Caroline Stein

Medea Pascal Dusapin et Sasha Waltz au TCE

Spectacle captivant, cet opéra dansé fut une de mes plus belles découvertes de ce début de saison. Retour sur cette pièce incroyable vue le 10 novembre au Théâtre des Champs-Elysées.

Le rideau rouge chute sur le sol. Au fond de la scène, des corps qui semblent soudés les uns aux autres. Ils roulent ensemble reliés par les mains et les pieds. Ils forment à présent un grand cercle, comme le ventre enfantant la colère de Médée. Les corps se détachent, reforment des petits groupes, se relèvent. C’est une danse fluide et douce qui va appuyer le caractère du personnage de Médée, rendu très humain. Disparition des danseurs qui semblent s’être incrustés dans une fresque vivante au mur. C’est Médée qui fait ensuite son entrée.

On est loin de la version sorcière-magicienne qui envoie Thésée capturer le taureau de Minos.  C’est la femme d’avant son crime, une femme perdue et seule. Les premières notes chantées vous saisissent « Ich… ». On frissonne. Le livret d’Heiner Müller et la partition de Dusapin offre la voix de Médée à une unique chanteuse. Jason et la nourrice sont des voix off qui semblent venir d’une loge cachée. Une seule chanteuse sur scène, un chœur qui va se mêler aux danseurs, sorte de miroir de la conscience de Médée, qui va passer de l’humanité à l’horreur. La mise à mort des enfants se fait presque en douceur, comme si au plus fort de sa haine, Médée ne se rendait pas compte de son geste. Dans la musique, comme dans la danse, on est frappé par cette femme qui semble terriblement sensible et qui bascule. Le collier autour de l’enfant éclate, tâche sa robe de sang. Le sang gicle, les mains de Médée sont désormais marquées de cette haine. La danse de Sasha Waltz devient plus rugueuse, plus dure, tandis que la voix de Médée s’affole face à son geste. La scénographie est fabuleuse, peu de choses, des lumières rasantes qui disparaissent peu à peu tant l’esprit de l’héroïne devient trouble. Des ventilateurs soufflent, comme pour laver le crime, rien n’y fait le sang sèche et la voix qui résonne à la fin de l’opéra est seule et n’a plus d’écho. Wo ist mein Mann n’aura pas de réponse… Sublime…

Site du Théâtre des Champs-Elysées clic
Caroline Stein
  Medea
Claudia Bertz, Ulrike Barth  soprano
Anne-Kristin Zschunke mezzo-soprano
Kerstin Stöcker  alto
les quatre voix de Medea
Akademie für Alte Musik Berlin

Vocalconsort Berlin
Sasha Waltz & Guests

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