La directrice du ballet de l’Opéra de Paris a salué une dernière fois le public et sa compagnie hier soir sur la scène du Palais Garnier.La soirée était à l’image de sa carrière entre tradition et modernité, classique et danse moderne, héritage et transmission.
La soirée a démarré avec les deux Forsythe, dansés brillamment par la compagnie. Dans Woundwork 1, comme dans Pas./Parts, les danseurs ont offert au public une danse d’exception. Mathieu Ganio étire les lignes de son corps et fait vibrer celles de Laëtitia Pujol. Un couple fait écho à un autre, Aurélie Dupont et Hervé Moreau, qui sont dans une toute autre énergie, mais pas moins intense. Leurs regards semblent englober tout l’espace et la précision de leurs ports de bras imposent des lignes graphiques qui semblent infinies, dans cet espace clos. L’explosion arrive dans Pas./Parts. La pièce a changé, les hanches se sont encore plus lâchées, les jambes des danseuses touchent le ciel. Forsythe, ce grand monsieur de la danse vient sur scène avec Brigitte Lefèvre pour féliciter les danseurs. Les détracteurs de Madame Lefèvre ne pourront pas lui enlever toute l’énergie qu’elle a su mettre pour inviter de grands chorégraphes à l’Opéra. Ces deux ballets, au répertoire, qui ouvrent la soirée, sont deux petits trésors dont elle peut être fière, surtout quand ils sont dansés avec autant de verve et d’énergie.
La soirée se poursuit avec Suite de danses d’Ivan Clustine, court petite pièce au répertoire de l’Ecole de danse, invitée pour l’occasion. La polonaise au piano est agréable aux oreilles, mais sur la scène malgré l’application des petits rats, la chorégraphie est plutôt très ennuyante. Loin des tutus longs, et des notes de Chopin, Aunis est une très jolie pièce dansée admirablement par Pablo Lagasa, Julien Guillemard et Paul Marque. Légère, les sauts bondissants et plein de ballon répondent aux soufflets des deux accordéons qui les accompagnent. La pièce est une chorégraphie de Jacques Garnier qui fut le compagnon de danse de Brigitte Lefèvre.
Etudes d’Harald Lander vient montrer l’éclat de la compagnie. Là aussi, par rapport à la première, le style s’est imprimé sur les corps des danseurs. Ce ballet « démonstration » n’en devient que plus intéressant car il est plus abouti, plus dansé. Dorothée Gilbert étincelle, entourée par les excellents Josua Hoffalt et Karl Paquette. Le final d’Etudes se prolonge avec le défilé du ballet. Aux saluts, Brigitte Lefèvre rejoint sa compagnie. Elle voudrait tous les embrasser. Le parterre se lève et applaudit. Pluie de paillettes sur celle qui a vécu toute sa vie dans cet opéra. Les amis, les collaborateurs, les machinistes, tous convergent vers la scène, invités par Brigitte Lefèvre. L’émotion n’est pas feinte, mais toute en retenue. On retiendra l’image forte de Brigitte et Benjamin à l’avant-scène. Une nouvelle ère s’ouvre donc à l’Opéra.
La première fois que je suis allée à l’Opéra de Paris, j’avais 10 ans et Brigitte Lefèvre commençait ses fonctions de directrice de la danse. Depuis j’ai vu les grands ballets classiques, découvert Pina Bausch, un soir d’une soirée Stravinsky, vécu un grand choc devant le Sacre ; j’ai découvert Kylian et son esthétisme bouleversant ; je me souviens de Gillot sous la poudre blanche de Nacho Duato ; j’ai eu envie d’être amoureuse comme dans le Parc d’Angelin Preljocaj ; je suis restée hypnotisée devant Forsythe ; j’ai eu envie de faire de la scène en regardant Mats Ek ; je me suis ennuyée devant la création de d’Emanuel Gat ; j’ai vibré devant Rain ; j’ai tant frissonné devant le Boléro de Béjart et pleuré devant Le jeune homme et la mort. Je pourrais continuer la liste… J’ai vu beaucoup de ballets, de pièces dans cet opéra, j’ai eu tant d’émotions, il faut donc rendre hommage à cette femme qui a su faire de cette compagnie ce qu’elle est aujourd’hui.
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Merci à JMC pour la place.