait malmener par Mercutio et Benvollio est très drôle. On est plongé dans une ambiance de rue. Ca grouille, ça s’insulte entre Montaigu et Capulet, c’est tout le temps en mouvement, si bien qu’on ne s’ennuie jamais. L’entrée de Tybalt interrompt cette joyeuse ambiance. Le combat entre Tybalt et Mercutio nous plonge dans un film de capes et d’épées. C’est fou comme on peut se prendre au jeu
alors qu’on connaît déjà la fin. Je suis très admirative des danses avec des accessoires, et là ce combat à l’épée est impressionnant. On sent la salle qui frémit, au bruit des épées qui tombent, qui s’entrechoquent. Heymann interprète avec brio la mort de Mercutio. Il est en souffrance tandis que ses amis lui consacrent une fausse procession. Ganio se montre très drôle dans cette séance, il change radicalement de visage quand il découvre que le corps de Mercutio se refroidit et qu’il est ensanglanté. Il se rue sur Tybalt et c’est un nouveau duel avec une pression bien plus forte qui commence. La mort de Tybalt ramène Juliette à la scène et là Laëtitia Pujol m’a donné de sacrés frissons. Elle sort une colère, ses os ressortent, la chair de poule envahit toute sa peau, ses yeux sortent des orbites à travers des larmes, c’est d’abord avec haine qu’elle se dirige vers Roméo, qui reste sous le choc impassible. Face à la figure de l’être aimé, elle lutte mais ne peut lui résister, elle est aimanté par lui. Le jeu de Pujol est juste fou, elle est incroyable. Mille fois bravo !

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© Syltren / Rêves impromptus

L’acte III est celui de Juliette, l’action se passe chez les Capulets. Juliette est désespérée. Là encore Laëtitia Pujol se montre si investie dans le rôle qu’elle tient le
ballet dans son regard. Elle se montre très farouche face à la volonté de ses parents, et au désir de Pâris, incarné par Bruno Bouché, qui est très froid et déterminé dans sa volonté d’épouser Juliette. J’aime beaucoup la danse à quatre avec Capulet, Lady Capulet, Pâris et Juliette. Delphine Moussin a tout de la noblesse dans son port de tête et son regard qui balaye l’espace en permanence.Là encore on est dans un film avec une voix off. Juliette s’échappe, son thème musical revient et on est plongé dans son esprit où elle se révolte, où il faut qu’elle trouve une solution.Toute la suite est très lente. Il y a la découverte du corps de Juliette inerte par sa famille, le rêve de Roméo à Mantoue, son réveil, où il apprend par Benvollio la mort de sa chère et tendre. La mort de Frère Laurent, l’arrivée dans le caveau, la mort de Pâris. La dernière scène dans le caveau me plonge dans cette tragédie. Ganio est parfait, il désespère devant ce corps sans vie. Il boit le poison, et meurt quelques secondes avant le réveil d’une Juliette qui croit retrouver espoir. La vue de Pâris mort puis de Roméo. Son cri, bien qu’il soit sans voix, pourrait vous casser les tympans tant il semble venir des profondeurs de ses entrailles. On a envie de crier bravo tout de suite. Je suis dans mon flot de larmes (je ne vous ai jamais dit que Le petit rat
était ultra sensible et romantique?), affolée par ce drame. C’était sublime.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

J’ai donc passé une superbe soirée, je remets ça samedi soir avec Dorothée Gilbert et Josua Hoffalt ais la barre est placée très haute. En compagnie de Pink Lady, j’ai rencontré Laura de Bella Figura, que j’ai oublié de féliciter pour son article dans le programme qui est très bien écrit. Ensuite nous avons filé au cocktail Arop (il n’y a pas de petits plaisirs), où je cite les dames en robes à plus de 1000€ vous parlent ainsi quand vous tentez d’obtenir une coupe de champagne « eh les minettes, on laisse passer les grands mères d’abord, oh les minettes! « … mouais botoxées et vu la dose de peinture sur le visage… ma grand mère ne ressemblait pas à ça. On ne peut pas être et avoir été mesdames, alors si il faut jouer les grands mères pour passer avant les autres, il ne faut pas se donner le look d’une jeune femme. C’était ma petite anecdote de la soirée, qui rendent toujours les évènements à l’Opéra uniques. Je vous rassure ce qui a rendu ma soirée merveilleuse, c’est bien
Laëtitia Pujol.

A lire absolument sur le blog de Pink Lady, l’interview de Yuri Uchiumi, choréologue, l’interview de Linda Darell, qui raconte la première de Roméo et Juliette, à Londres. Vous comprendrez mieux la genèse de cette oeuvre et comment elle se transmet.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

 

  • Distribution du 28 avril 19h30
Juliette Laëtitia Pujol
Roméo Mathieu Ganio
Tybalt Stéphane Bullion
Mercutio Mathias Heymann
Benvolio Christophe Duquenne
Pâris Bruno Bouché
Rosaline Myriam Ould Braham

 

  • Bonus vidéo