Aurélia Bellet

Convergences Sous Apparence, Marie-Agnès Gillot

Samedi pluvieux, l’amphithéâtre est presque plein pour assister à ce premier rendez-vous de l’année pour les convergences « danse ». Cette année, la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot crée une pièce pour les danseurs de l’Opéra de Paris. Beaucoup de mystères autour de cette création, qui se dévoilent peu à peu, mais il ne fallait pas attendre à ce que Marie-Agnès Gillot nous en dise plus.

Brigitte Lefèvre nous accueille avec des nouvelles du ballet. Elle nous raconte en quelques mots la tournée du Ballet aux États-Unis, que nombreux ont qualifié d’historique. Le ballet cette année fait honneur au tricentenaire de l’école française. La saison actuelle va montrer la vivacité de la technique classique. Le tricentenaire c’est montrer à quel point la danse classique est vivante.

Marie-Agnès Gillot entre en scène, pantalon de chauffe multicolore, pointe du Fils Prodigue aux pieds, on distingue encore les traits noirs sur le chausson. Elle est suivie de près par Aurélia Bellet, Alice Renavand, Vincent Chaillet. Caroline Beaugrand se charge de la musique.

La répétition commence, Marie-Agnès Gillot est en création. Elle lâche assez vite le micro pour pouvoir corriger ses artistes. Les filles commencent par répéter une chorégraphie déjà apprise. Elles sont face à face, elle dansent en miroir. Tout de suite, la chorégraphie est assez ondulatoire. Les pointes dessinent des grandes formes au sol ou en l’air. Les regards sont perçants. C’est doux, ça ondule, les jambes sortent des hanches pour paraître encore plus grandes. La danseuse-chorégraphe conseille ses danseurs « C’est bien les filles, je voudrais encore plus de lâché ». Après une petite correction, Vincent Chaillet entre en scène, pointes aux pieds. L’audience est plutôt surprise, on n’a pas l’habitude de voir un garçon les pointes aux pieds. Marie-Agnès Gillot a voulu jouer sur le côté androgyne des individus. Elle se joue de cet accessoire dont elle a une maîtrise si particulière. Le solo de Vincent Chaillet est très technique, on restera bouche bée devant une arabesque superbe, qui s’allongeait à l’infini. Il tourne sur pointes, la force qu’ont les garçons amène une aisance sur les pointes. Ensemble, ils réécrivent une partie du solo, car Vincent Chaillet trouve que « cela se ressemble trop la deuxième fois ». MAG travaille avec une assistante chorégraphe, au premier rang dans le public, et la caméra est l’autre aide-mémoire. « Je croyais que j’avais coupé ça », Marie-Agnès Gillot a la matière dans les mains et elle la modèle. Sous nos yeux, elle a écrire un trio où les bras de Vincent Chaillet sont fortement sollicités. Les corps des filles s’emmêlent et se démêlent autour des bras du garçon. MAG se lève, essaye à son tour, change les paramètres, corrige. Elle n’a pas de glace, ce qui la perturbe un peu, elle ne peut pas voir tout. Elle s’en réfère au public. « C’est mieux comme ça ? « . Vincent Chaillet est debout en seconde, les bras en T. Les filles sont dos au public. Leurs mains caressent le buste de Vincent, puis, elles les replacent devant elle, pour les onduler au dessus de la tête. Elles s’accrochent au T et font un zig-zag avec leur corps. Marie-Agnès Gillot continue cette valse à trois, où les bras s’enroulent. « Allez, un peu d’Apollon Musagète ». Tout ondule, MAG veut « plus de wave dans la cage thoracique ». Les artistes s’amusent des propositions de leur camarade chorégraphe, qui leur fait faire des choses assez acrobatiques, où il faut tout calculer au cm près pour que les danseurs ne se donnent pas de coups. « T’en as d’autres des comme ça ? ». L’ambiance est à l’humour, mais avant tout au travail. Les danseurs refont des petits morceaux en musique, Marie-Agnès Gillot est à genoux et les regarde comme une enfant. Son regard est tendre sur ses artistes, elle veut voir ressortir les formes qu’elle met dans l’espace. La reprise de tout le morceau créé, en musique, est magique, tout fonctionne, les pas et les tours s’enchaînent. On se laisse emmener dans cette vague avec assez de facilité.

 « Les apparences sont innocentes de nos erreurs »… Phrase de départ de la création, ce ballet se donnera du 31 octobre au 10 novembre. A priori, une seule distribution, avec en solistes Laëtitia Pujol, Alice Renavand et Vincent Chaillet.  La pièce est encore bien en création, on en saura plus d’ici une semaine ou deux.

Les prochaines convergences seront consacrées à Don Quichotte le samedi 27 octobre, à 16h.

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A lire ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Impressions danse

Rain, pluie de lumière sous la coupole de Garnier

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

C’est avec une grande joie que je suis retournée voir Rain, d’Anne Teresa de Keersmaeker dans une autre distribution que la première fois. J’ai essayé d’emmener Pink Lady avec moi, celle-ci a préféré tenter un Pass pour les Noces de Figaro, qui s’est soldé par un échec (ahaha rire maléfique!). J’ai tout de même réussi à convaincre mon photographe et sa pétillante petite soeur, qui venait à Garnier pour la première fois. Attendant désespérément un Pass, en bonne deuxième je n’en ai pas eu et ai filé à 19h59 au première étage pour me replacer. Après une ouvreuse particulièrement mal aimable à qui j’aurai bien mis un coup de griffe de rongeur après sa phrase pincée « Ah non Mademoiselle, vous ne pouvez pas être debout dans le fond de la grande loge, certainement pas, et en plus vous avez une trrrès bonne place! (fond de l’amphi..) « , sa collègue plus jeune et plus sympa, m’a de suite replacée sans dispute.

Entre la séance de travail et cette représentation j’ai eu le temps de lire le programme et de beaucoup repenser à ce ballet. C’est avec un regard différent que j’ai abordé la pièce ce soir là. Une fois encore je suis emballée par la scénographie. Ces cordes sont un jeu de transparence qui me plaît, car un doute persiste. Pleut-il dehors ou les danseurs dansent-ils sous la pluie? J’avais parlé la première fois d’un enclos et cela m’est apparu encore plus comme une évidence. Cette image de l’enclos comme un lieu rassurant est renforcé par les lignes au sol. On ne le voit pas immédiatement, mais les lignes forment des rectangles dans lesquels peuvent aller les danseurs, comme une sorte de maison.

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© Laurent Philippe/Fedephoto.com

La chorégraphie est plus lisible cette fois-ci, je vois clairement la phrase chorégraphique qui se démultiplie. Je vois les courses et les marches qui sont des silences face au mouvement. Je vois l’engagement sur la scène de ces danseurs merveilleux. Vincent Chaillet n’a plus rien à prouver, mais il montre une fois encore une danse incroyablement libre, fluide et nuancée. Nicolas Paul semble lui aussi très à l’aise sur cette scène et ses qualités sont mises en valeur. Son charisme lui donne une place bien particulière parmi les danseurs. Quant à Daniel Stokes, j’avais découvert ses qualités dans Kaguyahime de Jiri Kylian, il se confirme être un excellent danseur contemporain. Sa personnalité s’affirme aussi plus dans ce ballet. Je trouve qu’il a de très beaux sauts.

La répétition qui s’opère tant dans la musique que dans la danse. Les notes de xylophones résonnent sur les corps des danseurs. Les courses et les marches se font en miroir par rapport aux musiciens qui changent eux aussi de places. C’est d’accord le seul parallèle qu’il existe dans cette pièce, car les danseurs sont toujours dans des constructions irrégulières. Trois qui dansent, un assis, deux qui courent, etc. La répétition est poussée à l’extrême, tout comme la lumière qui passe du jaune au rose en passant par un sable argenté, la danse se remplit de nuances, change de rythme. Ainsi de la même manière, les costumes varient du chair au fushia, on ose même les paillettes sur une chemise pour rappeler les touches argentées qui émanent des lumières. Dans cette répétition permanente, il y a des point d’orgues, qui permettent de lier tous les éléments. Léonore Baulac, par ailleurs merveilleuse dans ce contre-emploi, est le point central, qui lie tous les éléments. Ses courses sont différentes, son énergie semble être la même pendant tout le ballet, ce qui tient pour moi de la véritable performance.

La simplicité de ce ballet réside dans la complexité de sa construction. Le fait de retrouver toujours les mêmes éléments familiarise peu à peu le spectateur avec le langage d’ATDK. Passionnée de mathématiques et de constructions géométriques, obsédée par le nombre d’or, la chorégraphie a l’air tellement difficile dans sa construction que je reste béate d’admiration devant le travail accompli. Et pourtant, la simplicité du langage, la facilité d’exécution des danseurs, est profondément bouleversante. Une fois encore, l’émotion est entière, toute comme celle des danseurs sur scène. Ce soir, la salle applaudit longtemps, le sourire des danseurs et celui de la chorégraphe laisse apparaître une joie sincère et partagée.

A lire dans la presse : Libération, Le JDD, Le Monde, Le Nouvel Obs, Telerama, Marianne, La Croix. Le nouvel Obs deuxième.

A lire sur les autres blogs : Le clapotis clapotas de Palpatine, l’épisode unique
d’Amélie, l’avis de Fab, les mikados et billes de la souris, les photos de Syltren, l’avis de Joël.

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© JMC

  • Distribution du 28 mai 2011 20H00

Ludmila Pagliéro
Muriel Zusperreguy
Vincent Chaillet
Aurélia Bellet
Valentine Colasante
Miteki Kudo
Nicolas Paul
Daniel Stokes
Amélie Lamoureux
Léonore Baulac

 

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© JMC