John Neumeier

Les adieux à la reine

Une soirée d’adieux est toujours un grand moment, surtout dans la maison qu’est l’Opéra de Paris. Vingt minutes de standing ovation, l’étoile Agnès Letestu, seule en scène, affiche un visage ému devant l’hommage que lui rend le public. Elle le dit d’ailleurs lors de sa remise de médaille d’Officier des arts et des lettres – remise par Hugues Gall – que c’est comme ça qu’elle voulait ses adieux, dans le rôle de Marguerite Gautier, avec le public. Sur la scène, elle va chercher ceux qu’elle aime ; Clothilde Vayer, qui, dès son arrivée dans le ballet, l’a aidée, dans le rôle du Sacre du Printemps de Nijinski notamment ; Aurélie Dupont ; son compagnon, qui fut administrateur de la danse dans cette grande maison ; Brigitte Lefèvre qui lui a permis tant de choses, et bien sûr celui qu’elle appelle sa « moitié artistique », José Martinez, qui la couvre de roses blanches. Les paillettes n’en finissent pas de tomber, certaines émotions n’en finissent pas de durer.

Agnès Letestu seule en scène

 

La Dame aux Camélias est un ballet néo-classique très théâtral, sur la musique de Chopin, dont on garde en tête les préludes de l’opus 28. J’adore la musique de Chopin, dramatique et narrative qui sied parfaitement à ce ballet. J’aime les robes toutes plus belles les unes que les autres. Ce ballet me fait rêver, car le personnage de Marguerite Gautier me touche profondément. La chorégraphie pourtant est inégale, les passages avec Manon et Des Grieux m’ennuient souvent, même très bien dansés par Eve Grinsztajn et Christophe Duquenne. Pourtant, j’ai l’impression d’être au cinéma, de suivre cette passion amoureuse, de vibrer comme son héroïne. Sans doute, cela vous semblera un peu puérile, mais les émotions sont là et bien réelles.

Agnès Letestu était superbe jeudi soir. Je ne l’avais pas revue dans La Dame aux Camélias depuis bien longtemps. Le raffinement de sa danse, et la pertinence de son jeu ont emmené le public dans l’histoire. Son partenaire, Stéphane Bullion, était lui aussi excellent et sa danse était très intense. Les trois pas de deux révélaient la communion des deux danseurs, leur complicité était sans pareille.

Standing ovation pour l'étoile

J’ai beaucoup pleuré, surtout pendant ces pas de deux. Agnès Letestu m’a bouleversée, et ce, depuis longtemps. Son cygne est sans doute un de mes préférés, avec ses bras remplis d’une matière qu’on voit trop peu chez les danseuses. Sa bayadère reste gravée dans mon esprit. C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai quitté la salle. Beaucoup de souvenirs aussi, car cela fait partie des étoiles que j’ai pu suivre depuis leur nomination jusqu’à leurs adieux. Une soirée partagée avec celles avec qui je fais de la danse depuis longtemps, et avec qui, postée en grand écart contre un mur, je pouvais parler pendant de longues heures d’Agnès Letestu, toujours admirable en tout et pour tout. La danse est un partage, cette soirée en fut remplie.

Standing ovation pour l'étoile

A lire sur les blogs : Impressions Danse, Danse avec la plume, Blog à petits pas, Danse-opéra, Les Balletonautes, La loge d’Aymeric,

Nouvelles de 2013 n°10

Il s’en est passé des choses depuis 15 jours ! Il y a d’abord eu deux soirées Roland Petit pour moi, que je n’ai pas eu le temps de vous raconter. Les deux soirées furent bonnes dans des émotions différentes. La deuxième couronnée par la nomination d’Eleonora Abbagnato, qui m’a particulièrement émue. Avec Nicolas Le Riche en partenaire, sur du Roland Petit, on est proche du bonheur.

Nomination Eleonora Abbagnato photo de Julien Benhamou

Le week-end de Pâques fut ensuite chargé, puisque ce fut mon tour de monter sur scène. La danse mes amis, c’est vraiment la vie. En voir, en faire, ce sont des émotions indescriptibles parfois, par leur force, leur tension.

Mardi soir, départ pour Lyon où j’ai pu accompagner l’équipe d’Arte Live Web qui est partie filmer la soirée Millepied, dansé par le ballet de Genève à la Maison de la danse à Lyon. Cette ville me plaît décidément beaucoup, la danse y a une place particulière et j’ai passé une soirée vraiment très agréable. J’ai pu accéder aux coulisses, discuter avec les danseurs de la troupe. Pour relire ma chronique, et revoir cette soirée en vidéo, clic. J’ai profité de Lyon mercredi et de son soleil pour une jolie balade sur les quais de Saône après un détour par le musée des Beaux-Arts.

Ce week-end, j’ai vu Brillant Corners d’Emmanuel Gat et j’ai été complètement absorbée par cette danse, si évidente. C’est à la fois très simple et en même temps, on sent une construction complexe et la réflexion qui a mené à ce travail. Admirable.

  • Les sorties de la semaine

La troisième symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier, à l’Opéra de Paris. Un peu long comme titre me direz-vous, alors je vais faire court pour vous convaincre d’y aller.
3 bonnes raisons d’aller découvrir ce spectacle :

  • Parce que la musique de Mahler vaut à elle seule le déplacement.
  • Parce que cette pièce est mystique, et que les danseurs y sont investis d’une aura singulière.
  • Parce que Neumeier a l’art de rendre les corps beaux, de faire naître des émotions dans une arabesque ou dans un porté sur les épaules.

Une raison de ne pas y aller : si vous n’aimez que le ballet narratif et que vous pensez voir La Dame aux Camélias bis. Dans ce cas oubliez. Mais vous ratez quelque chose.

Plus d’infos et réservations, clic

Ballet de l'Opera national de Paris : John Neumeier - Troisieme symphonie de Gustav Mahler

Pendant ce temps Mathilde Monnier est au Théâtre de la ville avec Twin Paradox. Il reste des places, si, si si ! La chorégraphe s’est interrogé cette fois sur le rythme marathonien. Un vrai parcours du combattant qui promet une pièce rythmée et pleine de vie. On y reverra entre autres l’excellent danseur Cédric Andrieu.

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  • La beauté de la semaine

Sarah Kora Dayanova par Julien Benhamou

Plus de photos du shooting, clic

  • En vrac

 Evgenia Obratsova viendra danser la Sylphide les 24 et 28 juin. A vos agendas.

Le TCE fête son centenaire et vend dès aujourd’hui un magnifique timbre. A voir ici.

Avec les 300 ans de l’école de danse, les articles dans la presse se multiplient :
L’école de l’Opéra, exigence sans souffrance, clic
Le ballet de l’Opéra fête ses 300 ans, clic
Les 300 ans de l’Opéra et le style français, clic
Elisabeth Platel en interview sur France Musiques, clic
La France en pointes, clic

Revoir le documentaire sur France 5 Un air de résistance à l’Opéra, clic

  • La vidéo de la semaine

Duel final entre Carmen et Don José, le 27 mars.

Troisième symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier


Quel bon pressentiment j’ai eu ce jour de février où j’ai pris des places au parterre pour la première représentation de ce ballet. La semaine avait pourtant mal commencé.
Arrive vendredi. Dixième rang, comme le parterre est vide l’ouvreuse nous fait avancer. Je suis au centre on ne peut pas mieux voir. Suffisamment près pour voir les expressions des danseurs, suffisamment loin pour avoir le recul nécessaire pour voir la construction chorégraphique.

Entrée au répertoire réussie! Ce ballet est un enchantement pour les oreilles et pour les yeux. Neumeier nous emmène dans un voyage poétique. L’écriture musicale de la Troisième Symphonie est déjà un véritable poème. Mahler a utilisé une méthode ma foi assez romantique. Ainsi pour le premier mouvement, il s’est demandé ce que lui contait les rochers et a écrit la musique. C’est un véritable chant de la nature qui nous est offert.
Neumeier adopte la même méthode. La musique de Mahler est un medium pour discuter avec la danse. Neumeier et Mahler ont établi dans une véritable correspondance poétique.

Ce poème se décline en 6 mouvements (Hier/Été/Automne/Nuit/Ange/Ce que me conte l’amour). Je vais parler seulement de ceux qui m’ont particulièrement touchée et intéressée chorégraphiquement.
Le premier mouvement « Hier » est le plus beau. Trente-trois hommes sur scène. Ils sont posés là tels des cailloux. Trois hommes sont debout à l’avant scène. Ce monde immobile s’anime. Les gestes sont rigides, comme si ces corps étaient là, en boule, depuis des heures, les muscles ankylosés par l’immobilité. Peu à peu les mouvements se délient. Un langage chorégraphique se bâtit. Ce langage est unique, il est vraiment propre à Neumeier. S’entremêlent chorégraphies de groupe, duos et trios. Des portés absolument inouïs tant par leur nature que par leur conception. La distribution a été très bien pensée. Nicolas Le Riche, Karl Paquette (mais quand vont ils enfin le nommer étoile?!) Stéphane Bullion, Alessio Carbone et Jérémie Bélingard. Chacun de ces danseurs a une technique incroyable, mais chacun sait surtout interpréter à merveille les intentions du chorégraphe. « Hier » est la partie qui m’a le plus touchée surtout grâce à ses constructions à la fois chorégraphiques et scènographiques.

Le dernière partie offre un spectacle d’une grande sensualité. L’ange apparait à la figure principale. Elle et lui vont s’aimer durant ce court moment qui leur est offert. Clairemarie Osta m’a beaucoup touchée. Je l’ai trouvé très juste dans son émotion. Je pense qu’elle incarne très bien cette simplicité qui est celle du langage chorégraphique de Neumeier.
Simplicité qui n’est bien sûr qu’une apparence… Peut être que le fait que Neumeier soit là et ait assisté aux répétitions a contribué à une si belle interprétation de la part de tous les danseurs. Il me tarde de revoir cette Troisième symphonie car il semble qu’elle ait encore beaucoup à me révéler. Ce ballet parvient à nous emmener très loin, dans un poème musical sans cesse en mouvement qui n’en finit pas de nous toucher.

 

http://www.operadeparis.fr/cns11/live/onp/site/saison/ballets/ballets_details.php?lang=fr&event_id=2&CNSACTION=SELECT_EVENT

Musique Gustav Mahler
Chorégraphie, décor et lumièresJohn Neumeier

Mezzo-soprano Dagmar Peckova

13 mars 2009 à 19h30
Nicolas Le Riche
Clairemarie Osta
Delphine Moussin
Jérémie Bélingard
Stéphane Bullion
Eleonora Abbagnato, Karl Paquette
Nolwenn Daniel, Christophe Duquenne
Mélanie Hurel, Alessio Carbone