Hugo Vigliotti

Concours de promotion hommes 2015

Les 3 et 6 novembre ont lieu le concours de promotion interne du ballet de l’Opéra de Paris. Cette année le jury était présidé par Stéphane Lissner. Il était composé de Benjamin Millepied (directeur de la danse), Benjamin Pech (Danseur étoile, et collaborateur artistique du Directeur de la Danse), Yuri Fateyev (Directeur du Ballet du Théâtre Mariinski), Noëlla Pontois (Danseuse étoile et pédagogue), Lionel Delanoë (maître de ballet – suppléant), Laura Hecquet (danseuse étoile), Ludmila Pagliero (danseuse étoile), Lucie Clément (sujet), Sabrina Mallem (sujet), Alexis Renaud  (sujet) Murielle Zusperreguy (première danseuse- suppléante). Retour sur le concours hommes. La chronique ne reflète que mon avis tout personnel. Si vous décidez de laisser un commentaire, le concours étant toujours un sujet « bouillant » et objet de controverse, merci de rester cordial.

  • Quadrilles 11h

Nombres de postes à pourvoir : 2

Classement :

1. Paul Marque (à l’unanimité des membres du jury)
2. Pablo Legasa (à l’unanimité des membres du jury)
3. Takeru Coste
4. Axel Magliano
5. Cyril Chokroun
6. Antonio Conforti

Variation imposée : La belle au bois dormant, Acte II, 1ère variation du Prince Désiré, Rudolf Noureev. En vidéo, clic

Paul Marque par Julien Benhamou

Paul Marque par Julien Benhamou

Variations libres :
Pablo Legasa, La Sylphide, Acte II, variation de James, Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni
Isaac Lopes Gomes, Dances at the gathering, 2ème variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.
Axel Magliano, Tchaïkovski – Pas de deux, George Balanchine
Paul Marque, Le Lac des cygnes, acte III, variation du Prince Siegfried, Rudolf Noureev
Antonin Monié, Push comes to shove, Twyla Tharp
Cyril Chokroun, Dances at the gathering, 1ère variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.
Antonio Conforti, Don Quichotte, Acte I, variation de Basilio, Rudolf Noureev
Takeru Coste, Speaking in Tongues, Paul Taylor
Julien Guillemard, Paquita, Acte II, Grand Pas, variation de Lucien D’Hervilly, Pierre Lacotte d’après Marius Petipa.

Mes impressions  : Je n’ai pas vu cette classe. 

  • Coryphées, 12h10

Nombres de postes à pourvoir : 1

Classement :

1. Jérémy Loup Quer
2. Hugo Vigliotti
3. Antoine Kirscher
4. Florent Mélac
5. Yvon Demol
6. Mickaël Lafon

Variation imposée : La Sylphide, Acte I, variation de James, Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni. En vidéo, clic (à 40′)

Variations libres 

Antoine Kirscher, Grand Pas classique, Victor Gsovsky
Mickaël Lafon, Le Lac des cygnes, variation de Rothbart, Rudolf Noureev
Florent Mélac, Le Lac des cygnes, variation lente du prince Siegfried, Acte I, Rudolf Noureev
Jérémy-Loup Quer, Esmeralda, Variation du Pas de deux, d’après Marius Petipa
Hugo Vigliotti, Appartement, variation de la télévision, Mats Ek
Yvon Demol, Dances at the gathering, 1ère variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.

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Mes impressions : La petite classe des coryphées était très intéressante à voir. J’ai profité de ma pause déjeuner pour me glisser dans ma loge et vibrer avec ces 6 garçons. J’avais eu quelques échos de la générale qui était tendue, car le niveau était serré. Le jour J, les différences se faisaient plus sentir. Globalement la variation imposée a été plutôt réussie, avec des tensions et des erreurs techniques chez chacun. Antoine Kirscher est encore une peu vert sur l’imposé, il manque parfois de puissance mais il arrive avec une belle détermination sur scène. Florent Mélac saute particulièrement haut, mais ses réceptions sont un peu bruyantes. Le prix de la plus jolie arabesque de départ revient à Yvon Demol. Mickaël Lafon est plein d’énergie mais le stress le désaxe un peu dans les tours. Jérémy-Loup Quer danse avec style, très proprement et il affirme à nouveau sa place de soliste en scène. Côté sauts, Hugo Vigliotti montre une belle puissance et ses réceptions sont silencieuses. Il n’y a que les déboulés de la fin qui m’ont semblé un peu fragiles.

Place aux libres. Cela se jouait entre Vigliotti et Quer. L’un a choisi une variation très technique classique, l’autre très contemporaine avec Mats Ek. Technique vs interprétation. Le moins qu’on puisse dire c’est que les deux danseurs étaient très bons. J’avais une petite préférence pour Hugo Vigliotti, car je trouve qu’il n’y a pas de danseurs comme lui dans la classe des sujets. Il a du style, il a une forte personnalité et il mérite plus de rôle de solistes. Vous souvenez vous de son bossu avec Nicolas Le Riche dans le Rendez-Vous ? J’en garde un souvenir ému. Jérémy Loup a eu envie de montrer sa belle technique classique, sa variation le mettait parfaitement en valeur. J’ai eu aussi un coup de coeur pour Florent Mélac qui a montré un bel univers mélancolique dans son Siegfried. Ce garçon a vraiment un dos magnifique.

Un très beau concours, un peu court, on aurait aimé voir plus de coryphées.

  • Sujets 14h20

Nombre de postes à pourvoir : 1

Classement :

1. Hugo Marchand
2. Fabien Révillion
3. Germain Louvet
4. Marc Moreau
5. Florimond Lorieux
6. Sébastien Bertaud

Variation imposée : Sylvia, Pas de deux, Georges Balanchine. En vidéo, clic (à 7′)

Hugo Marchand par Julien Benhamou

Hugo Marchand par Julien Benhamou

Variations libres 
Florimond Lorieux, The Four Seasons, Variation de l’automne, Jerome Robbins.
Germain Louvet, Other Dances, 2ème variation, Jerome Robbins
Allister Madin, Speaking in Tongues, Variation du Prédicateur, Paul Taylor
Hugo Marchand, Dances at the gathering, 1ère variation du Danseur en brun, Jerome Robbins.
Marc Moreau, Etudes, Mazurka, Harald Lander
Fabien Révillion, La Sylphide, Acte II, variation de James, Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni
Daniel Stokes, Roméo et Juliette, Acte I, variation de Roméo, Rudolf Noureev
Sébastien Bertaud, A suite of  Dances, Jerome Robbins.

Mes impressions : je n’ai pas vu cette partie du concours.

Bravo à tous les artistes, promus ou non, qui font la beauté de la compagnie !

Les désordres admirables de Samuel Murez

Désordres avec Samuel Murez, Lydie Vareilhes, Takeru Coste, Ludmila Pagliero, Matthieu Botto, Léonore Baulac, François Alu, Fabien Révillon, Hugo Vigliotti, Laura Hecquet, Jérémy-Loup Quer. Représentation du samedi 8 juin 2013 au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison.

Samuel Murez est un artiste est un artiste très doué. Quand on voit la qualité de son spectacle et le bonheur qu’il procure, on se dit qu’on aimerait voir plus souvent ce type de talents mis en avant sur la scène actuelle française.

Désordres est un spectacle comme on a peu l’habitude d’en voir dans les théâtres parisiens, car il mêle l’exigence technique classique, à une scénographie ultra léchée, le tout avec un fond humoristique qui emmène petits et grands. Ceux qui s’attendaient à un gala de danseurs pouvaient rester chez eux, Désordres, c’est bien plus que cela.

Désordres 3ème étage Samuel Murez  photo Julien Benhamou

 

Le spectacle est composé d’une suite de pièces qui met en scène la virtuosité et l’élégance chorégraphique. Ainsi la valse qui ouvre le bal donne le ton. Tout s’enchaîne avec une belle fluidité. Les difficultés techniques semblent inexistantes. Les danseurs utilisent l’espace et leurs qualités techniques comme rarement. La diversité et la complexité des chorégraphies écrites par Samuel Murez permettent de voir l’étendue des danseurs du groupe. Dans Quatre, Matthieu Botto, François Alu, Fabien Révillon et Hugo Vigliotti se montrent plus virtuoses que jamais. Les sauts sont époustouflants, les tours n’en finissent pas de tourner. Tout est impeccablement réglé sur la musique et dans l’espace. Takeru Coste est un éblouissant partenaire avec Ludmila Pagliero. Ils créent ensemble ce pas de deux très sensuel alors que les instructions techniques sont leur seule musique.

Les pièces qui composent le spectacle sont liées par une narration fantastique. Un chapelier nous guide vers cette aventure où l’on va croiser le désormais mythique duo de « ME2 » qui se démultipliera en me9. L’unité sonore est elle aussi assurée. On retrouve des jeux de sons, qui se déclenchent à la suite de certains mouvements, comme dans Book Dance, où les protagonistes s’électrocutent entre eux. Les personnages ont une identité forte et attirent de façon magnétique le regard. Les personnages un peu gauches de Book Dance sont terriblement charmants. Le personnage du rêveur incarné par Hugo Vigliotti est sans doute le plus fort car c’est celui qui est capable de provoquer beaucoup de tendresse et qui possède un fort potentiel comique, par ses mimiques et son angoisse du monde du travail. Les qualités techniques et artistiques d’Hugo Vigliotti en mettent plein la vue.

Hugo VIgliotti Dans Désordres

Samuel Murez a l’intelligence de comprendre que ce qui fait un spectacle ce sont tous les détails qui le composent. Il ne laisse rien au hasard. Les lumières y sont extrêmement travaillées et sont une grande partie de la réussite. Les douches de lumières qui s’allument ça et là nous surprennent, les nuances des couleurs sont bien ajustées, tout les effets sont réglés au millimètre et à la seconde près. Pas un écart, pas une erreur, le spectacle est tenu de bout en bout, avec brio et on en ressort complètement ébloui. C’est drôle, beau, plein de surprises et de rebondissements. Assurément, un de mes gros coups de coeur de cette saison.

La troupe de 3e étage sera cet été au très prestigieux Jacob’s Pillow Festival du 31 juillet au 4 août.
Relire mon interview de Samuel Murez, clic

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Le pari audacieux de Samuel Murez

A l’Opéra de Paris, il y a toujours des initiatives individuelles intéressantes. Quoi de plus normal quand on vit au sein d’une telle maison. Samuel Murez y est entré à l’âge de 17 ans. Il danse dans de beaux rôles. On retiendra parmi ceux ci ceux que lui a donnés Forsythe (Approximate Sonata), Laura Scoozy, Mats Ek, Pina Bausch, sans oublier Roland Petit. Mais ce qui préoccupe l’esprit du jeune danseur c’est la chorégraphie. Créer sur les autres, faire ressortir leurs qualités, les mettre dans la lumière. De là, est né 3ème étage. Ce nom, c’est tout simplement celui de l’étage où sont les loges des danseurs. Au départ, un danseur avec cette volonté de mettre ensemble des brillants artistes et de créer quelque chose de nouveau, qui tire la tradition vers la modernité. Au départ, des spectacles qui ressemblent fort à des galas. Puis, une forme nouvelle s’impose avec un spectacle. Désordres, est un tout. Ce ne sont plus des pièces ou extraits isolés que vous verrez au théâtre de Rueil, mais bien un spectacle pensé de bout en bout par l’équipe de Samuel Murez. Ce nouveau spectacle est complètement auto-produit et c’est un nouveau défi que s’est donné le danseur-chorégraphe. Il a loué pour 4 jours le théâtre André Malraux à Rueil-Malmaison. Cet été, il retourne au Jacob’s Pillow Dance Festival pour la deuxième fois. Toutes les dates là-bas sont pleines, les Américains en redemandent ! La qualité du programme n’est plus à démontrer, aux Franciliens de le découvrir ce week-end.

Avant la dernière de la soirée mixte à Garnier, rendez-vous avec Samuel Murez au restaurant de l’Opéra. Rencontre avec un artiste passionnant.

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Comment passe-t-on de la danse classique à la création d’une compagnie ?

La danse classique st une forme qu’on a apprise depuis tout petit. On a appris comment doit être notre corps, dans quelle position doit être, qu’est ce qui se passe dans notre corps à ce moment là. Ce sont des idées qui sont ancrées en nous, très précises. Et en même temps, juste avec ces idées là, on ne peut pas faire grand chose d’intéressant. Il faut donc avoir une part de transgression et de folie, qui vont être nécessaires à la créativité. Une pièce avec que des règles et de l’ordre, c’est nul, le contraire, une pièce qu’avec de la folie c’est nul aussi.

J’aime le cinéma, la mise en scène. J’aime que tout soit impeccable pour faire un vrai spectacle avec des effets. C’est pour cela qu’est né 3ème étage.

De quelles contraintes partez-vous pour créer une pièce ?

La contrainte est justement tout le thème du spectacle ! Je joue sur le mot « désordre ». Des ordres et du désordre. Quand on travaille ensemble, au départ c’est très classique, assez virtuose et assez réglé. Après je questionne un peu tout cela, les habitudes, les attentes que l’on peu avoir. Les personnages que je crée évoluent et interagissent avec les danseurs. On arrive vers des formes moins ordonnées, mais cela peut être aussi dans le déroulement du spectacle, avec des parts d’improvisation.

La reproduction en danse ce n’est pas intéressant. Il y a toujours quelqu’un qui a fait mieux ou différemment. La chose qui m’intéresse c’est quand j’ai l’impression que rien n’est écrit et que l’interprète est en train de recréer quelque chose. Je travaille sur l’intention et sur l’effet théâtral.

Comment faites-vous pour mettre les danseurs dans cet état qui fait qu’ils puissent créer dans une chorégraphie écrite ?

Je travaille sur les effets. Je vais changer la musique ou la lumière ou même la chorégraphie jusqu’à ce que l’effet que j’ai en tête soit atteint. Il y a beaucoup de paramètres, il faut tout régler au millimètre, surtout quand on change de salle, qu’on n’a pas l’éclairage qui va bien, etc. Il y a donc forcément une part de liberté pour les danseurs, et cela permet qu’ils se surprennent eux-mêmes.

Qui sont ces danseurs qui sont avec vous dans cette aventure ?

Des artistes que j’admire beaucoup. Chacun à sa façon a du génie. Mais pas seulement parce qu’ils font bien des pas, ça ce n’est pas intéressant. Ils m’emmènent très loin. Pas tous par la même chose. Josua par exemple, c’est par sa précision, sa rigueur, sa pureté d’intention, de retenue. Ludmila, par son obsession du détail. Il y a des choses chez eux qui me touchent. Pour moi, ils sont différents. Ils ont quelque chose en plus. Takeru est un homme de théâtre, capable d’emmener toute une salle avec lui. C’est une vraie star, il fait vivre des personnages d’une façon extraordinaire. Il captive le public. Hugo sait quant à lui un rôle de soliste brillament.

C’est la première fois que le spectacle est auto-produit. L’intention est donc différente des précédents spectacles …

J’ai voulu faire quelque chose de différent. Je voulais être proche de Paris pour ce premier spectacle. Je veux amener un public différent. Le but c’est d’avoir une expérience différente de la danse. Quand on va voir un film, il y a tout un univers autour du film. Les trailers, les affiches, les bandes annonces, les rumeurs, puis vient le making off, les bonus. Les spectateurs interagissent avec cela. Dans la danse, ce n’est pas le cas. Je voulais donc que le public qui vienne ne débarque pas au hasard, juste pour aller au théâtre. Je veux faire naître la curiosité et l’envie. Je veux que la danse dialogue avec les gens de la société, pas qu’elle soit cloisonnée dans les 4 murs d’un théâtre. L’artiste d’aujourd’hui ne doit plus être dans sa tour d’ivoire, il doit s’ouvrir au monde extérieur. C’est pour cela que j’ai fait des bandes-annonces dans les cinémas, pour créer du lien avec le public, faire des conférences, faire une vraie expérience du spectacle.

Comment s’organise le travail de 3ème étage ?

On travaille dès qu’on a du temps de libre. J’y passe personnellement tout mon temps libre. Le matin, les jours off, les week-ends.

C’est un vrai travail de groupe. Je prends les idées de tout le monde. Je ne m’assois pas avec une feuille blanche. J’ai un groupe de folie, mon ingé son est formidable, les musiciens avec lesquels je travaille me font des créations géniales. Mon éclairagiste comprend tout de suite où je veux en venir. Je fais appel à des accessoiristes, des costumières. On travaille ensemble, toute l’année. On se connaît bien. Du coup, les situations qu’on vit ensemble, dans les moments nombreux que l’on partage peuvent se retrouver dans une pièce. Une galère, un moment de joie, peut donner quelque chose en scène. Chacun donne des idées. Il faut beaucoup de mauvaises idées avant de trouver une bonne. L’œil de chacun est intéressant.

Le groupe s’enrichit ensemble. Je crois que quelqu’un comme François Alu s’est beaucoup construit aussi grâce au groupe. Il a regardé le travail de Josua pendant longtemps. Il a écouté les nombreuses corrections. Le groupe laisse peut être le temps d’éclore des choses. A l’Opéra, cela va vite et moi je veux prendre le temps de créer. Une création peut mettre un an à se faire, si elle doit se transformer, de spectacle en spectacle, il faut prendre ce temps. Des fois, il y a des choses qui ne sont pas prêtes. Il faut essayer, refaire, reprendre, aller en plateau, travailler en résidence, réessayer.

De votre travail, on a vu des extraits aux Danseurs-chorégraphes. C’est un travail très abouti ou on sent une grande rigueur. Comment parvenez-vous à ce résultat ?

Je suis un obsessionnel du détail. Il faut que tout soit en place. La lumière, la mèche de cheveux du danseur au fond côté cour de la scène, la façon aussi de se placer dans la lumière. Tout cela est très important. C’est ce qui fait la réussite. Je suis très exigeant, mais je crois que mes danseurs le sont aussi par conséquent. Je leur demande beaucoup, je leur demande de chercher tellement loin, mais pour créer quelque chose qui soit digne d’eux.

Pour créer quelque chose d’intéressant, qui mérite d’être retenue par le public, comme ont pu l’être les Ballets Russes, il faut du temps, de la liberté, des gens créatifs, de la confiance.

Vos pièces sont très efficaces. On ne s’y ennuie pas et on reste captivé par les personnages, comme dans la pièce Le Rêveur. Comment concevez-vous la trame d’une pièce ?

Je suis aussi dans l’économie. Dans la danse, les gens ont l’impression que plus c’est long, mieux c’est. Mais c’est faux. Des fois on voit une bonne idée d’une minute et la scène dure un quart d’heure. La bonne idée devient de l’ennui car on l’a étirée. Au cinéma, on filme des heures, et puis on coupe pour arriver à 1h40. C’est sain narrativement. J’essaie toujours de réduire le temps. Je vois qu’une pièce fonctionne quand elle perd du temps et que les idées s’enchaînent sans longueurs. J’aime que les pièces soient compactes. Par exemple, Me2 a perdu une minute. Il faut jeter une partie, tout n’est pas bon dans ce que l’on crée. Je veux raconter une histoire aux gens, il faut qu’ils restent dans l’attente de quelque chose, comme quand on voit un film au cinéma.

Comment gérez-vous votre temps entre l’Opéra et ce projet ?

J’adore l’Opéra. C’est une maison extraordinaire. Elle n’a pas son pareil dans le monde entier par plein d’aspect. C’est un honneur d’être là, je ne le perds jamais de vue. Le projet est un autre investissement. Mais ce n’est pas contradictoire. Cela ne s’oppose pas. Au contraire. J’ai l’impression de faire vivre la tradition de l’Opéra avec ce projet. L’opéra m’a formé. J’ai appris à chorégraphier avec tous ces grands noms de la danse, que sans l’Opéra je n’aurais jamais rencontrés. J’y ai appris la rigueur. Je ne rejette pas cela, je prends du recul et je le questionne. Je crois que c’est aussi comme cela que les traditions vivent.

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Désordres, un spectacle de Samuel Murez du 8 au 12 juin 2013 au Théâtre de Rueil-Malmaison

Lumières : James Angot
Son : Jérôme Malapert
Avec : Ludmila Pagliero, Josua Hoffalt, François Alu, Léonore Baulac, Takeru Coste, Laura Hecquet, Jérémy-Loup Quer, Fabien Révillion, Lydie Vareihles et Hugo Vigliotti.

Nouvelles de 2013 n°14

Cette soirée au T.C.E. fut sans doute la plus belle depuis plusieurs mois. Quels sacres ! Voir celui de Nijinsky, a provoqué une émotion particulière, qui n’était rien face à celle ressentie devant le Sacre de Sasha Waltz… Relire ma chronique, clic

Ma semaine fut plutôt studieuse, et j’ai fui les salles de théâtre (si, si c’est possible). Je voulais aller au cinéma, je n’ai pas pris ce temps j’espère en avoir le temps cette semaine. Allez cette semaine va être explosive, voilà trois spectacles que je vais découvrir, faîtes en donc de même !

  • Les sorties de la semaine

On poursuit le Centenaire du TCE  avec la venue à Paris du Tanztheater wuppertal de Pina Bausch, qui vient danser le Sacre du printemps. Sans doute une des plus belles chorégraphies sur cette musique, celle en tous les cas qui ne peut vous laisser indifférent. Au sol, de la terre noire, sur laquelle la danse devient transformée. Les corps semblent sortir de terre, elle leur colle à la peau. On est emporté jusqu’à une danse de l’élue qui vous prend au coeur.
Relire ma chronique sur le ballet donné à Garnier, clic
Infos, tarifs, et réservations, clic

Sacre Pina

Dans un tout autre genre, on va à la Villette pour découvrir un spectacle tout à fait original, We were horses de Carolyn Carlson et Bartabas. Pendant un mois et pour fêter le 10ème anniversaire de l’académie équestre de Versailles, Bartabas s’installe à la Grande Halle de La Villette pour un mois du 7 au 30 juin. Le spectacle est né de la rencontre des deux artistes. 16 danseurs, 9 écuyers pour vous emmener dans une féerie toute particulière. Autour du spectacle, des matinées sont organisées pour découvrir le travail des écuyers, qui comme celui des danseurs, est une discipline quotidienne. Des ateliers pour les enfants et des soirées sont organisés. Les cinéma MK2 Seine et Loire organisent eux aussi des séances autour du travail du plus célèbre des écuyers.
A noter, sur Twitter, vous pouvez gagner 2×2 places en « retweetant » le tweet du concours. Tirage au sort, mercredi.
Plus d’infos et réservations, clic

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Enfin direction Rueil Malmaison pour découvrir ou redécouvrir la compagnie 3ème étage de Samuel Murez, danseur de l’Opéra de Paris. Il a eu ce besoin vital de créer cette troupe pour prendre le temps de chorégraphier, de faire des choses différentes du travail à l’Opéra. Entouré de danseurs de l’Opéra, Ludmila Pagliero, Josua Hoffalt, Jérémy Loup Quer, Takeru Coste, François Alu, Laura Hecquet, Léonore Baulac, Lydie Vareilhes, Hugo Vigliotti, Fabien Révillion. Le spectacle Désordres est donné au théâtre André Malraux du 8 au 12 juin. On y découvrira des pièces déjà dansées par la compagnie et de nouvelles créations. A noter, cet été la compagnie participera au très prestigieux Jacob’s Pillow Festival.
Réservations www.3e-etage.com/tam ou 01.47.3.24.42.

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  • La photo de la semaine : Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard par Christian Lartillot

Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard par Christian Lartillot

  • La vidéo de la semaine

Digression toute personnelle, un très bel anniversaire cette semaine, à la femme que j’aime le plus au monde, ma maman.

 

Soirées Roland Petit

Deux soirées, deux soirs de suite, deux ambiances. La première le mardi 26 mars et la deuxième, le mercredi 27 sorte de bonne intuition pour une date de nomination.

Le rendez-vous est une pièce que j’aime beaucoup par son aspect cinématographique. Au premier rang de l’orchestre, on a l’impression d’être seul au monde à vivre ce drame digne d’un film. La musique et le chant, d’abord, comme un générique de vieux film en noir et blanc, les danseurs ensuite, qui apparaissent déjà plus comme des comédiens que dans un ballet traditionnel. Le film commence, on ne lâche pas le personnage principal du regard. Le jeune homme part vers son destin, en compagnie d’un bossu, ami qui ne se révèlera pas chanceux. La valse qui les emmène vers la plus belle fille du monde, est un passage une fois encore très prenant. On oscille entre la comédie musicale et une pantomime qui fait avancer l’histoire. Hugo Vigliotti se montre un brillant partenaire. Danse, expression, technique, tout y est et sa joie de danser transperce l’écran. Nicolas Le Riche se montre comme il y a deux ans, admirable et juste dans ce rôle. Sa jeunesse et sa fraîcheur sont incomparables. Eleonora Abbagnato est la plus belle fille du monde, il ne faut pas en douter. Sublimée par ses talons, sa robe qui forge une silhouette de rêve, le jeune homme ne pouvait qu’être dupé.
Le lendemain, distribution différente mais non moins intéressante. Amandine Albisson se révèle très juste dans le rôle de la plus belle fille du monde. Quant à Alexandre Gasse, il ne démérite pas. Sa technique est franchement impeccable et son interprétation encore un peu timide me convainc, par sa sincérité. Il n’imite personne et veut s’imposer. On découvre bien le potentiel de soliste de ce jeune garçon.

Nicolas LeRiche et Eleonora Abbagnato dans Le Rendez-Vous de Roland Petit

Le rendez vous le 26 : avec Nicolas Le Riche, Eleonora Abbagnato, Hugo Vigliotti, Stéphane Phavorin.
Le rendez vous le 27 : avec Alexandre Gasse, Amandine Albisson, Hugo Vigliotti, Stéphane Phavorin.

Deux soirées mais une seule distribution dans Le Loup. Là encore, dans un autre domaine cinématographique, cette pièce est très visuelle. On est dans l’univers de la Belle et la Bête. Les gestes de la danseuse ressemblent tant à ceux de Josette Day dans le film de Cocteau, qu’on lit immédiatement l’amour qui s’empare d’elle pour cet être à l’humanité cachée mais bien plus grande que celles des hommes et femmes qui l’entourent. Les femmes apparaissent souvent plus cruelles que les hommes chez Roland Petit. La bohémienne est de cette catégorie d’héroïnes, qui tuent, comme par plaisir. Sabrina Mallem, est brillante dans l’exercice. Séductrice, délicieuse et cynique à la fois. L’interprétation de Stéphane Bullion et Emilie Cozette est très juste comme il y a deux ans. La musique de Dutilleux les porte, c’est très narratif et on se laisse vite emmener dans la naissance des sentiments entre ces deux êtres. La séduction, la méfiance, le doute, la passion, l’amour raisonnable, tout y est et c’est une vraie carte du Tendre que parcourent nos deux héros. La chorégraphie du pas de deux est pleine de petits détails qui rendent une fois encore cette oeuvre, facile à suivre,tout en gardant des exigences techniques incroyables.

Le Loup, avec : Emilie Cozette, Stéphane Bullion, Sabrina Mallem et Christophe Duquenne.

Aurélie Dupont dans Carmen

Carmen… La nouvelle de Mérimée est déjà un chef d’œuvre, la musique de Bizet semble écrite pour la danse. Quand il crée Carmen, Roland Petit voit là encore son ballet comme un film avec un décor et des accessoires très forts visuellement. Les chaises de la scène de la taverne, déjà utilisées à bon escient dans Le jeune homme et la mort, signe l’identité de la pièce.

Deux Carmen et deux spectacles complètement différents. Aurélie Dupont est une Carmen noble,parfois trop pour moi.Le travail des bas de jambes est impeccable, les jambes sont montées à 90°, les positions cinquième, ouvertes au maximum, comme une provocation érotique sont là, et bizarrement, je ne me laisse pas séduire. Trop aristocratique, manque de noirceur malgré la perruque. La surprise est du côté de Karl Paquette, délicieusement espagnol et complètement étonnant. Voilà l’homme caliente qu’il nous fallait pour compenser la froideur de sa partenaire. C’est un Don José faillible, aveuglé. Côté seconds rôles, c’est très réussi. Allister Madin comme François Alu sont des chefs gitans qui n’hésitent pas à exagérer le caractère filou de leur personnage (et les mains posées sur les fesses de ces demoiselles en sont une bonne occasion)
Une étoile en chasse une autre. Ou plutôt deux même. Nicolas Le Riche, c’est Don José. C’est évident, c’est Roland Petit qui souffle les pas dans ses jambes et qui donne le regard juste à l’espagnol. Abbagnato avait déjà travaillé le rôle, mais pas comme cela. Là, c’est magique. On retiendra deux moments : la sensualité du pas de la chambre et la corrida entre Carmen et Don José. A en avoir des frissons. La suite, c’est la nomination. Elle devait arriver à la première et puis on ne sait pour quelle raison obscure, dont seul l’Opéra a le secret, il a fallu attendre le 27 pour que la belle soit couronnée. Trop tard certains diront. Il n’empêche que ce soir, Eleonora a montré qu’elle en avait encore sous la pointe. C’est une interprète à la technique encore admirable. L’interprétation de Carmen était belle, la salle l’a suivie dans un silence quasi religieux. Ovation méritée pour cette nomination tant attendue. Encore bravo.
J’espère que mon ami F***qui était pour la première fois à Garnier n’a pas été déçu du voyage, mais j’ai un peu regardé ses yeux et je ne le crois pas.

Nomination Eleonora

Merci à JMC pour la soirée du 26 du spectacle au dîner ! C’était une excellente soirée !
Merci à Julien Benhamou pour les photos reçues.