Eleonora Abbagnato

Wheeldon/McGregor/Bausch, Opéra Garnier

A la fin de l’année, côté ballet, il y a toujours un grand classique à Bastille et une soirée plus contemporaine à Garnier. A Bastille, les bayadères vous transportent dans un univers indien. A Garnier, il s’agit d’une autre ambiance. Soirée mixte, avec 3 chorégraphes : une entrée au répertoire, une création et la reprise d’un chef-d’œuvre. Comment s’articulent les 3 pièces ? Comment cette soirée se vit ? Retour du la soirée du 3 décembre.

Le Sacre Agathe Poupeney

Jamais facile d’associer le Sacre du Printemps de Pina Bausch, chef d’œuvre absolu, dont les mots manquent pour tarir d’éloges cette pièce. Puisqu’il faut toujours patienter avant de voir cette pièce, je commencerai donc ma chronique par elle. Vous pourrez donc vous passez de la suite de la lecture ! C’est la première fois que le Sacre est repris sans Pina. C’est Jo-Ann Endicott qui a mené les répétitions. Karl Paquette tient le rôle masculin avec beaucoup de poigne et de puissance. C’est définitivement dans ce registre qu’il brille de son titre. Quant à l’Elue, le rôle revient à Eleonora Abbagnato, dont on se réjouit de sa présence en scène. L’étoile italienne danse ce rôle pour la énième fois. Elle en connaît les secrets, les difficultés, les forces. Elle livre au public une danse incroyable, épurée de tout artifice. La danse de Pina ne permet de pas de tricher. Il ne s’agit pas là de faire semblant. Avec sa silhouette à la fois frêle et athlétique, Abbagnato est une élue possédée par la danse, dont les mouvements sont mues par une force intérieure très puissante, qui se ressent jusque dans la salle. Les yeux presque révulsés, le corps tremblant, elle sait maintenir la tension à l’instar de la musique qui nous tient aggrippés au rebord de la loge. Il y a un vertige dans le Sacre, un effet paroxystique qui vous attire de manière inconditionnelle. Le cœur bat, sur les barissements des cuivres. Le corps de ballet est somptueux, la transmission s’est faite. On admire la danse d’Alice Renavand, qui semble donner le rythme à l’ensemble du groupe.

Le Sacre du printemps Agathe Poupeney

Que dire alors des deux autres pièces ? Polyphonia de Wheeldon d’abord. C’est une composition de douze tableaux où 4 couples dansent. Duos, quatuor et ensembles se succèdent sur les pièces pour piano de Ligetti. L’ensemble n’est pas désagréable, on peut même dire que c’est plastiquement beau cette espèce d’épure, où les lignes des jambes cisaillent l’espace. La musique est sublime, admirablement jouée par Ryoko Hisayama et Michel Dietlin. Qu’en reste-t-il ? Pas grand chose, peut-être le passage de la valse et le style de Lydie Vareilhes. Un bon Robbins aurait sans doute fait mieux l’affaire.

Polyphonia Wheeldon Julien Benhamou

Alea Sands est un hommage à Pierre Boulez, puisque cette création est sur les Anathèmes II pour violon. Passé l’hommage, où la scénographie fait honneur à la musique, la chorégraphie de Mc Gregor est bien vide. Tous les éléments forts de la pièce sont autres que la danse. La servent-ils ? Pas franchement. Ils cachent une chorégraphie dont on se lasse. On en oublierait presque les merveilleux danseurs qui sont sur scène.

Audric Bézard Agathe Poupeney

Ce fut donc une soirée peu équilibrée, où l’on attend le Sacre avec beaucoup d’impatience. Deux entractes, c’est long aussi… Dommage qu’avec les nouvelles mesures de sécurité on ne puisse pas arriver juste au deuxième, pour assister au chef d’oeuvre de Pina.

Soirée Nicolas Le Riche

Tant attendue depuis un an, la soirée Nicolas Le Riche a rempli toutes ses promesses. Spectacle bien rythmé, le danseur s’est fait plaisir et a mis une fois de plus tout le monde d’accord sur son talent. Le sourire aux lèvres de l’étoile, la fête et les émotions étaient au rendez-vous. Humour, musique, amitiés, souvenirs, toute l’histoire de Nicolas Le Riche et de l’Opéra Garnier a été racontée dans cette soirée.

Nicolas Le Riche par IkAubert

L’excitation était à son comble et la salle frissonnait déjà. Bien entourée par deux vieux messieurs, l’un discret, l’autre bavard, la vue sur la scène était imprenable. De ma loge on voit les coulisses ; danseurs, machinistes, habilleuses, accessoiristes, tous sont là dans un silence religieux pour voir l’étoile danser. Les ministres s’installent au balcon, les journalistes au premier rang de l’orchestre. Le rideau s’ouvre et dans le fond on aperçoit la silhouette du danseur qui jaillit du rideau de fond de scène. Matthieu Chedid s’avance, guitare à la main. L’homme qui danse s’avance, il rejoint les notes et semble parfois improviser avec beaucoup de grâce sur les accords graves et métalliques de la guitare. La balade nous berce, c’est un moment d’émotion qui semble une promesse pour la suite « Des années que je n’ai pas vu un show comme ça… ». Je regarde beaucoup les mains et les chaussons de Nicola sLe riche pendant ce passage. Les chaussons sont comme patinés, ils l’emmènent vers une autre aventure. « Où aller ? Où?  » répète doucement M. C’est sûr ce soir Nicolas Le Riche savait où nous emmener.

L’orchestre a pris ses quartiers dans la fosse et pour ne pas y passer des paragraphes entiers, on peut dire sans mauvais jeu de mots qu’il était la fausse note de la soirée. Les fausses notes, en particulier dans Le jeune homme et la mort et dans le Boléro, ont fait crisser les dents de plus d’un spectateur.

Les Forains de Roland Petit, un des rares ballets qui ne parle pas de la relation d’un homme et d’une femme mais du statut de l’artiste, ouvre la fête. On commence l’histoire de Nicolas Le Riche avec celui que l’on peut appeler son maître et avec les élèves de l’école de danse. Au milieu d’eux, Nicolas Le Riche parait très juvénile, comme si son âme d’enfant prenait le dessus sur le corps. La troupe de forains s’installe, ils trinquent, le petit théâtre se monte. Bientôt on pourra danser. Nicolas Le Riche retrouve ici son souvenir d’enfance, où il a rencontré pour la première fois Roland Petit. Puis les danseurs se figent, le regard vers le public, le danseur s’avance et nous présente la suite du spectacle « Le jeune Francesco qui va interpréter la variation du tambour du bal des cadets ». Le jeune homme s’avance sous le regard réjoui de ses camarades. Il ne manque pas de talent et malgré le stress, il garde sa posture de jeune premier. Les élèves de l’école s’enfuient avec l’étoile poursuivi par Abderam (Stéphane Bullion) et Raymonda (Dorothée Gilbert). Les sarrasins entrent et dansent avec un bel enthousiasme. C’est dans doute moi qui le suis moins, n’ayant jamais trop apprécié ce ballet. C’est un divertissement plaisant qui permet, comme le dit Nicolas Le Riche « de fédérer et de célébrer la Compagnie ».

La soirée se poursuit avec L’après-midi d’un faune, de Nijinski. On ne saurait oublier Le Riche dans ce rôle aux côté d’Emilie Cozette notamment. Ce soir c’est son ami Jérémie Bélingard qui dansait avec Eve Grinsztajn. Absent depuis un moment de la scène de Garnier, Jérémie Bélingard n’en a pas pour autant perdu de sa sensualité et il campe un faune peu flegmatique, tendu par l’odeur et la vue de la superbe nymphe. Le tableau s’anime, se remplit des nymphes, dont les pas sont minutieusement réglés. Là encore, un autre moment de l’histoire de la danse, de l’histoire de Nicolas Le Riche, qui admire « l’incomparable génie créateur » de Nijinsky. Un joli faune, bien dansé et joliment interprété. Voilà qu’il est temps d’aller faire des mondanités à la rotonde des abonnés.

 

Nicolas Le Riche

 

Quelques coupes de champagnes, quelques discussions où les superlatifs fusent, chacun essaie d’exprimer ce qu’il vit ce soir. Pas encore au bout des surprises, la rotonde met peu de temps à se vider, car mieux que les bulles de champagne, il y a les bulles de rêve que nous offre l’étoile ce soir. Il faut dire que la suite du programme fut sans doute, pour ma part, la plus émouvante de la soirée. Comment parler du jeune homme quand on a vu Nicolas Le Riche le danser tant de fois. Choisi par Roland Petit, ce cadeau fait au danseur est un cadeau en retour pour le public. Ce soir, Nicola sLe Riche était magique. De ma loge j’entendais son souffle mais jamais ses pieds toucher le sol. Si l’orchestre n’avait pas écorché la partition, l’instant aurait été divin. Heureusement, le regard absorbé par les deux interprètes, ma main posé sur le rebord de la loge, presque tremblante sous le coup de l’émotion, je n’en ai pas perdu une miette et c’est sans doute, le plus beau Jeune homme et la mort que j’ai vu. Eleonora Abbagnato est sans doute la mort la plus sensuelle qui m’ait été donnée à voir. Féminine jusqu’au bout des pointes, magnétique, son regard posé dans celui de Nicolas Le Riche produisait une tension si électrique que la salle retenait son souffle. Pendant les saluts, on sentait Eleonora Abbagnato absorbée par son émotion, presque encore habitée par ce qu’il venait de se passer. Le parterre se met debout, et l’ovation commence déjà.

Le jeune homme et la mort était si fort, qu’il fallait bien s’en remettre avec un entracte. Les yeux mouillés, je retrouve amis et balletomanes anonymes. Je bavarde avec des gens qui voyaient Le jeune homme et la mort pour la première fois et qui sont sous le choc de la pièce. L’effervescence du public est en pleine ascension. Pas un grincheux à l’horizon pour venir gâcher la fête.

Nicolas Le Riche & Sylvie Guillem

Appartement de Mats Ek marquait le retour d’une grande diva de la danse, partenaire privilégiée de Nicolas Le Riche, Sylvie Guillem. Leur duo sur la chorégraphie de Mats Ek était parfaite. Guillem est juste, tout le temps, sa danse est sans concession et on a l’impression que Mats Ek danse dans ses veines. En toute simplicité, le couple danse, sur cette scène que Sylvie Guillem a choisi de quitter il y a 25 ans. Aux saluts, le couple rit aux éclats, presque surpris d’être là, ensemble, de partager avec le public, cette grande joie d’être sur scène. Un moment aussi rare qu’inoubliable.

Guillaume Gallienne, ami du danseur, sociétaire de la Comédie-Française entre sur scène et déclame un texte écrit pour l’étoile. Je ne résiste pas et je vous le retranscris.

« Avant que d’enchaîner avec Caligula
Laissez-moi vous parlez un peu de Nicolas.
Si riche de talent, que c’est son patronyme,
Et si tous ses aïeux sont restés anonymes,
Et j’en profite ici pour saluer ses vieux
Qui sans soute ont tous deux des larmes plein les yeux,
C’est pour que brille mieux cette étoile si rare,
Dont nous fêtons ce soir un tout nouveau départ,
Que nous lui souhaitons aussi beau, aussi dense,
Que celui qui lui fit se lancer dans la danse,
Il y a déjà 34 ans de cela.
Sa richesse pour moi se situe au delà de son nom, c’est certain, et même de son charme,
Elle provient surtout de son art qui désarme,
Tellement il paraît naturel, comme un don du seigneur,
et que lui dans un fol abandon dépasse chaque soir, humblement, avec grâce,
Pour nous faire voler dans ces airs qu’il embrasse.
Avez-vous remarqué la finesse des doigts ?
Et sa délicatesse, alternée quelque fois, par une unique rage, une sauvagerie terrible
Puis d’un coup, avec espièglerie, il s’adoucit.
Soudain, nous voyons cet enfant, qu’il est souvent encore à 42 ans.
Il bondit comme un tigre et vole comme un ange,
Il atterrit en chat et tel une mésange, virevolte à nouveau sans même se soucier
De savoir si nous autres avons pu respirer.
J’ai vécu grâce à lui mes plus belles apnées.
Et n’oublierai jamais ces acmés insensés, que dans tous ses ballets il a su nous donner.
Mais ce n’est pas fini…tout ça va continuer…
Ce ne sont pas des adieux non ce n’est qu’un passage
Ton génie Nicolas est plus grand que ton âge.
Et que si cet endroit te déclare trop vieux, pour continuer ici tes grands sauts périlleux
Et bien tu les feras ailleurs, sur d’autres scènes,
Tu auras pour créer le soutien des mécènes
Ou celui de l’Etat ! Ce serait pas mal ça !
Que tu puisses transmettre !
Enfin ce n’est pas tout ça, mais j’entends en coulisses, un cheval qui trépigne,
Et n’ayant pu trouver de belle rime en -igne
Avant que ce canasson me dise allez ouste
Je m’en vais pour conclure citer Marcel Proust
Il dit, pour définir un autre immense artiste,
Ce qu’à mon tour je puis dire pour ce soliste – qui est mon ami,
En toute simplicité, il l’appelle novateur à perpétuité. »

Mathieu Ganio et Audric Bézard livre un joli tableau de Caligula. On regrettera seulement de n’avoir pas vu vraiment danser Mathieu Ganio dont les lignes peuvent rappeler celles de Nicolas Le riche plus jeune. Ce n’est donc pas pour rien que le chorégraphe a choisi cet autre grand danseur pour interpréter le rôle de l’empereur romain.

Nicolas Le Riche & Friends

 

Les machinistes installent le décor du Boléro à vue, pour le plus grand bonheur du public. Réglages des lumières pour les bras du début du ballet. Les chaises rouges s’alignent, la table est au centre. Il y plane comme un fantôme au-dessus, qui va prendre chair dans quelques instants. Le Boléro commence, les mains s’animent, le regard fixé au fond de la salle. Les corps sur les chaises commencent à bouger. Tout s’enchaîne vite trop vite, on voudra ralentir le rythme de la caisse claire. Les danseurs sont déjà tous debout, prêts autour de la table, comme un sacre autour d’un dieu dansant. Il sourit à tous ces danseurs autour de lui, qui ont admirablement dansé ce soir. C’est cette histoire qu’il nous a raconté ce soir, celle du petit garçon de l’école, du danseur et de ses maîtres, des oeuvres qui l’ont marqué, de sa place dans la danse aujourd’hui, sans doute, comme idole. Il s’est imposé comme le plus grand danseur de sa génération et ce soir il a encore montré tout son talent. L’ovation que le public lui rend est intense et très longue (le minutage diverge selon les sources et, à dire vrai, je n’ai pas du tout regardé ma montre). Ce fut un moment d’une joie intense, faite de partage entre le public, les artistes et le danseur.

Nicolas Le Riche a ensuite été fait commandeur des arts et des lettres. Il a fait un discours très touchant où il a retracé cette fois-ci avec des mots son parcours dans cette maison ; en commençant par l’examen de santé, puis le premier cours, le couloir des cent mètres, les premiers pas sur scène. Discours qu’il termine sur ces mots : « J’espère que l’honneur qui m’est fait ce soir est un signe pour l’avenir « . 

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Les citations sont extraites du programme.

Nouvelles de 2013 n°10

Il s’en est passé des choses depuis 15 jours ! Il y a d’abord eu deux soirées Roland Petit pour moi, que je n’ai pas eu le temps de vous raconter. Les deux soirées furent bonnes dans des émotions différentes. La deuxième couronnée par la nomination d’Eleonora Abbagnato, qui m’a particulièrement émue. Avec Nicolas Le Riche en partenaire, sur du Roland Petit, on est proche du bonheur.

Nomination Eleonora Abbagnato photo de Julien Benhamou

Le week-end de Pâques fut ensuite chargé, puisque ce fut mon tour de monter sur scène. La danse mes amis, c’est vraiment la vie. En voir, en faire, ce sont des émotions indescriptibles parfois, par leur force, leur tension.

Mardi soir, départ pour Lyon où j’ai pu accompagner l’équipe d’Arte Live Web qui est partie filmer la soirée Millepied, dansé par le ballet de Genève à la Maison de la danse à Lyon. Cette ville me plaît décidément beaucoup, la danse y a une place particulière et j’ai passé une soirée vraiment très agréable. J’ai pu accéder aux coulisses, discuter avec les danseurs de la troupe. Pour relire ma chronique, et revoir cette soirée en vidéo, clic. J’ai profité de Lyon mercredi et de son soleil pour une jolie balade sur les quais de Saône après un détour par le musée des Beaux-Arts.

Ce week-end, j’ai vu Brillant Corners d’Emmanuel Gat et j’ai été complètement absorbée par cette danse, si évidente. C’est à la fois très simple et en même temps, on sent une construction complexe et la réflexion qui a mené à ce travail. Admirable.

  • Les sorties de la semaine

La troisième symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier, à l’Opéra de Paris. Un peu long comme titre me direz-vous, alors je vais faire court pour vous convaincre d’y aller.
3 bonnes raisons d’aller découvrir ce spectacle :

  • Parce que la musique de Mahler vaut à elle seule le déplacement.
  • Parce que cette pièce est mystique, et que les danseurs y sont investis d’une aura singulière.
  • Parce que Neumeier a l’art de rendre les corps beaux, de faire naître des émotions dans une arabesque ou dans un porté sur les épaules.

Une raison de ne pas y aller : si vous n’aimez que le ballet narratif et que vous pensez voir La Dame aux Camélias bis. Dans ce cas oubliez. Mais vous ratez quelque chose.

Plus d’infos et réservations, clic

Ballet de l'Opera national de Paris : John Neumeier - Troisieme symphonie de Gustav Mahler

Pendant ce temps Mathilde Monnier est au Théâtre de la ville avec Twin Paradox. Il reste des places, si, si si ! La chorégraphe s’est interrogé cette fois sur le rythme marathonien. Un vrai parcours du combattant qui promet une pièce rythmée et pleine de vie. On y reverra entre autres l’excellent danseur Cédric Andrieu.

Plus d’infos et réservations, clic

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  • La beauté de la semaine

Sarah Kora Dayanova par Julien Benhamou

Plus de photos du shooting, clic

  • En vrac

 Evgenia Obratsova viendra danser la Sylphide les 24 et 28 juin. A vos agendas.

Le TCE fête son centenaire et vend dès aujourd’hui un magnifique timbre. A voir ici.

Avec les 300 ans de l’école de danse, les articles dans la presse se multiplient :
L’école de l’Opéra, exigence sans souffrance, clic
Le ballet de l’Opéra fête ses 300 ans, clic
Les 300 ans de l’Opéra et le style français, clic
Elisabeth Platel en interview sur France Musiques, clic
La France en pointes, clic

Revoir le documentaire sur France 5 Un air de résistance à l’Opéra, clic

  • La vidéo de la semaine

Duel final entre Carmen et Don José, le 27 mars.

Soirées Roland Petit

Deux soirées, deux soirs de suite, deux ambiances. La première le mardi 26 mars et la deuxième, le mercredi 27 sorte de bonne intuition pour une date de nomination.

Le rendez-vous est une pièce que j’aime beaucoup par son aspect cinématographique. Au premier rang de l’orchestre, on a l’impression d’être seul au monde à vivre ce drame digne d’un film. La musique et le chant, d’abord, comme un générique de vieux film en noir et blanc, les danseurs ensuite, qui apparaissent déjà plus comme des comédiens que dans un ballet traditionnel. Le film commence, on ne lâche pas le personnage principal du regard. Le jeune homme part vers son destin, en compagnie d’un bossu, ami qui ne se révèlera pas chanceux. La valse qui les emmène vers la plus belle fille du monde, est un passage une fois encore très prenant. On oscille entre la comédie musicale et une pantomime qui fait avancer l’histoire. Hugo Vigliotti se montre un brillant partenaire. Danse, expression, technique, tout y est et sa joie de danser transperce l’écran. Nicolas Le Riche se montre comme il y a deux ans, admirable et juste dans ce rôle. Sa jeunesse et sa fraîcheur sont incomparables. Eleonora Abbagnato est la plus belle fille du monde, il ne faut pas en douter. Sublimée par ses talons, sa robe qui forge une silhouette de rêve, le jeune homme ne pouvait qu’être dupé.
Le lendemain, distribution différente mais non moins intéressante. Amandine Albisson se révèle très juste dans le rôle de la plus belle fille du monde. Quant à Alexandre Gasse, il ne démérite pas. Sa technique est franchement impeccable et son interprétation encore un peu timide me convainc, par sa sincérité. Il n’imite personne et veut s’imposer. On découvre bien le potentiel de soliste de ce jeune garçon.

Nicolas LeRiche et Eleonora Abbagnato dans Le Rendez-Vous de Roland Petit

Le rendez vous le 26 : avec Nicolas Le Riche, Eleonora Abbagnato, Hugo Vigliotti, Stéphane Phavorin.
Le rendez vous le 27 : avec Alexandre Gasse, Amandine Albisson, Hugo Vigliotti, Stéphane Phavorin.

Deux soirées mais une seule distribution dans Le Loup. Là encore, dans un autre domaine cinématographique, cette pièce est très visuelle. On est dans l’univers de la Belle et la Bête. Les gestes de la danseuse ressemblent tant à ceux de Josette Day dans le film de Cocteau, qu’on lit immédiatement l’amour qui s’empare d’elle pour cet être à l’humanité cachée mais bien plus grande que celles des hommes et femmes qui l’entourent. Les femmes apparaissent souvent plus cruelles que les hommes chez Roland Petit. La bohémienne est de cette catégorie d’héroïnes, qui tuent, comme par plaisir. Sabrina Mallem, est brillante dans l’exercice. Séductrice, délicieuse et cynique à la fois. L’interprétation de Stéphane Bullion et Emilie Cozette est très juste comme il y a deux ans. La musique de Dutilleux les porte, c’est très narratif et on se laisse vite emmener dans la naissance des sentiments entre ces deux êtres. La séduction, la méfiance, le doute, la passion, l’amour raisonnable, tout y est et c’est une vraie carte du Tendre que parcourent nos deux héros. La chorégraphie du pas de deux est pleine de petits détails qui rendent une fois encore cette oeuvre, facile à suivre,tout en gardant des exigences techniques incroyables.

Le Loup, avec : Emilie Cozette, Stéphane Bullion, Sabrina Mallem et Christophe Duquenne.

Aurélie Dupont dans Carmen

Carmen… La nouvelle de Mérimée est déjà un chef d’œuvre, la musique de Bizet semble écrite pour la danse. Quand il crée Carmen, Roland Petit voit là encore son ballet comme un film avec un décor et des accessoires très forts visuellement. Les chaises de la scène de la taverne, déjà utilisées à bon escient dans Le jeune homme et la mort, signe l’identité de la pièce.

Deux Carmen et deux spectacles complètement différents. Aurélie Dupont est une Carmen noble,parfois trop pour moi.Le travail des bas de jambes est impeccable, les jambes sont montées à 90°, les positions cinquième, ouvertes au maximum, comme une provocation érotique sont là, et bizarrement, je ne me laisse pas séduire. Trop aristocratique, manque de noirceur malgré la perruque. La surprise est du côté de Karl Paquette, délicieusement espagnol et complètement étonnant. Voilà l’homme caliente qu’il nous fallait pour compenser la froideur de sa partenaire. C’est un Don José faillible, aveuglé. Côté seconds rôles, c’est très réussi. Allister Madin comme François Alu sont des chefs gitans qui n’hésitent pas à exagérer le caractère filou de leur personnage (et les mains posées sur les fesses de ces demoiselles en sont une bonne occasion)
Une étoile en chasse une autre. Ou plutôt deux même. Nicolas Le Riche, c’est Don José. C’est évident, c’est Roland Petit qui souffle les pas dans ses jambes et qui donne le regard juste à l’espagnol. Abbagnato avait déjà travaillé le rôle, mais pas comme cela. Là, c’est magique. On retiendra deux moments : la sensualité du pas de la chambre et la corrida entre Carmen et Don José. A en avoir des frissons. La suite, c’est la nomination. Elle devait arriver à la première et puis on ne sait pour quelle raison obscure, dont seul l’Opéra a le secret, il a fallu attendre le 27 pour que la belle soit couronnée. Trop tard certains diront. Il n’empêche que ce soir, Eleonora a montré qu’elle en avait encore sous la pointe. C’est une interprète à la technique encore admirable. L’interprétation de Carmen était belle, la salle l’a suivie dans un silence quasi religieux. Ovation méritée pour cette nomination tant attendue. Encore bravo.
J’espère que mon ami F***qui était pour la première fois à Garnier n’a pas été déçu du voyage, mais j’ai un peu regardé ses yeux et je ne le crois pas.

Nomination Eleonora

Merci à JMC pour la soirée du 26 du spectacle au dîner ! C’était une excellente soirée !
Merci à Julien Benhamou pour les photos reçues.

Eleonora Abbagnato nommée étoile !!

La danseuse italienne est enfin reconnue à la hauteur de son talent ! Elle été nommée dans Carmen de Roland Petit ce soir, par Brigitte Lefèvre.
Son maître Roland Petit, du haut de sa constellation, doit être fier de celle dont il admirait l’élégance naturelle.

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Eleonora Abbagnato est née en 1978 à Palerme. Elle étudie la danse à Monaco, puis à l’école Rosella Hightower à Cannes. Très tôt, Roland Petit la remarque et la choisit pour danser dans sa Belle au bois dormant, ce qui lui permet d’entrer à l’école de danse. Elle est engagée dans le corps de ballet en 1996. Elle reçoit le prix Carpeaux en 1998, suite à son titre de finaliste à Varna. Elle gravit les échelons très rapidement (elle monte les échelons à chaque concours) et devient première danseuse en 2001. Elle prend une année sabbatique en 2007-2008 et revient sur la scène de Garnier la saison d’après pour la création de José Martinez. Parmi ses grands rôles, on retiendra tout particulièrement sa Giselle, ses rôles dans Kylian (Doux mensonges, clic, Bella Figura), l’élue du Sacre (clic), Anastasia dans Ivan Le Terrible, Kitri, le Parc,Artifact de Forsythe et bien sûr, tous ses rôles dans les ballets de Roland Petit. L’arlésienne (clic), Albertine, la prisonnière, la mort dans le jeune homme, Carmen, Esmeralda.

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Je suis personnellement ravie de cette nomination. C’est une danseuse que j’ai toujours appréciée, tant pour sa technique que pour ses interprétations. Toujours juste, avec une humilité très particulière quand elle salue sur scène, elle a un regard qui vous fait frissonner. C’est un grand bonheur de voir cette artiste enfin élevée au rang d’étoile !

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Plus de photos de la nomination, clic
Plus de photos d’Eleonora dans Carmen, ici.