Charlotte Ranson

Danseurs chorégraphes édition 2013

Ce type de soirée devrait être organisée bien plus souvent tant les personnalités des artistes de la compagnie sont intéressantes et singulières. Chacun a montré un langage bien particulier, une atmosphère, un style. Narratifs ou abstraits, les pièces présentées ont ravi les spectateurs.

Saluts danseurs chorégraphes

La soirée s’ouvrait avec Premier Cauchemar de Samuel Murez. Chorégraphe désormais confirmé et reconnu, sa compagnie 3ème étage est de grande qualité. Tout comme l’extrait de cette pièce. Fumée blanche, lumière bleutée, un homme en pyjama, les cheveux ébouriffés se retrouve entouré d’une armée de cols blancs, aux yeux figés, presque sanguinaires. Ils vont le harceler, tel des automates mués par un seul objectif. C’est admirablement réglé, rien n’est laissé au hasard. Les passages de groupes avec les mallettes de travail sont très bien ficelés. Des lignes de danseurs se succèdent avec une utilisation de l’espace inventive. Murez a l’intelligence de la construction des ensembles. On se croirait dans l’apprenti sorcier avec cette oppression des hommes en costumes, mais qui est amusante pour le spectateur. C’est très réussi, trop court, il faudra donc absolument voir la pièce en entier.

Interprètes : Hugo Vigliotti (Le Rêveur / Alfred), et Lydie Vareilhes, Laura Bachman, Léonore Baulac, Leila Dilhac, Claire Gandolfi, Camille de Bellefon, Emma d’Humière, François Alu, Jeremy-Loup Que, Antonio Conforti, Takeru Coste, Niccolo Balossini, Axel Alvarez et Loïc Pireaux (les bureaucrates).

Premier cauchemar

On passe dans un autre registre, complètement différent, et plus abstrait avec Deux à deux du jeune Maxime Thomas. On est ici dans la recherche de la forme. Le couple évolue ensemble. Au début, ils ne se regardent pas. Puis, ces deux êtres vont entrer en osmose. Les formes très rectilignes s’adoucissent sans perdre leur qualité. Les danseurs dansent comme les notes passent d’une ligne à l’autre sur la partition. Cela se complexifie à mesure qu’on avance, sans que le spectateur ne se perde.

Interprètes : Letizia Galioni et Maxime Thomas.

Letizia Galloni, Maxime Thomas dans Deux à deux

En attendant l’année dernière, est une pièce très graphique. Fond rouge, seule l’ombre de Lucie Fenwick apparait. A la fois élégante et imposante, elle déploie ses bras tels des ailes. Les formes se répètent, puis le corps disparaît dans une lumière éblouissante. On vit une belle expérience visuelle. Grégory Gaillard fait ensuite évoluer Lucie Fenwick dans l’espace, toujours avec une répétition des gestes. C’est très doux, presque suave par moment, plein de poésie.

Interprète : Lucie Fenwick.

Kaléidoscope est une pièce « signature ». Allister Madin a construit ce Kaléidoscope en 4 volets, qui lui ressemblent beaucoup. Le 1er tableau avec Fanny Gorse est très beau. Elle, sublime dans ce costume de mousseline noire transparente, bouge, très sensuelle. Les mouvements du tissu font à eux seuls chorégraphie. Les teintes d’Espagne ajoutent du piquant à ce solo enivrant. J’ai beaucoup aimé le dernier volet de cette pièce. Les garçons tenaient une corde blanche tendue, tandis que les filles dansaient à cette corde comme on danse à une barre. Ambiance très sombre, seule la corde étaient éclairée et les jeux de lumières avec les corps des filles plongeaient le spectateur dans une ambiance à nouveau très sensuelle et plein de volupté. On ne peut s’empêcher aussi de penser aux pièces de Decouflé, et à celle qui porte le même nom. Allister Madin travers un univers puis un autre, danse, cirque, jeux de lumières, tout cela se mélange dans une forme nouvelle.

Interprètes : Fanny Gorse, Caroline Osmont, Gwenaëlle Vauthier, Camille de Bellefon, Allister Madin et Hugo Marchand.

Fanny Gorse dans Kaleidoscope

J’ai adoré Smoke Alarm de Julien Meyzindi, surtout pour les mouvements choisis et la matière dans laquelle ils étaient produits. Un homme pyromane se détache de son addiction par amour pour une femme. La danse était très en tension, avec des arabesque qui faisaient office de respiration. Les gestes étaient très dessinés dans l’espace, le pas de deux était très fluide. On sentait beaucoup de travail et de répétitions. Rien n’avait été laissé au hasard, chaque pas était mûrement réfléchi, pour faire sens dans la sortie de la caverne de cet homme fou qui s’assagit par amour. J’ai été transporté par le style de Meyzindi, élégant et princier, comme l’est le danseur.

Interprètes : Alice Renavand et Alexandre Gasse.

Alexandre Gasse dans Smoke Alarm

Encore un changement d’atmosphère Songes du douanier d’Alexandre Carniato et Morgane Dragon. On s’installe dans un tabelau du Douanier Rousseau. Animaux et oiseaux se déplacent dans cet univers. On ne voit que les jambes de Letizia Galloni, transformée en un paon magnifique. Les personnages se font tantôt animaux, tantôt charmants gens du monde discutant en mouvement. Aurélien Houette y est, comme à son habitude troublant, tant il est capable de s’approprier tous les langages. Ce rôle lui donne à nouveau un visage fascinant. Charlotte Ranson est délicieuse, et Carniato prend une allure très animale et juste pour mener cette petite troupe. La pièce porte bien son nom ; ce songe nous balade à travers les couleurs d’un tableau.

Interprètes : Letizia Galloni, Charlotte Ranson, Aurélien Houette et Alexandre Carniato.

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La dernière pièce présentée, Stratégie de l’hippocampe de Simon Valastro,
met en scène une famille avec leur chien. On se croirait dans un film tant les costumes et l’ambiance est bien réalisée. La pièce présente les différents rapports qu’il peut exister dans une famille qu’on ne choisit pas. Beaucoup d’amour peut y naître, beaucoup de désamour aussi. On assiste au repas où les enfants se disputent (Eleonore Guérineau est une petite fille telle qu’on pourrait se l’imaginer dans les livres de la Comtesse de Ségur), au deuil de la mère, incarnée par Eve Grinsztajn, qui s’illustre avec beaucoup de grâce  dans un long solo, très bien écrit qui retrace avec brio, les pensées noires, qui habitent l’esprit de cette femme. Il faut également saluer la prestation de Jean-Baptiste Chavignier

Interprètes : Eve Grinsztajn, Éléonore Guérineau, Alexis Renaud, Hugo Vigliotti et Jean-Baptiste Chavignier.

Stratégie de l'hippocampe

Très jolie soirée, on espère que sous l’ère Millepied ce type de soirée se renouvellera, puisque c’est son souhait de créer un espace de création pour que les artistes puissent exprimer aussi leur idées chorégraphiques. Une belle édition cette année en tous, qui mériterait plus de lumières et de dates. Un seul petit regret, aucune danseuse ne s’est essayé à l’exercice. Peut-être dans deux ans !

Kaguyahime, première avec Alice Renavand

Le ballet de Kylian inspiré du conte Japonais de la princesse Kaguyahimé m’avait fait une forte impression quand il avait été présenté à Bastille il y a trois ans. A Garnier, le ballet a pris une âme plus particulière, car il se déploie avec beaucoup plus de beauté dans ce lieu. Après avoir vu la séance de travail, retour sur la première du spectacle.

Kaguyahimé photographie d'Agathe Poupeney

Ce qui fut génial à Garnier, c’est le son des tambours qui résonnait dans toute la salle. Dès le début, les bâtons de pluie, les fracas métalliques, on se plonge dans la dualité du monde terrestre et du monde lunaire de la princesse. C’est le ballet des balançoires, qui laisse entrevoir au fond sur une plate-forme un ombre de lumière. Alice Renavand est d’emblée lumineuse. Le halo blanc s’agrandit, les cinq hommes traversent la scène au ralenti. Le ballet joue avec les contrastes de suspension et d’accélération, entre le monde des hommes et celui de la Lune, le monde occidental et le monde japonais, entre la danse et la musique. La musique siffle pour annoncer l’arrivée sur terre. Les danseurs sont tous sur-investis par cette chorégraphie qui semble les transporter. Vincent Chaillet est puissant et généreux dans sa danse. Il montre de nouveaux de belles qualités avec des arabesques et un dos solide qui emmène le reste du corps. Adrien Couvez est impressionnant par sa façon d’entrer dans le sol et dans l’air. Il déploie une énergie incroyable. Yvon Demol et Alessio Carbone sont eux aussi très engagés dans leurs solos (j’aurai bien aimé revoir Jérémie Bélingard vu en séance de travail qui était lui aussi très beau dans ce répertoire), Aurélien Houette maîtrise à la perfection le sujet, c’est un reptile dansant, il rampe dans l’air, et se saisit de Kaguyahimé impassible.

Les marches sont l’autre force de ce ballet. Elles sont très marquées dans le sol. Chez Kylian, ce sont souvent les pas les plus simples qui sont déclinés à l’infini avec une intelligence dans la construction du ballet. Et si Kaguyahimé n’est pas son ballet le plus déroutant en terme de chorégraphie, il est remarquablement construit.

Allister Madin dans Kaguyahimé de Jiri Kylian photographie de Julien Benhamou

Les passages avec les villageoises accélèrent le rythme. Laurène Lévy est radieuse, c’est un vrai plaisir de voir cette ballerine s’épanouir dans ces langages contemporains (dans Forsythe, elle avait déjà un charisme incroyable). L’affrontement entre villageois et citadins vous prend au vif, vous colle au fond du siège. C’est frénétique. L’espace semble immense, on a du mal à tout voir, cela bouge, les musiciens s’affrontent eux aussi, blancs contre noirs, tout cela pète comme de l’orage, quand le rideau noir s’abaisse, comme si Kaguyahimé en avait assez vu de ce monde terrestre. Solo lent, Alice Renavand est étonnante. Elle oscille entre sensualité et froideur lunaire. Chaque pas est exécuté avec beaucoup de matière. Elle perce l’espace avec son corps, comme la lumière dans l’obscurité. Les cambrures montrent comme une souffrance de cet être lumineux face à la noirceur de la guerre. Tout s’éteint en elle. Seul le Kodo résonne, comme une petite voix intérieure. L’ondulation du rideau noir est le souffle de la princesse qui va disparaître à la rencontre du prince Mikado.

Ébloui par sa beauté, il l’invite à venir à son palais et tente de la capturer. Malgré ses plaintes, marquées par de grands étirements qui se contractent ensuite, Il tente de la retenir. L’éblouissement de la pleine Lune qui arrive, réalisée avec les miroirs, est fabuleuse. Les scénographies de Kylian sont soignées, prennent sens à chaque instant, et il n’y a pas de décor « accessoire » comme on peut le voir chez tant d’autres chorégraphes.
Mikado ne voit donc pas Kaguyahimé partir, qui remonte sur sa Lune, avec sa lenteur.

Vincent Chaillet dans Kaguyahimé de Jiri Kylian photo de Julien Benhamou

Très belle soirée, mon impression première s’est vérifiée, un ballet c’est toujours mieux à Garnier, c’est comme un bijou dans l’écrin. Avec cette musique puissante, on a voyagé à travers ce conte d’orient. Alice Renavand y est divine.
Petit plus de ma soirée, j’avais emmené un ami d’enfance qui n’avait jamais mis les pieds à Garnier. C’est toujours fascinant de voir l’émerveillement dans les yeux de quelqu’un. Des fois on aimerait retrouver cette première émotion.

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  • Distribution du 1er février 2013
Kaguyahime Alice Renavand
Mikado Hervé Moreau
Muriel Zusperreguy, Amandine Albisson, Laurène Lévy, Charlotte Ranson, Caroline Robert
Yvon Demol, Vincent Chaillet, Alessio Carbone, Adrien Couvez, Aurélien Houette
Maki Ishii Musique
Jirí Kylián Chorégraphie
Michael Simon Décors et lumières
Ferial Simon, Joke Visser Costumes

Prix de la danse AROP : François Alu & Charlotte Ranson récompensés

Vendredi 23 novembre, rendez-vous au Grand foyer de l’Opéra Garnier pour la remise des prix de la danse de l’Arop. L’occasion de rencontrer les artistes, d’échanger et de boire une coupe de champagne.

Chez les filles, les membres de l’Arop ont élu la très jolie Charlotte Ranson. La danseuse commence sa carrière de danseuse à l’école de danse de l’Opéra de Paris en 1996. Elle est engagée dans le corps de ballet en 2002. Elle est coryphée depuis 2006 et, très vite remarquée par les grands chorégraphes contemporains, elle est choisie pour des rôles de soliste. Magnifique dans le plus jeune sœur de La maison de Bernarda de Mats Ek, évanescente dans le rôle de l’Amour dans Orphée et Eurydice de Pina Bausch, sa grâce et son élégance naturelle ont séduit le public depuis longtemps. Elle reçoit le Prix Carpeaux en octobre 2003. Dans son discours, elle tient à remercier le public et ces grands chorégraphes qui lui permettent de vivre son rêve, ce qu’elle aime le plus au monde, danser et être sur scène.

Chez les garçons,  François Alu, jeune danseur fougueux de la compagnie, révélation du concours interne de l’an passé. Il avait dansé un merveilleux Solor, le public avait frémi. Cette année encore, nous avons eu le droit à un grand danseur, qui a brillé lors du dernier concours de promotion. François Alu a commencé la danse avec sa mère. Il entre à l’école de danse en 2004 et il intègre le corps de ballet en 2010. A tout juste 19 ans il impressionne le public, c’est le phénomène de l’Opéra. Sa technique brillante, son appréhension des rôles, en fait un des excellents solistes de la compagnie. On a pu le voir dans l’idole dorée dans Bayadère, dans Alain dans La Fille Mal Gardée ou dans le chef des mendiants dans L’histoire de Manon. Vous pourrez le voir danser dans le chef des gitans dans Don Quichotte, sur scène jusqu’au 31 décembre. Il a reçu le Prix Carpeaux en 2012 . Dans son discours, il prend conscience de la chance qu’il a, d’être dans cet élan de bonheur. Il remercie ses proches et la directrice de la danse, avec qui il peut être en désaccord, mais avec qui il a une relation sincère.

Nouvelles du 19 novembre

La semaine dernière, pas de nouvelles de la semaine. Trop de travail, pas assez de sommeil, en somme pas le courage d’écrire. J’ai vu beaucoup de choses, des bonnes et des moins bonnes.

Côté danse, j’ai assisté au concours de promotion de l’Opéra de Paris qui a fait bien des remous comme tous les ans. Relire mes impressions, clic et clic. Je suis allée à la séance de travail de Don Quichotte, où Ludmila Pagliero m’a bluffée. Séance rythmée par Clothilde Vayer qui fait reprendre les variations. Le chef met une bonne ambiance et s’assure que les tempi conviennent aux danseurs. La soirée qui a fait mon bonheur fut Medea de Dusapin chorégraphié par Sasha Waltz. Spectacle fascinant, tout en tension, chorégraphie et chant se rejoignent pour émouvoir le spectateur et toucher ce qu’il a de plus caché dans notre âme. A relire, ici.

Côté théâtre, j’ai vu une pièce bien connue, mais dans une mise en scène originale. Übü Kiraly au théâtre de l’Athénée a été montée par Alain Timar et jouée par la troupe d’acteurs du théâtre hongrois de Cluj. L’inventivité de la pièce réside dans un rouleau de papier. A chaque scène, le papier prend forme. Il devient décor, une table, un tapis, accessoires, des chapeaux, des armes, costumes, robes en tous genre et surtout, le papier permet de transformer les corps. Ainsi chaque femme, avec une implantation mammaire en papier devient Mère Übü et chaque homme avec de l’embonpoint en papier devient père Übü. Le tout sur des sons de fanfare et dans la bonne humeur. Un régal.

Côté lyrique, hormis le Medea de Dusapin, qui vous l’aurez compris m’a beaucoup touchée, je suis allée à la remise des prix lyriques de l’AROP. Ce qui fut fort agréable car nous étions cette année reçus à l’Opéra et le récital était réjouissant. Parmi les airs qui m’ont touchés, on retiendra Andriy Gnatiuk qui a emmené le public avec La Calunnia, extrait du Barbier de Séville. Olga Seliverstova montre de belles qualités et un joli timbre de voix dans l’air de Lucia, mais le meilleur de la soirée fut pour moi le duo entre la gagnante du prix cette année, Ilona Krzywicka et Michal Partyka qui ont chanté la scène finale d’Onéguine, accompagnés par la délicieuse pianiste Alissa Zoubritski dont les mains filaient avec grâce sur le piano.

Côté cinéma, j’ai d’abord été très déçue par le film de Sandrine Bonnaire, J’enrage de son absence, qui m’a semblé brasser beaucoup d’air pour au final laisser le spectateur dans le vide, sans vraiment trouver du sens à toute cette histoire. J’ai été enthousiasmée par le dernier James Bond, Skyfall, de Sam Mendes. C’est beau, bien écrit, bien mené, superbement joué entre Javier Bardem et Daniel Craig. Je me suis laissée charmée par Rengaine, de Rachid Djaïdani. La petite rengaine du racisme qui frappe tous ceux qui ont des préjugés, la rengaine de ce frère obsédé par le fait que sa sœur se marie, le film est souvent criant de vérité, montrant les contradictions de chacun, les doutes pour mettre l’amour en condition suprême de la paix. La réalisation caméra à l’épaule m’a gênée, sans doute parce que pas habituée à ce que cela bouge tout le temps.

Côté expos, j’ai un peu traîné dans le marais pour le mois de la photographie. Il y a beaucoup d’expositions à voir, gratuites pour la plupart, fouillez et faîtes votre choix, clic. J’ai fait aussi un petit séjour en Espagne pendant lequel je suis allée découvrir la maison de Dali à Port Lligat et le musée théâtre à Figueres. Je me suis régalée entre les peintures, les objets, les sculptures, les bijoux. J’ai maintenant hâte de voir l’exposition qui aura lieu en 2013 à Beaubourg.

  • Les sorties de la semaine

Don Quichotte a commencé depuis la semaine dernière à l’Opéra Bastille. Ce grand ballet classique, chorégraphié par Marius Petipa, remonté par Rudolf Noureev, est immanquable. Entre le piquant de l’Espagne, la douceur des rêves de Don Quichotte, vous passerez assurément un moment inoubliable. Il y a de nombreuses distributions, une bonne occasion de découvrir les artistes de la compagnie et leur façon d’interpréter les personnages de cette fresque théâtrale.

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Le Junior Ballet classique présente son spectacle au CNSMDP. Le junior Ballet présente cette année une création de Marie-Claude Pietragalla, commandée pour le junior Ballet, Le chant du compagnon errant, de Jiri Kylian, et Plainspoken de Benjamin Millepied. C’est une manifestation gratuite, il suffit de réserver par mail ou de venir le jour même un peu en avance. Plus d’infos et réservations, clic.

Mathilde Monnier investit Chaillot du 21 au 24 novembre avec Soapéra. Elle s’est associé au plasticien Figarella, qui a mis sur scène une sorte de mousse dans laquelle les danseurs vont se frayer un chemin, se cacher pour mieux en ressortir.
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Pierre Rigal continue son cycle de spectacles au Rond-Point. Cette semaine c’est avec Le Théâtre des opérations. « Cette guerre est violente, elle est enivrée de plaisir et de drôlerie.
« Neuf créatures à poils longs et soyeux, et aux yeux rouges, évoluent dans une rêverie lunaire. Distorsion du temps et de l’espace. Des êtres hybrides s’y déplacent. Robots, pompiers, monstres élégants ou animaux d’un conte atmosphérique, ils avancent, explorent le monde.  »
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Toujours au Théâtre du Rond Point, May B est le chef d’oeuvre de la chorégraphe Maguy Marin.

« Clodos célestes ou fées embourbées, dix corps aux visages blafards dansent. Ils racontent la drôlerie de l’impossibilité d’être ensemble. Ils se meuvent dans l’incapacité tragique à rester seul. Le quotidien, sublimé, fait se heurter des corps abîmés dans le clair-obscur étrange d’une vie qui tient et persiste avant la fin. Dix humains en bande, en meute, se heurtent, circulent, se cognent. Quelques mots seulement, gueulés, chantés : « Fini, c’est fini. Ça va finir, ça va peut-être finir. »  »
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  • La remise de prix de la semaine

Le Prix Arop sera remis vendredi dans le foyer de la danse à Charlotte Ranson et François Alu. Le Prix de l’AROP est une reconnaissance des membres de l’association, du travail et du talent d’un danseur. Il fait suite à un vote; où chaque membre a une voix pour une danseuse et une voix pour un danseur. Les membres votent à partir d’une liste préétablie.


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 Alta Musica

  • En vrac

Repetto se lance dans le prêt-à-porter. Photos et teasers vidéo à voir ici.

Clairemarie Osta est devenue officiellement directrice des études chorégraphiques au CNSMDP.

Allister Madin a mis sa vidéo du concours en ligne, AREPO, clic.

Le magazine Danser cherche un repreneur. La nouvelle version n’a pas suffit à relancer le magazine. La presse écrite vit décidément des heures bien sombres.

  • La vidéo de la semaine

Sarah Kora Dayanova dans la reine des Dyades, Don Quichotte.

Rain, rain, rain !!

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© JMC

Lundi, après avoir été assistée brièvement à la présentation de la saison 2011-2012 au Théâtre de la Ville, dont je vous ferai un compte rendu dans la semaine, j’ai filé à l’Opéra Garnier pour assister à la pré-générale de Rain. Tout comme celle de  Roméo et Juliette, l’entrée des artistes est envahie par des groupes de scolaires.

J’attendais beaucoup de ce ballet, les danseurs avaient tous l’air très excités à l’idée de danser cette œuvre et d’y prendre beaucoup de plaisir. C’est la première grande œuvre que la chorégraphe belge donne à une autre compagnie que la sienne. Et quelle œuvre ! Moi qui adore la danse contemporaine, j’ai été servie. C’est exactement ce qui me donne envie de danser et qui me plaît.

La scène est entourée par un cercle de cordes. Quelques chaises transparentes au fond, et un sol sur lequel son tracés des lignes continues de couleurs ou des pointillés. Ce sol sert aux danseurs à évoluer dans l’espace, car les constructions d’Anne Teresa de Keersmaeker sont complexes. 7 filles, trois garçons. Les costumes sont très beaux et me plaisent beaucoup. Des dégradés du chair au rose de la jupe de Fumyo sont comme la palette de couleurs qu’il peut y avoir dans le ciel un jour de pluie. La pluie d’ATDK n’est pas triste, c’est plutôt une ode à la joie, un parcours ensoleillée sous de la pluie chaude. Les cordes qui encerclent l’espace sont plutôt rassurantes. J’ai aussi envie qu’elles s’animent, que les danseurs passent leurs bras ou leurs jambes dedans. Il faudra attendre un peu pour que l’orage se déclenche.

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© JMC

La chorégraphie est douce pour le regard. Les formes sont fluides, il y a beaucoup de balancés dans les bras, dans les jambes ou le corps tout entier. Les danseurs prennent leurs marques les uns par rapport aux autres. Ils courent, s’arrêtent. D’un coup, une force, comme un fil au milieu des omoplates vient les chercher et les fait reculer. Dans les formes de leurs bras, on imagine souvent qu’ils portent des objets imaginaires. Un joli ballon, une bulle de savon, un triangle. Tout un imaginaire se construit dans ce début de la pièce. Il y a des tensions avec le sol, il se passe quelque chose que l’on repousse pour se donner un nouveau élan ou bien qu’on enfonce pour se figer dans une attitude.

La lumière se modifie au fil du ballet, tout comme les costumes de certains personnages. D’un rose pâle on passe au fushia dans l’air, comme sur le sol. Il y a une fluidité dans les matières, dans la lumière. Tous les changements sont doux, comme une mousse ou une pluie d’été. Les xylophones, métallo-phones, piano et autres percussions forment un nuancier de sons et de gouttes de pluie. C’est un vrai spectacle que de regarder ces musiciens jouer. C’est une oeuvre complète, car le choix de cette musique est très pertinent. La musique comme la danse envahit tout les sens, la vue et l’ouïe ne peuvent se détourner de ce qui se passe sur scène. Il y a d’ailleurs aussi des changements de lumières pour la fosse d’orchestre pour que les musiciens soient parfaitement
intégrés à cette envolée. Ils sont debout, se déplacent, c’est une partition très vivante. La musique, les courses, les mouvements qui se décalquent et se transforment à l’infini, les tissus qui semblent flotter sur les corps, tout cet ensemble harmonieux forme une image démultipliée de la pluie.

Beaucoup de rebonds se mettent en place. Au début de la pièce, les pieds semblaient se plonger dans se sol, et maintenant, cela rebondit plus. Les résonances se font plus fréquentes. Le rythme de la chorégraphie s’accélère. Et toujours des courses circulaires qui viennent comme briser un cycle d’espaces géométriques plus complexes. Les échos se font dans le corps, on voit souvent des parallèles entre les bras et les jambes, mais aussi entre les danseurs entre eux. Les danseurs sont d’ailleurs très investis dans cette pièce. L’effort n’est pas visible. Ici, pas d’histoire, et pourtant les personnages ont des prénoms. Ils n’ont pas que des prénoms. Des personnalités apparaissent clairement. Ce que je ne sais pas c’est si ils viennent avec leur propre personnalité ou si un jeu leur est imposé. Ce qui est sûr, c’est que si c’est la deuxième option, Brigitte Lefèvre a fait un remarquable travail de sélection. Je retrouve les danseurs que j’aime, que l’on peut que
trop rarement apercevoir dans les grands ballets classiques. Sarah Kora Dayanova éblouit la scène, Charlotte Ranson redouble de beauté, Amandine Albisson domine sa danse à la perfection. Les sept filles s’accordent bien tout en laissant une place à chacune. Elles sont sept caractères, sept personnalités à part qui dansent ensemble, qui se regroupent dans quelques pas pour se séparer ensuite dans des solos qui se sont nourris des autres. Les regards sont complices, les sourires sont plus ou moins évocateurs d’un certain bonheur. Les tensions et les relâchés qui sont présents dans toute la chorégraphie traduisent ces regroupements qui sont des moments de tensions, d’énergies mises en commun, tandis que les solos, les trajectoires solitaires vont être ces relâchés. Chaque danseur apporte sa danse, sans jamais dénaturer la chorégraphie.

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© Julien Benhamou

Tout n’est pas sans cesse en mouvement dans Rain. Il y a des pauses, des respirations, des parenthèses. Les garçons s’assoient sur les chaises et attendent que l’espace se libère pour danser. Je n’ai pas parlé plus haut des danseurs hommes. Si j’ai souvent vu Adrien Couvez dans des ballets contemporains, ce n’est pas le cas pour les deux autres. Marc Moreau montre une belle technique et un relâché du dos que je ne lui connaissais pas. Quant à Florian Magnenet, cette danse lui va bien mieux que les rôles de prince à mèche (clin d’oeil à Fab’) dans lesquels on veut l’enfermer. Là, sa danse respire, vit.

Des pauses dans le mouvement, on passe au ralenti, à la répétition. Ces effets sont très visuels, très cinématographiques presque. Les cordes qui encerclent l’espace donne l’impression d’un enclos, d’un refuge apaisant.

Des liens se tissent entre les personnages. Ils se touchent plus qu’au début, dansent parfois ensemble ou marchent dans la même direction. Ils s’entrechoquent, les rapports en deviennent violents. Des têtes viennent de cogner, ou s’enfoncer dans des ventres. Je ne peux m’empêcher à ce moment de penser à Café Müller de Pina Bausch où les corps s’attirent et s’aimantent parfois violemment. Cette violence des corps qui chutent, qui se rencontrent va de paire avec les variations de rythme dans la chorégraphie. On oppose un groupe à une duo ou un solo, dans l’espace mais aussi dans l’énergie des gestes.

Le groupe se retrouve dans une vague qui défile. Ce passage tranche encore avec le reste et permet de relancer les danseurs dans une nouvelle énergie. La couleur sable envahit l’espace. Les pas deviennent très sensuels. Tout se colore de la chaleur de cette ambiance. Cette sensualité des corps va être suivie d’un instant givrée, où tout devient bleuté, où les corps se reflètent sur les cordes qui forment  présent un mur de glace.

Un lumière circulaire éblouit la scène et la salle. Réveil d’un rêve éveillé, la musique cesse. Les danseurs effectuent quelques pas, comme des réminiscences de ce qu’ils viennent de danser. Ils sortent en courant derrière les cordes. La dernière a le privilège de laisser traîner ses mains dans ces fils de pluie.

Je suis restée bouche bée devant ce spectacle, tant par la chorégraphie, la scénographie que par la musique. C’est un superbe cadeau qu’a fait Anne Teresa de Keersmaeker à l’Opéra de Paris. Les danseurs lui rendent bien. Il faut à tout prix que je revois cette pièce qui m’a happée de bout en bout. Il n’y a pas de mots suffisamment intenses pour en décrire la beauté.

Rain sur le site de l’Opéra de Paris..

 Avec Rain, une des oeuvres majeures d’Anne Teresa De Keersmaeker entre au répertoire du Ballet de l’Opéra. Ancrée dans la musique minimaliste de Steve Reich, la gestuelle organique dessine une pièce forte et d’une grande sensibilité.

Steve Reich Musique
Music For 18 Musicians
Anne Teresa De Keersmaeker Chorégraphie
Jan Versweyveld Décor et lumières
Dries Van Noten Costumes

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© JMC

  • Distribution du 23 mai 2011
MARTHA Juliette Hilaire
FUMYO Sarah Kora Dayanova
URSULA Laurence Laffon
ROSALBA Christelle Granier
ALIX Charlotte Ranson
TAKA Amandine Albisson
CYNTHIA Caroline Robert
IGOR Florian Magnenet
CLINTON Adrien Couvez
JAKUB Marc Moreau

 

  • Bonus vidéo : la musique de Steeve Reich