Mérimée

Soirées Roland Petit

Deux soirées, deux soirs de suite, deux ambiances. La première le mardi 26 mars et la deuxième, le mercredi 27 sorte de bonne intuition pour une date de nomination.

Le rendez-vous est une pièce que j’aime beaucoup par son aspect cinématographique. Au premier rang de l’orchestre, on a l’impression d’être seul au monde à vivre ce drame digne d’un film. La musique et le chant, d’abord, comme un générique de vieux film en noir et blanc, les danseurs ensuite, qui apparaissent déjà plus comme des comédiens que dans un ballet traditionnel. Le film commence, on ne lâche pas le personnage principal du regard. Le jeune homme part vers son destin, en compagnie d’un bossu, ami qui ne se révèlera pas chanceux. La valse qui les emmène vers la plus belle fille du monde, est un passage une fois encore très prenant. On oscille entre la comédie musicale et une pantomime qui fait avancer l’histoire. Hugo Vigliotti se montre un brillant partenaire. Danse, expression, technique, tout y est et sa joie de danser transperce l’écran. Nicolas Le Riche se montre comme il y a deux ans, admirable et juste dans ce rôle. Sa jeunesse et sa fraîcheur sont incomparables. Eleonora Abbagnato est la plus belle fille du monde, il ne faut pas en douter. Sublimée par ses talons, sa robe qui forge une silhouette de rêve, le jeune homme ne pouvait qu’être dupé.
Le lendemain, distribution différente mais non moins intéressante. Amandine Albisson se révèle très juste dans le rôle de la plus belle fille du monde. Quant à Alexandre Gasse, il ne démérite pas. Sa technique est franchement impeccable et son interprétation encore un peu timide me convainc, par sa sincérité. Il n’imite personne et veut s’imposer. On découvre bien le potentiel de soliste de ce jeune garçon.

Nicolas LeRiche et Eleonora Abbagnato dans Le Rendez-Vous de Roland Petit

Le rendez vous le 26 : avec Nicolas Le Riche, Eleonora Abbagnato, Hugo Vigliotti, Stéphane Phavorin.
Le rendez vous le 27 : avec Alexandre Gasse, Amandine Albisson, Hugo Vigliotti, Stéphane Phavorin.

Deux soirées mais une seule distribution dans Le Loup. Là encore, dans un autre domaine cinématographique, cette pièce est très visuelle. On est dans l’univers de la Belle et la Bête. Les gestes de la danseuse ressemblent tant à ceux de Josette Day dans le film de Cocteau, qu’on lit immédiatement l’amour qui s’empare d’elle pour cet être à l’humanité cachée mais bien plus grande que celles des hommes et femmes qui l’entourent. Les femmes apparaissent souvent plus cruelles que les hommes chez Roland Petit. La bohémienne est de cette catégorie d’héroïnes, qui tuent, comme par plaisir. Sabrina Mallem, est brillante dans l’exercice. Séductrice, délicieuse et cynique à la fois. L’interprétation de Stéphane Bullion et Emilie Cozette est très juste comme il y a deux ans. La musique de Dutilleux les porte, c’est très narratif et on se laisse vite emmener dans la naissance des sentiments entre ces deux êtres. La séduction, la méfiance, le doute, la passion, l’amour raisonnable, tout y est et c’est une vraie carte du Tendre que parcourent nos deux héros. La chorégraphie du pas de deux est pleine de petits détails qui rendent une fois encore cette oeuvre, facile à suivre,tout en gardant des exigences techniques incroyables.

Le Loup, avec : Emilie Cozette, Stéphane Bullion, Sabrina Mallem et Christophe Duquenne.

Aurélie Dupont dans Carmen

Carmen… La nouvelle de Mérimée est déjà un chef d’œuvre, la musique de Bizet semble écrite pour la danse. Quand il crée Carmen, Roland Petit voit là encore son ballet comme un film avec un décor et des accessoires très forts visuellement. Les chaises de la scène de la taverne, déjà utilisées à bon escient dans Le jeune homme et la mort, signe l’identité de la pièce.

Deux Carmen et deux spectacles complètement différents. Aurélie Dupont est une Carmen noble,parfois trop pour moi.Le travail des bas de jambes est impeccable, les jambes sont montées à 90°, les positions cinquième, ouvertes au maximum, comme une provocation érotique sont là, et bizarrement, je ne me laisse pas séduire. Trop aristocratique, manque de noirceur malgré la perruque. La surprise est du côté de Karl Paquette, délicieusement espagnol et complètement étonnant. Voilà l’homme caliente qu’il nous fallait pour compenser la froideur de sa partenaire. C’est un Don José faillible, aveuglé. Côté seconds rôles, c’est très réussi. Allister Madin comme François Alu sont des chefs gitans qui n’hésitent pas à exagérer le caractère filou de leur personnage (et les mains posées sur les fesses de ces demoiselles en sont une bonne occasion)
Une étoile en chasse une autre. Ou plutôt deux même. Nicolas Le Riche, c’est Don José. C’est évident, c’est Roland Petit qui souffle les pas dans ses jambes et qui donne le regard juste à l’espagnol. Abbagnato avait déjà travaillé le rôle, mais pas comme cela. Là, c’est magique. On retiendra deux moments : la sensualité du pas de la chambre et la corrida entre Carmen et Don José. A en avoir des frissons. La suite, c’est la nomination. Elle devait arriver à la première et puis on ne sait pour quelle raison obscure, dont seul l’Opéra a le secret, il a fallu attendre le 27 pour que la belle soit couronnée. Trop tard certains diront. Il n’empêche que ce soir, Eleonora a montré qu’elle en avait encore sous la pointe. C’est une interprète à la technique encore admirable. L’interprétation de Carmen était belle, la salle l’a suivie dans un silence quasi religieux. Ovation méritée pour cette nomination tant attendue. Encore bravo.
J’espère que mon ami F***qui était pour la première fois à Garnier n’a pas été déçu du voyage, mais j’ai un peu regardé ses yeux et je ne le crois pas.

Nomination Eleonora

Merci à JMC pour la soirée du 26 du spectacle au dîner ! C’était une excellente soirée !
Merci à Julien Benhamou pour les photos reçues.