© Laurent Philippe
Puisque tout le monde y va de son petit jeu de mots, alors moi aussi ! Le contemporain a parfois du mal à se vendre à l’Opéra alors qu’il s’arrache ailleurs… Essayez donc d’aller voir un spectacle de Sasha Waltz au Théâtre de la Ville, je vous souhaite bien du courage.. Problème de communication ou public réfractaire, les prix élevés n’aidant pas un public jeune intéressé, mais souvent fauché, l’Opéra a eu du mal à remplir son spectacle, alors ils ont proposé une jolie réduction. Acheter un pass jeune en avance, sur le net, voilà une bonne idée. Les rangs 16 et 17 étaient donc pleins de jeunes, juste derrière les places protocolaires où on retrouvait entre autres Brigitte Lefèvre, Jean-Yves Kaced ou encore Béatrice Martel. Après Ségolène Royal dimanche aux adieux de Clairemarie Osta, voilà qu’on aperçoit Martine Aubry, en plein centre du parterre.
Point people-politique terminé, après avoir vu trois fois Aurélie Dupont et Hervé Moreau, j’étais ravie de voir la prise de rôle par Mélanie Hurel et Vincent Chaillet, qui allaient forcément proposer quelque chose de très différent. La chorégraphie avait été faite sur mesure pour Aurélie Dupont et Hervé Moreau, en partie créée par eux après plusieurs ateliers de danse-contact. La tâche ne devait donc pas être aisée d’apprendre et surtout de s’approprier une oeuvre finalement très personnelle. Pari réussi pour ce couple qui n’a malheureusement eu que deux dates et mal placées (adieux de Clairemarie Osta et veille de week-end prolongé).
C’était la première fois que j’étais placée à cour et j’ai trouvé la scénographie encore plus belle. J’avais l’impression d’être du bon côté de la plate-forme, que les effets de lumière mettaient encore plus en valeur la chorégraphie.
J’ai passé une très belle soirée, Roméo et Juliette est un ballet qui gagne à être vu plusieurs fois. J’avais la sensation de découvrir la chorégraphie, je l’ai vécu complètement différemment, avec moins d’ennui dans les danses de groupe.
© JMC
Mélanie Hurel est une Juliette très heureuse, très enfantine. Elle danse avec un certain relâchement, avec un naturel qui laisse entrevoir de belles courbes et lignes, notamment dans les portés. Ce que j’ai beaucoup apprécié dans son interprétation choisie avec Chaillet, c’est la lisibilité de leur histoire. On ressent beaucoup de joie, un vrai bonheur partagé de découvrir ce sentiment qu’est l’amour. Il y a beaucoup de pudeur entre les deux êtres qui rappellent profondément l’enfance. Dans le pas de deux, cette pudeur se transforme petit à petit, à mesure que le couple se découvre. La sensualité naît entre les deux protagonistes. Chaque danse, chaque porté promet une avancée dans cette relation passionelle. La différence de taille des deux danseurs renforce cet aspect enfantin. Mélanie Hurel est une femme enfant face à un jeune homme sorti de l’enfance. Les regards sont à la fois complices et comme gênés. Le plus beau moment de sensualité est celui où Roméo est au sol, et Juliette joue avec ses bas de jambes. L’émerveillement sur le visage de Vincent Chaillet scelle les sentiments de son personnage. Le relâchement de son dos et de sa nuque montre l’assurance que Roméo prend peu à peu dans cette relation amoureuse. Juliette vole ensuite dans de nombreux portés fougueux. L’émotion est au rendez-vous car on est entré dans un espace très intime, plein de tendresse et de sensualité.
Solo de Roméo dans le silence, Vincent Chaillet montre une danse teintée d’attente et de désespoir. Le souffle de plus en plus fort, le mouvement est amené comme par un fil dans la cage thoracique. Le regard loin, Chaillet campe un Roméo très contemporain, avec de beaux mouvements de tête. Il marque le rôle de sa patte, proposant quelque chose de bien différent de Moreau, mais non moins intéressant. La tristesse qu’il montre à voir Juliette au tombeau est terrible et il parvient à communiquer ce sentiment tragique au public. Le dernier pas de deux est émouvant, je trouve que les deux danseurs ont réussi leur pari, ce qui n’est pas facile en deux soirs de représentations.Vincent Cordier montre aussi de belles choses dans la variation de Père Laurence, c’est déjà un danseur que j’avais beaucoup aimé cette saison dans une des têtes de Cerbère dans Orphée et Eurydice de Pina Bausch, l’autre opéra-ballet de
la saison.
Une belle soirée où j’ai été touchée par la chorégraphie alors que la fois précédente la musique l’avait, parfois, un peu plus emporté, notamment dans les danses de groupe.
Pas de photos des saluts, je suis souvent distraite et j’avais oublié mon appareil photo. Vincent Chaillet donne un baiser sur la main de Mélanie Hurel, qui lui répond d’un grand sourire complice. Ensemble ils applaudissent le corps de ballet, le choeur et les musiciens. Les applaudissements du public ont été chaleureux et nombreux.
- Distribution du 16 mai 2012 19h30
Juliette | Mélanie Hurel |
Roméo | Vincent Chaillet |
Père Laurence | Vincent Cordier |