Josua Hoffalt

Rencontre avec Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

La semaine dernière, l’AROP proposait à ses membres une rencontre avec Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt, jeunes étoiles nommées l’an passé. Récit de ce portrait en questions de ces deux jeunes danseurs.

Brigitte Lefèvre : Nous fêtons nos 300 ans. Le 11 janvier 1713, Louis XIV fondait l’académie nationale de danse. Et voilà nos deux nouvelles étoiles. J’ai une admiration pour quelque chose qui se fait à la Comédie Française, ils numérotent les sociétaires. J’aurais bien aimé savoir les combientièmes étoiles sont Ludmila et Josua. A l’Opéra, chacun sait qui je dois nommer, qui je n’aurais pas du, etc… J’ai été intéressée par l’artiste singulier qu’est Josua Hoffalt. Il a une personnalité très affirmée. Sa nomination était très attendue. Ce qui est évident c’est que Josua est porteur d’une nouvelle génération. Laurent Hilaire qui le préparait sur la Bayadère était heureux de voir l’enthousiasme que ça provoque.
J’ai une énorme admiration pour Ludmila. D’abord parce qu’elle vient de l’extérieur. Elle a un courage absolu. Elle a fait le choix de l’Opéra de Paris, en restant elle-même. J’ai trouvé formidable qu’elle danse Bayadère au pied levé.
Pourquoi avez-vous fait de la danse  ? Quel est votre parcours ?

Josua Hoffalt  : C’était un peu le hasard. Je faisais du tennis, de la gymnastique, du piano. Et puis je suis allé voir le gala de fin d’année d’une copine. J’ai trouvé ça nul. A la rentrée suivante, c’est ma grand-mère qui m’a inscrit au cours de danse avec mes cousines, avec qui je m’entendais super bien et du coup, ça ne me dérangeait pas si c’était pour passer du temps avec elle. J’avais 8 ans. On me rabâche (très humblement) que j’ai du talent. Je suis le seul garçon. Les cours ne sont pas hyper drôles. Cela ne me plaît pas forcément.
Puis, j’ai commencé à regarder des vidéos de Baryshnikov. En le voyant, je me suis dit que ça pouvait être sympa. Du coup, j’ai tenté l’école de l’Opéra. Cela se passe plutôt bien. Je ne suis plus le seul garçon. Mes camarades sont Vincent Chaillet, Alexandre Labrot, Emilie Hasboun, Laura Hecquet et Mathilde Froustey. Je suis resté 4 ans à l’école sans redoubler. Mon entrée dans le corps de ballet a été rapide. L’accès aux rôles est très motivant. Mes blessures m’ont servi. J’ai pris du recul, j’ai regardé les autres. C’est très instructif. Quand je suis devenu premier danseur, j’ai véritablement changé de métier. J’ai du répartir mes efforts différemment. Ma nomination est arrivée au meilleur moment.

Ludmila par Sébastien Mathé

Ludmila Pagliero : Au début, quand j’ai commencé la danse, j’étais déçue. La prof avait un bâton pour nos jambes, il n’y avait pas de piano. Je disais à ma mère que j’avais « besoin de m’exprimer avec mon corps » mais ce cours ne me plaisait pas. J’ai fait du jazz et là ça a été le bonheur. La prof est allée voir ma mère et lui a dit qu’il fallait que je fasse du classique. J’ai donc repris et après 3 mois, j’ai intégré l’école de danse du théâtre Colon. J’y suis restée 8 ans. Au début c’était dur, il y avait ds examens et moi je n’avais pas les bases. Je me faisais engueuler. Puis les félicitations ont commencé à venir, assez rapidement en fait. Le ballet de Santiago m’ a proposé un contrat à 15 ans et demi. C’était un peu la panique chez moi. J’étais triste de quitter ma famille, si jeune, mais tellement heureuse d’être sur scène. J’y suis restée trois ans, ils m’ont nommée soliste, ce qui était une façon de tester mes capacités. C’est un petit ballet, on danse toujours la même chose, il n’y avait pas de chorégraphe, pas de danse contemporaine. Du coup, je décide de partir à New-York, dans le but qu’un directeur me voit. J’ai passé un concours j’ai gagné le grand prix et l’American Ballet Theater m’a proposé un contrat d’un an. Dans le même temps, un ami m’a dit d’essayer l’Opéra de Paris. J’y suis allée, sans pression, parce que personne ne me connaissait. Je rentre chez moi. Et là dans la nuit, le téléphone sonne, l’Opéra me propose un contrat de trois mois. Il fallait que je décide tout de suite. J’ai choisi Paris. On dansait Ivan Le Terrible. Je me suis demandée si j’allais être renouvelée, on m’a dit oui pour la saison. J’ai travaillé beaucoup, beaucoup plus. J’ai observé beaucoup, j’ai été très humble. Je n’ai jamais senti que je perdais mon temps ici. C’est une maison où on ne s’ennuie jamais.

Question du public : Avez-vous suivi des études ? Quand fait-on le choix d’être danseur, plutôt que de faire des études ?

Brigitte Lefèvre : je vous rappelle que les élèves de l’école de danse suivent un cursus scolaire et que la plupart ont le bac.

Josua Hoffalt : J’ai le bac. Pour ma part, j’ai décidé de devenir danseur quand j’ai vu un documentaire sur Nicolas Le Riche. Je me suis identifié à ce mode de vie.

Ludmila Pagliero : En Argentine, c’est compliqué. Il n’y a pas ce que vous avez en France. J’allais à l’école l’après-midi, mais c’était tout séparé. J’ai du prendre la décision de faire l’école par correspondance. Ma mère était très angoissée pour cela. Je ne voulais pas arrêter mes études même si la danse c’était ma priorité.

Question du public : On parle beaucoup du tricentenaire de l’école de danse. Comment vivez -vous cet héritage ? Et comment vivez-vous l’héritage de Noureev ?

Ludmila Pagliero : Rudolf Noureev a laissé quelque chose de très grand pour le monde entier, pas seulement à Paris.

Josua Hoffalt : L’opéra ne se réduit pas à Rudolf Noureev. J’ai envie pour ma part, d’avoir notre époque, avec nos chorégraphes, nos créateurs.

Brigitte Lefèvre : C’est important d’équilibrer les propose. Je ne veux pas qu’on  enferme la génération actuelle dans ce qu’il y a pu avoir avant. Il faut garder de Rudolf la passion qu’il avait de la danse. C’est un héritage qu’il ne faut pas vivre comme un poids mais comme un élan et un choix. Ce n’est pas une obligation.

Ludmila Pagliero : Nous sommes des danseurs classiques et contemporains, dans notre corps et notre tête.

Josua Par Agathe Poupeney

Question du public : Quel conseil donneriez-vous à un jeune enfant qui voudrait faire de la danse ? Comment savoir si c’est une vocation ?

Josua Hoffalt : C’est sûr qu’il faut le physique, mais le mental est très important aussi. A 8 ans on est jeune, je ne sais pas si on peut déjà parler de vocation. Il faut s’armer, car c’est un métier très injuste.

Ludmila Pagliero : J’ai rencontré des petites filles parfois très déterminées. Il faut savoir que l’adolescence est un moment compliqué. Il faut avoir besoin de le vouloir. Il faut beaucoup de force pour ne pas souffrir.

Question du public : Ludmila, est-ce que cela fut difficile de se faire une place ? Vous sentez vous « attachée » à la maison ? Avez-vous l’intention de partir ?

Ludmila Pagliero : Cela a été difficile, mais pas simplement à l’Opéra. Je trouvais Paris difficile à vivre. J’ai eu des gros coup de blues. Je venais pour apprendre, ma place s’est faite petit à petit. Partie ? Si il n’y a pus rien à apprendre je partirais… mais aujourd’hui j’apprends et je ne m’ennuie pas à l’Opéra.

Brigitte Lefèvre : Un artiste est par définition libre.

Question du public : Avez-vous conscience d’être d’une génération différente ?

Josua Hoffalt : Oui bien sûr. Mais cela va vite, il y a déjà des plus jeunes, d’autres qui sont prêt plus tôt. C’est court en fait une génération.

Ludmila Pagliero : Il y a la responsabilité qui grandit avec le départ des générations précédentes. Mais on commence déjà à donner, à transmettre. On est en mouvement constant.

L’histoire de Manon Dupont/Hoffalt/Bélingard/Zusperreguy

apo0903017.jpg

© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Deuxième soir de représentation, je fais la queue pour les pass jeunes avec La souris et Palpatine. La chance nous sourit donc, puisque nous obtenons trois pass jeunes, les vacances scolaires ont du bon.

Direction donc le premier rang du balcon pour revoir cette distribution que j’avais eu la chance de voir en répétition. Dans l’ensemble, je trouve que le ballet a de vraies longueurs et si il y a certains passages qui me plongent dans un émoi particulier, d’autres m’ennuient beaucoup.

J’ai trouvé cette distribution très équilibrée. Aurélie Dupont est une Manon séduisante et séductrice qui a conscience de son pouvoir sur les hommes. C’est pleine d’assurance qu’elle se jette dans les bras de Des Grieux. Technique bluffante, on sent une bonne complicité entre les deux partenaires et surtout beaucoup de plaisir à danser ce ballet, à se découvrir dans ces rôles tragiques que dans Bayadère. Dupont vit cette histoire avec une joie lisible sur son visage et qui transparaît dans sa danse. Le pas de deux du premier acte est très fluide. Quant à Josua Hoffalt, il est ce jeune homme fougueux, innocent et naïf que l’amour va mener à faire les pires choses. Sa danse fluide va se rigidifier à mesure qu’il connaît et qu’il aime Manon. Le jeu, la tricherie, le meurtre vont transformer ce personnage. Comment un amour si pur, si innocent, peut mener à tant de vices ? La femme semble clairement montrée du doigt, à travers le personnage de Manon, et les prostituées de façon plus générale.

apo0903042.jpg

© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Jérémie Bélingard est hilarant dans le rôle de Lescaut. Il joue l’ivresse à fond, en prenant les déséquilibres avec brio, et défiant les lois de la gravité. J’aime son ébriété festive et le duo avec Muriel Zusperreguy fonctionne bien. Elle joue une maîtresse bienveillance, tout en restant rayonnante et séductrice. Hormis ce pas de deux et la variation de Manon, le reste m’a beaucoup ennuyée. Je trouve qu’il se passe trop de choses sur scène, j’ai envie de tout voir et forcément je n’y arrive pas. Sur France Musique, Clairemarie Osta disait à juste titre qu’il se passait mille histoires sur scène, que chaque personnage avait sa propre histoire. Il est vrai qu’on peut se laisser emmener dans le fond du tableau et regarder le jeu de séduction entre tel et tel personnage mais parfois, j’ai du mal à trouver la visibilité. D’autre part, je n’accroche pas du tout avec la scénographie, ni avec les costumes. De l’ocre, encore de l’ocre, oups du jaune. Si la finition des costumes est impressionnante, comme toujours à l’Opéra de Paris, on est loin de La Dame aux camélias. Au concours, les sujets dansaient la variation de Manon avec une robe de velours noire, très sensuelle, le velours bougeant à chaque mouvement de jambe avec délicatesse. Là, je trouve que la robe de Manon fait un peu kitch, voire cheap. Le décor fait de chute de tissus ocres et abîmés rappellent évidemment la condition dont Manon a le plus peur. La peur, la honte, devenir pauvre en une nuit, comme elle devient riche en quelques minutes avec un manteau et un collier, tout cela hante Manon, et le décor reflète cela, il n’empêche que je trouve ça très laid. Je ne parle même pas de l’acte trois où les lianes avec le plein feu vert, plus la fumée… si allez, j’en parle. Alors voilà, nous avons notre Manon qui dépérit au sol, dans les bras de Des Grieux et tous ses souvenirs apparaissent derrière elle. La frivolité, son frère coureur de jupons, le jeu, le meurtre, puis arrive le pas de deux final, qui est une chorégraphie merveilleuse et qui m’émeut énormément. Mais franchement, ces lumières vertes…Je trouve que cela manque de raffinement, puisqu’après tout c’est le peu de choses qui reste à la jeune Manon.

apo0903030.jpg

© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Pour revenir à la misogynie, elle est présente tout au long du ballet. Aurélien Houette interprète un Monsieur de G.M. violent, conscient de sa puissance, de son argent. Il considère Manon presque comme une bête de foire, qu’on montre, qu’on utilise sexuellement, qu’on attache avec de l’hermine, des rivières de diamants, des bracelets clinquants. Monsieur de G.M. ne se laisse pas duper par les manigances de Lescaut ou de Manon. Il impose son pouvoir sur Manon, tout comme son frère d’une certaine façon, ainsi que le geôlier. Tout ceci est assez bien chorégraphié et rend le propos sur les femmes abject. Si l’amour pur donnent des pas de deux d’une beauté éblouissante entre Manon et Des Grieux, la soumission de Manon aux hommes, portée d’homme en homme, donne à voir un spectacle qui met mal à l’aise, qui dérange. Est-ce la volonté du chorégraphe ? Je n’en suis pas si sûre…

Une belle soirée, avec des longueurs donc, mais avec un beau travail d’interprétation. Prochaine distribution Ciaravola/Ganio !

P1050411

L’histoire de Manon sur le site de l’Opéra de Paris

  • Distribution du 23 avril 2012, 19h30
Manon Aurélie Dupont
DesGrieux Josua Hoffalt
Lescaut Jérémie Bélingard
La Maîtresse de Lescaut Muriel Zusperreguy
Monsieur de G. M. Aurélien Houette
Madame Viviane Descoutures

Nouvelles du 26 mars

201103-024

© Sébastien Mathé

Pas de petit Rat ces deux dernières semaines, pour des raisons personnelles. L’actualité en danse fut riche et je sais qu’il y a plein de choses que j’ai manquées.

Je n’ai pas tout manqué et j’ai tout de même vu plein de beaux spectacles que je vais m’empresser de vous raconter.Sylvie Guillem au Théâtre des Champs-Elysées, la soirée Robbins/Mats Ek, une rencontre avec Laurent Hilaire, une Bayadère avec nomination à la clef. Bref, encore du retard !

Je suis aussi allée voir jouer Emmanuelle Béart dans Se trouver au Théâtre de la Colline. Si la comédienne est excellente, d’une sensualité à faire pâlir plus d’un, la
mise en scène de Nordey dessert fortement le texte de Pirandello. La déclamation du texte met à mal plusieurs comédiens et tout cela n’est pas bien mis en valeur. Dans un décor qui ressemble à un vêtement trop grand, on se perd et on ne se retrouve pas. La réflexion sur le statut de l’artiste est pourtant passionnante. Qu’est qu’une comédienne? Est-ce sur scène qu’elle est elle même, est-elle femme ? Ou bien faut il oublier la scène et tomber dans l’amour passionnel, loin du monde, pour se découvrir… ou bien se perdre..

Cette semaine est chargée, je vais ce soir à la présentation de la saison junior de l’Arop (au grand hôtel, attention on nous sort le grand jeu !), voir Roméo et Juliette de Malandain à St Quentin en Yvelines mardi soir, voir une conférence dansée au CND jeudi soir autour de Trisha Brown, Nicolas Paul et Thomas Lebrun. Semaine chargée donc !

 

  • Les sorties de la semaine

Évidemment je n’ai pas eu le temps de vous en parler mais il vous reste une semaine pour aller voir la soirée Robbins Mats Ek à Garnier. Deux chorégraphes très différents,
pour une soirée éclectique. Le premier ballet Dances at the gathering est un ensemble de danses très fluides, et aériennes, sur la musique de Chopin. Le deuxième plus
rock’nroll présente les habitants d’un Appartement, qui évoluent avec des objets du quotidien, sur lesquels ils projettent leurs peurs, leurs angoisses, leurs personnalités. Dans une chorégraphie très riche, Mats Ek propose une pièce  formidable, un petit bijou qui regorge de détails qu’on découvre un peu plus à mesure qu’on la voit. Les distributions sont formidables, avec une belle série d’étoiles et premiers danseurs. Les danseurs sont très investis dans cette soirée et on y passe un beau moment.

Pour réserver et voir les distributions suivez le lien.

A lire dans la presse :  Le Huffington Post Des anciens très modernes

Le JDD Mats Ek sur deux scènes à la fois

Le Figaro Mats Ek et l’inspiration de l’aspirateur

Culturebox Mats Ek et Robbins entremêlent leur vision du couple

Paris Match Le Ek plus ultra

 563435_10150680418876738_774591737_9183917_154413587_n.jpg

***

Côté théâtre je vous conseille d’aller faire un tour au Théâtre du Rond Point voir la pièce musicale,  Belles soeurs. Cette pièce de Michel Tremblay raconte l’histoire
d’une femme qui a gagné des bons pour commander des objets dans des catalogues par correspondance. Elle fait appel à toutes les voisines, belles-soeurs et autres amies du voisinage. Ça chante, c’est drôle, c’est plein d’humanité et c’est jusqu’au 7 avril.

Pour réserver c’est par là.

A lire :  Les belles soeurs débarquent au Rond Point sur Culturebox.

p110864_8.jpg

***

Et bien sur à voir et à revoir La Bayadère, toujours à Bastille dont les distributions ont quelque peu changé. Dorothée Gilbert s’est blessée, Mathilde Froustey aussi, du coup
Ludmila Pagliero, notre nouvelle étoile assure bon nombre de représentations et ne sera plus dans la soirée Robbins/Ek. Marie Agnès Gillot assure toutes les soirées Robbins/Ek et ne dansera pas Gamzatti aux côté de Zakharova. Elle sera remplacée par Emilie Cozette.

Pour plus d’infos et réserver, suivez le lien.

  • En vrac

Ce soir a donc lieu la présentation de la saison 2012-2013 pour les juniors AROP, ce sera l’occasion de faire un petit article pour vous expliquer comment cette association fonctionne, comment y adhérer, comment s’abonner, etc.

***

Les représentations du spectacle de Sébastien Ramirez et la chorégraphe Hyun-Jung Wang sont annulées car la chorégraphe et danseuse est blessée. Il faut s’adresser au Théâtre de la Ville pour se faire rembourser. Dommage les extraits donnaient vie de
voir ce spectacle.

***

Pour réécouter Marie Agnès Gillot qui était l’invitée de RTL dans le journal inattendu c’est par ici.

***

Le New-York Times a lui aussi vu la nomination de Ludmila Pagliero.

***

Portrait de Nicolas Le Riche dans Le Parisien : Danseur étoile, c’est du sport.

***

  • La vidéo de la semaine

 

Aurélie Dupont et Josua Hoffalt dans le premier pas de deux de La Bayadère.

 

 

La Bayadère au cinéma

apo0888031.jpg

© Agathe Poupeney

Je n’avais jamais pensé aller voir un ballet de l’Opéra de Paris au cinéma, Garnier étant à 5 minutes de chez moi. Il se trouve que j’ai eu deux invitations par Pathé Live suite à un concours. J’avais déjà vu des retransmissions du Bolchoï en direct, qui sont d’une grande qualité.

Je rejoins la salle Marignan sur les Champs Elysées, accompagnée de mon professeur de danse. On commence par être stupéfaite par la moyenne d’âge. On frôle les octogénaires. Je pensais que le cinéma aurait l’avantage de démocratiser l’Opéra, mais non. En fait, c’est un public qui n’a sans doute pas eu de places en première catégorie et qui réserve pour le cinéma. La salle est pleine à craquer. Je ne sais pas si le tarif est attractif. C’est 27€, peut être trop cher pour une famille, et tout de même ce n’est pas la même chose qu’être dans la salle.

Le cinéma a l’avantage d’être au plus près de la scène, voire même sur scène. Le désavantage c’est que l’écran est un rempart à l’émotion. On n’applaudit pas au cinéma (même quand on est très tenté !). On écoute la salle acclamer les danseurs. L’autre inconvénient c’est que la caméra fait des choix, et des fois, on aimerait être une petite voix qui lui dirait « Fais un plan large, il se passe quelque chose à cour ! ». On voit par contre mieux les expressions des danseurs et les jeux du visage. Je ne sais pas si les danseurs ont plus de pression du fait d’être vu par des milliers de spectateurs en Europe, mais être filmés de si près laisse peu de droit à l’erreur. On voit aussi plein de choses que l’ont ne peut pas voir, parce que , scoop, on a que deux yeux.

apo0888038.jpg

© Agathe Poupeney

Entre les mains, la distribution n’est pas la bonne. En effet, la belle Dorothée Gilbert s’est blessée, elle devait être remplacée par Mathilde Froustey, qui elle aussi se fait mal. Ludmila
Pagliero qui avait dansé le rôle en 2010, mais pas distribuée dans cette série, est appelée pour danser Gamzatti. Une répétition plus tard, elle abandonne Garnier pour se retrouver à Bastille, elle passe du contemporain au classique avec une certaine aisance. Si Brigitte Lefèvre a donc choisi de la nommer, ce n’est pas un hasard. En tous les cas, c’était la petite surprise de la fin de la soirée. Deux nominations sur une série, c’est un beau cadeau qu’ a fait Brigitte Lefèvre. J’apprends après, que la décision s’est faite une heure avant la fin du spectacle.

Ce fut une belle représentation. J’ai regardé des choses que je ne peux pas voir d’ordinaire. Aurélie Dupont est un diesel incroyable ! Au premier acte j’ai trouvé qu’elle ne dévoilait pas toute sa danse, mais alors au troisième, et de si près ! Diagonale de déboulés époustouflante, bas de jambes superbes. Le pas de deux de IIIème acte était vraiment très beau et plein de sensibilité. Mon professeur de danse, qui a le même âge me disait que c’était souvent comme cela, mais qu’on vit des choses plus fortes, qu’on fait les choses différemment et que finalement on y prend peut être plus de plaisir.

Josua Hoffalt est un Solor toujours aussi élégant. Son titre d’étoile désormais au dessus de sa tête, il m’a semblé plus détendu et a pu montrer son personnage  à travers une danse aérienne et techniquement impeccable. Les sauts dans la coda du troisième acte, notamment les sysones battues. J’aime beaucoup cette coda d’ailleurs je trouve vraiment, que l’explosion finale est belle. Les ombres qui piétinent ensemble, les pirouettes attitudes des trois ombres, les deux diagonales de Solor et Nikiya avec cette poigne, c’est vraiment bien réglé et ça vous emporte. Et en même temps, ça reste irréel, on reste dans une atmosphère surnaturelle. Au cinéma, avec les effets de caméra, cela accentuait ce côté là.

Mention spéciale au sourire de Charline Giezendanner. En danse Manou et en ombre, elle a brillé ce soir par une danse délicate et une énergie débordante. J’ai adoré ses deux variations.

En somme, le cinéma c’est sympa, mais cela ne remplacera jamais la salle, dans laquelle je serai toujours frustrée de ne pas être dans la salle pour vivre l’instant qu’est un spectacle vivant.

LPH0656067.jpg

© Laurent Philippe

  • Distribution du 22 mars 19h30
Nikiya Aurélie Dupont
Solor Josua Hoffalt
Gamzatti Ludmila Pagliero
L’ Idole dorée Florimond Lorieux
L’ Esclave Alexis Renaud
Manou Charline Giezendanner
Le Fakir Allister Madin
Le Rajah Stéphane Phavorin
Le Grand Brahmane Yann Saïz
Soliste Indienne Sabrina Mallem
Soliste Indien Julien Meyzindi
1ère Variation Héloïse Bourdon
2è Variation Charline Giezendanner
3è Variation Aurélia Bellet

 

 

 

La Bayadère première !

 

P1050280.JPG

Mardi soir, je suis allée voir la répétition générale. Les générales, c’est toujours bien, surtout quand on n’a pas de places par la suite. Il manque souvent l’émotion
malheureusement. Les clics des photographes, la pression dans la salle, les derniers réglages techniques. Malgré ce que on peut en dire, il y a des générales qui sont bien des répétitions. Mardi soir, l’ambiance était tendue, Josua Hoffalt a raté son manège au troisième acte, Aurélie Dupont semblait retrouver une fragilité dans les arabesques comme il y a deux ans, dans cette même Bayadère. Emmanuel Thibault s’est réservé en marquant presque la variation de l’idole dorée. Les petits rats, eux aussi, très nerveux et sans aucun doute impressionnés, avaient les pattes tremblantes. Seuls Dorothée Gilbert, Mathilde Froustey et Allister Madin m’ont semblé à l’aise dans leurs chaussons, ils étaient aussi dans des rôles bien maîtrisés. La générale m’a permis d’entrevoir ce que pouvait être cette Bayadère.

De retour à Bastille le lendemain, avec une certaine excitation. Oui, on savait, c’était ce soir que Josua Hoffalt allait être nommé. Après Roméo et Juliette, Cendrillon, un beau Lenski dans Onéguine, voilà peut être le plus beau rôle dans lequel un danseur peut être nommé étoile à l’Opéra de Paris. La salle était pleine à craquer et les balletomanes présents plus excités à l’idée de ce moment. Moi même comme une petite fille, je dois convaincre Y*** de rester au troisième acte. JMC part enquêter auprès des ouvreurs qui
confirment la rumeur.

P1050286.JPG

Josua Hoffalt entre dans cette histoire en campant un Solor très juste. Il n’en fait pas trop, il met juste sa danse au service du rôle. Les trois grands jetés de l’entrée montre
tout de suite la force avec laquelle il s’impose. Il vole, les pieds effleurent le sol. La pantomime est très lisible et le partenariat avec Aurélie Dupont fonctionne bien. Elle n’hésite pas à se jeter dans ses bras dans le premier pas de deux. Allister Madin est un fakir bien soumis et docile à ses différents maîtres. La danse des fakirs me semble encore un peu brouillon, les jambes s’emmêlent un peu. J’apprécie Aurélie Dupont qui sait passer de la froideur avec un prêtre entreprenant, à une certaine chaleur dans le regard quand elle retrouve Solor. L’ondulation du bras quand elle entre dans le temple me fait frémir à chaque fois.

Dans la deuxième scène, on voit apparaître Gamzatti, fille du Rajah. Ce dernier est joué par un Stéphane Phavorin, très convaincant. Dorothée Gilbert rayonne, elle illumine la
scène de son sourire. Combat d’étoiles quand elle découvre que Nikiya est l’amour caché de Solor. J’adore cette scène, je trouve que très réussie, elle est pleine de petits détails croustillants.

Le deuxième acte est d’un kitch qui défie tout conte de Bollywood, mais j’adore ce faux côté indien. Succession de petits divertissements, la danse indienne est
ma préférée, menée par un Julien Meyzindi, très en forme qui peut s’épanouir sur les sons des tambours. S’ensuivent les petites variations de tutus verts et bleus où le travail de lisibilité des bas de jambe est visible, mais l’alignement n’est pas toujours au rendez-vous. La variation de Solor est bien dansée par Josua Hoffalt même si on sent quelques tremblements dans les pirouettes. Gilbert toujours aussi impeccable en Gamzatti, des pieds sublimes avec une technique de pointes qui me surprend toujours. Je préfère le délié du pied au saut sur la plate forme. Emmanuel Thibault me semble bien en dessous de ses capacités et ne me provoque aucune émotion dans l’idole dorée, variation que j’aime tant. Son costume n’arrange pas les choses. On a atteint le bling-bling maximum avec la peinture archi dorée. Je préfère deviner les muscles derrière une couche mordorée sur le corps du danseur. Aurélie Dupont maîtrise sa danse dans la variation de Nikiya, où elle dessine avec plus d’aisance qu’à la générale, les courbes dans l’espace avec son dos. J’aime sa façon de mourir, avec résignation.

Troisième acte, la tension est à son comble. Je n’ai plus de batterie (je songe sérieusement à avoir deux iphones…), donc pas de twitter pour annoncer la nomination. Autant se concentrer sur cette descente des ombres. Joli travail du corps de ballet, avec des jambes toutes à la même hauteur et un belle musicalité. Comme le dit bien Amélie, le problème c’est que dans nos têtes, il y a la nomination et on ne peut s’empêcher de penser à ça. Du coup, je pense que comme beaucoup j’ai un peu survolé l’acte III. On remarquera une Charline Giezendanner déchaînée qui brille parmi les ombres, comme dans le reste du ballet d’ailleurs. La diagonale en arabesque est superbe, le tout avec un sourire généreux.

La suite, et bien c’est beaucoup d’émotions, quelque chose de particulier. De l’émotion pour le danseur, pour ses partenaires, pour le public qui se lève et applaudit avec
beaucoup de chaleur. Encore félicitations à ce beau danseur, qui j’espère s’épanouira encore plus dans Solor et dans d’autres rôles à venir.

Hoffalt_Etoile.jpg

© Agathe Poupeney / Opéra de Paris.

Sur son facebook, Josua Hoffalt remercie ses amis et ses followers :

« Merci à tous pour vos marques d’affection . C’est un grand moment pour moi et je suis heureux de pouvoir le partager avec vous. Tous vos messages m’ont touché,
j’espère à présent continuer sur cette lancée, cela me donne beaucoup de motivation pour la suite. A très vite pour pleins de futurs spectacles ! »

 

A lire Interview de Josua Hoffalt avec vidéo du Pas de deux du premier acte, target= »_blank »>ici.

La dépêhce AFP target= »_blank »>ici.

Au JT de TF1, petit reportage.

A lire aussi, sur les blogs : Danses avec la plume, Danse Opéra, A petits pas.

  • Distribution des 6 et 7 mars

 

Nikiya Aurélie Dupont
Solor Josua Hoffalt
Gamzatti Dorothée Gilbert
L’Idole dorée Emmanuel Thibault
L’Esclave Alexis Renaud
Manou Mathilde Froustey
Le Fakir Allister Madin
Le Rajah Stéphane Phavorin
Le grand Prêtre Yann Saïz
Soliste Indienne Sabrina Mallem
Soliste Indien Julien Meyzindi
1ère Variation Héloïse Bourdon
2è Variation Charline Giezendanner
3è Variation Aurélia Bellet

 

  • Josua Hoffalt Solor 2ème variation