Bruno Bouché

Bilan de saison 16-17

Voilà six mois que je n’ai pas pris le temps d’écrire sur mon blog. La faute au temps, à la vie parisienne qui me bouffe parfois. J’ai aussi fait beaucoup de choses en plus de mon travail. J’ai voyagé plusieurs fois (vous pouvez faire un tour mon Instagram), me suis mise de manière sérieuse à la méditation, j’ai monté une comédie musicale pour un conservatoire, bref je n’ai pas eu de temps pour l’écriture, du moins pas ici. J’ai eu aussi l’impression de manquer de mots parfois pour décrire ou relater mes émotions face à un spectacle. Ce début 2017 a été si chargé qu’il n’y avait pas de place pour mon blog. Et puis, là au milieu de l’été, j’ai eu envie de reprendre mes carnets où j’ai amassé des notes, des impressions, parfois quelques dessins jetés ça et là après les spectacles. Retour sur les dix derniers mois.

  • Le phénomène Crystal Pite

La saison précédente s’était fermée par le très applaudi Blake Works de William Forsythe. Pour ma part, ce n’était pas le meilleur Forsythe, avec des tableaux parfois assez ennuyeux. Je vous passe mes impressions sur la musique de James Blake, qui ne me plait pas du tout et me gâche le mouvement. A la rentrée, on retrouvait ce programme accompagné d’une pièce de Justin Peck (sans intérêt, sauf la musique de Glass), de performances de Tino Seghal avant et après le spectacle (perso j’ai adoré, et encore plus au Palais de Tokyo), et de The Season’s Canon de Crystal Pite. J’avais déjà vu des pas de deux de Pite lors d’un gala au Japon et j’avais été absorbée par cette manière si souple, si fluide de faire bouger les corps, de les connecter entre eux. J’ai été épatée par son travail avec l’Opéra de Paris. Elle a su s’emparer de la troupe, la mettre en valeur – et on sait que c’est difficile quand on n’a que 6 semaines pour faire travailler les danseurs – et faire rêver le public. Son langage sied totalement aux danseurs de l’Opéra : Ludmila Pagliero impériale, Eleonore Guérineau, subjuguante, Alessio Carbone, plus puissant que jamais. La pièce est parfaitement construite, avec un alternance de rythmes, de nuances, de chorégraphies de groupes et de duos. C’est le spectacle parfait qui plait au plus grand nombre de spectateurs, qui ravit les danseurs et qui fait parler de lui dans la presse. La personnalité de Pite y est pour beaucoup. Tous les danseurs la décrivent comme douce, passionnée, à l’écoute de tous. Il suffit de la voir en répétition publique pour être sous le charme de la Canadienne.

C’est au Théâtre de la Colline que j’ai vu Bettrofenheit de Jonathon Young chorégraphié par Crystal Pite. C’est une pièce qui raconte ce qui se passe dans la tête d’un homme qui a vécu un traumatisme, une catastrophe. La pièce traite aussi de la solitude, du manque. J’ai adoré cette pièce que j’ai trouvé juste, loufoque, délirante. La danse de Pite sur le corps de Jonathon Young, c’est quelque chose. Le travail sur l’espace et le corps est remarquable. C’est une pièce qui peut être très anxiogène, inquiétante avec sa multitude de personnages burlesques et clownesques. On peut si sentir oppressé comme totalement emporté par cette chorégraphie si minutieuse. Les saccades s’ajoutent à la fluidité des corps, qui forment un ensemble très harmonieux.

© Wendy D Photography

  •  Les ballets qui font plaisir

Je n’ai pas boudé la série du Lac des cygnes : Myriam Ould-Braham & Mathias Heyman, Amandine Albisson & Mathieu Ganio, Ludmila Pagliero & Germain Louvet. Trois distributions magnifiques, avec des interprétations différentes, mais très intéressantes. De jolis souvenirs. A la clef aussi, deux nominations très attendues : Léonore Baulac et Germain Louvet. Une manière pour Aurélie Dupont d’afficher ses choix et de lancer la « relève » de l’Opéra de Paris.

Je me suis offert la parenthèse enchantée d’un week-end à Vienne pour voir Onéguine. L’histoire de Pouchkine me touche tellement que je ne me lasse pas de ce ballet. C’était merveilleux d’être au Staatsoper, avec une musique si bien jouée pour accompagner les danseurs. Un beau moment en compagnie de deux amis, quoi de mieux ?

La soirée Kylian réservait aussi son lot de beauté avec le mythique Bella Figura. Alice Renavand et Laetitia Pujol y étaient sublimes dans leurs robes rouges. J’ai découvert le mystérieux Tar and Feathers, que j’ai beaucoup apprécié pour le jeu des silences et de l’espace qui était créé en scène. L’atmosphère tendue contribuait à un émerveillement continu. Je n’ai pas regretté d’y être au Nouvel An.

Autre week-end, autre découvert, en décembre à Bordeaux. J’y ai découvert Coppélia de Charles Jude. Je vous laisse relire ma chronique ici. Une jolie découverte que ce soit la ville, la troupe, le ballet ou le théâtre.

Enfin, la soirée Ravel fut une agréable surprise. Je ne comptais pas y aller et puis je me suis laissée tenter par une place de dernière minute. J’étais enchantée de revoir le Boléro de Cherkaoui, que j’apprécie beaucoup. En sol de Robbins est une pièce charmante qui m’amuse beaucoup, quant à La Valse dont je ne gardais pas un bon souvenir, avec Dorothée Gilbert dedans, on apprend à l’apprécier.

  • Mes coups de coeur « danse »

Les vrais coups de coeur de ma saison commencent avec Viktor de Pina Bausch. Une pièce sombre, fascinante, dont j’ai parlé ici. C’est ensuite, un très beau solo, Loss Layers vu à la Maison de la Culture du Japon. Je vous conseille de lire l’avis de Catherine de Danse aujourd’hui, . C’est un solo chorégraphié par Fabrice Planquette pour Yum Keiko Takayama. On est aux croisements de la danse contemporaine, du Buto, de la performance plastique. On perd la notion du temps et de l’espace grâce à la scénographie (épileptiques s’abstenir) et la musique. C’était très beau, plein de poésie, totalement déroutant. Un des plus beaux spectacles que j’ai vus cette saison.

Restons au pays du soleil levant (oui passion Japon), avec Kaori Ito et son très beau Je danse parce que je me méfie des mots. La pièce est un portrait fait de questions en « pourquoi? » que la danseuse pose à son père, artiste de 70 ans. Les deux personnages nous plongent au coeur de leur intimité, de leur amour filial. Loin d’un pensum freudien, on découvre une pièce finement ciselée, où la fille danse sous le regard d’un père qui tente par cette pièce de répondre à ses questions.

C’est aussi une manière de rester au Japon surtout avec la dernière partie d’Impressing the Czarchef d’oeuvre de William Forsythe. Le Ballet de Dresde a été invité par l’Opéra de Paris et ces quelques jours de cette pièce magistrale ont été une réjouissance. J’attends les balletomanes pour refaire la chorégraphie du Bongo Bongo ! La tenue écolière japonaise devrait être l’uniforme pour aller voir du Forsythe (si vous préférez l’académique bleu – oui il est bleu ! – de In the Middle…)!

La Batsheva Dance Company a offert un très joli moment avec son Last Work. Ohad Naharin frappe fort, comme toujours. Il crée des images à travers lesquelles il délivre des messages d’une grande force. Une pièce qui marque et reste en tête plus longtemps qu’on ne l’aurait pensé. Elle se diffuse en nous.

On peut trouver qu’il fait toujours la même chose, qu’il use de facilité, et pourtant James Thierrée séduit toujours un large public. Dont moi. La Grenouille avait raison me fait briller les yeux comme ceux d’une petite fille. Cet artiste me fascine, sa magie opère complètement et j’en redemande. Ma chronique gaga à relire ici.

Derniers coups de coeur à l’Opéra : Marion Barbeau si jolie et pétillante recevant le prix de l’Arop. La soirée Cunnignham Forsythe avec cette pièce totalement lunaire de Cunningham que j’ai adorée. Enfin la soirée « Danseurs chorégraphes » qui réunissait Sébastien Bertaud, Simone Valastro, Bruno Bouché et Nicolas Paul. A part la pièce de Bertaud qui m’a laissée de marbre (trop de paillettes tue la paillette), j’ai été charmée par le conte raconté par Valastro, avec une Eleonora Abbagnato touchante en petite fille. Je ne peux pas être objective sur la pièce de Bruno Bouché, – le pas de deux entre Aurélien Houette et Marion Barbeau m’a beaucoup émue. Quant à la pièce de Nicolas Paul, j’ai trouvé que c’était une pièce remarquable, très fine, avec une chorégraphie exigeante. Sans aucun doute la plus aboutie de la soirée.

  • Les regrets et déceptions

La saison avait commencé avec une première grosse déception : La Belle au bois dormant par l’ABT, chorégraphiée par Alexei Ratmansky. Outre les costumes kitch, je n’ai pas été impressionnée par le niveau de la compagnie. Déjà que je ne suis pas fan de la Belle au Bois dormant, cette version a fini de m’achever. Décidément Ratmansky et moi, on n’y arrive pas.

Autre chorégraphe, autres soirées : je crois que Benjamin Millepied a réussi à me dégouter de Balanchine. On en a trop vu, trop mangé, on a vu les chorégraphes qui veulent l’imiter. (Bref, j’ai toujours préféré Robbins). Le Songe d’une nuit d’été a été très douloureux à regarder (ouf il y avait Hugo Vigliotti pour me remonter un peu le moral). La deuxième partie ouvrant sur la marche nuptiale a eu raison de moi. La soirée Balanchine en hommage à Violette Verdy (Brahms-Schönberg Quartet/ Sonatine / Mozartiana et Violin concerto) m’a semblé trop longue. Violin Concerto arrivant à la fin de la soirée, je n’avais presque plus d’énergie pour le regarder. Dommage c’est une de mes pièces préférées de Balanchine.

Pour finir avec l’Opéra de Paris, le Gala Chauviré n’était ni fait ni à faire… Programme court, orchestre au rabais, un film qui ne se lance pas, sans doute trop peu de répétitions pour les danseurs… Ce n’était pas un beau cadeau fait à cette grande dame de la danse. Heureusement, Dorothée Gilbert a dansé une mort du cygne sublime. Cela ne sauve pas la soirée, mais cela donne un peu d’émotions à une soirée qui en manquait cruellement.

A Chaillot, j’ai été déçue par Now de Carlson. Cela manquait de rythme et on s’est vite ennuyé. Y Olé de José Montalvo se construit comme un mélange des influences du chorégraphe. Peut être qu’on commence à être lassé par les procédés vidéos et les tableaux qui se succèdent comme une suite de sketch. Dommage, le Sacre version flamenco, au début de la pièce, c’était pas mal. Enfin Noé par le Ballet Malandain Biarritz m’a fait l’effet d’un spectacle de fin d’année. Je n’ai ni aimé les costumes, ni les chorégraphies de groupe en cascade, ni le rythme particulièrement lent de la pièce. Je suis complètement passée à côté, reste la musique superbe.

Dans la saison du Théâtre des Champs-Elysées, j’ai vu La Chauve Souris de Roland Petit par le Ballet de Rome. Enfin par le Ballet de Rome en corps de ballet et Iana Salenko (Berlin) en guest star. Je me suis ennuyée dans cette fresque parisienne aux allures de revue. Cela ne m’a pas amusé j’ai trouvé cela finalement assez vulgaire et daté.

Autre grosse déception A Swan Lake d’Alexander Ekman. Ce que j’avais vu de lui pour le NDT m’avait plutôt charmée (Cacti). Le début du ballet, avec la vidéo et les deux cygnes était plutôt prometteur. Mais au bout de quelques minutes, on comprend vite qu’il ne s’y passe rien. Alors certes Ekman a tenté de faire quelque chose avec de l’eau, mais c’est très vide de chorégraphie. On souffle un peu pendant la petite fête, qui rappelle trop certaines pièces de Pina Bausch, mais cela ne suffit pas. Au final, je suis sortie très stupéfaite par ce manque de poésie que l’on pouvait attendre d’une telle réécriture. On verra ce qu’il fera avec le ballet de l’Opéra de Paris et sa pièce Play.

  • Côté théâtre

Mon coup de coeur – tous spectacles confondus – de cette saison a été la très belle pièce du japonais Kurô Tanino, Avidya l’auberge de l’obscurité. J’ai vu cette pièce à la Maison de la Culture du Japon. Cette pièce du Festival d’Automne raconte l’histoire d’une auberge traditionnelle qdont le destin est incertain car elle est sur le chemin du tracé d’un futur Shinkasen. La pièce a pour décor un triptyque tournant où on peut voir toutes les pièces de l’auberge. La vie calme et ennuyeuse de l’auberge va être troublée par l’arrivée de deux marionnettistes. Ils révèlent les autres personnages : les deux geishas, le sansuke, l’hotesse et l’auberge devenant elle-même un personnage fascinant. J’ai été bouleversée par la beauté de cette pièce, par tant de poésie et de raffinement.

J’ai (enfin !) vu Vu du Pont, mis en scène par Ivo van Hove à l’Odéon. Je n’ai pas été déçue : la mise en scène et les comédiens étaient fabuleux. Une pièce saillante, remarquable, bref du grand théâtre. C’est la seule pièce de l’Odéon qui m’a marquée dans la saison. Le reste ne fut que déception.

Au Théâtre de la Colline, j’ai trouvé que la première saison de Wadji Mouawad assez réussi. Seuls a ouvert la saison de manière assez remarquable. Cette très belle pièce de théâtre signée du directeur de La Colline, donnée à Avignon en 2008, n’a pas perdu de sa superbe. L’autre moment fort était bien entendu Place des héros, mis en scène par Lupa, lui aussi présenté à Avignon en 2016. Dans un registre plus léger, j’ai beaucoup ri devant Lourdes, une pièce haute en couleur et pleine de dérision mené par une joyeuse troupe de comédiens issus du Cours Florent. Timon Titus présentée au 104 m’a aussi ravie. Moi, Corinne Dadat mis en scène par Mohammed Katib m’a beaucoup touchée. Au-delà de la rencontre entre ce metteur en scène et cette femme de ménage, il s’y joue une histoire des corps intéressante.

Dernière belle soirée au théâtre, ce fut avec mon amie Irina qui m’a emmené voir Lucrèce Borgia à la Comédie Française avec la sublime Elsa Lepoivre. J’avais lu le texte il y a bien longtemps (au lycée, ça commence à remonter !) et j’ai été ravie de le redécouvrir dans une si jolie mise en scène.

  • Ce que je n’ai pas pu voir (et je le regrette…)

Premier regret, manquer les nominations d’étoile. Je suis une sentimentale, j’aime bien ces moments qui transforment la carrière d’un jeune talent. Heureusement on vit à l’heure d’internet, mais ce ne sera jamais la même chose que l’émotion dans la salle.

Dans le même esprit sentimental, je n’ai pas vu les adieux de Jérémie Bélingard. Ceux qui me lisent depuis un moment savent à quel point j’apprécie ce danseur. Son Don Quichotte était si beau. Bref, j’étais en déplacement professionnel, impossible de m’y rendre. Petit pincement au coeur.

Ma fin d’année a été chargée, je n’ai donc pas pu voir ni le NDT à Chaillot, ni la Sylphide. Une prochaine fois. Ou l’occasion d’organiser un week-end en Hollande pour aller les voir sur place.

Enfin, j’aurai bien vu Tree of codes, car j’apprécie le travail plastique d’Olafur Eliasson.

 

 

Si vous avez eu le courage de me lire jusque là, merci ! Et vous ? Quels ont été vos coups de coeur? Vos déceptions ?

Voilà la saison s’achève, une dernière révérence avant septembre.

A bientôt !

Monsieur de Pourceaugnac, Théâtre de Caen

Clément Hervieu-Léger met en scène en collaboration avec les Arts Florissants, la comédie-ballet Monsieur de Pourceaugnac de Molière. Crée au théâtre de Caen, où j’ai pu le voir, la pièce tournera ensuite et sera à Paris, au théâtre des Bouffes du Nord en juin 2016. L’intrigue est simple : Julie, fille d’Oronte est amoureuse d’Eraste. Oronte a décidé de la marier à Monsieur de Pourceaugnac, un gentilhomme limousin assez âgé. Julie et ses amis vont se jouer de lui, lui tendre tous les pièges, pour que épuisé, il finisse par rentrer à Limoges.

Monsieur de Pourceaugnac Agathe Poupeney

Le plateau de cette pièce ressemble à un plateau de cinéma. Les décors sont mobiles, les coulisses sont à vue. A jardin, les chaises des musiciens, subtilement éclairées par de jolies ampoules dorées. A cour, rien. L’action va se concentrer au centre, où la lumière saura rappeler à l’œil du spectateur où il faut zoomer. Clément Hervieu-Léger nous installe dans un Paris des années 50. D’ailleurs, on ne sait plus bien si on est à Paris ou à Naples, mais peu importe au fond. Les plans varient avec les décors qui agrandissent ou réduisent la scène. Hervieu-Léger joue avec les plans, comme au cinéma. Les musiciens y sont aussi acteurs, ils sont complices des farces d’Eraste, aidé par Nérine et Sbrigani. Les changements d’ambiance, les passages musicaux, les danses (chorégraphiées par Bruno Bouché) sont subtilement menés et nous tient en haleine de farce en farce.

Qui dit Molière, dit rires. On rit beaucoup. Clément Hervieu-Léger ne dénature pas le théâtre de tréteaux qu’est celui de Molière. Accessoires, déguisements, accents : tout est là pour faire rire le public et cela marche. Le clou du spectacle étant la scène avec une superbe automobile qui servira de coffre à farces et attrapes. On se prend souvent d’empathie pour ce pauvre Monsieur de Pourceaugnac qui est malmené par tous les habitants de la ville. Gilles Privat campe un benêt à l’air ahuri de manière assez remarquable. Il nous touche et par là, on se permet de rire de lui. Après tout ce n’est qu’une farce !

© Brigitte Enguerand

© Brigitte Enguerand

Côté musique, on se réjouit de voir William Christie au clavecin et à la baguette. C’est un personnage de plus dans la pièce ! La musique de Lully se marie à merveille avec la mise en scène d’Hervieu-Léger. On se croirait presque dans une comédie musicale. Les déplacements sont savamment chorégraphiés, rythmés et le tout est un vrai ravissement. A ne pas manquer !

Rentrée 2015

Voilà, il y a une semaine c’était la rentrée. Qui dit rentrée dit reprise des hostilités, mais aussi de la saison théâtrale et dansante. Ce qui me met en joie. J’ai essayé aussi de mettre en action mes résolutions : faire du yoga, reprendre la danse, se lancer dans de nouveaux projets, et aussi, écrire plus régulièrement.

Pointes chez Bloch !

Nouvelle boutique Bloch Paris photo @BlochParis

L’an dernier, faute de temps, j’ai quelque peu délaissé mon blog. J’y écrivais de temps à autre, mais cela prend tellement de temps parfois. Quand on est fatigué, les phrases ne viennent pas, on a toujours l’impression d’écrire la même chose. J’ai vu des spectacles que j’ai adorés, d’autres que j’ai détestés, sans vous en faire mention. L’écriture m’a vite manqué. C’est un exercice qui oblige à une certaine rigueur, qui oblige aussi à se poser, à ne pas avoir l’esprit qui divague. Cet été, j’ai rempli 6 carnets (oui oui j’écris toujours à la main). J’ai eu besoin de raconter l’aventure que j’ai vécue l’année dernière. Pour le moment, ce sont des bribes, des souvenirs, mais c’est là et un jour je voudrais le mettre en forme. Peut-être le partager ici.

L’an dernier, j’ai été assistante chorégraphe de Bruno Bouché. Il avait vu mon travail et il a fait le choix de travailler avec moi. J’ai vécu une expérience folle, complètement enivrante. Ce fut une aventure artistique géniale, aussi géniale que l’aventure humaine. Nous avons vécu des moments très forts, entourés de cette bande de gamins.

J’ai aussi travaillé sur le dernier film de Christophe Honoré et ce fut une autre aventure ! D’abord parce que je n’avais jamais mis les pieds sur un tournage et ensuite, parce que j’aime beaucoup le travail de ce réalisateur. J’ai fait danser 4 petites têtes blondes sous la pluie et je suis très excitée de voir bientôt le résultat. Affaire à suivre en 2016…

Cette année, c’est reprise de la danse et écriture plus fréquente sur mon blog !  Mais avant, quelques pensées à propos de la saison dernière.

J’ai adoré : voir trois Pina dans la même saison, rencontrer Russell Maliphant et voir sa soirée au TCE, les ballet party, la nouvelle boutique Bloch (je vous en parle dès cette semaine!), le groupe Grenade de Josette Baiz, la CND de José Martinez au TCE, lire les remarques des balletomanes sur Twitter, le Lac toujours le Lac encore le Lac, la soirée Kylian au TCE, commencer à apprendre le tango, Casse-Noisette toujours aussi magique, aller jusqu’à Copenhague pour voir Paquita, aller jusqu’au Japon pour voir Hervé Moreau (bon d’accord je n’y suis pas allée pour ça), les adieux de Brigitte Lefèvre, Angelica Liddell déjanté à l’Odéon, Yoann Bourgeois à Montmartre dans Paris Quartier d’été, les étés de la danse toujours aussi agréable, les débats enflammés autour des futures intentions de Benji Millepied, Jone San Martin expliquant Forsythe, et aussi tout le programme Forsythe au Festival d’Automne.

Je n’ai pas aimé : être trop fatiguée et rater près de 10 spectacles de mes abonnements, voir Pietragalla en comédienne, le Eifman Ballet au TCE, les adieux d’Aurélie Dupont, le Lied Ballet de Thomas Lebrun une impression de « déjà-vu », la dernière création d’Anne Teresa de Keersmaeker, ne pas pouvoir aller à Avignon.

Voilà, vous savez tout ou presque ! Pour mon programme à venir ce mois-ci, il y aura la soirée mixte Robbins/Balanchine/Millepied, le Pirandello mis en scène par Braunschweig à la Colline, Robert Lepage au Théâtre de la Ville.

Au pays du Lego, Le Ballet de l’Opéra de Paris casse des briques

Le Ballet de l’Opéra de Paris s’est offert un véritable City Break les 27, 28 et 29 mai dernier à Copenhague. Tournée express sur les chapeaux de roues avec 4 Paquita en 3 jours à L’Opéra Royal. Retour sur cette tournée, racontée par Ploutim.

Copenhague

Il est assez magique d’arriver dans un aéroport nickel et surtout lorsqu’il permet de rejoindre le centre de la ville en 10 minutes. Copenhague est une ville à taille humaine et lorsque l’on arrive en ce vendredi soir, un crachin du style breton plonge cette cité nordique dans une atmosphère de vacances de la toussaint. Crachin qui ne décourage pas les Copenhagois pour sortir et boire des tonneaux de bière. Les Danois savent faire la fête sans oublier les braillements éthyliques de l’aurore perceptibles depuis la chambre de l’hôtel. Ambiance digne d’un port des Antilles peuplé de pirates.

Le ballet est logé dans un hôtel du centre au style léché et très classique. Seul un ridicule petit canard en plastique jaune posé discrètement sur la fontaine du lobby ouvre la porte à une tentative d’humour. Confortable et bien situé, il permettra aux danseurs et danseuses de profiter du Nyhavn pendant leur intense et courte escale. Le Nyhavn est un vieux port entourée de bars surmontés de charmantes maisons aux multiples couleurs. Il y fait bon déambuler le soir à l’heure de l’apéro.

La journée de samedi s’annonce radieuse, la ville n’est pas trop chargée de touristes et les monuments sont facilement accessibles. L’un d’eux, le « Louisiana », est un musée d’art contemporain très réussi qui vaut largement le détour. Celui-ci se situe au nord de la ville, offrant de belles œuvres au bord du détroit séparant le Danemark de la Suède. Une bonne journée de visite s’achève avec des jambes bien éprouvées, tout comme les danseurs et danseuses qui après le cours du matin, auront déroulés une Paquita dans l’après midi. Une courte pause et la représentation du soir se profile.

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Le soir arrive, un très beau ciel bleu parsemé de jeunes cumulonimbus digne d’une peinture de Bruegel termine le tableau d’un bon début de soirée. Car ce samedi soir, la « Haute » de Copenhague vient admirer Paquita par l’Opéra de Paris. L’opéra est construit sur la berge du port en face de la « Royale place ». Comble du chic, c’est par bateau que l’on vient à l’opéra. Des chaloupes débordantes de couples en tenue de soirée convergent vers le « grille pain » (surnom donné au bâtiment). C’est follement amusant. La «  Royale Barge » en bois, elle, se fait discrète en venant de la rive opposé et gardée par deux officiers de marine au garde à vous, aviron à la main.

Cet Opéra est un véritable vaisseau très astucieusement conçu et accueille le public de manière naturelle. Son gigantesque auvent en porte-à-faux couve les balletomanes en faisant disparaitre petit à petit le ciel pour laisser place au foyer. Ceinturé de verre et de bois noble, ce foyer vertigineux donne une impression de légèreté. Le public y circule telle des notes de musiques qui virevoltent. La salle est très récente mais garde une conception à l’italienne avec ses charmants angles-morts.

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Le noir se fait, Faycal Karoui au pupitre lance cette Paquita interprétée dans le rôle éponyme par Laura Hecquet. Cette dernière avait déjà fait ses preuves à Montréal en octobre dernier. Son interprétation lui avait permise de poser de solides arguments pour sa promotion au grade de premières danseuses, couronnée par une nomination d’étoile quelque mois plus tard. Le Pas de 3 du premier acte lance sérieusement cette Paquita, le trio Philbert-Park- Louvet s’avérera réussi et fera naitre les premiers papillons dans le cœur du public. L’efficacité de Paquita se vérifie sur l’assistance ; les assiettes cassées de la scène de la paella sortent les danois de leur habituel sérieux. Josua Hoffalt (Lucien d’Hervilly) livrera un solide partenariat à une Laura Hecquet en réussite sur tous les plans du rôle.

L’entracte permet d’admirer une très belle lumière rasante qui inonde le foyer ainsi que la salle grâce à un astucieux dispositif ouvrant la paroi séparant cette dernière de que celui-ci. Un peu comme si vous supprimiez les murs au fond de la salle de l’opéra bastille.

Le spectacle reprend, et toute la salle se met debout pour saluer Son Altesse La Reine du Danemark : Margareth II. Une charmante femme blonde avec des lunettes, s’incline également pour autoriser ses sujets à s’assoir. Cette dernière est francophile comme en témoigne la nationalité française de son époux.

Lors du deuxième acte on remarquera le touchant engagement des élèves de l’école de danse de Nanterre qui participaient à la tournée. Petite mention personnelle à la Féline électrique amie, Fanny Gorse pour sa belle interprétation de Dona Serafina.

Applaudissements nourris au final et Dieu sait que les Danois sont honnêtes comme le témoigne l’absence de tourniquets ou moindre contrôle pour accéder au métro.

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A l’issue du spectacle, les danseurs du Royal Danish Ballet ont eu l’agréable idée d’inviter nos artistes à faire la bamboula dans les murs du Det Kongelige Teater. Cet ancien opéra est l’équivalent de leur Palais Garnier à eux où ont généralement lieux les ballets de la compagnie locale. Carlsberg et musique auront réussi à faire danser nos parisiens y compris la nuit. Sage entretien de l’échauffement pour la dernière Paquita du lendemain.

Dimanche enfin, tandis que le directeur de la Danse de l’Opéra de Paris allait visiter ce charmant musée  « Louisiana » avec « Madame », les danseurs bouclaient la représentation finale quelques heures avant de grimper dans l’avion qui les ramenaient à Orly en début de soirée.

Ce dernier jour permettra de découvrir enfin la « Petite sirène » qui n’est en faite qu’une ridicule coulée de bronze cernée de touristes. Heureusement à Copenhague, les « canons » ne sont pas que dans les forteresses. Le quartier « Christiania », sorte de territoire indépendantiste mêlant art de rue et festival de rock montre une vision très contrasté avec le peuple et les autres quartiers de Copenhague. Une dernière Carlsberg et il est déjà temps de repartir.

Weekend riche et sportif en somme. Le Ballet de l’Opéra avait au final toute sa place au Danemark, pays de cocagne ou la perfection frôle l’indécence.

Où aller ?

Musée le « Louisiana »

Cadre de rêve pour des œuvres exceptionnelles. Muséologie très efficace mettant en valeurs Giacometti, Calder et autres célèbres artistes danois dans une quiétude absolue. N’oubliez pas la pause café avec un cake aux carottes sur la pelouse avec vue sur la mer.

Gl Strandvej 13, 3050 Humlebæk, Danemark (25minutes en train depuis le centre de CPH)

Designmuseum (Musée du Design)

Etonnant musée dans lequel on peut s’imprégner de la culture créative danoise.

Bredgade 68, 1260 København, Danemark

Le Château Christianborg Slot

Visite incontournable, ce palais vous offrira de multiples couleurs en traversant : bibliothèque, salle du trône ou la salle de Bal. Sensations garanties pour les amoureux de « Borgen ». La vue depuis le campanile, « Tårnet » , permettra un point de vue utile de la ville.

Prins Jørgens Gård 1, 1218 København, Danemark

 Christiania (Fristaden Christiania)

Quartier de Copenhague au Danemark, autoproclamé « ville libre de Christiania »

 

Où déjeuner ?

Slotskælderen Hos Gitte Kik

Lieu parfait pour déguster les fameux Smørrebrød. Etape culinaire idéale et chaleureuse après la visite du Palais Christianborg Slot. Je vous conseil le hareng mariné avec une bonne bière.

 Fortunstræde 4, 1065 København K, Danemark

 Big Apple ApS

Excellente pause déjeuner. Cuisine légère à base de savoureux sandwiches et cocktail de fruits. Je vous conseil la table devant la vitre au ras de la chaussée, cette dernière offre une vue imprenable sur les charmantes danoises.

Kronprinsessegade 2, 1306 København, Danemark

 

Soirée Paul Rigal Millepied Lock

Du 3 au 20 février 2015, le ballet de l’Opéra de Paris présente une soirée mixte avec quatre chorégraphies. Retour sur cette soirée vu à la générale et le 6 février.

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Il va falloir s’habituer aux soirées mixtes pour appréhender la prochaine saison à l’Opéra de Paris. Qu’est-ce qui fait du lien entre les chorégraphes convoqués lors d’une même soirée ? Souvent le style d’écriture, l’époque, l’origine, ou encore un même compositeur. Cette soirée mixte réunit quatre chorégraphes vivants. On ne peut pas dire que ce soit cela qui fasse sens dans la soirée. Néanmoins les pièces se répondent pas par la chorégraphie, mais plutôt par les choix scénographiques. La lumière est travaillée d’une manière particulière dans chaque pièce ; elle crée des espaces pour danser, les referme, cache ou montre les danseurs.

Dans Répliques, la lumière crée des effets de miroir. Elle isole peu à peu les quatre couples et transforme les corps en formes fantômatiques. La pièce de Nicolas Paul est parfaitement construite pour que l’œil du spectateur y voit les mouvements répétés et refletés dans les corps des autres. La pièce m’avait pourtant laissée un souvenir de complexité et de longueur, mais cette fois, sans doute parce que connue, elle m’a au contraire fait l’impression d’une belle lisibilité. Si l’exécution technique est difficile, c’est pour mieux rendre encore cette chorégraphie graphique. Les lignes des corps forment des obliques face au quadrillage de l’espace par les panneaux de mousseline et de la lumière. Dans les deux distributions, on retrouve des danseurs qui ont toutes les qualités pour une telle pièce. Chez les filles, j’ai particulièrement apprécié Letizia Galloni et Ludmila Pagliero. Leurs corps ont une fluidité sans pareille. Quant aux garçons, on admire leur puissance dans les portés et leurs dos dans les contractions du début de la pièce. Seul bémol de la pièce, la musique ; Ligeti n’est pas toujours aisé par son abstraction et ne se mêle pas facilement avec la danse.

Répliques Paul

Brigitte Lefèvre avait invité Paul Rigal à faire une création pour le ballet. Le titre Salut pouvait évoquer de nombreuses choses et me faisait rêver à des instants mystiques. Le rideau s’ouvre sur une scène jaune et un soleil lumineux. La pièce démarre avec une idée amusante : les danseurs saluent le public sur fond sonore d’applaudissements. Les danseurs sont comme des pantins, avec des mouvements très mécaniques. Quelques rires et applaudissements se mêlent au fond sonore qui se transforme peu à peu en musique électronique. De la lumière il y en a chez Rigal, mais le propos reste creux. Les tableaux se succèdent, le soleil change de couleur, le stromboscope nous laisse apercevoir quelques sauts, mais la scénographie ne fait pas tout. Côté chorégraphie, c’est assez pauvre. Les déshabillages et rhabillages semblent durer une éternité ; les courses à l’envers n’ont beaucoup de force dans cette semi-obscurité. Les danseurs semblent noyés dans ce marasme chorégraphique qui ne dit rien et dont l’esthétique est tout même assez vilaine. Le public s’est partagé en bravos et sifflets. Je suis vraiment restée à côté les deux fois.

Salut Rigal

Après l’entracte, on pouvait voir le pas de deux ajouté par Benjamin Millepied à cette soirée. Ecrit pour Aurélie Dupont et Hervé Moreau à l’origine, ce dernier s’étant blessé au bicep, il fut remplacé au pied levé par Marc Moreau. Sur une partition de Philip Glass, le pas de deux chorégraphié par Millepied, spécialiste es Pas de deux, marque par sa fluidité. Les corps s’enchevêtrent, se séparent, se rassemblent. Les deux artistes sont lumineux, c’est sans doute la force de la pièce. C’est joli et bien dansé, mais pas transcendant, ni mémorable.

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La soirée s’achève par la pièce magistrale d’Edouard Lock. Des cercles de lumières apparaissent et disparaissent sur le sol. Dans ces espaces lumineux, une danseuse apparaît, puis deux, puis trois. Habillées de tuniques noires au buste laissant deviner les poitrines, les danseuses débordent de féminité. Les longues jambes se dessinent, les bras rapides tranchent l’espace, les pointes font trembler le sol comme les doigts des deux pianistes sur les touches noires et blanches. Si il y a certes quelques longueurs, la pièce est sans conteste la plus forte de la soirée. Les pas de deux, pas de trois, et les ensembles s’enchaînent. C’est assez hypnotisant. Les hommes se montrent en costume noir et chemise blanche dans des danses pleines de virtuosité. La musique répond à la danse et les deux pianistes s’intègrent dans la chorégraphie. La pièce s’achève sur un pas de deux d’Alice Renavand et Stéphane Bullion majestueux. Les regards, la force de Stéphane Bullion face à la sensualité d’Alice Renavand, c’est tout cela qui prend le spectateur à la fin de ce chemin tracé dans les cercles de lumière. Les pointes vibrent sur le sol, les cheveux d’Alice Renavand se balancent. On est emporté dans ce tourbillon, qui laisse force et fragilité se confronter.

André Auria

Cette soirée mixte ne fonctionne pas très bien malgré une bonne pièce en ouverture et une excellente en fermeture. Au milieu, on oscille entre rejet et indifférence. Dommage car les interprètes ne manquent pourtant pas de personnalités. On attend de les voir dans d’autres pièces plus intéressantes.