Bastille

La Bayadère première !

 

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Mardi soir, je suis allée voir la répétition générale. Les générales, c’est toujours bien, surtout quand on n’a pas de places par la suite. Il manque souvent l’émotion
malheureusement. Les clics des photographes, la pression dans la salle, les derniers réglages techniques. Malgré ce que on peut en dire, il y a des générales qui sont bien des répétitions. Mardi soir, l’ambiance était tendue, Josua Hoffalt a raté son manège au troisième acte, Aurélie Dupont semblait retrouver une fragilité dans les arabesques comme il y a deux ans, dans cette même Bayadère. Emmanuel Thibault s’est réservé en marquant presque la variation de l’idole dorée. Les petits rats, eux aussi, très nerveux et sans aucun doute impressionnés, avaient les pattes tremblantes. Seuls Dorothée Gilbert, Mathilde Froustey et Allister Madin m’ont semblé à l’aise dans leurs chaussons, ils étaient aussi dans des rôles bien maîtrisés. La générale m’a permis d’entrevoir ce que pouvait être cette Bayadère.

De retour à Bastille le lendemain, avec une certaine excitation. Oui, on savait, c’était ce soir que Josua Hoffalt allait être nommé. Après Roméo et Juliette, Cendrillon, un beau Lenski dans Onéguine, voilà peut être le plus beau rôle dans lequel un danseur peut être nommé étoile à l’Opéra de Paris. La salle était pleine à craquer et les balletomanes présents plus excités à l’idée de ce moment. Moi même comme une petite fille, je dois convaincre Y*** de rester au troisième acte. JMC part enquêter auprès des ouvreurs qui
confirment la rumeur.

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Josua Hoffalt entre dans cette histoire en campant un Solor très juste. Il n’en fait pas trop, il met juste sa danse au service du rôle. Les trois grands jetés de l’entrée montre
tout de suite la force avec laquelle il s’impose. Il vole, les pieds effleurent le sol. La pantomime est très lisible et le partenariat avec Aurélie Dupont fonctionne bien. Elle n’hésite pas à se jeter dans ses bras dans le premier pas de deux. Allister Madin est un fakir bien soumis et docile à ses différents maîtres. La danse des fakirs me semble encore un peu brouillon, les jambes s’emmêlent un peu. J’apprécie Aurélie Dupont qui sait passer de la froideur avec un prêtre entreprenant, à une certaine chaleur dans le regard quand elle retrouve Solor. L’ondulation du bras quand elle entre dans le temple me fait frémir à chaque fois.

Dans la deuxième scène, on voit apparaître Gamzatti, fille du Rajah. Ce dernier est joué par un Stéphane Phavorin, très convaincant. Dorothée Gilbert rayonne, elle illumine la
scène de son sourire. Combat d’étoiles quand elle découvre que Nikiya est l’amour caché de Solor. J’adore cette scène, je trouve que très réussie, elle est pleine de petits détails croustillants.

Le deuxième acte est d’un kitch qui défie tout conte de Bollywood, mais j’adore ce faux côté indien. Succession de petits divertissements, la danse indienne est
ma préférée, menée par un Julien Meyzindi, très en forme qui peut s’épanouir sur les sons des tambours. S’ensuivent les petites variations de tutus verts et bleus où le travail de lisibilité des bas de jambe est visible, mais l’alignement n’est pas toujours au rendez-vous. La variation de Solor est bien dansée par Josua Hoffalt même si on sent quelques tremblements dans les pirouettes. Gilbert toujours aussi impeccable en Gamzatti, des pieds sublimes avec une technique de pointes qui me surprend toujours. Je préfère le délié du pied au saut sur la plate forme. Emmanuel Thibault me semble bien en dessous de ses capacités et ne me provoque aucune émotion dans l’idole dorée, variation que j’aime tant. Son costume n’arrange pas les choses. On a atteint le bling-bling maximum avec la peinture archi dorée. Je préfère deviner les muscles derrière une couche mordorée sur le corps du danseur. Aurélie Dupont maîtrise sa danse dans la variation de Nikiya, où elle dessine avec plus d’aisance qu’à la générale, les courbes dans l’espace avec son dos. J’aime sa façon de mourir, avec résignation.

Troisième acte, la tension est à son comble. Je n’ai plus de batterie (je songe sérieusement à avoir deux iphones…), donc pas de twitter pour annoncer la nomination. Autant se concentrer sur cette descente des ombres. Joli travail du corps de ballet, avec des jambes toutes à la même hauteur et un belle musicalité. Comme le dit bien Amélie, le problème c’est que dans nos têtes, il y a la nomination et on ne peut s’empêcher de penser à ça. Du coup, je pense que comme beaucoup j’ai un peu survolé l’acte III. On remarquera une Charline Giezendanner déchaînée qui brille parmi les ombres, comme dans le reste du ballet d’ailleurs. La diagonale en arabesque est superbe, le tout avec un sourire généreux.

La suite, et bien c’est beaucoup d’émotions, quelque chose de particulier. De l’émotion pour le danseur, pour ses partenaires, pour le public qui se lève et applaudit avec
beaucoup de chaleur. Encore félicitations à ce beau danseur, qui j’espère s’épanouira encore plus dans Solor et dans d’autres rôles à venir.

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© Agathe Poupeney / Opéra de Paris.

Sur son facebook, Josua Hoffalt remercie ses amis et ses followers :

« Merci à tous pour vos marques d’affection . C’est un grand moment pour moi et je suis heureux de pouvoir le partager avec vous. Tous vos messages m’ont touché,
j’espère à présent continuer sur cette lancée, cela me donne beaucoup de motivation pour la suite. A très vite pour pleins de futurs spectacles ! »

 

A lire Interview de Josua Hoffalt avec vidéo du Pas de deux du premier acte, target= »_blank »>ici.

La dépêhce AFP target= »_blank »>ici.

Au JT de TF1, petit reportage.

A lire aussi, sur les blogs : Danses avec la plume, Danse Opéra, A petits pas.

  • Distribution des 6 et 7 mars

 

Nikiya Aurélie Dupont
Solor Josua Hoffalt
Gamzatti Dorothée Gilbert
L’Idole dorée Emmanuel Thibault
L’Esclave Alexis Renaud
Manou Mathilde Froustey
Le Fakir Allister Madin
Le Rajah Stéphane Phavorin
Le grand Prêtre Yann Saïz
Soliste Indienne Sabrina Mallem
Soliste Indien Julien Meyzindi
1ère Variation Héloïse Bourdon
2è Variation Charline Giezendanner
3è Variation Aurélia Bellet

 

  • Josua Hoffalt Solor 2ème variation

 

Sublime Juliette, Laëtitia Pujol ou la tragédie incarnée

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

Je ne suis pas blasée. Souvent j’entends dire « Oh mais tu en vois tellement, tu en regardes tellement en DVD tu ne dois plus avoir d’émotions ». Mais non, la danse est bien l’art qui me procure le plus d’émotions et c’est pourquoi j’ai toujours besoin d’en voir plus, d’en savoir plus, de la comprendre plus. Les émotions se transforment et s’affinent parfois, mais elles restent entières et sincères. Elles ne baissent que rarement en intensité, elles prennent au contraire des ascensions étonnantes.

Laëtitia Pujol nous a offert un spectacle sans pareil. J’ai toujours trouvé sa technique exemplaire mais je ne pensais pas qu’elle avait ça en elle. Quand je dis « ça » j’entends ce
talent de comédienne. Elle ne joue pas Juliette, elle est Juliette. Et ce jusqu’au bout des ongles.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

C’était une distribution superbe. A la séance de travail j’étais tombée sous le charme du ballet. Il y a des centaines de détails que vous voyez sur scène qui ne sont pas visibles dans une captation vidéo. Ce soir j’ai été complètement émue par l’histoire, le jeu des danseurs, très bien réglé.

Ce qui fait la force de Laëtitia Pujol dans ce ballet, c’est qu’elle transcende le rôle. Elle retrouve des traits d’enfants dans la première scène où on la voit jouer avec ses
amis. Elle a en face d’elle Delphine Moussin dans le rôle de Lady Capulet qui en impose pas mal. Pour clore la famille Capulet Bullion en Tybalt, fou de rage contre les Montaigu, sanguin, explosif, avec de belles lignes.

Pour Roméo, Mathieu Ganio au physique de prince ne fait pas pâle figure en face de sa Juliette. Technique parfaite, grâce et élégance, fougueux et amoureux, le couple qui se
connaît bien, fonctionne à merveille. Ils vont très bien ensemble, on croît à leur histoire d’amour comme dans un conte de fées et moi qui adore les histoires d’amour et les rebondissements tragiques, je rentre dedans à 100%.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

L’acte I est marqué par les trublions et amis de Roméo qui mettent une ambiance douce et drôle dans cette tragédie. A la fête des Capulets, le ton de haine est donné. La danse
des chevaliers fait toujours son effet, la musique n’y étant pas pour rien. Chaque thème, résonne et nous rappelle à l’histoire, si bien que le spectateur novice ne peut pas s’y tromper. Matthias Heymann en Mercutio remplit ses promesses. Bonds, légèreté, insolence lui vont très bien. Benvollio incarné par Christophe Duquenne se montre lui aussi très joueur. Duquenne est d’ailleurs parfait dans ce rôle et semble bien plus à l’aise que dans les rôles de prince qu’on s’entête à lui coller. Je l’ai vraiment trouvé très épanoui dans ce rôle. Myriam Ould Braham est mutine en Rosaline, mais n’est pas assez indifférente à Roméo à mon goût. Bullion montre au fur et mesure ses talents et une fois encore, me laisse stupéfaite devant son interprétation de Tybalt. L’acte I se termine par la scène du balcon qui est pleine d’amour et de tendresse. C’est finalement le seul moment de répit pour les deux amants. Tant Pujol que Ganio semblent épris et leur couple nous
plonge dans le film de cette tragédie. L’un et l’autre interprètent les rôles à la perfection. Je suis complètement sous le charme, et bouleversée par ce couple.

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© Syltren / Rêves impromptus

L’acte II est celui de Roméo, Juliette ne faisant que deux apparitions, au mariage secret chez le prêtre, et à la mort de Tybalt. Sur la place, Mercutio et Benvollio se moquent
de Roméo. Le pas de trois entre les amis est superbe, Ganio me surprend à chaque minute, il sait être drôle, sortir de ce carcan de prince, tout en gardant des lignes et une technique superbes. Heymann s’amuse bien dans ce rôle, mais entre les deux amis c’est vraiment Duquenne qui se révèle. J’aime beaucoup le deuxième acte, à cause de ce passage. Celui avec la nonne qui se fait malmener par Mercutio et Benvollio est très drôle. On est plongé dans une ambiance de rue. Ca grouille, ça s’insulte entre Montaigu et Capulet, c’est tout le temps en mouvement, si bien qu’on ne s’ennuie jamais. L’entrée de Tybalt interrompt cette joyeuse ambiance. Le combat entre Tybalt et Mercutio nous plonge dans un film de capes et d’épées. C’est fou comme on peut se prendre au jeu
alors qu’on connaît déjà la fin. Je suis très admirative des danses avec des accessoires, et là ce combat à l’épée est impressionnant. On sent la salle qui frémit, au bruit des épées qui tombent, qui s’entrechoquent. Heymann interprète avec brio la mort de Mercutio. Il est en souffrance tandis que ses amis lui consacrent une fausse procession. Ganio se montre très drôle dans cette séance, il change radicalement de visage quand il découvre que le corps de Mercutio se refroidit et qu’il est ensanglanté. Il se rue sur Tybalt et c’est un nouveau duel avec une pression bien plus forte qui commence. La mort de Tybalt ramène Juliette à la scène et là Laëtitia Pujol m’a donné de sacrés frissons. Elle sort une colère, ses os ressortent, la chair de poule envahit toute sa peau, ses yeux sortent des orbites à travers des larmes, c’est d’abord avec haine qu’elle se dirige vers Roméo, qui reste sous le choc impassible. Face à la figure de l’être aimé, elle lutte mais ne peut lui résister, elle est aimanté par lui. Le jeu de Pujol est juste fou, elle est incroyable. Mille fois bravo !

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© Syltren / Rêves impromptus

L’acte III est celui de Juliette, l’action se passe chez les Capulets. Juliette est désespérée. Là encore Laëtitia Pujol se montre si investie dans le rôle qu’elle tient le
ballet dans son regard. Elle se montre très farouche face à la volonté de ses parents, et au désir de Pâris, incarné par Bruno Bouché, qui est très froid et déterminé dans sa volonté d’épouser Juliette. J’aime beaucoup la danse à quatre avec Capulet, Lady Capulet, Pâris et Juliette. Delphine Moussin a tout de la noblesse dans son port de tête et son regard qui balaye l’espace en permanence.Là encore on est dans un film avec une voix off. Juliette s’échappe, son thème musical revient et on est plongé dans son esprit où elle se révolte, où il faut qu’elle trouve une solution.Toute la suite est très lente. Il y a la découverte du corps de Juliette inerte par sa famille, le rêve de Roméo à Mantoue, son réveil, où il apprend par Benvollio la mort de sa chère et tendre. La mort de Frère Laurent, l’arrivée dans le caveau, la mort de Pâris. La dernière scène dans le caveau me plonge dans cette tragédie. Ganio est parfait, il désespère devant ce corps sans vie. Il boit le poison, et meurt quelques secondes avant le réveil d’une Juliette qui croit retrouver espoir. La vue de Pâris mort puis de Roméo. Son cri, bien qu’il soit sans voix, pourrait vous casser les tympans tant il semble venir des profondeurs de ses entrailles. On a envie de crier bravo tout de suite. Je suis dans mon flot de larmes (je ne vous ai jamais dit que Le petit rat
était ultra sensible et romantique?), affolée par ce drame. C’était sublime.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

J’ai donc passé une superbe soirée, je remets ça samedi soir avec Dorothée Gilbert et Josua Hoffalt ais la barre est placée très haute. En compagnie de Pink Lady, j’ai rencontré Laura de Bella Figura, que j’ai oublié de féliciter pour son article dans le programme qui est très bien écrit. Ensuite nous avons filé au cocktail Arop (il n’y a pas de petits plaisirs), où je cite les dames en robes à plus de 1000€ vous parlent ainsi quand vous tentez d’obtenir une coupe de champagne « eh les minettes, on laisse passer les grands mères d’abord, oh les minettes! « … mouais botoxées et vu la dose de peinture sur le visage… ma grand mère ne ressemblait pas à ça. On ne peut pas être et avoir été mesdames, alors si il faut jouer les grands mères pour passer avant les autres, il ne faut pas se donner le look d’une jeune femme. C’était ma petite anecdote de la soirée, qui rendent toujours les évènements à l’Opéra uniques. Je vous rassure ce qui a rendu ma soirée merveilleuse, c’est bien
Laëtitia Pujol.

A lire absolument sur le blog de Pink Lady, l’interview de Yuri Uchiumi, choréologue, l’interview de Linda Darell, qui raconte la première de Roméo et Juliette, à Londres. Vous comprendrez mieux la genèse de cette oeuvre et comment elle se transmet.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

 

  • Distribution du 28 avril 19h30
Juliette Laëtitia Pujol
Roméo Mathieu Ganio
Tybalt Stéphane Bullion
Mercutio Mathias Heymann
Benvolio Christophe Duquenne
Pâris Bruno Bouché
Rosaline Myriam Ould Braham

 

  • Bonus vidéo