Aurélie Dupont

Soirée Forsythe Brown

Si il y a une chose que j’aime dans la danse de William Forsythe, c’est sa capacité à dessiner des formes dans l’espace, avec un questionnement toujours passionnant sur le corps du danseur.  Ainsi devant ses ballets, tout un tableau se remplit de cercles, lignes et polygones en tout genre. Les traits sont plus ou moins épais, ils se tirent, se dessinent avec les différents matériaux que le corps peut offrir. Elastiques, fusain, ou la plume d’un stylo, la palette graphique de Forsythe semble sans limite.

Vincent Chaillet In The Midlle Somewhat was elevated William Forstyhe photo de Julien Benhamou

La musique de Thom Willem a les mêmes couleurs que la danse. Crée pour les pièces la plupart du temps, mais sans lien comme chez Cunnigham, l’univers sonore du compositeur anglais donne à voir des formes musicales diverses et toujours nouvelles. Eclairs, grincements, suspension métallique, un monde se construit qui prend une forme physique lui aussi dans l’espace. La danse et la musique fusionnent sur le corps des danseurs.

J’ai vu deux fois la même distribution lors de la générale et de la première. Les deux fois j’ai vécu les mêmes émotions face à cette soirée qui m’a enchantée.

In the middle est le « diamant brut » de Forsythe. Chef d’oeuvre crée en 1987 avec Guillem/Hilaire/Legris, il fait aussi partie du ballet Impressing the Czar. Il faut absolument oublier cela pour rentrer dans la version de 2012. C’est ce que souhaite le maître américain, c’est ce qu’il a demandé à ses interprètes. On recommence et on se réapproprie l’oeuvre, l’imitation n’étant jamais bonne. Attention les yeux, Aurélia Bellet est sublime dans cette pièce et il ne faut pas la manquer. Son pas de deux avec Vincent Chaillet est envoutant, elle est fascinante. Chaillet montre tous ses talents. Cette danse terriblement sensuelle met en valeur les corps des hommes, avec ces lignes très précises dans les jambes tandis que les dos se courbent. Le passage où Chaillet est en 4ème position fondu sur la jambe de derrière, le dos dans l’alignement, puis qui d’un coup se courbe est très euphorisant. Cela vous prend au ventre comme la musique qui se gonfle d’un son qui semble venir de loin. Les danseurs marchent comme des automates, ils encadrent la scène avant d’entrer et de sortir. Ce pièce faite d’un thème, l’excellence technique qui joue avec la gravité, se décline en solo, duo, trio, que les danseurs de l’Opéra exécutent avec un investissement rare, si bien qu’on a eu l’imrpession de ne voir qu’un éclair parfaitement dessiné dans le ciel. Magique !

Soirée Forsythe Brown copyright photo Anne Deniau

Au milieu des pièces de Forsythe, on a eu la bonne idée de remettre ce petit bijou d’O Zlozony O composite de Trisha Brown. Contraste complet. Fond de scène étoilé, bienvenue dans le rêve de Trisha Brown. La danse est comme en apesanteur, faite de courbe qui s’enchaînent et s’entrelacent sans heurs. La pièce a encore gagné en épaisseur et je l’apprécie encore plus qu’il y a trois ans. Ce poème polonais offre à vos oreilles un voyage dans le surnaturel. Chaque séquence de la pièce donne à voir des qualités de mouvements différentes et pourtant il y a une continuité dans le langage proposé.  Le tout dansé magnifiquement par Le Riche Dupont et Bélingard… Cela ne vous suffit-il pas pour partir dans la troisième dimension ?

Jérémie Bélingard dans O Zlozony O Composite de Trisha Brown Merci Agathe Poupeny pour cette belle photo !

 

Univers beaucoup plus solaire avec Woundworks 1 qui ne m’a pas trop emballée. Il y a un aspect frustrant qui fait qu’un a du mal à voir en même temps les deux couples et on a la sensation de rater quelque chose.  Quand votre regard se pose sur l’un, difficile d’aller vers l’autre. Il y a très peu de pauses dans le mouvement et on reste bloqué. Les deux soirs, je n’ai pas décroché mon regard du couple Le Riche /Ciaravola. Le dos de Nicolas Le Riche, les jambes d’Isabelle Ciaravola, cela suffirait presque devant une pièce qui vous laisse quelque peu sur votre faim.

Pas. /Parts de William Forsythe copyright photo Agathe Poupeney

La soirée se termine en beauté avec Pas. / Parts. Comme dans Woundworks 1, le décor se compose simplement de rideaux de mousseline sur lesquels on peut changer les éclairages et créer des ambiances différentes. Alors là tout m’a plu ! Le solo de Sabrina Mallem, le duo Bélingard/Abbagnato, le duo court mais intense et viril de Bélingard / Bézard (si vous êtes cardiaque, évitez….), le solo d’Aurélien Houette, toujours aussi bon dans tout ce qu’il touche, la légèreté puissante de Bertaud, les jambes de Gillot qui défie sans cesse les lois de la gravité et ce chachacha qui vous donne envie de vous lever de votre siège et de de danser !

NB : même au 5ème rang de parterre, il vaut mieux être côté jardin.

Distribution des 30 novembre et 3 décembre 2012

IN THE MIDDLE SOMEWHAT ELEVATED

Aurélia BelletAlice RenavandValentine ColasanteLaurène LévyEléonore Guérineau,Charlotte Ranson
Vincent ChailletMarc MoreauDaniel Stokes
O ZLOZONY O COMPOSITE
Aurélie Dupont
Nicolas Le RicheJérémie Bélingard
WOUNDWORKS 1
Agnès LetestuIsabelle Ciaravola
Nicolas Le RicheHervé Moreau
PAS./ PARTS.
Marie-Agnès GillotNolwenn DanielEleonora AbbagnatoSabrina MallemValentine ColasanteJuliette HilaireCaroline RobertCaroline Bance
Jérémie BélingardAudric BezardAurélien HouetteChristophe DuquenneSébastien BertaudCyril Mitilian

Soirées Balanchine

La soirée d’ouverture de la saison de ballets est un moment particulier. Il faut que tout le monde s’y retrouve, habitués, abonnés, touristes de passage et nouveaux arrivés. Proposer une soirée mixte est un compromis qui permet de contenter tout le monde. Si la soirée Roland Petit faisait l’unanimité, la soirée de l’an passé avait beaucoup déçu. L’opéra a fait le choix cette année du chorégraphe Balanchine, avec trois pièces très différentes des unes des autres. On ne peut pas ne pas aimer son écriture, crime de lèse-majesté dans le monde de la danse, et, pourtant, nombreux sont les balletomanes qui résistent à son charme. 3 ballets, 3 époques, 3 écritures car l’étendue de Balanchine ne s’arrête pas à un genre.

La mise en bouche du défilé réjouit la salle qui peut ensuite se plonger dans la vague bleue de Sérénade. Œuvre de jeunesse, sans cesse remaniée par le maître, j’en ai parfois ressenti les longueurs. La première partie, faite d’ensembles, est pour moi la plus belle. Les 19 filles volent sur scène, alternant les rythmes en suivant la musique de Tchaïkowsky. On retrouve les constructions chorégraphiques de Balanchine avec ces lignes qui se croisent et se décroisent, s’emmêlent et se démêlent. Le duo Pagliero/Moreau offre un doux moment de poésie. Mathilde Froustey rayonne sur scène, et s’amuse des difficultés techniques ; Laëtitia Pujol et Eleonora Abbagnato incarnent une féminité à la fois romantique et sensuelle.

On change d’univers dès la levée du rideau d’Agon. Regards perçants vers le public, quatre garçons alignés en fond de scène. Tuniques noires et blanches, et musique de Stravinsky aux rythmes irréguliers. Fini le romantisme, la délicatesse féminine exacerbée dans Sérénade, on assiste plutôt ici à un échange de joutes dansantes. La première distribution était fabuleuse. Myriam Ould-Braham est d’une sensualité sans pareille. Ses lignes sont d’une rare précision ; ses battements à la seconde sont impressionnants. Le duo Aurélie Dupont Nicolas Le Riche fait ma soirée ! C’est LE moment que je retiens de ces soirées. Le Riche est à son habitude merveilleux mais il a le don de vous surprendre en permanence. On imagine ce qu’il va être sur scène et puis il vous époustoufle encore ! J’aime ce ballet pour ces extravagances, ses décalés sur pointes qui casse le rectangle « épaules-hanches », ses larges attitudes et les regards complices entre les danseurs comme s’il se passait une électricité entre chacun d’entre eux. J’ai retrouvé l’électricité mercredi mais j’ai été moins emballée, le temps m’a paru bien long.

Troisième pièce, troisième ambiance… et quelle ambiance ! Je crois que je n’aime pas ce ballet. Et pourtant, il y a des variations qui me plaisent. J’aime beaucoup le pas de deux entre la sirène et le fils. Le duo des deux compagnons du fils ne me déplait pas non plus surtout dansé par Takeru Coste et François Alu. La musique est formidable. Il y a des passages qui durent, qui durent, qui durent… 20 minutes pour retourner chez son père et pour se faire bercer comme un bébé… c’est long, on gigote sur sa chaise. Voir Jérémie Bélingard presque nu a, certes raccourci, mon ennui, mais tout de même ! Les deux distributions sont bien équilibrées, proposant chacune des personnages différents. Bélingard campe un jeune homme fougueux, rebelle, plutôt positif dans cette envie d’ailleurs, alors que la fuite d’Emmanuel Thibaut apparaît plus comme une nécessité. Quand à nos grandes sirènes, Letestu et Marie-Agnès Gillot, elles sont séduisantes chacune à leur façon. Agnès Letestu est plus fourbe, plus ronde dans ses gestes au début de la rencontre, pour mieux tromper le naïf. Marie-Agnès Gillot est plus agressive, plus envahissante dans l’espace de l’autre, comme une mante-religieuse.

La soirée Balanchine continue à l’Opéra de Paris jusqu’au 18 octobre. Plus d’infos et réservations sur le site de l’Opéra de Paris, clic.

A lire ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Danse Opéra, Palpatine, La loge d’Aymeric.

Le JDD, Balanchine, créateur de stars, clic
Le Huffington Post, clic
Le Financial Time, clic
Alta Musica, clic

Copyright photo : Le petit rat, Laurent Philippe/Fedephoto, Blog à petits pas.

1ère distribution (22/09/2012)

Sérénade
Ludmila Pagliero, Laëtitia Pujol, Eleonora Abbagnato
Hervé Moreau, Pierre Arthur Raveau
Agon
Pas de 2 Aurélie Dupont
Pas de 2 Nicolas Le Riche
1er Pas de 3 Muriel Zusperreguy, Nolwenn Daniel
1er Pas de 3 Mathieu Ganio
2ème Pas de 3 Myriam Ould Braham
2ème Pas de 3 Alessio Carbone, Christophe Duquenne
Fils prodigue (Le)
Le Fils Jérémie Bélingard
La Courtisane Marie-Agnès Gillot

 

2ème distributioN (26/09/2012)

 

Sérénade
Eleonora Abbagnato, Myriam Ould Braham, Mathilde Froustey
Florian Magnenet, Pierre Arthur Raveau
Agon
Pas de 2 Eve Grinsztajn
Pas de 2 Stéphane Bullion
1er Pas de 3 Muriel Zusperreguy, Mélanie Hurel
1er Pas de 3 Karl Paquette
2ème Pas de 3 Nolwenn Daniel
2ème Pas de 3 Christophe Duquenne, Stéphane Phavorin
Fils prodigue (Le)
Le Fils Emmanuel Thibault
La Courtisane Agnès Letestu

 

Roméo et Juliette de Sasha Waltz, première !

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© JMC

Lundi soir, retour à Bastille, pour assister à la première de Roméo et Juliette de Sasha Waltz. Ayant vu la séance de travail et la générale, ce n’est pas avec un regard complètement neuf que j’assiste à cette représentation.

J’avais gardé un souvenir très mitigé à la création, et à vrai dire, je ne me souvenais pas de grand chose, hormis cette scénographie superbe, fait avec deux plate-formes qui se soulèvent, se détachent, transforment l’espace scénique dans lequel évoluent les danseurs.

On est plongé dans le conflit entre les deux familles. Les danseurs entrent en courant, blancs contre noirs comme dans un jeu d’échecs. La double plate forme est éclairée avec des lumières rasantes. La musique a un côté très solennel, très guerrier. Le choeur commence à chanter.

« D’anciennes haines endormies,

Ont surgi comme de l’enfer ;

Capulet, Montaigu, deux maisons ennemies,

Dans Vérone ont croisé le fer. »

Les corps, se posent, les uns contre les autres, comme des cathédrales vivantes. Cela crée une belle unité, une matière nouvelle. Les corps se collent les uns aux autres, les poids des corps sont interdépendants. C’est très graphique, les plates-formes créent des lignes, les assemblages des corps en créent d’autres.

Après cette entrée, on assiste à une danse très joyeuse. Les filles sont portées et courent à l’envers, en l’air. Les prises des portés sont surprenantes, souvent très naturelles et visibles, contrairement à d’autres. Déjà on aperçoit la silhouette de Juliette, dont le regard est différent des autres. Un regard enfantin, avec un sourire innocent, un état de grâce avant la tragédie. Roméo, de dos, en chemise, semble plus grave.

« Le jeune Roméo, plaignant sa destinée,

Vient tristement errer à l’entour du palais ;

Car il aime d’amour, Juliette…. la fille

Des ennemis de sa famille ! « 

Les jeunes femmes sont traînées, s’accrochant au cou des hommes. Les lumières sont douces, presque dorées. On distinguent les deux amants, qui sont chacun sur un praticable, comme pour marquer le rideau de fer qui existe entre les deux familles. Les lumières sont douces et dorées. On joue entre deux énergies, celle du poids du corps dans le sol ou des portés très suspendus. Les contrastes sont forts et marqués. Les corps sont dans une matière très élastique, très étirable.Les suspensions sont très belles, comme si les danseurs étaient eux aussi maintenus en l’air par des câbles.

Le son de la harpe, très douce coïncide avec Roméo qui se couche en forme foetale. Tout est fait pour rappeler l’âge des deux protagonistes, ce monde de l’enfance sacrifié pour une guerre. Roméo commence un solo très vif, dans lequel c’est l’occasion d’admirer Hervé Moreau de retour sur cette pièce. Il propose un Roméo fou d’amour, mené par ce sentiment dans ses actions. On admirera la fluidité de ses bras et de son buste qui emmènent toujours le mouvement. La douceur qui s’installe dans cette variation reflète le caractère bon et tendre du personnage de Sasha Waltz.

« Premiers transports que nul n’oublie !

Premiers aveux, premiers serments

De deux amants

Sous les étoiles d’Italie »

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© JMC

Deux amis de Roméo apparaissent et dansent en dehors des plates-formes. Ils se préparent à entrer au bal des Capulets.  Le tambourin annonce le début des festivités. On fait semblant de manger, on joue à avoir faim à se gaver, mais à la vue de Roméo, Juliette sort de cette tablée, attirée par la beauté du jeune homme. Aurélie Dupont parvient à rendre ce transport très fort, le mouvement part de sa poitrine, son regard malgré le masque semble troublé. Lui, reste assez statique, déjà gêné par le fait d’être l’imposteur au milieu de cette tablée. Elle l’emmène alors danser. Le bal peut commencer.

« Bal divin ! Quel festin !

Que de folles paroles !

Belles Véronaises

Sous les grands mélèzes

Allez rêver de bal et d’amour, 

Allez rêver d’amour

Jusqu’au jour »

 

 Le bal est une chorégraphie qui se moque des danses traditionnelles, non sans humour. J’apprécie particulièrement la musique de ce passage. Les tutus aux épaisseurs
excessives sont mis en valeur dans des petits bonds. On se moque des codes, jusqu’à ce que tout ce petit monde soit ivre et décide de rentrer chez soi. Les rires résonnent, tandis qu’au fond de la plate-forme, on aperçoit Juliette chez elle, déjà rêveuse, qui se déshabille. De son côté, Roméo rêve aussi. Il rejoint sa belle, et ils dansent ensemble le fameux pas de deux.

Cela commence par un jeu de miroir, comme pour se deviner dans le noir. Il tente de s’approcher, puis il arrive par derrière en lui cachant les yeux. La variation commence et s’enchaîne avec une très belle fluidité. On a l’impression que les deux danseurs sont reliés par un fil invisible. Le jeu est omniprésent, avec des éloignements pour se rapprocher dans une certaine exaltation. C’est un des plus beaux passages du ballet, finement chorégraphié pour dépeindre la palette des sentiments qui traversent les coeurs des jeunes amants.

La plateforme monte, Roméo et Juliette se quittent. Juliette est à son balcon, un dernier baiser sur son pied et Roméo va se réfugier dans les songes. Le mariage secret va avoir
lieu, mais pendant ce temps, la vie de Vérone continue. Sasha Waltz explore l’utilisation de l’ouverture de la plate-forme supérieure. Les femmes et les hommes se glissent dessous, dansent, avec des gestes répétitifs qui reviennent. Au dessus, Père Laurence marie les deux enfants. Ils les portent, un dans chaque bras pour sceller leur union.

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© JMC

 

La plate-forme continue de s’ouvrir, un jet de peinture noire coule. Juliette boit le poison qui fera croire qu’elle sera morte. Roméo en exil ne le sait pas. Le plus beau passage arrive à ce moment là, Roméo est seul et sans musique il tente de gravir le mur qui le sépare de Juliette.Il monte, puis se laisse glisser pour montrer son désespoir et le tragique de cette situation. Son souffle résonne, il semble comprimé, comme manquer d’air. Il résiste à sa douleur, saute, court. Un silence religieux dans la salle admire le danseur qui à lui seul parvient à occuper l’espace avec un charisme naturel.

Juliette est mise au tombeau par sa famille et Père Laurence. Aurélie Dupont montre un véritable relâchement, et se laisse complètement emmenée. Les costumes sont très beaux dans cette pièce, il y a une belle réflexion sur les matières. Juliette en robe blanche est evanescente, son âme flotte déjà dans les coeurs de son clan. On la dépose dans un lit de pierre.

« Des fleurs ! jetez des fleurs sur la vierge expirée !…

Suivez jusqu’au tombeau notre soeur adorée !… »

Roméo, sorti de l’exil, accourt. Il découvre le corps froid de Juliette. Il pleure sur le corps de sa femme, après avoir bu un poison, quand la main de Juliette sort de son
engourdissement. Un silence se fait dans la musique, une pause, comme si ce geste n’était pas certain. Roméo découvre les mouvements de Juliette et la sort du tombeau. De nouveau on assiste à un joli pas de deux, avec beaucoup de portés qui sont repris. Aurélie Dupont et Hervé Moreau sont vraiment en osmose, c’est un superbe partenariat. Juliette rayonne, mais Roméo se raidit. Il tombe et meurt. Juliette par un baiser comprend qu’il a bu du poison. Elle se poignarde et meurt sur le corps de son amant.

« Je vais dévoiler le mystère

Ce cadavre, c’était l’époux

De Juliette ! Voyez-vous

Ce corps étendu sur la terre ?

C’était la femme hélas ! de Roméo ! C’est moi

Qui les ai mariés ! »

Pas le temps de se laisser aller à l’émotion, les deux familles arrivent en courant. Père Laurence va raconter l’histoire d’amour des deux amants. Hormis la double variation chant/danse du prêtre qui fonctionne bien, parce qu’elle a une vraie force, tant d’un point de vue lyrique que chorégraphique. Nicolas Paul est excellent et s’impose de façon autoritaire au milieu de ces hostilités familiales. La fin est la réconciliation des familles, on retrouve les « cathédrales » humaines, comme une sorte d’harmonie, de paix retrouvée. Au centre, les deux corps gisants avec une certaine beauté cadavérique. Sasha Waltz a la maîtrise de la composition scénographique.

Applaudissements très chaleureux et émotions du couple principal. Joie pour Aurélie Dupont de retrouver son partenaire, émotion non dissimulée d’Hervé Moreau de retrouver
la scène. Pour ma part, j’ai adoré la scénographie, les pas de deux et la variation solo de Roméo. Les danses de groupe m’ont plutôt ennuyées, même si la musique à ces moments là prend le relais et apporte une force à la pièce. Il manque encore un petit quelque chose pour me faire basculer dans une émotion complète.

Très belle soirée qui se termine par le cocktail de première au foyer panoramique. Sasha Waltz, pétillante, et très chic (point mode : superbes escarpins…) évoque son bonheur de revenir monter cette pièce, car elle représente pour elle l’idéal à atteindre, d’ouvrir les portes entre les arts, et de les lier ensemble dans une oeuvre. Brigitte Lefèvre dans un court discours partage elle aussi son goût pour l’oeuvre et remercie un à un les acteurs qui ont permis cette reprise. Elle finit par un touchant « Hervé, on t’aime », que toute l’assemblée applaudit chaleureusement.

Encore merci à JMC pour la place.

Le livret de l’Opéra de Berlioz

Roméo et Juliette sur le site de l’Opéra

Les photos d’Agathe Poupeney

A lire dans la presse

Le Point Roméo et Juliette, l’amour Waltz à Bastille

Le Figaro Sasha Waltz à Vérone

Notulus Roméo et Juliette, version Sasha Waltz

Newspress Trois questions à Aurélie Dupont et Hervé Moreau

Res Musica Le Roméo et Juliette épuré de Sasha Waltz

Opéra de Paris, En Scène Trois questions à Sasha Waltz
Les Echos Le ballet de Berlioz sur un air de Waltz

TF1 reportage dans le JT sur le ballet Roméo et Juliette

Le Canard Enchaîné Une grande Waltz


A lire sur les autres blogs

Danses avec la plume

Blog à petits pas

Joël Riou

  • Distribution du 07 mai 2012

 

Juliette Aurélie Dupont
Roméo Hervé Moreau
Père Laurence Nicolas Paul

 

L’histoire de Manon Dupont/Hoffalt/Bélingard/Zusperreguy

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Deuxième soir de représentation, je fais la queue pour les pass jeunes avec La souris et Palpatine. La chance nous sourit donc, puisque nous obtenons trois pass jeunes, les vacances scolaires ont du bon.

Direction donc le premier rang du balcon pour revoir cette distribution que j’avais eu la chance de voir en répétition. Dans l’ensemble, je trouve que le ballet a de vraies longueurs et si il y a certains passages qui me plongent dans un émoi particulier, d’autres m’ennuient beaucoup.

J’ai trouvé cette distribution très équilibrée. Aurélie Dupont est une Manon séduisante et séductrice qui a conscience de son pouvoir sur les hommes. C’est pleine d’assurance qu’elle se jette dans les bras de Des Grieux. Technique bluffante, on sent une bonne complicité entre les deux partenaires et surtout beaucoup de plaisir à danser ce ballet, à se découvrir dans ces rôles tragiques que dans Bayadère. Dupont vit cette histoire avec une joie lisible sur son visage et qui transparaît dans sa danse. Le pas de deux du premier acte est très fluide. Quant à Josua Hoffalt, il est ce jeune homme fougueux, innocent et naïf que l’amour va mener à faire les pires choses. Sa danse fluide va se rigidifier à mesure qu’il connaît et qu’il aime Manon. Le jeu, la tricherie, le meurtre vont transformer ce personnage. Comment un amour si pur, si innocent, peut mener à tant de vices ? La femme semble clairement montrée du doigt, à travers le personnage de Manon, et les prostituées de façon plus générale.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Jérémie Bélingard est hilarant dans le rôle de Lescaut. Il joue l’ivresse à fond, en prenant les déséquilibres avec brio, et défiant les lois de la gravité. J’aime son ébriété festive et le duo avec Muriel Zusperreguy fonctionne bien. Elle joue une maîtresse bienveillance, tout en restant rayonnante et séductrice. Hormis ce pas de deux et la variation de Manon, le reste m’a beaucoup ennuyée. Je trouve qu’il se passe trop de choses sur scène, j’ai envie de tout voir et forcément je n’y arrive pas. Sur France Musique, Clairemarie Osta disait à juste titre qu’il se passait mille histoires sur scène, que chaque personnage avait sa propre histoire. Il est vrai qu’on peut se laisser emmener dans le fond du tableau et regarder le jeu de séduction entre tel et tel personnage mais parfois, j’ai du mal à trouver la visibilité. D’autre part, je n’accroche pas du tout avec la scénographie, ni avec les costumes. De l’ocre, encore de l’ocre, oups du jaune. Si la finition des costumes est impressionnante, comme toujours à l’Opéra de Paris, on est loin de La Dame aux camélias. Au concours, les sujets dansaient la variation de Manon avec une robe de velours noire, très sensuelle, le velours bougeant à chaque mouvement de jambe avec délicatesse. Là, je trouve que la robe de Manon fait un peu kitch, voire cheap. Le décor fait de chute de tissus ocres et abîmés rappellent évidemment la condition dont Manon a le plus peur. La peur, la honte, devenir pauvre en une nuit, comme elle devient riche en quelques minutes avec un manteau et un collier, tout cela hante Manon, et le décor reflète cela, il n’empêche que je trouve ça très laid. Je ne parle même pas de l’acte trois où les lianes avec le plein feu vert, plus la fumée… si allez, j’en parle. Alors voilà, nous avons notre Manon qui dépérit au sol, dans les bras de Des Grieux et tous ses souvenirs apparaissent derrière elle. La frivolité, son frère coureur de jupons, le jeu, le meurtre, puis arrive le pas de deux final, qui est une chorégraphie merveilleuse et qui m’émeut énormément. Mais franchement, ces lumières vertes…Je trouve que cela manque de raffinement, puisqu’après tout c’est le peu de choses qui reste à la jeune Manon.

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© Agathe Poupeney/Fedephoto.com

Pour revenir à la misogynie, elle est présente tout au long du ballet. Aurélien Houette interprète un Monsieur de G.M. violent, conscient de sa puissance, de son argent. Il considère Manon presque comme une bête de foire, qu’on montre, qu’on utilise sexuellement, qu’on attache avec de l’hermine, des rivières de diamants, des bracelets clinquants. Monsieur de G.M. ne se laisse pas duper par les manigances de Lescaut ou de Manon. Il impose son pouvoir sur Manon, tout comme son frère d’une certaine façon, ainsi que le geôlier. Tout ceci est assez bien chorégraphié et rend le propos sur les femmes abject. Si l’amour pur donnent des pas de deux d’une beauté éblouissante entre Manon et Des Grieux, la soumission de Manon aux hommes, portée d’homme en homme, donne à voir un spectacle qui met mal à l’aise, qui dérange. Est-ce la volonté du chorégraphe ? Je n’en suis pas si sûre…

Une belle soirée, avec des longueurs donc, mais avec un beau travail d’interprétation. Prochaine distribution Ciaravola/Ganio !

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L’histoire de Manon sur le site de l’Opéra de Paris

  • Distribution du 23 avril 2012, 19h30
Manon Aurélie Dupont
DesGrieux Josua Hoffalt
Lescaut Jérémie Bélingard
La Maîtresse de Lescaut Muriel Zusperreguy
Monsieur de G. M. Aurélien Houette
Madame Viviane Descoutures

Nouvelles du 26 mars

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© Sébastien Mathé

Pas de petit Rat ces deux dernières semaines, pour des raisons personnelles. L’actualité en danse fut riche et je sais qu’il y a plein de choses que j’ai manquées.

Je n’ai pas tout manqué et j’ai tout de même vu plein de beaux spectacles que je vais m’empresser de vous raconter.Sylvie Guillem au Théâtre des Champs-Elysées, la soirée Robbins/Mats Ek, une rencontre avec Laurent Hilaire, une Bayadère avec nomination à la clef. Bref, encore du retard !

Je suis aussi allée voir jouer Emmanuelle Béart dans Se trouver au Théâtre de la Colline. Si la comédienne est excellente, d’une sensualité à faire pâlir plus d’un, la
mise en scène de Nordey dessert fortement le texte de Pirandello. La déclamation du texte met à mal plusieurs comédiens et tout cela n’est pas bien mis en valeur. Dans un décor qui ressemble à un vêtement trop grand, on se perd et on ne se retrouve pas. La réflexion sur le statut de l’artiste est pourtant passionnante. Qu’est qu’une comédienne? Est-ce sur scène qu’elle est elle même, est-elle femme ? Ou bien faut il oublier la scène et tomber dans l’amour passionnel, loin du monde, pour se découvrir… ou bien se perdre..

Cette semaine est chargée, je vais ce soir à la présentation de la saison junior de l’Arop (au grand hôtel, attention on nous sort le grand jeu !), voir Roméo et Juliette de Malandain à St Quentin en Yvelines mardi soir, voir une conférence dansée au CND jeudi soir autour de Trisha Brown, Nicolas Paul et Thomas Lebrun. Semaine chargée donc !

 

  • Les sorties de la semaine

Évidemment je n’ai pas eu le temps de vous en parler mais il vous reste une semaine pour aller voir la soirée Robbins Mats Ek à Garnier. Deux chorégraphes très différents,
pour une soirée éclectique. Le premier ballet Dances at the gathering est un ensemble de danses très fluides, et aériennes, sur la musique de Chopin. Le deuxième plus
rock’nroll présente les habitants d’un Appartement, qui évoluent avec des objets du quotidien, sur lesquels ils projettent leurs peurs, leurs angoisses, leurs personnalités. Dans une chorégraphie très riche, Mats Ek propose une pièce  formidable, un petit bijou qui regorge de détails qu’on découvre un peu plus à mesure qu’on la voit. Les distributions sont formidables, avec une belle série d’étoiles et premiers danseurs. Les danseurs sont très investis dans cette soirée et on y passe un beau moment.

Pour réserver et voir les distributions suivez le lien.

A lire dans la presse :  Le Huffington Post Des anciens très modernes

Le JDD Mats Ek sur deux scènes à la fois

Le Figaro Mats Ek et l’inspiration de l’aspirateur

Culturebox Mats Ek et Robbins entremêlent leur vision du couple

Paris Match Le Ek plus ultra

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Côté théâtre je vous conseille d’aller faire un tour au Théâtre du Rond Point voir la pièce musicale,  Belles soeurs. Cette pièce de Michel Tremblay raconte l’histoire
d’une femme qui a gagné des bons pour commander des objets dans des catalogues par correspondance. Elle fait appel à toutes les voisines, belles-soeurs et autres amies du voisinage. Ça chante, c’est drôle, c’est plein d’humanité et c’est jusqu’au 7 avril.

Pour réserver c’est par là.

A lire :  Les belles soeurs débarquent au Rond Point sur Culturebox.

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Et bien sur à voir et à revoir La Bayadère, toujours à Bastille dont les distributions ont quelque peu changé. Dorothée Gilbert s’est blessée, Mathilde Froustey aussi, du coup
Ludmila Pagliero, notre nouvelle étoile assure bon nombre de représentations et ne sera plus dans la soirée Robbins/Ek. Marie Agnès Gillot assure toutes les soirées Robbins/Ek et ne dansera pas Gamzatti aux côté de Zakharova. Elle sera remplacée par Emilie Cozette.

Pour plus d’infos et réserver, suivez le lien.

  • En vrac

Ce soir a donc lieu la présentation de la saison 2012-2013 pour les juniors AROP, ce sera l’occasion de faire un petit article pour vous expliquer comment cette association fonctionne, comment y adhérer, comment s’abonner, etc.

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Les représentations du spectacle de Sébastien Ramirez et la chorégraphe Hyun-Jung Wang sont annulées car la chorégraphe et danseuse est blessée. Il faut s’adresser au Théâtre de la Ville pour se faire rembourser. Dommage les extraits donnaient vie de
voir ce spectacle.

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Pour réécouter Marie Agnès Gillot qui était l’invitée de RTL dans le journal inattendu c’est par ici.

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Le New-York Times a lui aussi vu la nomination de Ludmila Pagliero.

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Portrait de Nicolas Le Riche dans Le Parisien : Danseur étoile, c’est du sport.

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  • La vidéo de la semaine

 

Aurélie Dupont et Josua Hoffalt dans le premier pas de deux de La Bayadère.