MAG

Lander et Forsythe à l’Opéra de Paris

Le ballet de l’Opéra de Paris a ouvert sa saison samedi soir avec une soirée mixte : Etudes d’Harald Lander et deux pièces de William Forsythe, Woundwork 1 et Pas./Parts. Si ces deux dernières ont été vues récemment, la première pièce n’avait pas été donnée depuis 2004. Voyage à travers la technique classique, de la barre aux hanches décalées. En bonus, pour la première, on a eu le droit au défilé.

défilé

 

La soirée s’ouvre avec la traditionnelle marche du défilé. Certains y sont attachés, d’autres moins, et le moins qu’on puisse dire c’est que ces courtes quinze minutes de défilé presque militaire déchaînent les passions. L’applaudimètre est en place et les admirateurs peuvent s’exprimer. On ne s’étonnera donc pas d’entendre François Alu très applaudi, d’autres danseurs peu vus, moins applaudis, malgré leur rang plus élevé. La salle veut bouleverser les grades par les applaudissements et pourtant, les plus conservateurs d’entre eux craignent l’arrivée de Millepied et sa vague proposition d’enlever un grade au corps de ballet. Toujours impeccablement réglé et très majestueux, ce n’est pourtant pas cela qui me provoque un frisson, mais la révérence d’Aurélie Dupont qui va quitter la scène cette année et le sourire de Mathieu Ganio qui ferme le rang. La scène est illuminée de blancheur, à l’instar de la salle, où les téléphones s’allument pour conserver un souvenir flou d’une tradition figée dans le temps.

On reste dans la tradition avec le ballet de Lander, Etudes. Véritable ode à la danse classique, le corps du ballet de l’Opéra s’y illustre avec brio.  Cela commence à la barre, où seuls les bas de jambe sont dévoilés. Dégagés, pliés, petits battements sur le coup de pied, ballonés, jetés, pas de cheval, rond de jambe, toute la barre classique est impeccablement exécutée, avec des jambes sublimes. Le ballet se compose de petites scènes qui se succèdent, qui montre tous les pas traditionnels de la danse classique. La danseuse est tantôt une femme romantique au tutu long, tantôt une bête de scène enchaînant les pirouettes. Dorothée Gilbert qui tient de le rôle de l’étoile fait honneur à ce titre. Sa danse montre à la fois une technique très solide (quels équilibres!) et un charisme qui capte tout le public. Son regard profond plonge dans ceux des spectateurs et elle semble nous dire « Vous ne pourrez pas faire autrement que de me regarder ». Chez les hommes c’est le sourire de Josua Hoffalt qui nous attire et nous mène à ses bas de jambes si beaux dans tout son travail de batterie. Si le ballet est un véritable marathon technique, il n’est pas tout de même pas d’une grande modernité. Le découpage en scènes est un peu lourd, surtout quand il s’accompagne des applaudissements qui hachent la musique et le bout des arabesques… Les lumières ne sont pas toujours heureuses, surtout quand on est placé de côté.

C’est tout de même, pour sûr, la meilleure définition de l’école française !

Woundwork1 Forsythe

Woundwork 1  était dansé ce soir-là par quatre étoiles. Aurélie Dupont, Hervé Moreau, Laëtitia Pujol et Mathieu Ganio dansent dans ce cube de lumière cette courte pièce de Forsythe. Pourtant, le temps semble s’étaler dans l’espace si grand. Il y a un certaine spiritualité dans la pièce, qui se lit dans les corps des danseurs. Forsythe utilise tout le langage classique mais le rend plus graphique. Les corps sont dessinés avec des jupettes rigides asymétriques. Les jambes des hommes sont légèrement coupées par des caleçons courts. Ayant peu vu le couple Ganio/Pujol pour des raisons d’angle, la pièce ne m’a pas plus émue que la première fois. Forsythe y pose une atmosphère, impose une écriture au tracé subtil, que les quatre interprètes de ce soir ont parfaitement compris.

 

Saluts Forsythe Pas. /Parts Eve et Jérémie

Le petit bijou de la soirée est sans aucun doute Pas./Parts. Ballet écrit pour le ballet de l’Opéra de Paris, Forsythe y déconstruit tout le langage classique vu dans le premier ballet de la soirée. Justaucorps colorés, musique évocatrice et urbaine de Thom Willems, lumières mouvantes, le ballet est lui aussi une succession de petits duos, trios, et autres, mais ne tombe pas dans l’écueil du noir. Les danses sont liées entre elles par l’énergie des interprètes. On oscille entre l’étirement maximal des corps, et la rapidité de petits mouvements fulgurants qui nous explosent aux yeux. Tous les danseurs y sont absolument époustouflants : chacun y révèle une partie de sa personnalité et de son talent. Jérémie Bélingard (enfin sur scène… ) donne une leçon de style, Marie-Agnès Gillot et Laurène Lévy, une démonstration de jambes. C’est avec un grand bonheur que l’on regarde tous ces artistes si virtuoses dans ce très beau ballet. On en redemande encore !

Soirées Balanchine

La soirée d’ouverture de la saison de ballets est un moment particulier. Il faut que tout le monde s’y retrouve, habitués, abonnés, touristes de passage et nouveaux arrivés. Proposer une soirée mixte est un compromis qui permet de contenter tout le monde. Si la soirée Roland Petit faisait l’unanimité, la soirée de l’an passé avait beaucoup déçu. L’opéra a fait le choix cette année du chorégraphe Balanchine, avec trois pièces très différentes des unes des autres. On ne peut pas ne pas aimer son écriture, crime de lèse-majesté dans le monde de la danse, et, pourtant, nombreux sont les balletomanes qui résistent à son charme. 3 ballets, 3 époques, 3 écritures car l’étendue de Balanchine ne s’arrête pas à un genre.

La mise en bouche du défilé réjouit la salle qui peut ensuite se plonger dans la vague bleue de Sérénade. Œuvre de jeunesse, sans cesse remaniée par le maître, j’en ai parfois ressenti les longueurs. La première partie, faite d’ensembles, est pour moi la plus belle. Les 19 filles volent sur scène, alternant les rythmes en suivant la musique de Tchaïkowsky. On retrouve les constructions chorégraphiques de Balanchine avec ces lignes qui se croisent et se décroisent, s’emmêlent et se démêlent. Le duo Pagliero/Moreau offre un doux moment de poésie. Mathilde Froustey rayonne sur scène, et s’amuse des difficultés techniques ; Laëtitia Pujol et Eleonora Abbagnato incarnent une féminité à la fois romantique et sensuelle.

On change d’univers dès la levée du rideau d’Agon. Regards perçants vers le public, quatre garçons alignés en fond de scène. Tuniques noires et blanches, et musique de Stravinsky aux rythmes irréguliers. Fini le romantisme, la délicatesse féminine exacerbée dans Sérénade, on assiste plutôt ici à un échange de joutes dansantes. La première distribution était fabuleuse. Myriam Ould-Braham est d’une sensualité sans pareille. Ses lignes sont d’une rare précision ; ses battements à la seconde sont impressionnants. Le duo Aurélie Dupont Nicolas Le Riche fait ma soirée ! C’est LE moment que je retiens de ces soirées. Le Riche est à son habitude merveilleux mais il a le don de vous surprendre en permanence. On imagine ce qu’il va être sur scène et puis il vous époustoufle encore ! J’aime ce ballet pour ces extravagances, ses décalés sur pointes qui casse le rectangle « épaules-hanches », ses larges attitudes et les regards complices entre les danseurs comme s’il se passait une électricité entre chacun d’entre eux. J’ai retrouvé l’électricité mercredi mais j’ai été moins emballée, le temps m’a paru bien long.

Troisième pièce, troisième ambiance… et quelle ambiance ! Je crois que je n’aime pas ce ballet. Et pourtant, il y a des variations qui me plaisent. J’aime beaucoup le pas de deux entre la sirène et le fils. Le duo des deux compagnons du fils ne me déplait pas non plus surtout dansé par Takeru Coste et François Alu. La musique est formidable. Il y a des passages qui durent, qui durent, qui durent… 20 minutes pour retourner chez son père et pour se faire bercer comme un bébé… c’est long, on gigote sur sa chaise. Voir Jérémie Bélingard presque nu a, certes raccourci, mon ennui, mais tout de même ! Les deux distributions sont bien équilibrées, proposant chacune des personnages différents. Bélingard campe un jeune homme fougueux, rebelle, plutôt positif dans cette envie d’ailleurs, alors que la fuite d’Emmanuel Thibaut apparaît plus comme une nécessité. Quand à nos grandes sirènes, Letestu et Marie-Agnès Gillot, elles sont séduisantes chacune à leur façon. Agnès Letestu est plus fourbe, plus ronde dans ses gestes au début de la rencontre, pour mieux tromper le naïf. Marie-Agnès Gillot est plus agressive, plus envahissante dans l’espace de l’autre, comme une mante-religieuse.

La soirée Balanchine continue à l’Opéra de Paris jusqu’au 18 octobre. Plus d’infos et réservations sur le site de l’Opéra de Paris, clic.

A lire ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Danse Opéra, Palpatine, La loge d’Aymeric.

Le JDD, Balanchine, créateur de stars, clic
Le Huffington Post, clic
Le Financial Time, clic
Alta Musica, clic

Copyright photo : Le petit rat, Laurent Philippe/Fedephoto, Blog à petits pas.

1ère distribution (22/09/2012)

Sérénade
Ludmila Pagliero, Laëtitia Pujol, Eleonora Abbagnato
Hervé Moreau, Pierre Arthur Raveau
Agon
Pas de 2 Aurélie Dupont
Pas de 2 Nicolas Le Riche
1er Pas de 3 Muriel Zusperreguy, Nolwenn Daniel
1er Pas de 3 Mathieu Ganio
2ème Pas de 3 Myriam Ould Braham
2ème Pas de 3 Alessio Carbone, Christophe Duquenne
Fils prodigue (Le)
Le Fils Jérémie Bélingard
La Courtisane Marie-Agnès Gillot

 

2ème distributioN (26/09/2012)

 

Sérénade
Eleonora Abbagnato, Myriam Ould Braham, Mathilde Froustey
Florian Magnenet, Pierre Arthur Raveau
Agon
Pas de 2 Eve Grinsztajn
Pas de 2 Stéphane Bullion
1er Pas de 3 Muriel Zusperreguy, Mélanie Hurel
1er Pas de 3 Karl Paquette
2ème Pas de 3 Nolwenn Daniel
2ème Pas de 3 Christophe Duquenne, Stéphane Phavorin
Fils prodigue (Le)
Le Fils Emmanuel Thibault
La Courtisane Agnès Letestu

 

Séance de travail Robbins/Mats Ek

 

417684_10150870954532796_639422795_12829725_56814013_n.jpg

© Anne Deniau

 

  Quelle belle semaine ! Après déjà deux Bayadères, une nomination, voilà la séance de travail Mats Ek / Jerôme Robbins. Avec les
jours qui ont vraiment allongés, je ne peux que retrouver le sourire. Celui ci s’efface peu à peu devant une flopée de scolaires (14 ans) dans les couloirs de Garnier. On a toujours de
l’appréhension de se voir le spectacle gâché par des rires idiots, des bavardages ou pire. Cela n’a pas manqué. Ce n’était pas horrible, mais suffisamment pour me déranger et qu’un « grrrrrr »
résonne dan ma tête.

 

LPH1194050.jpg

© Laurent Phillipe

 

Après coup, j’ai réfléchi en me mettant à leur place. Façon de parler, car, je ne suis pas à leur place. Mes parents rongeurs sans pour autant m’emmener au théâtre, à l’opéra ou au concert, m’ont
toujours appris à être curieuse. Les études aidant, les merveilleux professeurs que j’ai rencontrés (pensée particulière à Mme Noury ou M. Jambet) ont continué d’éveiller ma curiosité et d’ouvrir
mon oeil à de nouvelles choses. On accepte alors des langages nouveaux, des modes d’expression inédits. On accepte d’être mal à l’aise, d’être dérangé, bousculé. En outre, on apprend les codes de
ces lieux au fur et à mesure, ces lieux qui semblent inaccessibles, voire réservés. Il n’en est rien. Je me suis donc mise à leur place, j’ai essayé de me propulser dans un monde dont je ne
connaîtrais pas les codes. Ces adolescents ont été dérangés par la longueur de la première chorégraphie. Moi aussi d’ailleurs d’une certaine façon. Je pense qu’en fait c’est très violent pour eux
de voir ces corps bouger sans rien y comprendre. Oui parce qu’à cet âge là, on veut mettre du sens sur les choses. Qu’il doit être compliqué de préparer des élèves adolescents à voir un spectacle
comme Dances at the Gathering. C’est une démarche courageuse, et il faut saluer le travail des professeurs et des acteurs du projet Dix mois d’école et d’opéra. Cela s’apprend
d’aller au théâtre, au musée. Le regard s’éduque et ce n’est pas toujours facile. Appartement les a surpris, dans le bon sens. La tête dans le bidet c’est « dégueulasse », mais cela leur
plaît plus que la mousseline rose de la jupette. A moi aussi d’ailleurs. La notion de la valeur monétaire a été aussi abordée par les enfants. « Vas-y y’a des gens qui payent pour voir ça ?!! »
Oui, oui, même cher parfois… car l’art et l’émotion n’ont pas de prix quand on y goûte. Je reste quand même convaincue malgré tout, que c’est une excellente chose que ces ados aient eu accès à
l’Opéra. Si au moins un d’entre eux a été touché, ému, interloqué, alors le professeur a gagné quelque chose, mais surtout l’adolescent. Cela vaut bien quelques bavardages.. !

 

apo0891058.jpg

© Agathe Poupeney

 

  Parlons un peu ballet puisque ce fut tout de même l’objet de la soirée. J’ai trouvé de beaux moments de grâce dans Dances at the Gathering. Les apparitions de
Mathieu Ganio sont toutes un pur régal. Dans ce type de chorégraphie, ses lignes sont particulièrement bien mises en valeur. Sa finesse technique s’épanouit dans la dentelle chorégraphique de
Robbins. Ludmila Pagliero, ce soir en rose, rayonne et le duo formé avec Mélanie Hurel est bien équilibré. Leurs danses s’accordent et elles se répondent avec une joie visible dans leurs
énergies. Il y a tout de même quelques longueurs dans cette pièce. C’est beau, c’est évanescent, la musique est sublime, mais je ne suis pas sûre de tomber sous le charme. Nous verrons en
représentation.

 

Pour Appartement, c’est une autre histoire. Un florilège d’étoiles sur scène. Marie-Agnès Gillot, hypnotisante, Chaillet scotchant, Bélingard puissant, pour ne citer
qu’eux. Le groupe est très uni, il se dégage une force très particulière. On sent que cette oeuvre est un enjeu pour chacun à la fois individuel et collectif. Ils se mettent complètement au
service de l’oeuvre au point qu’on en oublie qu’on est en répétition.

 

Mais ça parle de quoi, cette pièce ? Et bien comme son nom l’indique, cela se passe dans un appartement et les scènes de la vie quotidienne sont revisitées par Mats Ek. Noyer son chagrin dans une
baignoire, se laisser aller à la mélancolie devant la télévision, oublier bébé dans le four pendant une conversation de couple, se désespérer devant une porte qui reste définitivement fermée.
Tous les interprètes sont fabuleux. Le duo Le Riche / Renavand dans la variation de la porte est très émouvant. La pièce est traversée par ces moments mélancoliques puis rebondit dans une
atmosphère plus rock’n roll. La scène des aspirateurs reste un des moments clés. L’écriture chorégraphique est d’une finesse épatante, comme toujours chez Mats Ek. Chaque geste a un sens, et on
pourrait mettre un mot, un sentiment, un cri sur chaque mouvement. Le final est aussi un instant délicieux, car on sent que cette énergie commune qui lie tous les danseurs est exponentielle.

 

Cerise sur le gâteau, Mats Ek monte ensuite sur scène pour faire quelques corrections. Malgré la fatigue, les danseurs remettent ça plusieurs fois. Un régal pour nos yeux !

 

apo0892025.jpg

© Agathe Poupeney

 

  •   Distribution du 9 mars séance de travail

Dances at the Gathering Jerome Robbins

 

Rose Ludmila Pagliero
Mauve Eve Grinsztajn
Jaune Muriel Zusperreguy
Vert Agnès Letestu
Bleu Mélanie Hurel
Marron Mathieu Ganio
Violet Karl Paquette
Vert Benjamin Pech
Brique Alessio Carbone
Bleu Christophe Duquenne

 

  Appartement Mats Ek

 

Marie-Agnès Gillot, Clairemarie Osta, Alice Renavand, Amandine
Albisson
, Christelle Granier, Laure MuretJérémie Bélingard, Vincent Chaillet, Nicolas Le Riche, Audric Bezard, Simon Valastro,
Adrien Couvez


apo0892057.jpg

© Agathe Poupeney

 

 

Partager l’article !
 
Séance de travail Robbins/Mats Ek:
 

© Anne Deniau

 

  Quelle belle semaine ! Après d …

Soirée mythologie grecque à Garnier

P1040768.JPG

 

Samedi soir, je retente l’expérience grecque proposée par l’Opéra. J’ai un sentiment double ; j’y vais à reculons et j’aimerais en même temps être conquise. Pire j’envie tous ces spectateurs qui ont trouvé la soirée bonne et Psyché merveilleux. Il y a du monde ce soir. Mon amie L*** a atterri à l’amphi tandis que Palpatine et Pink Lady font les ninjas au parterre. J’ai par contre raté JMC. Je m’installe à l’orchestre, complètement à jardin. Malgré la conversation via texto de ma voisine qui devait être en train de se réconcilier avec un amant jaloux (elle est d’ailleurs partie à l’entracte sans doute pour le rejoindre…), je suis complètement entrée dans Phèdre. J’ai d’ailleurs préféré cette deuxième distribution. Je trouve Letestu  très belle dans ce rôle. Elle s’impose sur la scène et son regard n’y est pas pour rien. Josua Hoffalt a quant à lui rien n’a envier à Karl Paquette. Avec Mathilde Froustey en Aricie,  ils forment un duo séducteur et complice. Sabrina Mallem est une Oenone inquiète pour sa maîtresse. D’ailleurs je suis convaincue par le choix des duos des distributions, MAG/Renavand et Letestu/Mallem. Letestu est
une Phèdre généreuse qui est douce avec une gestuelle liée et arrondie. Mallem a les mêmes qualités, ce qui fait la force et la complicité de ce duo. J’apprécie encore plus la chorégraphie de Lifar avec ces danseurs. Chaillet fait une entrée triomphante. Quel Thésée ! Son jeu est formidable Il s’amuse de ce rôle tragique. Le costume lui va bien et donne à ses lignes de la longueur et de la puissance. Je suis très émue par sa prestation.

Ce ballet est tout de même un ovni. Quand on pense que ce ballet a été écrit en 1950, on imagine le choc du public. Celui de ce soir était déjà bien coincé, restant hermétique à l’esthétique de cette pièce. Je la trouve très riche pour ma part. La chorégraphie est très complexe et on peut saluer le travail de Claude Bessy qui a permis de remonter ce trésor. Si les costumes peuvent surprendre, moi je les ai finalement trouvé beau. Les matières, les couleurs, rappellent aussi celles qu’on peut parfois apercevoir sur les statues grecques. La Grèce était un monde colorée, et non de marbre blanc, que Lifar a su parfaitement mettre en scène dans ce Phèdre.

P1040765.JPG

Pour Psyché, j’essaye vraiment de me concentrer sur la chorégraphie, sur l’histoire, sur la musique. Là aussi j’ai préféré cette distribution. Est-ce parce que Mathieu Ganio est effectivement synonyme d’Eros? Le rôle lui va super bien, il s’amuse lui aussi dans ce rôle. Avec Dorothée Gilbert, c’est vraiment un très beau partenariat. Leurs mouvements durent, ils essayent, autant que la chorégraphie le leur permet, de dessiner dans l’espace leur romance. Je suis toujours aussi atterrée par les costumes et les décors. Je trouve ça profondément laid, la danse toujours aussi vide de sens. C’est un sophisme chorégraphique. Je crois tout de même que le beau est quelque chose de difficile et que là, je n’ai pas du tout été touchée. L’élégance des deux interprètes, leur grâce malgré tout, et la musique ont sauvé mes 50 dernières minutes à Garnier. Vivement La source !

D.Gilbert_M.Ganio_Psyche.jpg

© Blog à Petit Pas

Phèdre

TRAGÉDIE CHORÉGRAPHIQUE DE JEAN COCTEAU

Georges Auric Musique
Serge Lifar Chorégraphie
Jean Cocteau Rideau, décor et costumes

Psyché

Création

César Franck Musique
Alexei Ratmansky Chorégraphie
Karen Kilimnik Décors
Adeline André Costumes
Madjid Hakimi Lumières
Choeur de Radio France
Denis Comtet Chef de choeur

Voici un petit lien vers une vidéo qui montre des extraits de Phèdre, mais pas sur la musique de Georges Auric.

  • Distribution du 24 septembre 2011 20h00
Phedre Agnès Letestu
Thésée Vincent Chaillet
Oenone Sabrina Mallem
Hippolyte Josua Hoffalt
Aricie Mathilde Froustey

Psyché Dorothée Gilbert
Eros Mathieu Ganio
Vénus Alice Renavand
2 Soeurs Mélanie Hurel, Géraldine Wiart

 

Ouverture de la saison de ballets à Garnier : Phèdre/Psyché, drôle de soirée

P1040665.JPG

 

Je ne vous parle de ma déception de mercredi soir, quand la soirée d’ouverture fut annulée pour raison de grève. Je soutiens le mouvement, car elle va aussi dans le sens de mon agacement contre une certaine politique. A lire sur le sujet, l’article de Rue89, pour comprendre la colère des salariés de l’Opéra contre Tardieu.

Du coup, pas de gala, pas de danse, snif, moi qui avait préparé une jolie robe pour l’occasion. Tant pis je me suis réfugiée sur une soirée lecture/tisane. Je me suis régalée en lisant La planète des sages, livre coécrit par Jul et Charles Pépin.

Il y a quelque chose auquel je tiens tout de même, c’est le défilé de l’Opéra de Paris. C’est ma petite madeleine de Proust, cela a un goût de l’enfance. Jeudi, donc je cours après le boulot pour dégoter une place pour au moins voir le défilé. Incroyable j’obtiens un Pass jeune, pour la modique somme de 15€. Et oui, ça aussi, ça a augmenté ! Et pour certains ballets et opéras il faudra débourser 30€ (Orphée & Eurydice, Roméo & Juliette, entre autres). Bref, dans tout ça, le guichetier n’a pas vu son salaire augmenter… je ne vais pas faire de politique ici, mais tout de même, la direction actuelle mène une politique qui ne me plaît guère.

Le défilé me donne toujours autant de frissons et d’émotions. Hervé Moreau fut de la partie, on peut donc espérer le voir prochainement. Retour d’Aurélie Dupont, bien applaudie. Letestu nous fait sa révérence de joli cygne, Gillot capte l’audience d’un regard perçant et bienveillant, Heymann court tel un enfant pour saluer le public et Le Riche est comme à son habitude ovationné.

P1040667.JPG

La soirée commence bien, quel bonheur ce défilé ! Retrouvailles entre blogueuses et twitteuses, Amélie, Fab, et Elendae sont de la partie. On s’émerveille encore et encore de ce moment, on discute de qui a été applaudi, pour qui on a crié bravo, mon seul regret fut
de ne pas être à côté de Fab, avec qui j’ai de bons souvenirs d’applaudissements.

La soirée continue avec Phèdre de Serge Lifar, que Claude Bessy a remonté. Le rideau s’ouvre apparaît un tableau de présentation, dessiné par Jean Cocteau.

Phedre

Le rideau se lèvre et on trouve une scène avec pour seul décor un théâtre grec sous lequel est écrit le nom de son héroïne ΦΑΙΔΡΑ. Sur scène, Phèdre dans une majestueuse robe noire, avec une cape rouge, la couronne sur la tête donnant tout de suite le statut de cette femme. Dans cette version, la pièce n’est pas découpée en actes, mais c’est une succession de scénettes qui nous racontent l’histoire. L’histoire parlons-en, j’ai une grande capacité à mixer la mythologie dans ma tête et du coup à en oublier les histoires.. J’ai trouvé deux superbes livres qui racontent toutes les légendes, d’une très belle façon :  Le feuilleton d’Hermès et Le Feuilleton de Thésée . Ils raviront petits et grands. Alors pour la faire courte, cela se passe à Trèzène, ville du roi Thésée, qui est parti à la guerre. Phèdre est seule au royaume, avec sa servante et confidente Oenone. Elle lui déclare qu’elle brûle d’amour pour Hyppolite, son beau fils. Hyppolite, quant à lui, est avec ses compagnons et veut fuir la ville car il est amoureux d’Aricie, une ennemie du royaume. On annonce que Thésée est mort, Phèdre déclare donc son amour à Hyppolite. Elle regrette et tente de se tuer avec le poignard d’Hyppolite, mais Oenone l’en empêche. Thésée rentre à Trézène, apprend qu’Hyppolite est amoureux d’Aricie. Phèdre l’accuse de l’avoir séduite. Thésée demande conseil à Neptune et bannit Hyppolite. Il meurt dans la mer. Phèdre se sent coupable de son amour, décide d’avouer, boit le poison et meurt. Son père et sa mère viennent pour l’enterrer.

P1040669.JPG

Dès le début, on est plongé dans l’univers de Cocteau. Les tableaux sont des dessins du maître en mouvements. Les couleurs sont vives, les perruques blondes des personnages nous transportent vers un pays lointain. On dirait des petits personnages de dessins animés. La marque graphique de Cocteau est vraiment très présente. Marie-Agnès Gillot interprète une Phèdre majestueuse. L’association avec Alice Renavand, fonctionne très bien, deux femmes fortes, chacune à sa place. Gillot est une Phèdre qui semble en colère au début du ballet. Elle est perdue, ne sait que faire, et s’en remet beaucoup à Oenone. Les regards et les gestes sont francs, avec une puissance entre les personnages. Hyppolite sous les traits de Karl Paquette apparaît. Son costume de super héros
m’amuse. C’est un homme fier, qui croit en son destin, qui croit le maîtriser. Karl Paquette est très bien dans ce rôle, on sent le guerrier qui sommeille en lui. Aricie, son amoureuse, est dansée par Myriam Ould Braham, qui dans son costume de manga japonais, est un petit bonbon sucré. Même si parfois elle semble mal à l’aise avec sa perruque, elle est une Aricie délicate et charmante. Elle ne manque pas d’atouts pour séduire Hyppolite, de belles lignes, une danse légère. Le partenariat avec Paquette fonctionne très bien. Cela semble assez naturel.

P1040676.JPG

Quand Thésée rentre, on reconnaît à peine Nicolas Le Riche. A partir de ce moment là je décroche un peu. Si, si je décroche même avec Le Riche qui danse ! La musique sans doute un peu trop rythmique, pleine de staccato, à en fait tendance à me bercer légèrement. Je ne suis pas convaincue par Le Riche en Thésée. Sa danse est comme à son habitude impeccable, mais peut être trop douce, trop légère, alors qu’à mon sens, il se doit d’être plus dans le sol, plus puissant, puiqu’il faut tenir tête à Phèdre. Là ce soir, je le trouve un peu effacé, pas dans le rôle. Au retour de Thésée, Phèdre est tourmentée, ce que l’on peut voir avec les mouvements circulaires. Oenone essaye de l’aider, de la rassurer, avec une danse bien plus tranchantes, des lignes droites, des pauses dans le mouvement. Il y en a d’ailleurs beaucoup dans tout le ballet. Les danseurs exécutent souvent un même geste à la même place, ou bien se fige dans une posture qui rappelle la course, ou la mort. C’est le cas d’Hyppolite qu’on voit mort sous ses chevaux. La culpabilité de Phèdre découle sur la prise du poison qui la tue. La scène est assez classique, un peu de pas vifs, puis, un ralentissement, sur violons tremblotants, mais c’est efficace. Gillot est une excellente tragédienne, la mise en scène marche bien.

Dans l’ensemble j’ai été interpellée par cette oeuvre. Bien qu’elle soit datée, qu’elle ait un style parfois vieillot, il y a de beaux éléments chorégraphiques, et une belle narration. Est-ce parce que c’est Cocteau qui a signé l’argument, mais j’ai beaucoup pensé à Roland Petit en voyant cette pièce. Lifar a bien entendu sa pâte, qui est forte. C’est un ballet puissant, qui ne laisse pas indifférent. J’attends avec impatience de le revoir, car je crois qu’il y a beaucoup de détails à voir dans cette pièce.

P1040681.JPG

Ma soirée fut un véritable decrescendo. SI Phèdre m’a plu, Psyché m’a horripilée. Je pèse mes mots. Pendant l’entracte, un grand tableau fait office de rideau. Première
impression, je me dis que ce n’est pas très beau. Bon ce n’est qu’un rideau après tout. Le début est plutôt prometteur, une obscurité bleue dans laquelle on distingue 12 danseurs. Ils se mettent en mouvement, avec un mouvement de bras qui grandit au fur et à mesure. J’aime beaucoup l’énergie de ce début, qui est en osmose avec la musique. Il y a une certaine douceur dans les déplacements des danseurs, qui ne manque pas de nuances et d’accents.

Psyché apparait sous un voile noir. Dessous, on devine sa robe de mousseline blanche. C’est assez délicat, elle est transportée et posée au centre de la scène. Ah oui, j’oubliais, la petite piqure de rappel de l’histoire. Psyché ne trouve pas l’amour malgré sa très grande beauté (et quelle beauté ce soir, Aurélie Dupont est radieuse). Vénus, jalouse de sa beauté, ordonne à Eros de lui tirer une flèche afin qu’elle aime le plus laid des hommes, mais Eros est touché par sa propre flèche et tombe amoureux de Psyché. Elle est emmenée dans un palais merveilleux par le dieu Zéphyr. La nuit Eros lui rend visite, mais lui interdit de chercher à découvrir son identité. Les deux soeurs ne l’entendent pas de cette façon, et persuadent Psyché que son amant nocturne est un monstre qui la dévorera. Ainsi elle attend la nuit suivante qu’Eros s’endorme pour le voir avec une bougie. La cire tombe sur l’épaule du dieu qui se réveille furieux de découvrir la trahison de Psyché. Elle est chassée du palais, et se retrouve dans une forêt très angoissante. Mais Eros l’aime toujours et supplie Vénus de calmer sa colère, et de le laisser épouser Psyché. Tout est bien qui finit bien, Eros et Psyché se marient pour le meilleur (oui au royaume des dieux, c’est que pour le meilleur).

P1040682.JPG

A partir du moment où la jeune femme arrive dans ce palais merveilleux, le ballet fut un calvaire pour moi. J’ai eu beau regarder Aurélie Dupont, dont le retour sur scène me ravit, rien n’y a fait, je trépignais de rage sur mon fauteuil. D’abord j’ai trouvé les décors très laids et de mauvais goût. C’était très ringard ces grandes toiles de couleur. En plus l’évidence des fils qui font descendre les morceaux de cartons, non merci. Ensuite, les costumes… à part Psyché qui a une tunique assez jolie, le reste au secours. Au Palais merveilleux, les hommes sont des animaux et les filles des fleurs, et là on frôle tout de même le grotesque. Je ne vous parle pas des pauvres zéphirs qui se trimballent un rideau de douche bleue coupé en lambeaux.. Quand ils ne sont pas en animaux/fleurs ou autres créatures, le beige des justaucorps est affreux. Si Ratmansky cherchait un semblant de nudité pourquoi ne pas faire un académique complet et éviter ce string ventral sur
ces charmants danseurs ? Le pauvre Bullion hérite lui aussi du vilain justaucorps, mais réhaussé d’écailles…

Côté chorégraphie, ce n’est pas mieux, je m’ennuie à mourir. Je trouve ça très gnan-gnan, assez dégoulinant et dans l’ensemble, vide d’un point de vue de la danse. Est-ce bien la peine d’utiliser le langage classique si c’est pour en faire cela? Il manque un peu de saveurs à cette pièce. Les variations qui se succèdent passent et se ressemblent. Dupont est merveilleuse, mais encore faudrait il lui mettre des pas dans les jambes. Bullion en Eros semble moins à l’aise. La première chorégraphie a au moins le mérite de mettre un large sourire sur le visage de Stéphane Bullion, ce qui nous change des rôles plus noirs dans lesquels on le colle. Tout me glisse dessus, je ne suis pas du tout réceptive à cette danse, heureusement à Garnier je ne m’ennuie jamais. La musique de César Franck est superbe et le choeur de Radio France sauve ma soirée.

Je décroche complètement quand Psyché arrive dans la forêt. Voilà nos garçons qui reviennent sous la forme d’animaux des sous bois… Vite la dernière scène, avec Vénus, dansée par Amandine Albisson qui est parfaite et que tout cela finisse… La fin me plonge dans un état d’énervement. Je suis atterrée, un peu comme sonnée devant ce ballet… La salle quant à elle semble apprécier, puisque les bravos pleuvent. Je ne me sens même pas le courage d’applaudir. Je rentre chez moi dépitée, heureusement je retrouve une aropienne qui partage mes impressions, ce qui me rassure un peu. Je retourne voir la soirée samedi, avec une distribution différente, j’espère que ça se passera mieux !

P1040688.JPG

PHEDRE

TRAGÉDIE CHORÉGRAPHIQUE DE JEAN COCTEAU

Georges Auric Musique
Serge Lifar Chorégraphie
Jean Cocteau Rideau, décor et costumes

Distribution du 22 septembre

Phedre Marie-Agnes Gillot
Thésée Nicolas Le Riche
Oenone Alice Renavand
Hippolyte Karl Paquette
Aricie Myriam Ould Braham

PSYCHÉ

Création

César Franck Musique
Alexei Ratmansky Chorégraphie
Karen Kilimnik Décors
Adeline André Costumes
Madjid Hakimi Lumières
Choeur de Radio France
Denis Comtet Chef de choeur

 

Distribution du 22 septembre

Psyché Aurélie Dupont
Eros Stéphane Bullion
Vénus Amandine Albisson
2 Soeurs Mélanie Hurel, Géraldine Wiart

 

  • Bonus vidéo : le défilé du 22/09