Cirque

Géométrie de caoutchouc

C’est l’histoire d’un chapiteau dans un chapiteau. C’est comme une poupée russe dont on voudrait découvrir l’intérieur. Ce chapiteau, c’est l’objet central de la pièce d’Aurélien Bory et de la compagnie 111.

Le chapiteau s’illumine d’un vert martien. Des formes pas toujours humaines apparaissent à travers la toile comme des tâches, des ombres. Sorte de ballet aquatique, le public assiste à cette valse des personnages enfermés sous cette toile de caoutchouc. Ils sont propulsés contre le chapiteau par une soufflerie. Les formes sont floues. On ne sait pas non plus ce que voit le public en face de nous ou celui situé à droite et à gauche du chapiteau.

Les danseurs vont peu à peu s’extirper de leu cocon. Les corps semblent être faits eux aussi de caoutchouc. Ils tombent sur les câbles qui retiennent le chapiteau au sol. Ils ne tiennent pas debout. Quatre couples se démènent ainsi avec leurs corps « mous » de chaque côté du chapiteau.

Les personnages montent ensuite sur la structure, qui va porter ces corps et leur résister. le chapiteau apparait alors comme un lieu infranchissable, presque hostile. C’est sans aucun doute le meilleur moment du spectacle. Après une montée périlleuse où les chutes et les glissages sont nombreuses, l’arrivée en haut du chapiteau semble une révélation pour nos personnages. Les premiers sourires apparaissent sur ces bonhommes austères, tous vêtus d’un imperméable, baskets au pieds. De cette joie ascensionnelle, les danseurs vont se relâcher. Ils sautent depuis le haut du chapiteau, s’élancent sur les câbles. On n’est pas dans la démonstration du geste extraordinaire, mais dans une insouciance, dans le jeu. Les corps ont leurs ombres projetées par les lumières au plafond de notre chapiteau ; c’est un spectacle à lui tout seul, et je me surprends à rester admirative plusieurs minutes de ce ballet d’ombres.

La deuxième partie du spectacle va être le démontage du chapiteau. On va perdre alors le caoutchouc des corps mais les personnages vont expérimenter les possibilités de la toile. Elle devient presque animale, on dirait une grande méduse qui règne aux dessus d’eux. Ils vont de nouveau monter dessus, ce qui parait fou, tant la toile parait molle à présent. Elle n’est plus tendue, il faut jouer avec les poids du corps, gérer ce sol mou sous les pieds, la hauteur, le vertige qui se lit aussi dans les yeux des autres personnages restés au sol. Le rythme s’accélère, les courses sont plus nombreuses, jusqu’à l’écroulement final du toit du chapiteau.

J’ai passé un bon moment, même si parfois il y a des longueurs, notamment au début, la sortie du chapiteau m’a paru un peu longue. J’ai beaucoup aimé les musiques, qui permettent de se transporter dans un univers assez onirique. Il faut prévoir un gros pull par contre parce que la soufflerie qui permet de faire beaucoup d’effet dans le spectacle est glaçante.

A lire ailleurs : Danses avec la plume.
Des manifestations ont lieu autour de l’œuvre :

Avec Mathieu Bleton, Raphaëlle Boitel, Olivier Boyer, Pierre Cartonnet, Claire Cordelette-Lourdelle ou Marlène Rostaing (en alternance), Sarah Cosset, Cécile Fradet, Nicolas Lourdelle

Géométrie de caoutchouc, c’est jusqu’au 28 octobre à la Villette, espace chapiteau. Plus d’infos et réservations, clic.

Raoul James Thierrée au Théâtre de la ville

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© Laurent Philippe/Fedephoto

 

Raoul est un spectacle qui m’a plu sur bien des aspects et pourtant je ne suis pas sortie avec l’enthousiasme débordant qui régnait dans la salle. Peut-être en avais-je trop entendu sur le spectacle, peut être m’avait-on trop vendu le génie de James Thiérrée.

D’entrée, on est plongé dans un décor de fin de monde. Des draps couleur crème, que le personnage fait valser dès son arrivée. On dirait un petit animal qui bondit de tringles en tringles pour s’approprier l’espace. Au sol, des traces blanches, comme de la neige. Au centre, une cabane faite avec de grandes tiges de métal. Le personnage se déshabille, il ressemble à un militaire à la fin d’une campagne de guerre. Il a un paletot et des souliers qu’il déchausse. Il hurle « Raoul…. Raoul….. ». Il frappe dans cette cabane, deux murs tombent en faisant un grand fracas. Dans la cabane, il y a Raoul, son double. La musique de Schubert contribue à intriguer le spectateur. Est-il seul? Est-ce son jumeau ? Qui est cet homme dont il veut se débarrasser? Un démon, un double mauvais qu’il l’empêcherai d’exister ? Tous les objets de cette petite cabane vont être sujets à exploration, expérience. Ils vont devenir des instruments de musique, des déguisements, des objets
de crainte. En dévoilant l’intérieur de cette prison, Raoul se libère et explore un univers onirique. Son corps tremble plus vite que le vent, il danse avec une souplesse qui défie des lois de l’anatomie. Il glisse, se déhanche, avec une tristesse douce.

La musique a un grand rôle dans le spectacle. Elle l’accompagne, le dérange aussi parfois. Sortir de l’espace de la cabane semble au début impossible, cela arrête le son. Il faut alors aller le chercher ailleurs. Parfois la musique est trop forte, Raoul se bouche les oreilles, et nous sommes avec lui dans sa tête.

Que rencontre t-on dans nos rêves ? Plein de monstres répondrait un enfant. Ici tout un bestiaire défile. Un poisson qui ressemble fortement à un silure, vient jusque dans son antre. Une belle anémone danse avec lui, un éléphant lui sert d’oreiller. Les animaux apparaissent et disparaissent. Ils interpellent ce personnage, le font changer.

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© Laurent Philippe/Fedephoto

Si j’ai parfois trouvé des longueurs, à cause de la répétition de certains procédés, on est parfois frustré du manque d’utilisation d’autres. On pense au passage avec le lustre, qu’il cherche à tout prix à accrocher, puis il ne se passe plus rien avec cet objet. Eblouie par sa danse, par ce corps qui peut prendre toutes les formes, j’ai adoré ces passages qui sont des moments d’intériorisation, où l’aventure s’arrête. Elle reprend quand un membre lui fait défaut et on ne peut s’empêcher de penser à son aïeul. Un genou qui ne veut plus se plier, une main qui fait ce qu’elle veut. Un organe qui se déplace dans son corps et qu’il faut aller chercher. Il nous fait rire, nous emmène avec lui dans toutes ses émotions. L’angoisse d’être seul, la joie de la musique et de la danse, l’amusement, le jeu avec les objets, la rencontre des animaux. On est au milieu d’un rêve et chacun se retrouve dans les différentes aventures de ce personnage fantasque.

A la fin James Thiérrée vole et s’envole. Le rêve est fini. Raoul est parti, il a tout détruit autour de lui. Il est dans le noir et vole devant des spectateurs enchantés. La salle est debout, applaudit avec joie l’artiste et toute sa bande.

Merci à D*** qui a fut très matinal pour avoir des places.

un spectacle mis en scène & interprété par James Thierrée
costume, bestiaire Victoria Thierrée
son Thomas Delot
lumières Jérôme Sabre
scénographie James Thierrée
interventions scéniques Mehdi Duman
assistantes à la mise en scène Laetitia Hélin & Sidonie Pigeon
intervenants artistiques Kaori Ito, Magnus Jakobsson, Bruno Fontaine
avec les volutes électriques de Matthieu Chedid

Durée 1h40

Raoul de James Thierrée

Du 28 décembre 2011 au 10 janvier 2012