Aurélie Dupont

Lander et Forsythe à l’Opéra de Paris

Le ballet de l’Opéra de Paris a ouvert sa saison samedi soir avec une soirée mixte : Etudes d’Harald Lander et deux pièces de William Forsythe, Woundwork 1 et Pas./Parts. Si ces deux dernières ont été vues récemment, la première pièce n’avait pas été donnée depuis 2004. Voyage à travers la technique classique, de la barre aux hanches décalées. En bonus, pour la première, on a eu le droit au défilé.

défilé

 

La soirée s’ouvre avec la traditionnelle marche du défilé. Certains y sont attachés, d’autres moins, et le moins qu’on puisse dire c’est que ces courtes quinze minutes de défilé presque militaire déchaînent les passions. L’applaudimètre est en place et les admirateurs peuvent s’exprimer. On ne s’étonnera donc pas d’entendre François Alu très applaudi, d’autres danseurs peu vus, moins applaudis, malgré leur rang plus élevé. La salle veut bouleverser les grades par les applaudissements et pourtant, les plus conservateurs d’entre eux craignent l’arrivée de Millepied et sa vague proposition d’enlever un grade au corps de ballet. Toujours impeccablement réglé et très majestueux, ce n’est pourtant pas cela qui me provoque un frisson, mais la révérence d’Aurélie Dupont qui va quitter la scène cette année et le sourire de Mathieu Ganio qui ferme le rang. La scène est illuminée de blancheur, à l’instar de la salle, où les téléphones s’allument pour conserver un souvenir flou d’une tradition figée dans le temps.

On reste dans la tradition avec le ballet de Lander, Etudes. Véritable ode à la danse classique, le corps du ballet de l’Opéra s’y illustre avec brio.  Cela commence à la barre, où seuls les bas de jambe sont dévoilés. Dégagés, pliés, petits battements sur le coup de pied, ballonés, jetés, pas de cheval, rond de jambe, toute la barre classique est impeccablement exécutée, avec des jambes sublimes. Le ballet se compose de petites scènes qui se succèdent, qui montre tous les pas traditionnels de la danse classique. La danseuse est tantôt une femme romantique au tutu long, tantôt une bête de scène enchaînant les pirouettes. Dorothée Gilbert qui tient de le rôle de l’étoile fait honneur à ce titre. Sa danse montre à la fois une technique très solide (quels équilibres!) et un charisme qui capte tout le public. Son regard profond plonge dans ceux des spectateurs et elle semble nous dire « Vous ne pourrez pas faire autrement que de me regarder ». Chez les hommes c’est le sourire de Josua Hoffalt qui nous attire et nous mène à ses bas de jambes si beaux dans tout son travail de batterie. Si le ballet est un véritable marathon technique, il n’est pas tout de même pas d’une grande modernité. Le découpage en scènes est un peu lourd, surtout quand il s’accompagne des applaudissements qui hachent la musique et le bout des arabesques… Les lumières ne sont pas toujours heureuses, surtout quand on est placé de côté.

C’est tout de même, pour sûr, la meilleure définition de l’école française !

Woundwork1 Forsythe

Woundwork 1  était dansé ce soir-là par quatre étoiles. Aurélie Dupont, Hervé Moreau, Laëtitia Pujol et Mathieu Ganio dansent dans ce cube de lumière cette courte pièce de Forsythe. Pourtant, le temps semble s’étaler dans l’espace si grand. Il y a un certaine spiritualité dans la pièce, qui se lit dans les corps des danseurs. Forsythe utilise tout le langage classique mais le rend plus graphique. Les corps sont dessinés avec des jupettes rigides asymétriques. Les jambes des hommes sont légèrement coupées par des caleçons courts. Ayant peu vu le couple Ganio/Pujol pour des raisons d’angle, la pièce ne m’a pas plus émue que la première fois. Forsythe y pose une atmosphère, impose une écriture au tracé subtil, que les quatre interprètes de ce soir ont parfaitement compris.

 

Saluts Forsythe Pas. /Parts Eve et Jérémie

Le petit bijou de la soirée est sans aucun doute Pas./Parts. Ballet écrit pour le ballet de l’Opéra de Paris, Forsythe y déconstruit tout le langage classique vu dans le premier ballet de la soirée. Justaucorps colorés, musique évocatrice et urbaine de Thom Willems, lumières mouvantes, le ballet est lui aussi une succession de petits duos, trios, et autres, mais ne tombe pas dans l’écueil du noir. Les danses sont liées entre elles par l’énergie des interprètes. On oscille entre l’étirement maximal des corps, et la rapidité de petits mouvements fulgurants qui nous explosent aux yeux. Tous les danseurs y sont absolument époustouflants : chacun y révèle une partie de sa personnalité et de son talent. Jérémie Bélingard (enfin sur scène… ) donne une leçon de style, Marie-Agnès Gillot et Laurène Lévy, une démonstration de jambes. C’est avec un grand bonheur que l’on regarde tous ces artistes si virtuoses dans ce très beau ballet. On en redemande encore !

Soirée Birgit Cullberg / Agnès de Mille

L’Opéra de Paris présente sa deuxième soirée mixte avec un programme 100% féminin. Féminin par ses chorégraphes, Birgit Cullberg, la Suédoise, et Agnès de Mille, l’Américaine ; féminin par ses héroïnes – Lizzie Borden et Mlle Julie ; féminin dans son aspect politique, de ce que ces pièces disent de la difficulté d’acquérir sa liberté quand on est femme. Du 21 février au 13 mars, deux ballets des années 50, Fall River Legend, et Mlle Julie, sont à voir au Palais Garnier. Retour sur la première de cette série, le 21 février.

Fall River Legend, d’Agnès de Mille, avec Alice Renavand, Vincent Chaillet, Stéphanie Romberg, Laurence Laffon, Christophe Duquenne, Léonore Baulac et Sébastien Bertaud.

Alice Renavand Agathe Poupeney

Cette pièce est inspirée d’un fait réel, l’affaire judiciaire de Lizzie Borden. La jeune femme a été accusée du double meurtre à la hache de ses parents. La pièce d’Agnès de Mille nous plonge donc dans cet univers immédiatement. Les premières notes de la partition sont stridentes et le drame se dessine déjà. La pièce s’ouvre sur procès où le porte parole rend compte des faits. Sébastien Bertaud donne de la voix pour énoncer très distinctement « Les jurés se sont rendus…. ». On a tout de suite l’impression d’être dans un film américain. Alice Renavand joue le rôle de l’Accusée. A son procès, elle est soutenue par le Pasteur incarné par Vincent Chaillet. Le personnage va être replongé dans son enfance. L’Accusée jeune, jouée par Léonore Baulac, est une petite brune aux jupons blancs. On reconnait à peine la jeune femme sous ces traits de fillette, mais la pétillance de sa danse transparait. L’Accusée revit la scène avec son double enfant. C’est bien construit. Renavand campe une jeune femme déjà assez en colère ou dans une certaine inquiétude. Elle est à ce moment comme une voix off qui vient apporter l’émotion d’une scène qui serait filmée de façon très objective. La rage contre cette belle-mère, qui remplace une mère douce et aimante – Agnès de Mille continue d’apporter au mythe de la marâtre – se lit aisément dans la chorégraphie et dans le langage de l’Accusée : les chevilles tournent, la main va au ventre ou au plexus, les contractions du ventre se répètent.

La danse est très lisible, avec des expressions du visage très marquées. La trame narrative est ainsi très bien construite. Le rire à gorge déployée de l’Accusée quand ces parents prennent peur la voyant la hache à la main, les regards marqués, les gestes très dessinés, à la manière d’un film muet, tout cela contribue à une narration formidable. On suit l’intrigue avec un certain suspense. Alice Renavand porte le personnage avec une grande force, sans jamais perdre ses belles qualités techniques, comme on peut le voir dans le duo avec sa mère, après le meurtre. On la fait passer pour folle. Elle est une femme en dehors du monde, dont l’enfance s’est terminée trop brutalement. Elle ne connaît rien du monde, on l’empêche de vivre l’amour, elle est une femme recluse qui veut gagner un peu de liberté. De cette envie de liberté naît une rage, un désir fou, où Tathanos prend le dessus sur Eros. La mort comme une libération à une existence qui n’en a pas ? Une façon de rejoindre une mère tant aimée ? Ce sentiment de colère qui naît chez le personnage de l’Accusée, prend forme dans une danse circulaire où le groupe de villageois tournent et dansent autour d’une femme qui ne fait pas partie de cette ronde.

La chorégraphie m’a fait penser aux comédies musicales américaines – West Side Story évidemment. L’église américaine avec son pasteur – dansé par Vincent Chaillet au port de tête noble –  et les danses de groupe, notamment la prière, m’ont plongé dans une Amérique que l’on voit dans les vieux films. Rien d’étonnant quand on sait qu’Agnès de Mille était d’une famille de cinéastes. Les toiles peintes montrent des ciels de couleur qui reflètent l’âme du personnage principal. On pense aux grand studios d’Hollywood, où tout est complètement articifiel, y compris les ciels. La musique et son côté jazzy m’ont fait pensé à Berstein, à Gershwin, à ces musiques qui savent nous raconter quelque chose avec une mélodie rebondissante. Les pas s’y calent en contretemps, les hanches se décalent parfois, avec une belle subtilité.

On sort de la pièce comme à la fin de film à suspense. Agnès de Mille a fait le choix de faire condamner son héroïne à la mort, alors que Lizzie Borden avait été acquitté. Vidée, Alice Renavand a porté ce personnage avec brio pendant 50 minutes et la robe blanche tachée de sang, elle livre au public une dernière émotion, la sienne cette fois.

saluts alice Renavand Fall River Legend IKAUBERT

Mlle Julie, de Birgit Cullberg, avec Aurélie Dupont, Nicolas Le Riche, Amélie Lamoureux, Alessio Carbone, Michaël Denard, Aurélien Houette, Takeru Coste, Charlotte Ranson, Andrey Klemm, Jean-Christophe Guerri, Richard Wilk.

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 » Un valet est un valet
– Et une putain est une putain »

Strindberg, Mlle Julie, 1888.

Mlle Julie, est à l’origine, une pièce de théâtre naturaliste de l’auteur suédois August Strindberg. Elle raconte comment, un soir de la Saint Jean, Mlle Julie, jeune aristocrate va séduire son valet Jean, jusqu’à passer la nuit avec lui, au dépend de Krisitin, cuisinière et fiancée de Jean. Julie regrettera son geste et se suicidera à l’aube. L’adaptation de Birgit Cullberg ajoute quelques personnages et rompt avec l’unité de lieu. Tout d’abord, Julie apparaît revenant de la chasse, devant son père et un jeune prétendant, interprété par Alessio Carbone. Des villageois deviennent des personnages à part entière, dont la personnalité définit la danse. Quatre scènes au lieu d’un lieu, Cullberg montre ensuite ce qui est caché, à savoir la fête de la Saint Jean. Elle nous fait enfin partager les questionnements coupables de Mlle Julie dans une danse au milieu de ses aïeux qui la mènent au suicide.

En regardant la pièce, on pense à de nombreux autres ballets. Ceux de Mats Ek évidemment, notamment Giselle, avec le langage chorégraphique des paysans, et la danse de Kristin quand elle est seule dans la cuisine. La maison de Bernarda est aussi en résonance dans la pièce, avec les trois vieilles du village à la fête de la Saint Jean. Un autre chorégraphe contemporain de l’époque de ce ballet apparaît comme un fantôme, c’est Roland Petit. Carmen n’est pas loin, on le voit dans les costumes, dans les scènes de séduction, où les hanches s’ouvrent érotiquement.

Ce ballet est bien construit. La trame narrative est, là aussi, très lisible. Les personnages sont aussi complexes que dans la pièce. Mlle Julie apparaît très hautaine, froide, autoritaire. Aurélie Dupont campe à merveille cette noblesse, dans une tenue de cavalière très seyante. Dominatrice, de par son rang et sa personnalité, elle ne ménage pas son fiancé, qui la fuit, ne supportant pas le combat homme-femme qu’elle lui impose. Mlle Julie c’est une femme seule. Cette solitude va la pousser à aller danser avec ses serviteurs à la fête de la Saint Jean. Son serviteur, Jean, incarné par le sublime Nicolas Le Riche, est un serviteur obéissant. Jambes serrées, tête baissée, les bras le long du corps, respectant son rang de domestique. Il est attaché à ce dernier, aux principes de classe. On le voit bien dans la scène où il se moque de Julie devant Kristin. Il se joue de cette femme qui est sortie de son rang. Aurélie Dupont montre une femme fragile à la carapace faussement solide. Elle passe par de nombreux états.

« C’est toujours avec de belles paroles qu’on attrape les femmes »

La scène centrale du ballet est à mon sens celle de la séduction après la fête de la Saint Jean. Le désir est la domination de l’autre sont les deux éléments centraux qui vont faire basculer Julie dans une situation irréversible. Elle se laisse séduire par le beau jeune homme, tout en essayant de conserver son rang. D’une Julie froide, Aurélie Dupont montre un tout autre visage dans cette scène. Elle est outrageusement sensuelle, provocante, presque vulgaire. Jean en profite, tant qu’il peut, revenant parfois à la raison. Nicolas Le Riche est brillant, tellement, que parfois, il en écrase le jeu de sa partenaire. Sauts vertigineux, jeu impeccable, arabesques majestueuses, sa danse est superbe. On n’a d’yeux que pour lui. La domination de l’homme prend le dessus, et Julie est prise au piège. Le jeu de maître/valet est allé trop loin, il ne reste que la mort comme solution.

« Tu me reproches d’être grossier ? Jamais je n’ai vu une des nôtres se conduire comme tu t’es conduite cette nuit. « 

 Le ballet m’a beaucoup plu, d’autant que c’est une pièce que j’apprécie et dont j’ai vu de nombreuses versions. J’ai trouvé cette version chorégraphiée très juste, très proche de l’écriture de Strindberg. La tension dramatique monte bien, les danseurs sont merveilleux. Une belle soirée.

Saluts Mlle Julie Aurélie Dupont Nicolas Le Riche  © IKAubert

Réveillon dans le parc

Depuis plusieurs années, je passe mon réveillon de la Saint-Sylvestre à l’Opéra. Me voilà donc dans l’entrée, au pied du grand escalier paré de ses plus belles décorations. L’émerveillement est déjà là, les spectateurs ne se pressent pas, les appareils photos sont de sortie et il n’y a pas que les touristes qui immortalisent ce dernier jour de 2013.

Garnier en habits de fête

Je m’assieds dans ma loge, je regarde le public qui s’est mis sur son 31. Grandes robes, fourrures, bijoux clinquants, tout cela c’est bien trop pour moi mais j’aime les regarder, observer cette vieille dame, sur qui le maquillage ne peut plus rien et pourtant, on est à l’Opéra c’est soir de fête, alors cela vaut bien un peu de poudre aux yeux. Le noir est pour moi couleur de lumière, alors j’ai juste enfilé ma plus jolie petite robe noire, des escarpins assortis et j’ai ouvert grand les yeux quand le rideau s’est levé.

Les jardiniers taillent la carte où les jeux amoureux vont se dérouler. Les gestes sont précis, rapides. Comme des chirurgiens de l’amour, ils ne laissent aucun geste au hasard. Nos quatre héros sont très précis, la musique électronique les porte, leur donne une certaine énergie que j’apprécie tout particulièrement. Leurs mouvements, sophistiqués,  écho aux chemins que vont parcourir les sentiments des acteurs de ce jeu amoureux.

Le Parc Agathe Poupeney

Un homme entre dans l’ombre, son chapeau sur la tête. Il marche. Il est rejoint par d’autres. Les femmes entrent. Regards. On se scrute, on s’observe discrètement. Les époques changent mais les codes ne changent pas, peut être est ce le message de Preljocaj dans ce ballet. On se dit des secrets (il paraît que celui ci change tous les soirs), on montre quelques bas de jambe, comme on dévoilerait un peu de son intimité. Les jeux d’approche, sont de petits moments délicieux, que l’on savoure comme des gourmandises. On sait bien ce qui se passe quand on ne joue plus, et quand les chaises musicales n’amusent plus, il est peut être temps d’avouer que ce regard qu’on a eu, que ce sentiment était loin de l’indifférence. Ce premier regard entre Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont est fort ; il semble être le tout premier. Rencontre de deux âmes, sur la musique de Mozart, qui sait justement si bien en parler. Premier pas de deux. Les deux sexes dansent la même partition, les mouvements s’imitent et se répètent. Ils entrent chacun dans l’univers de l’autre. Ce ballet est un discours sur les sens, qui se mettent en éveil, au contact de celui vers qui on s’épanche.

« Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le Roi et la Reine se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. »
Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves.

 Les jardiniers reparaissent pour continuer leur travail. Ils tracent par le mouvement, un quadrillage, alternent leurs places, déploient une énergie plus forte. Sous les arbres, les jeux vont se montrer plus malicieux. Les femmes s’évanouissent avec beaucoup d’érotisme. Le même peut être qui fait entrer les hommes lascivement au sol, tels des fauves. C’est le moment de montrer son désir. Les couples s’embrassent et s’embrasent. Les corps débordent de sensualité. Ma voisine en serait presque choquée. Pourtant les mouvements, identiques chez tous les couples, regroupent tout ce qu’il se fait de mieux en amour. De belles courbes, une tendresse non dissimulée, les yeux à demi ouverts, chacun entre dans la découverte du corps de l’autre, en tâtonnant à peine. Après la conquête, la résistance, il ne faudrait point montrer trop de transport vers cette nouvelle passion. C’est avec encore plus de transport que pour ma part, je suis touchée par ce nouveau pas de deux entre Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont. J’aime cette farouche affection avec laquelle il la porte, et ce timide coup de tête, avec lequel elle repousse des gestes déjà bien trop intimes.

« Je voudrais vous pouvoir cacher des sentiments qui sont assurément les plus emportés du monde. […] Que cet état est insupportable et qu’il me laisse peu espérer de repos et de joie ! Que de troubles, de fâcheuses réflexions, que de sensibles reproches et que de résolutions différentes, mais que de transports et que d’amour ! S’il est des moments où je souhaite de ne vous voir plus, il est des heures où je meurs d’envie de vous voir. »Mlle Desjardins, Lettres et billets galants.

La nuit, les jardiniers taillent même les rêves. Transforment-ils le sentiment amoureux? L’inconscient se multiplie par quatre et fait cheminer l’esprit endormi de la belle amoureuse. Qu’en restera-t-il au réveil ?
Je reste plus en retrait pendant les quelques tableaux qui suivent. Je n’en aime pas les costumes que je trouve vulgaires. Les femmes se lamentent, tandis que les hommes ont de l’ardeur… Cela me laisse perplexe. On arrive à la pamoison, mais là encore, je suis en reste. Même ma danse n’est pas aussi finement dessinée que dans les autres tableaux. Moment d’évasion, où l’on peut penser à autre chose puisque le ballet en est moins captivant.

Le Parc Aurélie Dupont: Nicolas Le Riche: Agathe Poupeney

L’abandon… Aux premières notes, on tremble déjà. Aurélie Dupont fixe Nicolas Le Riche. Le regard a changé, il a traversé tout un tas de sentiments. Sur la carte, les amoureux sont passés par de nombreux lieux-dits. S’abandonner à l’autre, lui laisser tous les chemins de son corps. On plonge dans l’intimité des corps et des âmes. Il y a une alchimie entre ces deux êtres, qui envahit toute la salle. La musique porte les baisers et les envolés dans les cœurs des spectateurs. On regarde, on écoute, on n’a pas le temps de penser que le langage de ces deux corps nous touchent dans ce qu’il y a de plus profond de nous mêmes. On s’abandonne nous aussi à la poésie des mouvements, et les souvenirs remontent et viennent se superposer aux images de la scène.

« Le cœur d’une femme se donne sa secousse à lui-même ; il part sur un mot qu’on dit, sur un mot qu’on ne dit pas. »Marivaux, La surprise de l’amour

Beaucoup d’émotions dans cette belle soirée, l’émotion aussi de voir deux immenses artistes, danser ensemble, sur la scène de Garnier, peut être pour la dernière fois. Le champagne en apothéose, non vraiment les réveillons à Garnier, sont ce qu’il y a de plus réjouissant.

Salut 2 Dupont Le Riche

Nouvelles de 2013 n°8

L’actualité de la semaine danse a beaucoup tourné autour du gala Noureev quelque peu décevant organisé par l’Opéra de Paris. On retiendra donc les beaux moments offerts par Mathias Heymann, Nicolas Le Riche et Laëtitia Pujol. A relire donc, si vous l’avez ratée, ma chronique sur cette soirée, clic. Mais aussi :
Laura Capelle, FT, Homage to Rudolf Nureyev, clic
Le JDD, Une hommade ému à Noureev, clic
Culturebox, Une pluie d’étoiles dansent en souvenir de Noureev, clic
Les Balletonautes, par Fenella, clic, en anglais, et Un enterrement de 2e classe, clic
Danses avec la plume, Un hommage à Noureev sans panache, clic
A petits pas, Retour en images, clic
Une saison à l’opéra, clic

Noureev le jour d'une répétition de Manfred

J’ai aussi fait un gros rattrapage cinéma depuis 15 jours.  J’ai vu Amour d’Haneke, deux fois, c’est un chef d’œuvre, si vous ne l’avez pas vu, foncez. C’est beau, tout en retenue, admirablement filmé, écrit, joué, du grand cinéma en somme. Dans un tout autre genre, j’allais au cinéma des cinéastes voir Wajda, arrivés trop tard, F*** et moi nous sommes repliés sur  Blancanieves, du réalisateur Pablo Berger (bande annonce, clic). Le film raconte dans une Espagne des années 20, le conte de Blanche-Neige. C’est un film en noir et blanc, à l’ancienne, avec des cartons. Le film oscille entre des purs moments de génie, par la beauté des images et des plans, et des faiblesses de scénario. Les actrices sont sublimes, les scènes de corrida aussi. On en ressort avec de très belles images, mais un sentiment mitigé. Encore un genre complètement différent, j’ai vu Zero Dark Thirty que j’ai adoré (bande annonce, clic). Jessica Chastain tient le film avec une performance formidable. Le scénario nous tient en haleine, c’est bien mené, bien écrit.

J’étais à Marseille en fin de semaine, j’ai fait un tour au Pavillon M, structure éphémère pendant l’année européenne de la culture 2013, qui est censé être une vitrine du programme proposé. J’ai été quelque peu perdue dans une structure où le chemin n’est pas bien construit. Au final, comme sur leur site internet, je suis sortie en ne sachant pas quoi faire. Pas de découpage par discipline, pas de carte lisible des lieux, bref, pour le touriste, on sort sans information réelle. Le plus clair étant encore le guide de 362 pages, à feuilleter en pdf, ici. J’espère pouvoir un peu plus explorer la prochaine fois, les installations proposées. Il faudra voir le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerrannée dès qu’il ouvrira.

Cette semaine, je fais escale à Bruxelles. J’y étais allée lors d’un week-end proposé par l’Arop (relire ma chronique, clic). J’avais été un peu frustrée après deux jours, c’est pourquoi j’ai décidé de remettre pour une semaine. Après le soleil du sud, voilà la neige de Bruxelles ! Je prévois de belles visites de musée !

  • Les sorties de la semaine

A ne pas manquer au Théâtre des Champs-Elysées, le Eifman Ballet qui vient avec Rodin et son Eternelle Idole qui est un ballet en 2 actes. Eifman a un certain talent pour raconter des destins. Son Anna Karénine était très réussie, et saluée par la critique. Il raconte la relation entre les deux sculpteurs, Rodin et Claudel. Par la danse, il raconte l’amour et la passion des deux artistes, leurs tourments, leur amour et leur haine.
Plus d’infos et réservations, clic

Eifman Ballet danse Rodin © Mikael Khoury

A partir de vendredi, commence la soirée Roland Petit à Garnier. On y verra trois pièces, Le Rendez-Vous, Le Loup et Carmen. Ces trois pièces narratives sont trois petits chefs-d’œuvre. Dans chaque pièce, la femme est associée à la mort. Charmeuse, elle attire l’homme dans ses filets. La danse de Roland Petit est exigeante, nécessite un investissement entier. Avec des livrets signés Prévert, Mérimée, ou Anouilh, Roland Petit propose une danse narrative, simple et belle.
Côté distributions, on verra de beaux partenariats. Les distributions date par date, sont sur le site de l’Opéra, clic.
Plus d’infos et réservations, clic

Carmen avec Nicolas Le Riche et Eleonora Abbagnato

  •  La beauté de la semaine : Sarah Kora Dayanova

Sarah Kora Dayanova photographiée par Julien Benhamou

  • En vrac

Les réservations pour le Gala Noureev & Friends les 31 mai et 1er juin ouvrent aujourd’hui au Palais des Congrès. Pour réserver, clic.

Gala-Noureevfriends

Les réservations pour les Etés de la danse sont ouvertes, clic

Les étés de la danse

 Marie-Agnès Gillot et Vincent Chaillet ont fait une petite performance privée pour le lancement du CR Fashion Book de Carine Roitfeld. Des photos sont à voir ici.

A lire, une interview d’Aurélie Dupont dans le JDD : son rôle dans Carmen, la venue de Millepied à l’Opéra, sa retraite.

  • La vidéo de la semaine

Hommage à Noureev, quoi de mieux que de le regarder danser.

Nouvelles de 2013 n°2

La semaine dernière fut agitée. Le monde de la danse a été bouleversé par un attentat terrible contre le directeur artistique du Bolchoï Sergeï Filin. Jeudi soir, tard, un homme masqué a aspergé le visage du danseur d’acide. Son visage est brûlé et il y a un grand risque qu’il perde la vue. L’homme avait déjà reçu des menaces car sa gestion et ses choix artistiques ne plaisent pas à tout le monde. Alexei Ratmansky, qui a eu le même poste par le passé, a témoigné que l’ambiance dans le théâtre n’était pas toujours bonne. De nombreux danseurs ont témoigné de leur soutien, dont Svetlana Zakharova. Brigitte Lefèvre a aussi donné son soutien, à titre personnel et de tout l’Opéra de Paris. Plus d’infos sur le sujet, dans Le Huffington Post, Le Guardian, Euronews, Le New-York Times et Le Monde.

Je n’ai pas vu beaucoup de danse ces derniers jours. Je suis allée au théâtre voir des bonnes choses, comme Tristesse animal noir, au théâtre de la Colline. La pièce d’Anja Hilling, mise en scène par Stanislas Nordey, traite de la catastrophe. Comment vivre quand on a vécu un tel traumatisme ? Que faire de sa culpabilité quand on est responsable ? Le texte est dur, mais criant de vérité. Les comédiens sont vraiment excellents, et moi qui ne suis pas toujours enthousiaste du style Nordey, j’ai été plutôt conquise cette fois là. Ma chronique à relire, clic. La purge que je me suis tapée était Nouvelle comédie fluviale qui se joue en ce moment au Théâtre du Rond-Point. Humour gras, blagues à tiroirs, décor en carton pâte, sketch qui font des flops, j’ai trouvé la pièce très ringarde, et j’ai vraiment souffert devant tant de niaiseries… Heureusement, ma joie est revenue quand je suis allée voir Fin de partie à l’Odéon. Chef d’œuvre littéraire, la pièce de Beckett est jouée avec brio et intelligence. Cela fait du bien de voir ces grands textes, mis en scène avec tant de justesse. Relire ma chronique, clic.

Décor de fin de partie, en ce moment à l'Odéon, photo d'Agathe Poupeney

J’ai aussi assisté à la rencontre AROP avec Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt, dont je vous ferai un petit compte rendu dans la semaine.

Pas vu grand chose au cinéma, si ce n’est Tabou, film de Miguel Gomes, qui raconte en noir et blanc et sur un discours narratif la vie d’une femme, qui a eu une grande histoire d’amour cachée, lors de sa vie en Afrique. Le film ne m’a pas emballée alors que les critiques sont dithyrambiques. Je suis restée un peu à côté du film, pas assez touchée sans doute par cette histoire d’amour, qui arrive après une première partie, qui se passe à Lisbonne et qui est bien longue. Voir la bande annonce, clic. J’ai hâte d’aller voir le dernier Tarentino.

Ce week-end j’ai été enchantée par la neige, j’ai longtemps marché dans Paris, Garnier étant à deux pas de chez moi, je me suis laissée aller à faire ma touriste.

Garnier sous la neige @lepetitrat sous Instagram

  • Les sorties de la semaine

A Chaillot, il faut foncer voir Don Quichotte du Trocadéro. Presse, bloggeurs et spectateurs sont très enthousiastes devant ce spectacle plein de vie, drôle et bien chorégraphié.
Plus d’infos et réservations, clic.
A lire :
Le blog de la blonde, clic
Culturebox, José Montalvo invente Don Quichotte, clic
Le Figaro, Don Quichotte revient dans la danse, clic
Les Balletonautes, clic

Au Théâtre de la Ville, la compagnie Ultima Vez vient avec Œdipus/bêt noir, chorégraphié par Wim Vandekeybus. Cette chorégraphie reprend le mythe d’Oedipe par le biais du livre de Jan Decorte. Dans un atmosphère très sombre, 16 danseurs et comédiens racontent le mythe grec. Voir un extrait vidéo, clic.
Plus d’infos et réservations, clic

Côté théâtre, vous l’aurez compris, je vous conseille fortement Fin de Partie, à l’Odéon, mis en scène par Alain Françon. Joël Pommerat propose une pièce aux ateliers Berthier, La réunification des deux Corées, qui m’a déjà mis l’eau à la bouche, le rendez-vous est pris.

  • La beauté de la semaine : Mathilde, again ! Par Julien Benhamou.

Mathilde Froustey par Julien Benhamou

  • En vrac

La collection Ballet Rosa dessinée par Isabelle Ciaravola est disponible chez Cas danse ! Personnellement, je vais aller y faire un tour dès la semaine prochaine, ce petit justaucorps grenat en velours et dentelle me fait bien envie.

L’exposition Noëlla Pontois débutera le 1er février à Elephant Paname. La danseuse étoile fera une séance de dédicace les 2 et 14février ainsi que  les 2, 21 et 24 mars. On sait déjà que sa loge sera reproduite à l’identique avec des objets personnels.

L’Opéra de Paris est encore montré du doigt pour « harcèlement moral ». Cette fois ci, le dossier concerne les hôtes de caisse de l’Opéra Bastille. Décryptage par L’Express, clic.

Revoir Tam Taï de Karine Saporta sur ARTE Live Web, spectacle du festival Suresnes Cité Danse, clic.

Blanca Li devrait réitérer sa fête de la danse au Grand Palais en septembre.

Agathe Poupeney expose ses photographies du 19 janvier au 2 février à Viry-Châtillon dans le cadre du festival de danse Les envolées. Plus d’infos, clic.

A lire, un portait d’Aurélie Dupont qui dansera Giselle lors de la tournée en Australie, clic.

Sharon Fridman a un nouveau site internet, clic

  • La vidéo de la semaine

Maria Alexandrova et Sergei Filin dans la Fille du Pharaon.