Clairemarie Osta

Rencontre Arop avec Clairemarie Osta

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© Laurent Philippe

J’arrive en retard, de quelques minutes, je manque la présentation de Jean-Yves Kaced et les premières questions de Brigitte Lefèvre. E*** me fait un rapide résumé, qui en gros revient à la bio de Clairemarie Osta. Elle a commencé la danse par les claquettes, elle
en est d’ailleurs championne de France. Elle entre à l’Opéra de Paris en 1988, elle est nommé étoile en 2002, à l’issue de Paquita. Elle a reçu plusieurs distinctions, dont le Prix de l’Arop, une médaille de bronze à Varna, elle est Chevalier des Arts et des Lettres et Chevalier de la légion d’honneur.

Brigitte Lefèvre : Cela a toujours été dans tes projets d’être danseuse ?

Clairemarie Osta : J’avais le projet d’être heureuse avant toute chose. Au moment où je me suis tournée vers la danse, c’était une des
conditions. Pour être heureuse, j’avais besoin de danser. La problématique était donc comment avec cet art, moi j’existe.

Brigitte Lefèvre : Jeanine Monin, qui était ton professeur de danse à Nice, disait « ce sera la première danseuse étoile issue de Nice ». Tu le savais non ?

Clairemarie Osta : Je ne le savais pas. C’est elle en tous les cas qui m’a fait réaliser que j’allais être danseuse.

Brigitte Lefèvre : Ah, tu as du oublier, ta maman m’avait dit que tu le savais. La nomination d’étoile, tes rôles, tout cela ce sont encore des souvenirs très vibrants. J’aimerais que tu nous parles de ta façon d’interpréter les rôles. Je sais que tu apprécies beaucoup le travail d’Isabelle Huppert, qui dit souvent qu’avant un rôle, elle est une page blanche que le personnage et son histoire vont venir combler.

Clairemarie Osta : C’est très mystérieux. J’ai confiance quand j’aborde un rôle, parce que je ne vais pas avoir à l’inventer. J’ai confiance dans le chorégraphe qui a tellement réfléchi pour créer le rôle. Mon travail de mémorisation est très rapide, parce que finalement, tout cela est inscrit dans la musique, dans le style chorégraphique et parce qu’on les a vus plein de fois. J’écoute les conseils des maîtres de ballet. Et puis il y a une part de medium. Il y a une vibration indescriptible, quelque chose de plus large que je ne pourrais expliquer. Il y a Clairemarie et Manon, par exemple. Clairemarie n’est pas sur scène, elle reste en coulisses. Sur scène je vis vraiment l’histoire de mon personnage.
Bon, dimanche, Clairemarie a eu du mal à rester en coulisses ! Il m’a fallu un acte pour que Manon prenne le dessus.

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© Agathe Poupeney

Brigitte Lefèvre : Nous avons eu l’occasion de te voir dans de nombreux rôles. Tu as été la première à danser Tatiana. Quand on est artiste, il y a un moment magique, celui avant que le rideau se lève…Il y a une sorte de cérémonial. Et, quand vous cherchez Clairemarie, normalement, vous le ne la trouvez pas. Pour Onéguine, tu étais assise sur la méridienne, les jambes allongées. Est-ce que tu méditais ?

 Clairemarie Osta : Pas vraiment. Mais ce moment est comme une seconde naissance. Il y a une attente avant le lever du rideau. Le ballet Onéguine est construit avec une tension particulière, il faut se mettre dans cet état d’esprit.

 Brigitte Lefèvre : Parlons un peu de technique. C’est quoi pour toi la technique ?

Clairemarie Osta : Pour moi, c’est découvrir une langue et son goût, et puis ensuite, c’est atteindre un certaine niveau pour pouvoir s’en servir. Après il faut l’entretenir, pour avoir le plus de possibilités, pour être disponible pour les ballets.

 Brigitte Lefèvre : Quel est le rôle qui t’a posé le plus de problèmes ?

 Clairemarie Osta : Ahh ! Je crois que c’est Gamzatti. Je ne l’aimais pas. Je préférais l’autre, non pas ambition ou grade dans les rôles, mais je n’aimais pas ce personnage. Alors j’ai dû me mettre à sa place, me dire qu’elle avait été élevée comme cela, qu’il était normal de vivre ce qu’elle vit avec Solor. J’ai alors pensé qu’il était impossible pour elle de vivre son destin autrement, ce qui me l’a rendue plus sympathique.

Question du public : Pouvez-vous nous parler un peu plus de vos relations et méthodes de travail avec Roland Petit, notamment dans
Clavigo et Carmen ?

Clairemarie Osta : C’était le choix de Roland Petit de me prendre pour Clavigo. Son envie était motivée par rapport au personnage de Marie, qui est l’incarnation du romantisme, de la féminité. Il avait choisi Nicolas (Le Riche, son compagnon à la ville, NDLR) et il fallait que ce soit crédible que je puisse mourir d’amour pour lui. Bien sûr, ce n’est pas si facile, car l’intimité n’est pas la même en scène. Il fallait donc ensuite transcender le rôle. Mais dans le studio, il y avait déjà tellement imaginé dans sa tête. Cela lui est venu très facilement, comme si il l’avait rêvé. L’autre aspect du travail de Roland, c’est son souci que notre qualité de danseur « classique » soit montré. Pour lui, c’est un dessin esthétique, académique. Par exemple dans Carmen, il joue sur l’en-dedans/en-dehors, et cela a un côté très érotique. Mais pas seulement. Il faut faire une 5ème très provancante par rapport à l’en-dedans, pour montrer la capacité que l’on a de faire cette cinquième. C’est un peu « regardez, je suis capable de le faire, c’est magique ! ».

 Brigitte Lefèvre : Roland Petit était un personnage extraordinaire et effrayant ! Il avait une relation compliquée avec les femmes. Il était très marqué par Zizi Jeanmaire. Pour Clavigo, il avait bien sûr choisi son danseur de prédilection qu’est Nicolas Le Riche. Pour le rôle de Marie, il m’avait dit « Vous n’avez pas de danseuse romantique ! ». Roland Petit n’a jamais pu s’enlever l’image de Zizi.

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© Laurent Philippe

Question du public : Quels sont vos projets ?

 Clairemarie Osta : J’ai envie de profiter. Après avoir pris le visage d’autres, le visage de ma vie réelle m’attend. La relation entre danse et transmission m’intéresse beaucoup.

Question du public : Qu’est-ce qui a changé depuis que vous êtes entrée à l’Opéra de Paris ?

Clairemarie Osta : Je n’ai pas encore fait le voyage en arrière ! D’un côté, il y a l’institution, qui a une mission et cela se passe sans nous. Au moment où on le vit, on a l’impression que c’est à nous. C’est du présent pour nous. Comme toutes les nouvelles générations, on a l’impression qu’on réinvente le monde. On ne fait que passer. Et le temps passe très très vite.

Brigitte Lefèvre : C’est vrai qu’on a la sensation que cette maison nous appartient. Je pars dans deux ans et en fait, on a pas le temps de penser au futur. On ne s’en soucie pas. L’heure des bilans sonne très très tard. C’est une maison magnifique, dans laquelle on reste danseur, même si on ne fait que passer. On se sent héritier de quelque chose. On me dit souvent, « vous leur faites tout danser ». Je réponds non. On danse des choses différentes. D’ailleurs, comment se situe t-on quand on danse en même temps Robbins et Mats Ek ?

Clairemarie Osta : C’est une préparation différente. Il y a une exigence totale dans les deux. On vit un déchirement à chaque fois qu’on quitte un studio pour répéter dans un autre et vice-versa. C’est une manière de se rendre compte de quoi on est capable. On est totalement engagé, on se sent vivant à chaque fois. C’est une alternance qui coûte, pas du point de vue des courbatures, parce que ça ce n’est pas bien, mais c’est quelque chose qui vous apporte beaucoup.

Brigitte Lefèvre : Il y a bientôt la tournée aux Etats-Unis. Tu vas y danser Giselle. Chacun a sa Giselle, quelle est la tienne ?

Clairemarie Osta : C’est un bon exemple de la réalité de la transmission. Quand on est sujet, on doit porter le reste du corps du ballet. J’étais la plus petite, donc la dernière des Willys. Patrice me disait toujours, « il faut qu’on te voit, sinon il y en aurait une de moins ». Ensuite j’ai dansé le rôle des vendangeurs et pour m’échauffer, je dansais le rôle de Giselle. Je vous avais dit « J’espère que vous avez compris ».. Je n’ai pas eu de complexe.

Question du public :  Nicolas Le Riche a t-il été un partenaire particulier ? Parlez-vous beaucoup de danse à la maison ?

Clairemarie Osta : Non, on parle très peu de danse à la maison. Les distributions ne dépendaient pas de moi, j’ai eu beaucoup de partenaires, avec qui j’ai partagé des choses différentes.

 Brigitte Lefèvre : Pour ma part, je ne tiens pas particulièrement à ce que les couples dansent tout le temps ensemble. C’est important de construire sa propre carrière.

Question du public : Vous avez un regard très réfléchi, très structuré sur votre art. Avez-vous eu le désir de chorégraphier vous même ?

Clairemarie Osta : Pour l’instant non. J’ai aimé toute ma place comme interprète.

Question du public : L’émotion peut-elle être aussi forte quand on est danseuse dans le corps de ballet ?

 Clairemarie Osta : Oui, il faut s’en persuader ! Blague à part, il y a des transes indescriptibles dans le corps de ballet, quand on danse toutes ensemble et c’est un privilège souvent féminin. Bien sûr dans Giselle, dans Bayadère. Le Lac des cygnes reste bien entendu inégalé. Il y a une vie du groupe, une inertie. C’est une addition d’énergies.

Question du public : Comment avez-vous vécu le 13 mai ? D’autant que dans le dernier acte votre personnage meurt.

Clairemarie Osta : Quand je danse, je pense que le public vient voir Manon, pas Clairemarie Osta. Là, c’est moi qu’on venait voir. C’était dur. J’avais la frustration de ne pas pouvoir laisser paraître mon émotion intime. Clairemarie était très présente. Tellement, parfois que dans le dernier assemblée, avant de mourir dans les bras de Des Grieux, je me suis dit « oh ben non, j’y vais pas! ». Je sais qu’il y a eu un film j’aimerais bien voir mon visage à ce moment là.

Brigitte Lefèvre : Tu as été nommée étoile en matinée. Tu as fait tes adieux en matinée, pour tes filles. Elles sont danseuses ?

Clairemarie Osta : Non, pas pour l’instant, elles sont trop jeunes.

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© Agathe Poupeney

 

Adieux de Clairemarie Osta

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© Elendae

J’ai d’abord cru qu’il était possible d’obtenir un pass jeunes. Et puis les touristes n’attendant que des places de première catégorie ont tout raflé. Pas grave, je fonce à 19h29, direction la loge 7, mais je croise un ouvreur charmant qui me replace. J’entre en loge 15 où je retrouve Garielle et Genoveva. Vue parfaite sur la scène quand on se perche un peu sur son fauteuil. C’est un art de s’installer confortablement en fond de loge.

Le ballet commence, et on rentre bien plus dans la musique qu’auparavant. Sans doute, depuis les premières répétitions, l’oreille s’est habituée à cette musique, qui est issue de différents opéras de Massenet. Les thèmes qui correspondent à différents personnages permettent une certaine lisibilité de l’histoire et l’arrangement joué par l’orchestre ne m’a pas gênée. Clairemarie Osta est applaudie à son entrée sur scène. La salle se remplit alors d’une certaine tension. Dernière de Manon, dernière d’Osta…On a envie de profiter de chaque minute qui défile sous nos yeux, sans rater une miette de ce ballet. On voit passer le sourire ravageur de Renavand, impeccable en maîtresse de Lescaut, drôle, séductrice et coquine. Stéphane Bullion se montre toujours aussi brillant en Lescaut. Il parvient à créer un personnage complexe, reniflant l’argent partout il pousse, tout en gardant l’art des relations sociales.

Le premier pas de deux est magique surtout avec Le Riche, majestueux. On croit à cet amour de jeunesse, on voit en ce danseur, le visage juvénile d’un Des Grieux, tombant sous le charme, comme les autres hommes, de cette Manon mystérieuse. Clairemarie Osta est une Manon qui se montre intelligente, qui semble analyser les regards qui se portent sur elle. J’apprécie sa façon de monter sur la pointe de son chausson, avec une certaine suspension, tout en laissant traîner un regard vers un homme.

Le premier pas de deux de la chambre est celui qui me plaît le plus chorégraphiquement. J’adore la façon dont Des Grieux, fait descendre au sol Manon en la tenant par la nuque. Les baisers sont fougueux entre Osta et Le Riche, la passion transpire entre ces deux là. La fluidité dans les portés est remarquable. Manon glisse, s’envole, virevolte. La mousseline de sa robe légère suit les mouvements, et laisse découvrir les jambes de Manon tant désirées par la suite par Monsieur de G.M. Je suis à nouveau très émue par l’interprétation et la danse de Le Riche/Osta.

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A l’entracte, on croise tous les balletomanes ! L’excitation est à son comble, ça bavarde, chacun s’épanche sur son moment préféré, sur l’intelligence d’Osta dans sa danse, sur Nicolas Le Riche, définitivement le plus charismatique d’entre tous. Bizarre tout de même, cet adieu en matinée. Il manque l’ambiance d’une soirée, mais voir tous ces enfants dont ceux d’Osta, crée aussi une ambiance particulière, de joie.

Retour dans ma loge en compagnie de Gaerielle et Genoveva, qui ont récupéré plein d’affiches d’adieux. L’opéra édite des affiches quand une étoile de la compagnie part sur d’autres routes.

Reprise du ballet, Bullion est brillant dans son rôle de frère ivre et malsain. Comme un clown triste, son personnage est complexe, on oscille entre le rire et un sentiment pathétique à travers cet ivrogne dont la perte est déjà assurée à ce moment du ballet. Clairemarie Osta livre une Manon délicate et délicieuse, pour laquelle les hommes au regard avide, débordent de désir. Manon, objet de fantasme, enfant dans un corps de femme, qui croit avoir de la maîtrise de ce monde qui l’entoure, alros qu’elle en est la première victime. Osta maîtrise son personnage et prend un plaisir immense à occuper cette scène. Le public est pendu à ses pointes, et suit ce petit jeu de séduction qui finit mal.

Retour dans la chambre où Manon et Des Grieux se déchirent pour la valeur de l’argent. La tension est forte, à l’image de la complicité des deux protagonistes. Je suis suspendue aux bras d’Osta et aux regards de Le Riche. La pression monte jusqu’à la mort de Lescaut. Tragédienne jusqu’au bout, Osta livre une Manon tragique, profondément grave face à la mort de son frère. Quand arrive l’entracte, on commence à vouloir ralentir le ballet qui m’a paru étonnamment court.

Après la pause, retour pour les vingt dernières minutes de Manon. Clairemarie Osta danse avec une émotion certaine, elle fait frissonner la salle. Aux saluts, ovation du public. Le visage de l’étoile redevient le sien, Manon reste en arrière pour laisser Clairemarie profiter de ce dernier instant sur la scène avec son public. Cotillons dorés, sourire figé par l’émotion, larmes discrètes, les spectateurs applaudissent très fort, crient merci et milles bravos retentissent sous le lustre de Garnier.

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© Elendae

  • Distribution du 13 mai 2012 14h30
Manon Clairemarie Osta
DesGrieux Nicolas Le Riche
Lescaut Stéphane Bullion
La Maîtresse de Lescaut Alice Renavand
Monsieur de G. M. Stéphane Phavorin
Madame Viviane Descouture

 

Nouvelles du 14 mai

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© Elendae

Quelle semaine ! Entre les élections, ma visite éblouissante aux Ateliers Berthiers, Roméo et Juliette de Sasha Waltz, Cesana d’Anne Teresa de Keersmaecker, un brunch de
balletomanes, les adieux de Clairemarie Osta, et une angine qui a failli me mettre ko, ouh voilà une nouvelle semaine qui commence, je ne sais pas où je vais puiser mon énergie !

Heureusement qu’il y a des jours fériés pour rattraper mes retards de billets sur ce blog ! Cette courte semaine si vous faites le pont ne vous empêchera pas de sortir !

  • Les sorties de la semaine

La compagnie du Tokyo Ballet prend ses marques à l’Opéra de Paris. Elle est invitée pour y danser Kabuki, un ballet crée par Maurice Béjart. Au Japon,
le Kabuki est la forme traditionnelle du théâtre. Béjart qui a toujours été fasciné par le Japon et l’Orient de manière plus générale, a créé ce ballet pour le Tokyo Ballet en 1986. Sur une musique de Mayuzumi Toshiro, Béjart rend hommage à ce théâtre traditionnel. Je ne suis pas enthousiasmée par ce spectacle, mais nous verrons bien !

A lire En scène, le magazine de l’Opéra de Paris

Pour réserver, suivez le lien

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Avec le retour du soleil, autant garder cette bonne humeur, en prenant des bulles de bonheur ! Pour cela, il faut aller faire un tour du côté du Grand Palais pour voir l’exposition Monumenta. Daniel Buren y a installé des cercles, des disques, des bulles de couleurs. Une jolie balade à ne pas manquer ! Dépêchez vous c’est jusqu’au 21 juin !

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  • Les chaussons de la semaine : Louboutins !

Ce week-end je suis allée déposer chez le meilleur cordonnier pour les grandes marques une paire de Louboutin dont le talon me semblait suspect. En effet, le cordonnier avait mal remis les bouts des talons et cela avait abîmé la tige du talon. Pour cela, une seule solution, un excellent cordonnier Minuit moins Sept qui se trouve au 10 passage Vero Dodat et qui vous remet
tout ça à neuf !

Après les chaussons de travail Nike plutôt vilains, voilà que Louboutin a crée pour Mlle Dita von Teese, une paire de pointes ! Admirez le travail ! Moi j’adore !

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  • En vrac

Roméo et Juliette de Sasha Waltz sera diffusé le 15 mai sur les écrans de Gaumont et Pathé en France et en Europe.

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Le 31 mai c’est le Neerderland Tanz Theater qui sera en direct sur nos écrans ! A ne pas manquer !

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Marie Agnès Gillot présentera la cérémonie des Benois de la danse en Russie.

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Le 20 juin, Sylvie Guillem se verra remettre un Lion d’or d’honneur à Venise. Plus d’infos ici et .

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Revoir les 5 dernières minutes avec Aurélie Dupont.

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Sublime Dorothée Gilbert dans la nouvelle campagne Repetto.

Repetto Dorothée Gilbert

  • La vidéo de la semaine : Adieux de Clairemarie Osta

 

L’histoire de Manon première !

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Samedi soir direction Garnier, pour assister à la première de Manon. Si je trouve bien des défauts à ce ballet, il n’en est pas moins de beaux moments de grâce.

Le premier acte se divise en deux scènes. La première mêle une foule de gens, mendiants, blanchisseuses, riches propriétaires, prostituées, soldats, courtisanes et autres chasseurs de rats. Parmi eux, un jeune soldat fougueux, Lescaut observe riches et mendiants. On découvre sa maîtresse, qu’il maltraite dès le début de cette histoire. Un homme intéresse particulièrement la foule, c’est Monsieur de G.M. Les mendiants, notamment leur chef, car la montre à gousset qui dépasse de sa veste est promesse de prospérité. Allister Madin incarne avec brio ce mendiant ma foi sympathique et bondissant. La maîtresse de Lescaut tente de séduire tout ce qui brille et Alice Renavand est convaincante. Jeux de bas de jambes, jeux de regard et sourire éblouissant, elle campe une courtisane séduisante, non sans recherche d’une certaine tendresse de la part de ces rudes hommes qui l’entourent. Stéphane Bullion se montre un Lescaut intéressé, malin, et tendre avec sa jeune soeur. Manon Lescaut est en route pour le couvent, quand elle s’arrête dans l’auberge pour y revoir son frère. Les regards sur elle, elle prend peu à peu conscience de sa beauté et de son pouvoir sur les hommes. Clairemarie Osta joue une Manon naïve dans ce premier acte, douce et délicate. Son travail de pointe reflète assez merveilleusement son caractère. Bien dans ses chaussons, et peu à peu, sans cesse en élévation. Deux hommes sont d’emblée attirés par Manon, Monsieur de G.M. et un autre riche notable, qui connaîtra une fin malheureuse, dans un coin de l’auberge Lescaut le faisant tuer par les mendiants pour une poignée d’or. Pendant les négociations entre Lescaut et Monsieur de G.M., dansé par Stéphane Phavorin, Manon cogne un jeune homme. Le coup de foudre est immédiat. Ce jeune c’est Des Grieux, un jeune étudiant. La variation de profil est une de mes préférées. La musicalité de Nicolas Le Riche n’a pas d’égal, chaque pied posé sur le sol, montre l’avancée de cet amour qui vient de naître dans son coeur. Les deux jeunes gens décident de fuir à Paris.

A son retour, Lescaut a promis sa sœur à Monsieur de G.M., il s’agit donc de la retrouver. Les deux amants se sont réfugiés dans la chambre de Des Grieux. Le pas de deux recèle des trésors chorégraphiques. Après avoir écrit une lettre à son père, Des Grieux déclare avec fougue son amour à Manon. Les portés s’enchaînent avec une telle aisance. J’aime les regards de l’un entre l’autre. Une véritable passion naît. Je suis émue aux larmes devant tant de grâce et de délicatesse. Manon vole, elle jubile de bonheur. Tous deux connaissent leur premier amour. Sur les visages des danseurs on peut lire une certaine innocence et la surprise sans cesse renouvelée de ce sentiment soudain et grandissant. Des Grieux va porter la lettre à son père, pour lui demander de l’argent, tandis que Manon vit ses derniers instants de bonheur. En effet, son frère arrive avec Monsieur de G.M., près tous deux à de mauvais arrangements. Monsieur de G.M. offre un manteau d’hermine à la jeune femme et des rivières de diamants. Cette perspective de richesse séduit Manon, qui prend un autre sourire devant cette richesse matérielle, oubliant aussi rapidement l’amour pur de Des Grieux. Le trio entre Lescaut, Monsieur de G.M. et Manon est malsain au possible. Stéphane Phavorin propose un Monsieur de G.M. très pervers et prêt à tout pour faire de Manon sa chose. La femme est réifiée durant tout le long du ballet.

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L’acte II commence dans le salon de Madame, une dirigeante de maison close. Prostituées et courtisanes se distinguent par leurs vêtements. Lescaut arrive au milieu de cette foule, complètement ivre. Stéphane Bullion se montre très convaincant dans ce rôle de fêtard. Très drôle, j’apprécie beaucoup cette variation. Le pas de deux avec Alice Renavand vient achever le passage comique. Elle tombe en grand écart, bouscule Lescaut, insiste pour qu’il la porte, mais se fait renverser par son partenaire. Lui à la fois graveleux et mal en point finit sa variation par une tentative de baiser, mais finit par s’écrouler sur le sol. Divin ! S’ensuivent de nombreuses danses des prostituées, un peu fouillies à mon goût. Sabrina Mallem est éblouissante en chipie capricieuse. Les femmes sont de nouveau traitées comme des objets qu’on choisit en fonction de ses goûts. Il règne une misogynie assez poussée dans ce ballet. Manon arrive au bras de Monsieur de G.M., habillée pour l’hiver et parée comme un sapin de Noël. Elle est montrée comme une bête de foire, ce qui rend fou de malheur Des Grieux qui a été invité à cette sauterie par Lescaut. La variation de Manon dansée par Clairemarie Osta est un régal. Fine, élégante, elle change de visage en fonction du partenaire qu’elle regarde. Séduisante et séductrice, elle regarde avec tension Monsieur de G.M., qui ne la perçoit que comme un objet sexuel, tandis que les yeux se baissent, et la danse se montre plus douce, plus pudique devant Des Grieux. Nicolas Le Riche qui ne danse quasiment pas de cette scène, n’en est pas moins charismatique. Il ne perd jamais le fil de l’histoire et captive mon regard à de nombreux moments, parfois plus que les danses successives. Manon passe de bras en bras, d’hommes en hommes, de façon très malsaine, chacun pouvant profiter de l’odeur de sa peau. En récompense, Monsieur de G.M. lui accroche au poignet un bracelet, sorte de menotte dorée. Moment de calme, Des Grieux demande à Manon de le suivre, tandis que celle ci lui montre ses nouvelles richesses et acquisitions. Elle lui suggère de gagner au jeu et pour cela, elle l’aide à tricher. Après quelques tours, et beaucoup d’or amassés, Monsieur de G.M. s’aperçoit de la supercherie et se lance dans un duel à l’épée. Des Grieux blesse le riche noble et s’enfuit avec Manon.

 

Dans cette deuxième scène, Manon et Des Grieux montrent leur désaccord. Si Des Grieux n’attache aucune importance aux biens matériels, Manon en revanche a du mal à lâcher sa robe, son bracelet et autres pierres précieuses. La scène d’opposition est très forte et saisissante. Des Grieux ne demande pas à Manon de chosir, il veut que l’amour s’impose à elle comme une évidence. Il la contraint lui aussi par la force, ce qu’elle ne peut supporter, elle décide alors de céder. Monsieur de G.M. arrive pour arrêter les tricheurs, Lescaut étant déjà menotté et molesté. Monsieur de G.M. tue Lescaut, Manon court pleurer son frère.

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© Blog à Petits Pas

Le troisième acte se passe en Louisiane où on été exilés les deux amants. La danse des jeunes femmes est emmenée par une Letizia Galloni resplendissante. Quand le bateau arrive, ce sont d’anciennes prostituées qui en descendent bien faibles et désespérées par ce voyage. Quand Manon et Des Grieux descendent du bateau, la jeune femme est éreintée et presque déjà dépossédée de son corps. Le geôlier ne s’y trompe pas, et voit le joli minois de l’ancienne séductrice. Après une altercation il l’emmène de force chez lui. Il la viole et lui accroche au poignet, de nouveau un bijou. La jeune femme ne répond plus de rien, elle est humiliée au sol. Scène choquante, Manon est presque laissée pour morte devant le bureau du geôlier. Des Grieux entre et le tue, puis emmène Manon en fuite dans les marécage de Louisiane. L’aventure est trop harassante pour la jeune femme, qui cauchemarde pendant ses nuits de sa vie passée. Tous viennent la hanter, se rappeler à sa mémoire, comme une sorte de procès. Dans un dernier espoir, Des Grieux fait danser Manon, elle court hantée par ce passé, par ces douleurs, elle se réfugie dans les bras de son amant. Il tente de nouveau de l’élever, de la faire sentir belle et forte. Son corps ne répond plus, Des Grieux la pose au sol, et pleure son désespoir. Le Riche et Osta m’ont complètement fait vibrer, leur osmose est sans égale, leur charisme et l’émotion qu’ils font passer vous bouleverse. On met quelques instants avant de revenir à soi, car ils parviennent à vous plonger dans leur histoire de Manon.

A lire ailleurs : Blog à Petits pas, Joël Riou, Klariscope

Jules Massenet Musique
Martin Yates Arrangements et orchestration
Kenneth Macmillan Chorégraphie et mise en scène
Nicholas Georgiadis Décors et costumes
Hans-Äke Sjöquist Lumières
  • Distribution du 21 avril 2012
Manon Clairemarie Osta
DesGrieux Nicolas Le Riche
Lescaut Stéphane Bullion
La Maîtresse de Lescaut Alice Renavand
Monsieur de G. M. Stéphane Phavorin
Madame Viviane Descouture

Hommage aux ballets russes à l’Opéra de Paris

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Marcel Schneider me racontait souvent autour d’un bon repas et d’un bon vin dans sa maison de campagne l’impression qu’il avait eue et l’émotion ressentie la première fois qu’il avait vu les ballets russes de Diaghliev à Paris.

« J’ai été conquis par cette forme d’art {la danse} en 1929, au cours de ma seizième année, quand un instinct divinatoire m’incita à m’inscrire pour la saison des Ballets Russes. Personne ne savait alors que ce serait la dernière. Le sort me favorisa : j’assistai à la création du Fils Prodigue, musique de Prokofiev, décors et costumes de Rouault, chorégraphie de Balanchine. Ces trois artistes m’étaient inconnus : je fis leur découverte avec émerveillement. » L’esprit du ballet, introduction page 9.

J’avais toujours été intriguée par les mots de Marcel, et surtout par son regard, dans lequel l’émerveillement ne l’avait pas quitté. Une étoile brillait toujours dans le fond de ses yeux, quand il parlait de Diaghilev, de Nijinsky, d’Ida Rubinstein. Toute sa passion pour la danse part de là.Ce que j’ai retrouvé hier soir c’est la découverte émerveillée dont me parlait Marcel. il y a quelque chose d’inattendu dans ces ballets russes. Ce qui m’a frappé dans toutes les pièces, c’est la modernité. Modernité chorégraphique, modernité dans les choix musicaux, modernité des décors et des costumes. Ensuite c’est ce travail commun entre chorégraphes, scénographes, musiciens, peintres, et autres artistes qui collaborent dans cette recherche de création. Parlons en donc de ces merveilles.

Mon coup de cœur va pour l’Après midi d’un faune de Nijinsky. Considéré comme fou, Nijinsky présente dans cette pièce tout son génie et son non académisme. Jugé scandaleux la première fois qu’il fut montré, aujourd’hui il continue d’interloquer les spectateurs. Les spectateurs de ma loge, apparemment novices, semblent choqués, vu leurs commentaires. Pour eux, ce n’est pas de la danse. Or pour moi tout est là. Ces gestes qu’a inventés Nijinsky sont merveilleux. Ils sont chorégraphiés au millimètre près. La justesse de la scénographie, véritable démonstration géométrique, éblouit le regard. La douceur du mythe russe nous enchante grâce à la musique de Debussy. C’est là le grand génie de cette pièce. Elle parvient avec peu de choses à nous replonger
dans des histoires merveilleuses ; petit à petit se bâtit dans notre imagination un univers fantasmagorique alimenté en permanence par l’apparition des nymphes, les sauts du faune et cette danse du voile dans laquelle la séduction paraît sans limite. A mon sens, l’après midi d’un faune est un des plus grands ballets du XXème siècle. Le génie de Nijinsky que l’on aperçoit ici, se déploie entièrement dans le Sacre du Printemps (pour ceux qui ont eu la chance de le voir à Bordeaux, sous la direction de Charles Jude).

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Le Tricorne est l’exemple le plus frappant de la collaboration entre artistes. Ici, c’est Pablo Picasso qui a été mis au travail pour la création. Il a réalisé les décors et les
costumes, qui sont sublimes, éclatants de couleurs et de formes. Là encore, le génie russe est à l’œuvre. L’œuvre est totalement hispanique, costumes, décors, musique (par un compositeur hispanique (Manuel de Falla) mais bien sûr chorégraphie. Ceux qui attendent les pointes et les tutus peuvent rentrer chez eux. On est sur une place d’un village en Espagne et les gens dansent, claquent des doigts, tapent dans les tambourins. Nous sommes passés le temps d’un précipité,  de la taïga mystérieuse à un petit port le long de la Méditerranée. Quel spectacle avec José Martinez qui contribue au voyage!

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Le Spectre de la rose est un exercice réussi. Je dis exercice, car cela représente pour moi un exercice de base (qui n’en pas pas pour autant aisé) en matière de chorégraphie. Prendre un poème, et délabyrinther les mots pour en faire des gestes. Inventer ce langage corporel pour traduire les mots de Théophile Gautier. L’atmosphère du poème est habilement retranscrite et présente la même douceur.

« Soulève ta paupière close
Qu’effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir. »

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Le spectacle se clôt dans une ambiance russe. Le titre est déjà l’objet de l’exotisme et du voyage vers ce grand pays. Petrouchka est un drame qui touche chacun. Un pantin,
malheureux à cause de son humanisation par un grand sorcier et de son amour non partagée pour une poupée russe, nous touche et nous émeut jusqu’à la dernière minute. Petrouchka mélancolique rêve d’une vie meilleure où il s’échapperait de cette boîte avec sa jolie poupée, laquelle ne pense pas à Petrouchka mais qui est totalement éprise du Maure. Petrouchka est battu, humilié. Le pantin de chiffon a le coeur qui saigne. Il est par son amour et sa passion devenu plus humain, tellement humain qu’il en meurt. Le sorcier se croît tiré d’affaire, ce n’est qu’un pantin de chiffon, mais non, l’âme de Petrouchka est là et hante cet ensorceleur de poupée. L’amour de ce pantin est sans limite est flotte sur les décors, sur les visages et dans toute la salle du Palais Garnier. Petrouchka a quelque chose de magique, nous sommes aussi des pantins ensorcelés qui, absorbés par le spectacle tragique, sommes confrontés à une réalité bien morose au tomber
du rideau. Que dire de la prestation de Nicolas Le Riche… rien une fois de plus parfait. Le masque de Petrouchka reste sur son visage même pendant le salut, il doit être bien difficile de sortir de ce rôle très touchant.

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A NE PAS MANQUER!! RETRANSMISSION LE VENDREDI
1ER JANVIER À 13H50 SUR FRANCE 3

  • Revue de presse sur le net


Article du Point

Article de culture.fr

Article du Figaroscope à propos de la soirée de gala du 16
décembre

Article du Figaroscope à propos de l’exposition sur les ballets russes

Critique d’evene.fr

  • Et dans les kiosques

Hors Série DANSER sur les Ballets russes

Connaissances des arts sur les ballets russes

  • Quelques vidéos disponibles sur le net

Noureev dans l’Après Midi d’un faune.

Le spectre de la rose dansé par Margot Fonteyn et Barishnikov

Petrouchka avec Monique Loudières

  • Distribution du 20 décembre 2009
Spectre de la Rose (Le)
LE SPECTRE Emmanuel Thibault
LA JEUNE FILLE Clairemarie Osta
Après midi d’un faune (L’)
LE FAUNE Jérémie Belingard
LA NYMPHE Amandine Albisson (changement dernière minute à place d’Émilie Cozette)
Tricorne (Le)
LE MEUNIER Jose Martinez
LA FEMME DU MEUNIER Stéphanie Romberg
Petrouchka
PETROUCHKA Nicolas Le Riche
LA POUPEE Eve Grinsztajn
LE MAURE Stéphane Bullion
LE CHARLATAN Michaël Denard