Mathieu Ganio

L’histoire de Manon Ciaravola/Ganio/Saiz/Daniel

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Troisième fois pour ce ballet avec une distribution que j’attendais avec impatience. Un de mes plus beaux souvenirs de cette année était Onéguine avec Isabelle Ciaravola et Mathieu Ganio, et c’est pourquoi j’avais hâte de les revoir dans une histoire encore plus tragique.

Isabelle Ciaravola est une Manon très naïve, inconsciente de sa beauté. Elle séduit et attire sans le vouloir tous les regards sur elle, public comme personnages. Ciaravola a la capacité de capter l’audience sur scène et dans la salle. Moi qui avait peur de me lasser du ballet et de trouver le temps long, elle m’a fait oublier les moments plus mous, car elle ne perd jamais de vue son rôle. Elle vous tient, car on sent que la Manon qu’elle propose n’est pas un personnage si simple, à la double facette amoureuse/vénale. En face d’elle, Des Grieux. Mathieu Ganio incarne à merveille ce jeune garçon fougueux, qui va déployer son amour à mesure d’une variation de profil. On a l’impression de regarder un moment très intime, où Manon découvre tous les traits de ce jeune soldat. Elle le dévisage avec une certaine admiration, on sent le personnage impressionné et honoré devant une telle déclaration.

La scène de la chambre reste – avec le dernier pas de deux – mon passage préféré.
Ciaravola et Ganio savent mettre toute la passion d’un premier amour dans ce pas de deux. Chaque pas est une découverte de l’autre, chaque toucher est un frisson. La légèreté de Manon qui s’envole dans les bras de Des Grieux est un moment de grâce dont on ne peut se lasser.

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Le deuxième acte confirme l’importance du personnage de Lescaut incarné ce soir avec brio par Yann Saiz. Il incarne un frère protecteur mais habité par l’argent et le jeu. L’homme à la morale légère multiplie les oeillades aux jeunes femmes qui l’entourent, tout en se rangeant dans les bras de sa maîtresse, dansée ce soir par la charmante Nolween Daniel. La variation de l’ivresse montre un Yann Saiz solide techniquement et surtout, très drôle. La salle rit beaucoup, il joue à la fois des regards complices au public sans oublier les courtisanes sur la scène.

Ciaravola domine la scène dans la variation de Manon. Elle s’impose en femme maîtresse de son destin, mais hélas c’est dans le non-choix et la fourberie qu’elle se perd. Ciaravola hésite et change sa façon de danser suivant le partenaire qu’elle regarde. Son style est à la fois très graphique, grâce à ces jambes – ahh ces jambes ! – et souple, avec une aisance, presque indécente.

De retour dans la chambre de Des Grieux, Manon est très troublée, Ciaravola montre déjà des aspects de la déchéance de Manon. Si son côté vénale perdure en voulant emporter les diamants, elle ne comprend pas tout de suite la situation délicate et d’urgence dans laquelle elle se trouve. La tragédie qui commence par la mort de son frère en est d’autant plus fort que le décalage est grand. Je suis suspendu aux regards de ce couple qui commence sa descente aux enfers.

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Au troisième acte, je passe sur les deux premières scènes que j’apprécie de moins en moins et qui semblent durer une éternité, pour arriver au dernier pas de deux, qui fut de toute beauté. Ciaravola pratique un relâchement tel, c’est avec une confiance sans égale qu’elle laisse Mathieu Ganio mener la danse. il tente dans un dernier instant de la faire danser, pour la faire vivre. La flamme de leur amour brûle d’une façon encore plus intense, même si la fin est inévitable. De nouveau, très émue de redécouvrir une fois encore cette histoire, peut être encore plus car j’ai fait découvrir ce ballet à M***, qui a partagé mon émotion.

Très belle soirée, pause à présent avant la matinée des adieux de Clairemarie Osta le 13 février.

  • Distribution du 26 avril 2012, 19h30
Manon Isabelle Ciaravola
DesGrieux Mathieu Ganio
Lescaut Yann Saïz
La Maîtresse de Lescaut Nolwenn Daniel
Monsieur de G. M. Eric Monin
Madame Amélie Lamoureux

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Onéguine avec la splendide Isabelle Ciaravola

Onéguine © Michel Lidvac

© Michel Lidvac

Je savais que j’avais bien fait de revoir cette distribution. J’ai passé une soirée magnifique. J’espérais avoir un pass et être au plus près de la scène, mais j’ai du me contenter d’un fond de loge. Mal placée au premier acte je n’ai pas vu grand chose. J’ai aperçu avec peine Muriel Zusperreguy et Florian Magnenet. Je ne saurai vous dire comment a été leur pas de deux. J’ai mieux vu le corps de ballet qui se répartit des deux côtés de la scène. Conseil, si il faut oublier la loge 5, vous pouvez aussi oublier la 7 ! J’ai fait de sacrées acrobaties pour voir la scène du rêve.

Ciaravola porte une fois de plus le ballet. Elle est lumineuse, elle vole dans les bras d’un Mathieu Ganio, qui me convainc de plus en plus. Il devient dans cette scène un amoureux transi, il devient cette image dont Tatiana rêve tant. Il la fait voler, leur couple est en parfaite harmonie. Les jambes d’Isabelle Ciaravola s’élancent, glissent. Même avec les trois quart de scène, c’est un pur bonheur. C’est une vraie héroïne romantique, éprise d’un homme mystérieux.

Onéguine © Michel Lidvac

© Michel Lidvac

Pas question de rester là, je rejoins Pink Lady en loge de face. Place au deuxième acte, dans lequel Mathieu Ganio sait être cet Onéguine cynique et insupportable. Il a le
sourire de tout homme indélicat face à une jeune femme fragile. Ciaravola a le talent d’interpréter ces personnages de femmes, comme Tatiana ou Marguerite Gauthier. Pleine d’humanité, elle se plonge dans la psychologie de cette jeune femme, qui vient de subir l’affront du charmant poète. Alors qu’elle ne cherche que son regard, Onéguine est froid, dans tout son corps, dans toute son âme. Ciaravola montre l’hésitation à aller vers lui jusqu’aux bouts des pointes. Florian Magnenet ne fait pas trop le poids face à un Onéguine si puissant. Il est tout le temps sur le même registre et on ne croit pas à son énervement quand Onéguine séduit Olga, dansée par une Muriel Zusperreguy très en forme et à qui le rôle d’Olga va très bien.

Magnenet ne me convainc pas dans la variation de Lenski, cela manque de maturité. Il a trop l’attitude d’un prince, d’un héros, pas d’un homme qui va mourir, qui est blessé car l’orgueil de son ami est parvenu à détruire leurs liens. Si techniquement, il n’y a pas grand chose à dire, je n’adhère pas du tout au personnage qu’il présente.

Onéguine © Michel Lidvac

© Michel Lidvac

Isabelle Ciaravola est à l’apothéose de son art au troisième acte. Radieuse avec Christophe Duquenne en Prince Grémine, sa fragilité resurgit dès l’instant où elle voit son amour d’autrefois. En une demi seconde, les sentiments reprennent le dessus, l’assurance qu’elle avait en dansant avec son mari disparaît. La nouveauté est la faiblesse qui trouble Onéguine et je dois dire que Mathieu Ganio est remarquable. Il est animé par ce « spleen noir  » dont parle Pouchkine. Dans son rêve, il est hanté par toutes ces robes. Ganio parvient à traduire ce sentiment nouveau, par une danse qui puise beaucoup d’énergie dans le sol.

Quand il arrive chez Tatiana, il brûle d’amour pour elle. Pas un regard dans ses yeux, elle garde sa colère en elle, se ferme. Il n’y a que lui qui prend ses mains, qui l’enlace. Il tombe à ses pieds, avec le désespoir d’un mourant. Si son amour est toujours intacte, la blessure ancienne également et c’est cela qu’Isabelle Ciaravola donne à voir. Toute l’histoire de Tatiana est dans cette scène. C’est très beau, de quoi vous faire pleurer.

Onéguine est définitivement mon coup de coeur de l’année avec Artifact.

  • Distribution du 30 décembre 2011
Eugene Oneguine Mathieu Ganio
Lenski Florian Magnenet
Tatjana Isabelle Ciaravola
Olga Muriel Zusperreguy
Prince Gremine Christophe Duquenne

 

 

Piotr Ilyitch Tchaikovski Musique
Kurt-Heinz Stolze Arrangements et orchestration
John Cranko Chorégraphie et mise en scène
Jürgen Rose Décors et costumes
Steen Bjarke Lumières

 

 

 

Répétitions d’Onéguine (scène orchestre et séance de travail)

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© Opéra de Paris

J’ai eu la chance en trois jours de voir deux distributions en répétition du ballet Onéguine. Vendredi dernier, grâce à une formation dans mon boulot, on a eu accès à la deuxième scène orchestre avec une distribution inédite ! Mathieu Ganio, Isabelle Ciaravola, Myriam Ould-Braham, Josua Hoffalt dans les rôles respectifs d’Eugène Onéguine, Tatiana, Olga et Lenski. En fait tout s’explique par la blessure de Nicolas Le Riche. Evan McKie a été appelé pour remplacer Le Riche. N’étant pas encore prêt pour attaquer la répétition en scène orchestre, c’est le duo Ciaravola/Ganio qui a fait la répétition. J’ai adoré pour ma part cette distribution inédite ! Quelle répétition ! C’était très beau.

Lundi j’ai assisté grâce à JMC à la séance de travail, la dite prégénérale avec la distribution Pech/Osta. Cette deuxième distribution m’a moins enchantée, peut être que j’avais été trop envoûtée par le premier couple.

Le premier acte s’ouvre dans un décor bucolique, on découvre quatre femmes dont trois attablées, qui s’affairent à la broderie de robes. La quatrième allongée dans l’herbe est
plongée dans la lecture. Tatiana, jeune femme romantique ne s’intéresse pas aux robes comme sa soeur Olga, pas plus au miroir que lui tend sa mère dans lequel on verrait le portrait du bien aimé. Les amies d’Olga arrivent et dansent avec elles. Ciaravola propose une Tatiana, très fermée, presque mélancolique. Osta est plus romantique. J’ai apprécié leurs deux interprétations. Dans un papier d’Ariane Bavelier qui date de 2009,
elle citait le directeur du ballet de Stuttgart qui disait à propos du ballet  : « On peut voir le ballet avec toutes les distributions différentes : ce sera toujours les mêmes pas,
jamais le même ballet
« . Le jeu des danseurs est primordial, c’est dans leur interprétation que réside les nuances des personnages. De même dans le rôle d’Olga, Myriam Ould Braham et Mathilde Froustey dansent complètement différemment. J’ai adoré Myriam Ould Braham dans ce rôle. Elle est délicieuse et sa danse est très fluide. Le pas de deux avec Josua Hoffalt qui est Lenski est formidable, d’une grace incomparable. Ils ont l’air de s’amuser sur scène d’y prendre un plaisir fou. Myriam Ould Braham est une Olga mutine, pleine de vie. Très envie de l’applaudir, mais chut pas d’applaudissements pendant les répétitions. Mathilde Froustey est aussi un petit bijou qui ne manque pas de séduire son partenaire Fabien Révillon. Ses équilibres sont toujours aussi impressionnants et elle affiche un large sourire, très généreux.

A l’arrivée d’Eugène Onéguine dans le jardin, un froid s’installe. Le jeune homme en noir tranche avec le reste de l’assistance. Il ne sourit pas, a un regard lointain. Là mon
coup de coeur va d’emblée vers Mathieu Ganio qui domine la scène. Son regard froid associé à son visage d’ange en font le parfait cynique. On est sous le charme d’emblée comme Tatiana et comme toutes ces héroïnes de la littérature. On ne peut s’empêcher de penser à Mr. Darcy au bal avec Elisabeth Bennet. Leur pas de deux est écrit de façon très fine. Ils marchent, Tatiana au bras d’Onéguine, qui a complètement changé d’attitude. Elle est déjà sous le charme du poète, mais lui est absent de cette romance, il se met à danser tout seul oubliant la jeune femme. Isabelle Ciaravola est déjà dans une grande tristesse, alors qu’Osta choisit d’être une Tatiana qui est interloquée par l’attitude du jeune homme.

Dans la scène du rêve mon coeur vacille devant le partenariat Ganio/Ciaravola. Quelle beauté, ce pas de deux. Les portés sont superbes. La ballerine est dans un nuage où elle
touche rarement le sol. Toujours portée plus haut, l’amour s’emballe et se renforce dans le coeur de Tatiana. Les glissés au sol sur les pointes me font penser à la rapidité de cet amour naissant. On est dans une ambiance bleutée, qui ne nous fait pas douter du rêve. A son réveil, Tatiana écrit avec entrain sa lettre d’amour pour le poète désabusé.

Salut séance de travail

© Elendae

L’acte deux nous plonge dans un intérieur russe où Tatiana va recevoir petits et grands pour y fêter son anniversaire. Si tout le monde s’enthousiasme autour d’elle, la seule
chose qui préoccupe son esprit c’est la réponse qu’Onéguine va faire de sa lettre. Nos deux belles étoiles féminines proposent deux chemins différents, mais tout deux très convaincants. Quand Onéguine déchire la lettre, j’aime le sourire mesquin de Mathieu Ganio, qui prend les sentiments de Tatiana par dessus la jambe. Il se joue de la situation quand Benjamin Pech y donne un ton plus grave. Pour continuer sa provocation , il décide de danser avec Olga pour montrer qu’il ne croit pas au sentiment amoureux. Le pas de deux est rapide, et les corps sont très rapprochés. Que ce soit Mathilde Froustey ou Myriam Ould-Braham, j’ai adoré cette partie du rôle d’Olga. Josua Hoffalt est très imposant dans son opposition à Onéguine.

Ce qui est parfois génant, ce sont les transitions entre les tableaux dues aux changements de décor. Cela fait un peu désuet et on sent qu’on comble un peu la musique avec de la pantomime. On arrive sur la scène du duel, où le trio Olga/Tatiana/Lenski reprend les pas pour montrer le désespoir de la situation. J’aime l’engagement des danseuses dans ce passage, on sent que la situation dépasse les personnages. C’est un vrai passage tragique et la musique porte bien ce moment. Lenski meurt sous la première balle d’Onéguine.

L’acte trois s’ouvre dans une salle de bal. Les danseurs sont figés, comme des poupées de cire avant la levée du rideau transparent. La danse de bal est très jolie, on pense
forcément à La Dame aux camélias. Arrivent le Prince Grémine et Tatiana qui sont désormais mariés. J’ai adoré Ciaravola dans ce troisième acte. Quelle actrice ! Elle sait passer de la jeune adolescente amoureuse en secret, à cette femme resplendissante et épanouie. Et quelle partenaire, je pense qu’elle facilite l’interprétation de Duquenne et Ganio. Sa danse est plus grande, plus époustouflante qu’aux deux premiers actes. Son regard englobe toute l’audience, les danseurs et le public. Le rouge de la robe renforce cette dominance. Quand Onéguine entre il est troublé par cette femme, il ne se reconnait plus, les pas sont plus petits, hésitants, les courses plus affolées. Il plonge dans une rêverie où il est entouré de femmes, qu’il porte, qu’il fait danser. Le regard devient vide à mesure qu’il rencontre ses femmes, puisqu’il n’y en a plus qu’une dans sa tête.

La scène finale dans la chambre de Tatiana est absolument magnifique. Ganio/Ciaravola m’ont émue aux larmes en répétition. J’ai hâte de les revoir en scène. Dans la chorégraphie, tout le caractère des personnages s’y déploie. La dominance d’Onéguine qui a une certaine violence dans ses baisers. Il agrippe sa partenaire, la fait glisser, c’est lui qui mène malgré sa requête. Il ne lâche jamais ses jambes, l’oppresse. Pour Tatiana, il s’agit de montrer sa faiblesse tout en restant ferme. Osta comme Ciaravola sont deux Tatiana résolument différentes, mais qui racontent deux histoires intéressantes. J’aime le côté tragique de cette situation et Ciaravola poussant un cri final est un moment poignant, qui vous fait frissonner.

  • Bonus vidéo : Isabelle Ciaravola avec Hervé Moreau
Piotr Ilyitch Tchaikovski Musique
Kurt-Heinz Stolze Arrangements et orchestration
John Cranko Chorégraphie et mise en scène
Jürgen Rose Décors et costumes
Steen Bjarke Lumières
  • Distribution de la scène orchestre du vendredi 2/12
Eugene Oneguine Mathieu Ganio
Lenski Josua Hoffalt
Tatjana Isabelle Ciaravola
Olga Myriam Ould-Braham
Prince Gremine Christophe Duquenne
  • Distribution de la séance de travail du lundi 5/12
Eugene Oneguine Benjamin Pech
Lenski Fabien Révillon
Tatjana Clairemarie Osta
Olga Mathilde Froustey
Prince Gremine Christophe Duquenne

 

14 juillet : les Enfants du paradis

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© Syltren/rêves impromptus

Je commence par la fin.. par le final comme diraient certains ! Je commence par ce court moment. Court, humble et intense comme la danseuse. Miteki Kudo dansait pour la dernière fois ce soir, et c’était dans les escaliers de Garnier. J’adore cette artiste, élue merveilleuse dans le Sacre comment l’oublier ! Ce soir elle fut la Desdémone la plus aboutie, et la plus délicate que j’ai vue pendant toute la série des Enfants du Paradis. On la pousse un peu pour qu’elle s’avance et le corps de ballet la salue et l’applaudit chaleureusement. On aperçoit toute l’émotion de la danseuse. Le public la salue une dernière fois. Le ballet se sépare d’une superbe artiste.

Je ne vais pas dérouler à l’envers ma soirée, ce serait trop compliqué à suivre… Je remonte le temps et reviens vers 18h30, heure à laquelle je fais la queue pour les pass.. crotte de bique, je suis deuxième… Je trouve ça stressant cette histoire de queue pour les pass. On ne sait pas ce qu’il va se passer, va t-on en avoir… bref au moment où ma voisine et moi rageons en disant que de toutes façons il n’y a jamais de pass, voilà qu’il en tombe quatre et hop direction le balcon d’orchestre. Premier rang, place royale.. La soirée va être bonne.

Elle fut excellente pour tout vous dire. Je suis rentrée complètement dans le ballet et j’ai trouvée la distribution formidable. Le ballet commence, le rideau s’ouvre lentement, la lampe torche de Jean-Louis Barrault fouile dans ce lieu de tournage. On distingue à peine le décor. Le coffre qu’ouvre ce promeneur nocturne promet d’être plein de merveilles et de souvenirs pour la suite. Le violon vibre, rien n’a encore commencé. Plein feux sur la place, deux femmes se battent pour une corbeille de fleurs. Les musiciens en séduisent quelques autres. Les soldats font leur entrée avec de jolis grands jetés. Des badauds se bagarrent dans un coin.. pendant que les vendeurs de journaux cherchent des acheteurs potentiels. Lancenaire, un dandy, écrivain à ses heures perdues, fait son entrée sous les traits de Sébastien Berthaud. Quelle élégance, ce Sébastien Berthaud. Il est très fin et très léger. Il donne une couleur assez intelligente au personnage qui ne se contente pas d’être qu’un pervers. Il vole la montre d’un bourgeois, puis s’enfuit et c’est Garance qui se retrouve accusée du crime. Ludmila Pagliero est une superbe Garance. Dès le début du ballet elle
s’impose avec un sourire qui charme toute l’audience. Elle se fait malmener par les officiers qui veulent l’arrêter. C’est très beau, car elle est très légère, elle vole de mains en mains. Baptiste qui a tout vu depuis son tonneau sur la scène décide de mimer la scène pour démontrer que Garance est innocente. Ah Mathieu Ganio ! Génial Baptiste qui en fait des tonnes sur la pantomime et c’est tellement drôle. Il n’y a rien à dire sur sa prestation si ce n’est qu’il est génial. Garance lui offre une rose rouge pour le remercier.

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Ludmila Pagliero

Baptiste rentre ensuite au théâtre des funambules où il trouve Nathalie en pleine rêverie, qui danse avec une robe de mariée. Christelle Granier a le rôle ce soir ; technique superbe, notamment une technique de pointes superbe mais d’un point de vue du rôle, je trouve qu’au début elle en fait un peu trop. Trop désespérée que Baptiste ne lui offre pas cette rose. Elle est déjà dans le tragique, le dramatique, alors qu’à mon sens, à ce moment là de la pièce, Nathalie est juste vexée, un peu blessée mais pas plus. Ils vont donner la pièce avec le lion qui permet à Frédéric, un ami de Baptiste de briller en tant que comédien. Karl Paquette est très bien dans ce rôle qu’il connaît bien, et qui lui sied. Les deux amis s’en vont fêter cette nouvelle gloire dans un café où Baptiste va revoir Garance. Charline Giezendanner et Charlotte Ranson séduisent Frédéric Lemaître et l’ambiance du café est caliente. Fête Nationale oblige, les premières notes de la musique ressemblent étrangement à La Marseille.Garance entre dans le café avec Lancenaire à son bras. C’est dans cette variation que Pagliero s’impose. Elle séduit Baptiste, non pas par des regards
soutenus comme peut le faire Letestu, ou Ciaravola, non elle propose autre chose, un grand sourire, et un regard franc, droit dans les yeux, pendant que sa jambe se déroule dans un développé, et Baptiste est conquis. Elle s’enfuit avec Baptiste abandonnant le vicieux Lancenaire, tandis que Frédéric décide d’inviter Mme Hermine, la tenante de la pension, quitte à ne pas passer la nuit tout seul. Caroline Bance en Mme Hermine c’est un petit bijou ! C’est une superbe danseuse et interprète, qui met tellement de joie dans tout ce qu’elle fait que sur scène elle attrape toute l’attention sur elle. Dans la chambre, les amoureux se découvrent, et Garance est prête à se livrer. Baptiste hésite, et là il faut voir le jeu de Ganio, assis sur ce lit, qui ne sait pas quoi faire, on dirait un jeune adolescent, mal à l’aise devant cette femme si sûre d’elle qui réapparaît nue, enveloppée dans un drap. Il s’enfuit et Garance reste. Plagiero est géniale à ce moment là car elle met beaucoup d’humour dans cette situation où elle se retrouve seule. Son haussement d’épaule suivi du sourire de voir un homme, Frédéric, débarquer dans la chambre, donne un peu de
légèreté à ce rôle.

La vie de Baptiste se reflète au théâtre et c’est désespéré qu’il constate l’amour entre Frédéric et Garance. Garance est au milieu de ce duo, Nathalie tente de protéger Baptiste, quand arrive le comte qui va venir compliquer l’affaire. Pendant la pièce, dans la loge de l’impératrice, un comte regarde Garance jouer et tombe amoureux d’elle. Garance se laisse séduire par cet homme puissant, envoie balader Frédéric, et reste sans voix et sans geste devant la colère de Baptiste. Garance reste seule dans sa loge, pour peu de temps seulement, car Mme Hermine, jalouse de l’amour de Frédéric pour la belle danseuse, a trouvé une condamnation pour un crime quelconque, afin de se venger. La belle Garance ne peut que se servir du comte pour sortir de cette situation.

A l’entracte, on fait un saut dans le temps, puisque Frédéric Lemaître a monté sa propre compagnie et donne dans le Grand Escalier, Othello. J’adore ce moment où tout le public se retrouve dans ce lieu, qui devient plus vivant qu’à l’ordinaire. Les personnages se baladent, saluent les spectateurs, les mimes, nous entraînent et nous guident vers ce spectacle. Miteki Kudo a une grâce que peu de ballerine ont. Sa fragilité lui confère beaucoup de délicatesse dans ses mouvements. Son regard tragique dans ce rôle, installe un silence dans les balcons tout autour de l’escalier. Danser pour la dernière fois dans cet espace est un moment de beauté, c’est un vrai partage avec tout le public. Beaucoup d’émotions dans ce moment, il est temps de retourner dans la salle après des bravos et applaudissements nombreux.

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Ludmila Pagliero

Le début du deuxième acte donne à voir Robert Macaire, un ballet où Frédéric Lemaître se met en scène avec une superbe ballerine dansée ce soir par Charline Giezendanner qui m’a complètement bluffée. Karl Paquette montre de beaux atouts, avec une noblesse dans le port de buste et de la force dans les jambes. Parmi le corps de ballet, Marc Moreau montre de belles choses notamment des sauts d’une propreté et d’une légèreté, qui le distingue des autres. Charline Giezendanner a des bras fabuleux, je l’ai trouvée d’une classe et d’un charisme que je ne lui connaissais pas. Après ce charmant ballet, plein de numéros de virtuosité, on se replonge dans l’univers de Garance qui est devenue une femme entretenue par le comte. Pagliero sait montrer l’enfermement de Garance, la
compromis qu’elle a choisit, l’argent à la place de l’amour et du théâtre. Elle danse comme si le sol devenait fragile, ses pas sont lourds, plein de peine, mais son visage reste le même. Le sourire radieux du premier acte a disparu. Son corps s’est rigidifié comme pour se protéger des mains de ce comte qu’elle n’aime pas. Elle met une vraie distance, avec une danse engagée et déterminée. Avant d’aller au bal, elle va revoir la troupe de Baptiste. Ce dernier l’aperçoit au balcon, et retombe dans ses pensées où les mimes viennent le hanter. Il danse la plus belle variation du ballet avec une élégance que seul Mathieu Ganio peut donner, pleine de nuances, comme si tous les souvenirs de Garance lui revenaient en tête, et venait se loger dans chacun de ses membres. C’est très beau, très émouvant, j’aurais aimé que la fin ne soit pas applaudi et qu’on reste un peu dans cette tristesse.

Au bal Garance retrouve ses anciens amants, Frédéric  et Lancenaire. Ludmila Pagliero y est majestueuse. Elle  est habitée par une grande noblesse, avec un port de tête qui n’est plus du tout le même qu’au premier acte. J’aime l’énergie du bal, je trouve ça efficace, les costumes sont superbes, et l’espace ne cesse d’évoluer à mesure des danses. Baptiste débarque en courant, comme un cri d’espoir. Garance ne peut être qu’à lui, mais la jeune femme est réservée, elle est prisonnière du comte d’une certaine façon. C’est Lancenaire, qui calme le jeune héros et qui propose aux deux amants de s’isoler. C’est lui aussi qui les met en lumière, en montrant au comte qu’il n’aura jamais le coeur de Garance. Berthaud brille en Lancenaire, mais le comte lui devient un peu insignifiant et surtout le cri final est vraiment ridicule.

La scène de la chambre est très émouvante. Je trouve que le couple fonctionne bien. Ganio est un partenaire attentif et Pagliero semble d’une facilité à manier si je peux m’exprimer ainsi. Elle se laisse complètement emmener dans les bras de son partenaire pour se concentrer sur son personnage. Ce couple se retrouve après les années, Garance a changé, Baptiste quant à lui a toujours cet amour innocent, sauf que cette fois il ne veut pas la laisser filer comme la première fois. Ils vivent une première nuit d’amour, comme si l’amour devait forcément être consommé pour devenir réel. Je suis vraiment absorbé par Pagliero, que j’ai toujours trouvée géniale techniquement, mais qui ne m’avais jamais émue à ce point (il y avait déjà un excellent début dans la soirée Mats Ek). Là elle est bouleversante d’émotions… Je suis clouée à mon siège. Avec Mathieu Ganio, quel partenariat ! Il faut remettre ça vite. Nathalie qui est désormais la femme de Baptiste interrompt cette nuit d’amour, et Garance fuit, poussée par la gêne et la honte. Dans
la rue, c’est journée de carnaval et 14 juillet, donc des petits drapeaux tricolores s’agitent ça et là. Au milieu de la foule, Garance se fraye un chemin et s’en va dans l’obscurité du la salle. Baptiste court mais la perd de vue. Il reste là, à lavant scène, le regard vide et triste. A l’arrière Jean-Louis Barrault retrouve la rose d’origine de Garance.

Très belle soirée, très belle distribution, parfaitement équilibrée. Il faut dès à présent se trouver un lieu pour voir le feu. J’étais un peu loin certes, mais je l’ai trouvé très beau. Et avec un très beau final…

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  • Distribution du 14 juillet 19h30

 

Baptiste Mathieu Ganio
Frederick Lemaitre Karl Paquette
Garance Ludmila Pagliéro
Nathalie Christelle Granier
Lacenaire Sébastien Bertaud
La Ballerine Charline Giezendanner
Le Comte Alexis Renaud
Madame Hermine Caroline Bance
Desdemone Miteki Kudo

 

  • Vidéo bonus

 

Séance de travail des Enfants du Paradis

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© JMC

Que j’ai eu peur que cette répétition soit annulée ! Les machinistes ont posé un préavis de grèves et je craignais que le public ne soit pas convié à voir la répétition, comme ce fut le cas pour le Lac des cygnes. Heureusement l’Opéra a accepté de nous accueillir en petit comité pour assister à une répétition sans décor et sans lumière. Je retrouve la bande des balletomanes habituelles, et nous bavardons pendant que Brigitte rappelle qu’il n’y aura pas de décors ni lumières. Amélie me nargue avec Pina Bausch, Fab est aussi épuisée que moi, l’ambiance est bonne.

Sur scène les artistes ont l’air détendus et malgré l’absence de décors, ils vont nous offrir un joli spectacle.

Les Enfants du Paradis sans les décors, j’ai au début du mal à reconstruire virtuellement la première scène. Sans les estrades sur lesquelles se placent les artistes de rue, il est
difficile d’avoir un tout cohérent.

 

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© JMC

 

Les danseurs et quelques machinistes non-grévistes doivent déplacer quelques éléments du décor, le lit de Baptiste, les cordes à linges pour lesquelles Takeru Coste passe de l’Arlequin à un arbre, les bancs. Mathieu Ganio s’amuse beaucoup sur le plateau à jouer de la pantomime. Il fait rire le public avec son air de Pierrot malheureux. Je le trouve d’ailleurs remarquable dans ce rôle. C’est un danseur qui a pris beaucoup de maturité cette année et dont les rôles se sont beaucoup approfondis. Je pense à son Roméo en particulier, qui m’avait transportée. Le rôle a été crée sur lui et je trouve qu’avec Ciaravola c’est un couple fabuleux. Elle est tellement Garance, elle se faufile dans la peau de cette femme tiraillée entre l’amour et l’argent. On ne peut bien sûr pas s’empêcher de penser à La dame aux Camélias, à ces rôles de femmes dont la vénalité les pousse au malheur. En face d’elle, Ganio en Baptiste est un parfait Pierrot. Visage d’ange, complètement innocent et étonné de cet amour pour cette femme qui ne s’en va pas à mesure que le temps passe, un pantomime bien exagérée comme il faut, un danse comme à son habitude impeccable, Ganio est taillé pour ce rôle. C’est mon couple préféré, c’est ceux qui sont les plus solides pour le ballet.

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© JMC

Difficile pourtant de se plonger dans le ballet dans les décors. Surtout pour le premier acte qui est très narratif et qui bouge beaucoup. Au niveau de la danse, c’est déjà impeccable, hâte de voir ce que ça va donner. Seul Benjamin Pech ne me convainc pas en Lancenaire, il nous fait du Coppélius remixé. Muriel Zusperreguy est superbe en Nathalie et Miteki Kudo est une Desdémone très raffinée. C’est d’ailleurs un grand privilège qui nous est offert ce soir car nous assistons à la scène d’Othello en petit comité.

Cette première répétition nous donne un avant goût assez agréable, c’est surtout un grand plaisir de revenir à Garnier après tant de temps passé sans spectacle de danse !

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© JMC

  • Distribution du 23 juin 2011

 

Baptiste Mathieu Ganio
Frederick Lemaitre Karl Paquette
Garance Isabelle Ciaravola
Nathalie Muriel Zusperreguy
Lacenaire Benjamin Pech
La Ballerine Nolwenn Daniel
Le Comte Christophe Duquenne
Madame Hermine Caroline Bance
Desdemone Miteki Kudo