AROP

Les façades de l’Opéra Garnier

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Après avoir fait un achat compulsif de places pour Manon (rien de bien fou que des fonds de loge) je rejoins les aropiens et aropiennes pour une visite des façades de l’Opéra Garnier.

  • Avant la construction

Le quartier était fait de petites maisons avec des rues plus ou moins insalubres. Il a fallu tout détruire. Les propriétaires se sont réfugiés à Montmartre. Hausmann avait déjà tracé ses avenues et boulevards. L’Opéra sera donc entouré par ces grands bâtiments hausmanniens.

Pourquoi voulait-on faire un nouvel opéra ? Napoléon III avait été victime d’un attentat à l’Opéra Peletier lors d’un récital d’Eugène Massol. On sait que cela porte malheur, il faut donc un nouvel opéra impérial.

Un concours est lancé et c’est le jeune Charles Garnier qui le remporte. Peu connu, il a gagné des concours en Italie et à étudié à la villa Medicis. La première pierre est posée en 1862.

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  • L’extérieur reflète l’intérieur

Si on part de la place Diaghilev, donc de derrière, on comprend tout de suite que ce que voulait Garnier c’est que l’on comprenne les fonctions du bâtiment. Place Diaghilev il y a donc une toute petite place permettant d’accueillir les voitures des employés et surtout les décors, accessoires et costumes qui peuvent entrer par le monte charge.

Sur la façade ouest (jardin) on voit déjà des décorations plus luxueuses, et du marbre vert de Suède, cher à Charles Garnier. En tout dans l’Opéra, il y a plus de 33 marbres. Les lyres sont bien sûres présentes partout.

La façade de l’entrée montre bien sûr les décorations les plus luxueuses. L’opéra est un lieu de fête où l’on vient pour être vu. La loggia permet donc cela et est elle aussi subliment décorée par une mosaïque non visible depuis la rue. Statues, dorures, lampadaires, tout a été pensé par Charles Garnier.

  • Les macarons avec les compositeurs

Sur toute la façade, on trouve des macarons avec les compositeurs importants. Deux grands absents : Wagner et Berlioz. Le premier car nous sommes en plein conflit avec la Prusse. Le second a retrouvé un petit portrait à l’intérieur.

Sur la façade principale, on trouve donc au dessus des petites statues les médaillons en pierre gravés par Charles Gumery des compositeurs Cimarosa, Pergolesi, Haydn et
Bach.

Au dessus de la loggia, on trouve les médaillons avec les bustes des compositeurs : Auber, Meyerbeer, Mozart, Beethoven, Spontini, Rossini, Quinault et Halévy. Cinq de ces bustes ont été sculptés par Louis-Félix Chabaud. Ce que l’on ne peut pas voir de la rue, ce sont les mosaïques superbes qui sont sur le plafond de cette loggia. On peut les admirer lors d’une balade à l’entracte.

Sur la façade est, côté cour, on trouve les compositeurs Verdi, Léopold, Berton, Lesueur, Gréty, Sachini, Monsigny, Jommellli, Durante, et Monteverdi. A noter, deux bustes n’ont pas de noms.

Sur la façade ouest, côté jardin, on trouve les compositeurs Cambert, Campra, Rousseau, Philidor, Piccini, Paisiello, Adam, Bellini, Weber, Nicolo, Mehul, et Cherubini.

On n’oubliera pas à l’intérieur, les statues imposantes de Lulli, Rameau, Glück et Haendel, qui vous accueillent avant de monter le grand escalier.

  • Les allégories et statues

Il y a une frise de masques en haut de la loggia qui symbolisent bien sûr le théâtre. La frise est régulière, les masques se reproduisent tous les 5 ou 6 visages.Cette frise a
été réalisée par le sculpteur Klagmann.

Au pied du bâtiment, on trouve 4 allégories. Si on est face au bâtiment, en partant de la gauche, on aura tout d’abord l’allégorie de la poésie. Dans sa main gauche, elle tient un parchemin. Dedans, Garnier y a fait mettre le plan de l’Opéra. Elle a été réalisée par François Jouffroy.

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Voici ensuite l’allégorie de la musique. Elle a été sculptée par Eugène Guillaume.

A cour, on trouve la fameuse allégorie de la danse. Elle avait été sculptée par Jean-Baptiste Carpeaux. Elle a fait scandale car on la trouvait trop réaliste et surtout trop
sensuelle. Aujourd’hui, vous pouvez la voir au Musée d’Orsay. Celle qui se trouve sur la façade est une reproduction faite par Paul Belmondo.

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La dernière allégorie est la tragédie. Elle a été sculptée par Jean-Joseph Perraud.

A la mort de Charles Garnier, on a ajouté un buste de lui à l’entrée de l’empereur, entrée actuelle pour la billetterie.

  • Un Opéra Impérial

Si il y a écrit Académie Nationale de musique, il ne fait pas perdre de vue que l’Opéra a été construit pour l’empereur Napoléon III qui voulait un grand opéra et surtout une
salle de théâtre sécurisée. Ainsi on retrouve des symboles impériaux qui ont souvent été rajoutés après. On admirera les aigles impériaux au dessus des rampes qui auraient du
servir aux fiacres pour rentrer dans l’opéra. Napoléon III ne voulait pas descendre de voiture à l’extérieur , de peur d’être la victime d’un attentat, c’est pourquoi Garnier a fait construire ces grandes rampes, qui conduisent à l’intérieur du bâtiment. Sur la façade principale, on a replacé les lettres N et E sur les macarons de couleur rouge et
vert. Les avis divergent. Notre guide nous dit que cela signifie « Napoléon Empereur », on m’avait dit auparavant que cela voulait dire « Napoléon et Eugénie ». Le débat est ouvert.

On retrouve aussi le bateau symbole de Paris sur l’entrée de l’empereur, sur les lampadaires.

De l’autre côté, c’est la rotonde des abonnés. ils avaient leur entrée privilégiée. A l’époque quand on louait une loge il fallait aller le faire chez le notaire. Aujourd’hui cette rotonde a été transformée en restaurant qui reste ouvert après le spectacle.

  • Les matériaux

Plus de 33 marbres sont présent à Garnier. Charles Garnier aimait la couleur, il en a donc mis partout pour contrer un peu le gris austère des immeubles hausmanniens. On trouve
de la peinture vieil or sur les sculptures, notamment sur la frise de masques antiques. Cette peinture presque marron, avait l’avantage d’être bon marché et de donner un très
joli aspect vieilli de loin.

Les allégories sur le toit sont en bronze, recouvertes de feuilles d’or. L’Apollon qui trône tout en haut du toit est en bronze et fait office de paratonnerre.

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Toutes les statues sont électrifiées pour éviter que les pigeons n’y installent leurs nids.

  • Les alentours

Les rues des alentours portent toutes des noms de compositeurs : Scribe, Auber, Halévy, Meyerbeer, Glück.

On n’oublie pas la danse avec la place Diaghilev qui se trouve à la façade qui correspond à l’entrée des artistes.

L’avenue de l’Opéra a été percée pour que l’empereur puisse rejoindre l’Opéra depuis les Tuileries en 15 minutes. Elle permet aussi de relier facilement la Comédie Française à l’Opéra.

On notera qu’il n’y a aucun arbre tout autour de l’Opéra, et que l’avenue de l’Opéra est la seule qui soit dépourvue de verdure. En réalité, un attentat avait été commis aux Tuileries et les malfaiteurs s’étaient cachés dans les arbres.

Pas d’arbre donc mais beaucoup de couleurs, de sculptures, de lampadaires sculptés et ornés.

Sur le site de l’Opéra, des infos et une visite virtuelle.

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Rencontre Arop avec Laurent Hilaire

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© Anne Deniau

 

Première rencontre AROP pour ce deuxième semestre et c’est Laurent Hilaire qui va partager avec nous, pendant une heure et demi, sa vie de danseur, de maître de ballet, associé à la direction de
la danse. Brigitte Lefèvre  commence la conversation, puis ce sont les membres de l’Arop qui la continuent, la directrice assistant à la représentation Robbins/Ek.

 

Brigitte Lefèvre : Je ne cache pas tout l’admiration que j’ai pour Laurent Hilaire. J’étais même une groupie quand il était danseur.

Je voudrais évoquer quelque chose qui m’a beaucoup touché, c’est la transmission du ballet Bayadère. Beaucoup se souviennent de Laurent, héroïque Solor. C’est un rôle extraordinaire, où on
imaginait mal quelqu’un d’autre que lui et aujourd’hui, des danseurs nous prouvent qu’ils peuvent prendre la relève. Je suis touchée que ce soit Laurent Hilaire qui transmette, non seulement le
rôle de Solor, mais surtout tout le ballet. Il a remonté l’ensemble de la production, pour revenir à ce qui a été fait la première fois. L’objectif est de revenir à l’origine tout en sachant
qu’on voyage.

 

Je vais commencer par une question simple : pourquoi as-tu fait de la danse ?

 

Laurent Hilaire : En fait j’ai commencé par la gymnastique. Et puis j’ai déménagé et je suis arrivé dans un club qui était un peu moins bien.
J’avais 7 ans et toute l’attention était portée sur moi, notamment en compétition. J’ai aimé ce premier contact avec le public. Ensuite, c’est un concours de circonstance. Un copain de mon frère
faisait de la danse et il paraissait que c’était bien. J’ai eu un professeur intelligent qui ne m’a pas gardé pour faire le rôle masculin dans le spectacle de fin d’année. Je suis donc allé
passer le concours de l’école de danse que j’ai eu. J’ai eu la chance très tôt de monter sur la scène de l’Opéra, car j’étais petit page.

 

Brigitte Lefèvre : Est-ce que la gymnastique t’as aidé ?

 

Laurent Hilaire : Oui, ça aide à ne pas avoir peur dans les sauts. En gymnastique on n’a pas peur de se propulser. Quand on n’a pas d’appréhension
pour sauter et se lancer en l’air, c’est 50% de la réussite d’un pas athlétique.

 

Brigitte Lefèvre : Est-ce qu’il y a un professeur, qui t’a donné plus ?

 

Laurent Hilaire : Oui, il y a Alexandre Kalujni (pardon pour l’orthographe). Il dirigeait la classe d’étoile. A l’Opéra, on prend les cours en
fonction de sa classe, quadrille, coryphée, sujet, premier danseur, étoile. Ce professeur m’avait donc proposé de venir. Il était athlète et avait un grand sens de la musicalité. Il m’a appris à
sauter sur le 1. Cela veut dire qu’on attend pas le « et » quand on compte 1 et 2. En fait, cela permet de rester plus suspendu en l’air. Il proposait aussi un merveilleux travail d’articulation,
de travail du corps. Les gens qui voulaient avancer, allaient travailler avec lui. En tous les cas, c’est toute la base de mon travail, qui m’a permis de tenir jusqu’à la fin de ma carrière dans
de bonnes conditions. 

 

Brigitte Lefèvre : Tu as rencontré Noureev dans ce cours, non ?

 

Laurent Hilaire : Oui, toujours dans la classe, j’étais dans mon coin, et là je vois entrer Rudolf Noureev, en sabots, peignoir, bonnet, thermos.
Il regarde la salle et vient se mettre à la barre à côté de moi. Je me suis dit « oh ça va être compliqué ». Il avait ce regard inquisiteur. Il ne me restait plus qu’à travailler. J’ai travaillé
pendant un mois à côté de lui, c’était ma première rencontre avec lui. Il a du voir le danseur que j’étais. quand il est revenu à Paris, il m’a choisi pour danser aux Champs-Elysées pour danser
avec Elisabeth Maurin.

 

Brigitte Lefèvre : Je pense que Laurent Hilaire a une sincérité artistique, parce qu’il donne tout ce qu’il sait. C’est sa noblesse, comme dans le
rôle de Solor.

 

Laurent Hilaire : Il faut que je vous dise qu’en coulisses, Brigitte me salue comme dans la Bayadère avec la main sur le front ! (rires).

 

Brigitte Lefèvre : ah si tu donnes toutes nos privates jokes ! Revenons à Noureev. C’était un moment très particulier quand il est arrivé à la
tête de cette compagnie. Il y avait une ferveur dans la troupe, et en même temps, Noureev a été très rejeté. Et puis, il y a eu cette Bayadère avec ce trio Hilaire/Guérin/Platel et tout le monde
a en tête ce trio là. Tu nous as parlé de technique, qu’est ce que tu peux nous dire sur la théâtralité ? Comment tu fais pour transmettre la théâtralité, car il y en a beaucoup dans
Bayadère ?

 

Laurent Hilaire : En fait, dans tous les ballets, il y a un schéma qui est très clair, et dans ce schéma, il y a finalement une grande liberté. Je
pense à Josua Hoffalt qui a pris possession du rôle et j’ai une grande satisfaction à le voir danser. Je suis retourné aux sources, c’est un mouvement à faire si l’on veut redonner du sens aux
choses. Il faut rendre la simplicité comme une évidence. Ensuite les choses peuvent évoluer. On peut faire évoluer un personnage sans le dénaturer.

 

Brigitte Lefèvre : Tu as dansé Le Parc, à sa création. Aujourd’hui, tu le transmets aussi. Tu vois une évolution ? Comment tu
appréhendes la technique ?

 

Laurent Hilaire : Il faut s’imprégner de l’ambiance qu’un chorégraphe met sur un plateau, comment il organise le travail. Il faut regarder et se
demander quelles sont les priorités. il faut observer la façon dont un chorégraphe s’adresse aux danseurs, comment il leur parle, comment les danseurs s’imprègnent du style. Un danseur a besoin
de digérer.

Rudolf Noureev donnait peu d’indications par exemple. Il pensait que la chorégraphie suffisait et nourrissait le danseur. Les ballets de Rudolf sont difficiles, en cela.

D’autre part, il faut toujours se mettre en tête quand on est danseur l’idée d’aller plus loin. Il n’y a jamais aucune économie. Quand on met un pied en scène, l’énergie doit être totale. que ce
soit difficile c’est notre problème. On se nourrit de sa propre énergie. C’est à ce moment là, qu’on est suspendu et que c’est magique.

 

Brigitte Lefèvre : Maintenant tu es associé à la direction. Comment ça se passe ? Tu regrettes le temps où tu dansais ?

 

Laurent Hilaire : Je n’ai aucune nostalgie. J’ai fait de belles rencontres. C’est grâce à toi, si à la fin de ma carrière j’ai pu évoluer vers ce
métier de maître de ballet. Pour moi remonter un ballet, c’est lui redonner de la vie. Mais se trouver face à 80 danseurs, ce n’est pas facile. On ne cesse d’apprendre. C’est une véritable
épreuve que l’on arrive à transcender.

J’ai mis plus de temps à transmettre avec les filles. D’abord parce que la technique de point m’était inconnue. Je n’ai jamais dansé la belle-mère dans Cendrillon.

 

Brigitte Lefèvre : Quand j’ai pensé à toi comme maître de ballet, associé à la direction, Patrice Bart m’a dit que je faisais un très bon choix.
Vous êtes différents, dans le style, dans le répertoire. De toutes façons, c’est difficile de satisfaire 154 danseurs, si on y arrivait ce serait extraordinaire, alors on essaye de faire les
meilleurs choix.

 

Laurent Hilaire : J’ai des convictions. Je crois qu’elles sont bonnes. C’est un défi que cette fonction. En ce moment dans Bayadère, il faut
rassembler autour de soi une dynamique pour faire respirer 32 ombres ensemble. Il faut qu’elles s’écoutent entre elles. Il faut qu’il y ait une résonance entre les danseuses. Chacun doit
travailler pleinement et chacun dans ses responsabilités. Je suis très attentif à appliquer mes convictions. On peut demander beaucoup aux danseurs techniquement. Après chaque représentation est
un nouvel enjeu. Il faut se fixer un objectif. On doit être à l’écoute de ça. Cet engagement a un intérêt commun. Ainsi la scène devient un carré magique.

Il ne faut jamais perdre de vue qu’on est au service d’une oeuvre, d’un public. Le jour où un danseur perd cette notion là, cela devient un fonctionnaire, au sens péjoratif du terme. On perd le
côté artistique.

 

Brigitte Lefèvre : C’est vrai que l’Opéra de Paris est une compagnie reconnue dans le monde entier. C’est sans doute un des plus beaux répertoires
au monde. En outre, l’adaptabilité est de plus en plus rapide. il y a quelque chose qui s’inscrit déjà dès l’école de danse. Les danseurs ont déjà beaucoup d’appétit. L’éclectisme c’est quelque
chose de fort.

 

Laurent Hilaire : J’étais à la création de In the middle. On allait au delà. C’est un moment qui aide à construire. Au début, on était
nombreux, puis peu à peu, cela s’est vidé. Seuls les jeunes sont restés. On avait envie de vivre quelque chose de différent.

 

Question : A l’école française, on travaille beaucoup sur le pied. Qu’en est-il du haut du corps ?

 

Laurent Hilaire : Lacotte apprenait la respiration. Il disait « marquez mais faites les bras ». J’insiste désormais beaucoup là dessus. Je pense
souvent à l’école russe pour les bras. C’est toujours bien de s’enrichir. J’ai beaucoup dansé au Royal Ballet. Dans les scènes, où le corps de ballet fait un peu décor, tous les danseurs étaient
dans leurs rôles. Il n’y avait aucune retenue. Il y a une vraie tradition théâtrale.

Quand on arrive à vivre pleinement comme on vit un rôle c’est une véritable création. Quand on a conscience de soi même, de ce que l’on fait, on arrive à quelque chose d’assez exceptionnel. C’est
un état de bonheur, de grâce. Je le souhaite à tous les artistes.

Aujourd’hui, je suis tourné vers le présent et je me passionne pour ce que je fais. Il faut essayer de donner les clefs, sans oublier que l’on peut pas aller plus vite que la maturité, la pudeur.
Chaque danseur est différent. Il faut savoir et sentir à quel moment on peut pousser un danseur. Sur scène, on est seul face à ce challenge qu’est une représentation. Il faut donc laisser de
l’autonomie à l’artiste, car sur scène, il ne pourra s’en remettre qu’à lui même. Il faut donc aller au delà du confort. En fait, il n’y a pas de règle, donc il faut aller sur la scène, toujours
avec le même investissement. Je leur dit souvent de se donner les moyens. C’est un travail de l’esprit. Je vais vous donner un exemple avec Rudolf Noureev. Un soir de décembre Rudolf m’a appelé
pour un Gala du 31 décembre. Rudolf n’est pas quelqu’un à qui l’on dit non. Il m’annonce au téléphone toutes les chorégraphies que je devais danser ; plus de trois que je ne connaissais pas. J’ai
regardé les vidéos toute la nuit, le lendemain j’ai pris l’avion et le soir je dansais. Je ne me suis pas posé de question parce que je n’avais pas le choix. On peut faire des choses qui nous
dépasse. J’ai un souvenir de La Belle aussi avec Sylvie Guillem, où j’avais du me surpasser. La soirée de nomination de Ludmila illustre bien ce que peut être notre métier.

 

Question : Vous avez parlé de Sylvie Guillem. Cela pose la question du rapport avec l’institution. Quel est votre rapport justement
avec cette institution ?

 

Laurent Hilaire : Sur le fond ça n’a jamais été un problème. J’ai toujours assumé un côté et l’autre. J’ai réussi à m’organiser. C’était important
pour moi d’aller voir d’autres publics, j’avais besoin de rencontrer d’autres choses.

 

Question : Vous avez pensé à quitter l’Opéra ?

 

Laurent Hilaire : Oui une fois pour des raisons de structure. Mais le directeur de l’Opéra de l’époque a su me retenir. Pour revenir à Sylvie,
c’est quelqu’un de très entier dans sa façon de partager. Elle ne tire jamais la couverture à elle. On est dans un rapport de vérité, de sincérité avec elle.

J’ai plein de souvenirs de rencontres, de personnes, je pense à Ghyslaine Thesmar, qui est une personne rare, qui parle de la danse avec beaucoup de couleurs. J’ai un souvenir aussi de Pavarotti
sur scène qui fut un éblouissement. C’est cela que je cherche. Le meilleur souvenir que j’aimerais laisser c’est l’émotion.

 

Question : Avez-vous fait des découvertes dans la Bayadère ?

 

Laurent Hilaire :  Déjà le tableau ! C’était toujours mon visage dessus ! On y a ajouté le visage de Josua, pour la reprise.

Il n’y a rien de plus essentiel que de revenir à la source. Il a fallu que je me mette dans l’optique de Rudolf. Je reprends les vidéos. Il y a des choses qui évoluent. La chorégraphie se suffit
à elle même. Il y a aussi bien sûr le travail du chef d’orchestre, qui met en valeur la musique et avec le ballet c’est formidable.

 

 

 

 

 

 

 


 

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Rencontre Arop avec Laurent Hilaire:

© Anne Deniau

 

Première rencontre AROP pour ce deuxième semestre et …

Week à Lyon AROP

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© Opéra de Lyon

  Arrivée à Lyon vers 16h, je rate la visite de l’Auditorium. En allant au concert, je n’ai qu’une minute pour croiser Laura Capelle qui file à la première de Millepied. Je retrouve Pink Lady, Joprincesse et E*** pour l’Orotario de Noël de Bach. La salle est pleine de vieillards, heureusement que le Club Junior est là pour baisser la moyenne d’âge. De la première partie, je vous avoue que je n’en ai pas vu grand chose. La fatigue m’attaque et je sombre dans le sommeil. Je ne suis pas la seule ceci dit. Après entracte et bavardages, je suis plus en forme pour la deuxième parti, mais à part quelques jolis passages de choeur, un chef énergique et enthousiaste, on ne peut pas dire que cette musique soit
ma tasse de thé.

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Je lui ai préféré de loin le restaurant, petit bouchon lyonnais dégoté par Xavier et Marion, nos accompagnateurs de l’Arop. L’ambiance est bonne, on défait et refait les
différentes saisons de l’ONP, l’abonnement Arop.

Levés de bon matin, nous sommes presque tous au rendez vous pour visiter l’Opéra de Lyon. Pour un compte rendu plus détaillé, relisez l’article que j’avais fait sur le week end d’il y a deux ans. Cette année, la grande salle de danse est accessible et nous pouvons rêver d’une belle diagonale de grands jetés. D’ailleurs le New-York Times a élu cette salle, la plus belle du monde. Ce n’est pas faux, la vue imprenable sur Lyon, la hauteur de la pièce, cela doit vraiment être très agréable de répéter ici. La visite est interrompue par l’arrivée de deux danseurs, que JoPrincesse et moi avons du mal à quitter des yeux.

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La suite de la journée continue avec une balade dans Lyon. Le froid nous pousse tout de même assez vite dans un restaurant, épisode assez épique de notre week end. Disons pour la faire courte que nous n’avons pas choisi le meilleur restaurant, et que le service laissait à désirer. Cela nous a bien fait rire donc c’est l’essentiel.

Retour à l’Opéra pour voir le programme Balanchine/Millepied. Trois ballets, avec en ouverture du Balanchine. Le public Lyonnais est peu habitué à ce genre de production qu’il juge parfois un peu trop classique. Après cela, deux pièces de celui qui a dansé au New-York City Ballet, Benjamin Millepied.

Concerto Barocco est une pièce que j’apprécie beaucoup. Elle vous laisse un sentiment de joie très fort. Là ce ne fut pas le cas… Aïe les yeux, qu’il est difficile de
danser du Balanchine quand on n’en a pas l’habitude. Ces danseurs de l’Opéra de Lyon que j’ai pu apprécier dans d’autres pièces les saisons précédentes n’ont trouvé que peu de grâce à mes yeux. Leurs corps très athlétiques m’ont parfois gênée. Une danseuse a eu soudaine des réminiscences de classique un peu trop fortes, avec des mains très maniérées, ce qu’on ne trouve pas dans le style Balanchine, qui est plus pur. Souvent il y a trop de bras, cela manque de fraîcheur. La chorégraphie de Balanchine n’en est pas déformée et on apprécie ces lignes, ces courbes et diagonales qui
se mêlent et s’entremêlent avec un certain génie. La pièce ne prend pas une ride, mais demanderait juste à être exécutée avec plus de rigueur technique.Je trouve qu’il y a souvent un manque de prise de risque et que ça manque de danse. Dans le pas de deux, les hauts du buste sont très en place et cela prend un peu plus de rythme.

Ce premier ballet offre un spectacle mitigé, on attend donc la suite avec impatience.

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J’ai été beaucoup plus enchantée par Sarabande de Benjamin Millepied. Il y a dans cette pièce une souplesse permanente du geste. Les mouvements rebondissent dans
l’espace. C’est très léger et fluide. Sur scène, il y a un violoniste et un flûtiste et il s’établit un dialogue très réel entre le danseur et les musiciens. Les gestes sont les notes du danseur et c’est très lisible dans l’espace scénique. Les mouvements de ces garçons sont très ondulatoires, avec le son de la flûte, cela donne encore plus de rondeur. Les quatre danseurs sont admirables, j’aime leur façon de danser, chacune différente, mais pas moins intéressante. Mon coup de coeur va à ce jeune brun (grrrr ne pas connaître les noms des danseurs…) deuxième en partant de la gauche sur la photo des saluts. Les costumes sont sobres, mais colorés avec ces chemises à carreaux, qui me font penser au décor d’ Amoveo.

Ce ballet c’est comme un jeu, on entre sur la scène, on raconte une histoire en prenant appui sur le violon ou la flûte. Les regards sont complices, entre les danseurs mais aussi avec les musiciens.  On joue sur les contrepoids, sur les rythmes. On est ébloui par cette explosion généreuse. Ça saute, c’est très suspendu et musical.

C’est une jolie pièce, où Millepied renforce un peu plus un style souple et fluide, une chorégraphie qui est riche si on regarde le ou les danseurs, mais qui manque peut être encore un peu de chorégraphie dans l’espace.

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C’est la dernière pièce qui est la plus attendue. Création de Millepied en 2011 pour le Pensylvania Ballet, il remonte pour le ballet de Lyon This part is darkness. Rien
que le titre m’emballe, moi. J’ai adoré cette pièce. C’est plein de poésie comme cette étreinte de ce couple qui entre sur scène au début. Il y a beaucoup d’intensité, sans cacher une certaine mélancolie. Une angoisse se fait sentir, une inquiétude. C’est tactile, on a peur de perdre le contact avec l’autre. C’est ce qui permet de construire la chorégraphie de cette première partie. L’atmosphère n’est pas lugubre, on est plutôt dans un spleen qui se décline en différentes danses sur les couples ou les groupes qui sont sur scène.

La deuxième partie est plus pétillante. Sur une musique qui me plaît beaucoup, car pleine de percussions, de nouveau on retrouve une danse et des gestes très rebondis. L’espace est traversé par des sauts écarts, poings fermés. Cela monte en puissance et la chorégraphie se multiplie avec un dispositif de vidéos.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce ballet. Il y a une certaine élégance, on trouve une vraie chorégraphie, le groupe semble dans une belle osmose et adhère au projet avec un enthousiasme non dissimulé. J’ai adoré la musique et les rythmes qu’elle permettait de produire.

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Le week end s’achève sur cette jolie note de danse. JoPrincesse et moi partons en direction de la gare pour rentrer, tandis que E*** attend sagement Millepied pour dédicacer nos programmes !
Merci beaucoup pour la jolie signature ! Rendez-vous en juin pour le prochain week end AROP à Marseille !

Merci à Marion et Xavier pour l’organisation et la bonne humeur !

Concerto Barocco
Chorégraphie : George Balanchine – © The George Balachine TrustMusique : Jean-Sébastien Bach

Répétitions : Nanette Glushak

Sarabande
Chorégraphie : Benjamin MillepiedMusique : Jean-Sébastien Bach

Costumes : Paul Cox

Lumières : Roderick Murray

Répétitions : Charlie Hodges

This part in Darkness
Chorégraphie : Benjamin MillepiedMusique : David Lang

Costumes : Paul Cox

Lumières : Roderick Murray

Vidéo : Olivier Simola

Répétitions : Charlie Hodges  

Rencontre avec Christian Lacroix et Jean-Guillaume Bart

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Rencontre AROP au salon Florence Gould, où je retrouve Palpatine et Amélie. Jean-Yves Kaced présente la rencontre en lisant la lettre d’une membre de l’Arop. Extrait de la lettre
de Catherine Corman Delagrange (aucune idée de l’orthographe…) :

 

« Par la grâce de Jean-Guillaume Bart, par la grâce de Christian Lacroix, par la grâce de Clément Hervieu-Léger, par la grâce d’Eric Ruf, par les grâce de tous les danseurs, nous avons assisté hier à un spectacle sublime, unique, magnifique. La Source est une révélation, qui nous transporte au coeur des plus fortes émotions, authentiques et parfois enfouies comme celles de votre enfance. Un moment de grâce inoubliable, de magnificence, éblouissant, féérique, incroyable. C’est le souffle coupé et des étoiles dans les yeux que nous quittons à regret Garnier. Non ce n’est pas beau c’est très au delà, mais les mots me manquent. « 

Jean-Yves Kaced plaisante sur le fait que si l’Opéra manque d’une attaché de presse, cette membre de l’Arop en serait une excellente. Voilà la suite de l’entretien.

Brigitte Lefèvre : Bonsoir à tous. J’ai un grand plaisir à être là ce soir. Alors vous savez que j’ai une voix très grave, mais j’ai un inconvénient supplémentaire, on m’a dit que c’était « L’après-midi d’aphone » (rires). Je n’ai pas compris quand on me l’a dit, après c’est monté au cerveau !

J’avais presque envie de dire, parce qu’on ne prépare jamais ces rencontres avec vous, parce que c’est une rencontre, on n’a pas envie d’imaginer comment les choses peuvent se passer.

Jean-Guillaume, je n’aime pas te rappeler cela, mais en même temps c’est formidable, dans la vie il n’y a rien de plus merveilleux que de transformer des évènements malheureux en évènements heureux. L’évènement heureux c’est que c’était un danseur magnifique, vraiment, avec un caractère très affirmé (rires), toujours juste, en tous cas par rapport à lui même, par rapport à sa pensée, à sa vision artistique, toujours intéressante pour sa directrice artistique, le grand plaisir d’avoir pu faire en sorte qu’il soit nommé étoile, un homme très joyeux, très travailleur. Moins joyeux le moment où Jean Guillaume a dit stop, il n’en parlera pas. J’avais été très triste, quand une année, au moment où nous présentions la saison, devant le public attentif et je me souviens d’une question qui m’avait été posée « Pourquoi il n’y a pas eu d’adieux pour Jean-Guillaume Bart ? ». Je ne vous dirai pas pourquoi, il y avait une véritable raison, qui n’était pas artistique. J’ai eu le plaisir de pouvoir lui confier le rôle de pédagogue à l’Opéra, qu’il a tenu avec beaucoup de passion, sans la moindre compromission par rapport à ce qu’un maître doit pouvoir apporter à des danseurs qui sont dans l’espace de la classe, des élèves. Ce n’est pas toujours facile à faire comprendre, à nos grands fauves que sont les danseurs de l’Opéra.

Et puis, il y a eu ce moment, il y a plusieurs années, je lui avais demandé si il avait des projets. Jean-Guillaume avait fait un ballet Le Corsaire, que j’ai vaguement vu, je n’avais
pas pu y aller à l’époque. Je lui demande donc si il a des projets et il me dit « La Source ». Il m’aurait dit le torrent ça aurait été pareil. Bon La Source, on connaît le tableau de
Degas, on connaît des musiques extraites de La Source, notamment Soir de fête. On a laissé un peu de temps, on a laissé la source couler – faut qu’on arrête les jeux de mots,
parce qu’avec le mot source c’est incroyable tout ce qu’il y a. On se regardait pour savoir quand est ce qu’on allait se décider et puis je pensais, bon on va voir. Et puis il y a deux
personnalités très fortes qui m’ont beaucoup accompagné dans ma décision, c’est d’abord Martine Kahane, femme absolument magnifique, à qui j’ai dit « tu sais que Jean-Guillaume a proposé ce ballet » on parle du tableau de Degas mais je vois que ce n’est pas là dedans qu’elle veut m’emmener. Et puis la deuxième c’est Chritian Lacroix, à qui j’ai voulu proposé tout de suite d’examiner cette possibilité là. Et je dois dire qu’il a été déterminant, il a participé à ma détermination, car il a trouvé ça formidable. Il a beaucoup aimé la personne de Jean-Guillaume, sa raison passionnée. Il a trouvé que c’était une idée magnifique que celle de Jean Guillaume.

Et voilà, on en est à la douzième représentation de La source. J’en suis très fière. Des fois on est trop pudique, on n’ose pas le dire. C’est prendre des risques que de proposer
des artistes aussi importants que Clément Hervieu-Léger pour la dramaturgie, qu’Eric Ruf pour la scénographie, que Chrisitan, le parrain de ce ballet et Dominique Bruger pour les éclairages. J’ai eu le plaisir de proposer à JG et de voir à quel point chaque personnalité a eu du plaisir à rencontrer JG, à travailler avec lui et comment chacun arrivait à apporter quelque chose d’essentiel.

J’ai envie de demander, pourquoi La source ?

Jean-Guillaume Bart : Tout vient de mon goût pour l’histoire du ballet. Quand j’étais adolescent je passais pas mal de mes week ends à la bibliothèque de l’Opéra. Au fil de mes recherches et lectures de livrets du 19 ème je suis tombé sur la source, par hasard, en sachant que une partie de la musique est connue grâce à Soir de Fête. On l’entend beaucoup dans les classes de ballet. Et puis dans les années 90 est paru un enregistrement complet. J’ai trouvé que la partition de Minkus, qui était jusque là
murée,  n’est pas si mauvaise, que l’on peut le prétendre (on peut avoir des appréhensions ! ).  J’ai trouvé que c’était une musique extrêmement narrative où il y avait beaucoup de poésie. Ce que j’aime avant tout dans le ballet classique c’est la poésie que cela génère, au delà des choses acrobatiques qui maintenant ne me font plus grand effet. Les choses qui perdurent dans le temps,  les plus belles  sont les plus poétiques. Quand je vois Ulyana Lopatkina danser, hier, aujourd’hui c’est quelque chose qui me nourrit au quotidien. Je nomme Ulyana, parce que j’ai dansé avec elle, je pense aussi à Baryshnikov ou des danseurs de la maison, je ne vais pas tous les citer. C’était important pour moi que ce soir un ballet à la fois festif et poétique et aussi dramatique. Je pensais que dans ce livret là, à la fois conte de fée improbable, qu’on puisse avoir des thèmes qui soient un peu intemporels et qui puisse amener une humanité importante.

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© Opéra de Paris

Brigitte Lefèvre : Tu parles de conte de fées. Ce n’est pas un conte de fée ?

Jean-Guillaume Bart : Ce n’est pas un conte de fée, mais quand je le raconte aux enfants, c’est « alors et la princesse? Et pourquoi la fée elle meurt?  » ils en parlent comme d’un conte. Je pense que tout le monde a envie qu’on lui raconte encore des histoires aujourd’hui. On a besoin d’histoires pour se nourrir. aujourd’hui, pour traverser le quotidien. Dans cette histoire, il y a des choses proches du quotidien. Je trouve que Djémil est un personnage assez attachant, parce qu’il  se trouve pris entre deux femmes et que tout à coup l’une lui dit « mais je t’aime », finalement il extrêmement mal, il ne sait pas quoi choisir. Je pense que c’est des choses qui arrivent encore aujourd’hui. C’est tout ces choses là, à côté des paillettes qu’on peut me reprocher, je pense qu’il y a aussi des des choses intemporelles. On peut mettre des choses profondes dans des choses légères.

Brigitte Lefèvre : C’est plutôt à Christian qu’on peut reprocher les paillettes (rires). Alors précisément, quand tu as commencé à travailler, tu avais imaginé les costumes ?

Jean-Guillaume Bart : pas du tout, mais j’avais un parfum, un canevas dans la tête et puis c’est vrai que moi j’ai des références traditionnelles. Ce qui était extraordinaire avec Christian c’est qu’il état à l’écoute de ça et en même temps  il a apporté tout son imaginaire, son goût pour le faste. J’ai laissé une porte ouverte à chacun. L’important, c’est que la source prenne. C’est un peu comme en cuisine. On avait le même projet de faire un beau spectacle.

Christian Lacroix : J’avais rencontré Jean-Guillaume pour la première fois dans Joyaux. C’est quelqu’un avec un profil très dessiné, quelqu’un d’énigmatique, avec beaucoup de charme. C’était le plus drôle, le plus caustique, celui qui avait le plus d’esprit. Il avait de l’intérêt pour les costumes.

A un déjeuner, avec Brigitte Lefèvre (c’est une femme formidable !) j’ai trouvé la proposition audacieuse. J’admire cela dans son travail, elle pourrait se contenter de transmettre la bonne parole, de faire des choix, de diriger avec une main de fer (ou non) cette maison, avec tout ce que cela comporte. Brigitte Lefèvre était l’alchimiste en générant des projets comme celui là. Et avant celui là c’était la carte blanche donnée à Jérôme Bel.

Brigitte Lefèvre : Je m’étais beaucoup fait critiquée là dessus.

Christian Lacroix : Oui mais c’était un soir d’Arop, la première était juste après le défilé. J’avais un peu mal au coeur, j’étais membre de l’Arop, je ne le suis plus par manque de temps. Je connaissais le plublic et je trouvais assez téméraire de mettre Jérôme Bel juste après le défilé. Et finalement on a tous applaudi.

Le jour où on s’est retrouvé pour parles des prémices du projet de la source, Jean Guillaume était très timide. Il me dit qu’il n’avait pas d’idée de costumes, le premier mot  prononcé était le mot « nervures ». Cela m’était resté dans la tête, ce qui fait que nous avons fait ces corselets. Avec un mot, un seul cela avait déjà fait beaucoup.

Jean-Guillaume Bart : J’avais envie que tout le monde de l’invisible soit une représentation de la nature. A travers ses costumes, héritages du tutu romantique, on puisse avoir des feuilles, des nervures. Il fallait que ce soit en relation avec la nature, cela me tenait à coeur.

Christian Lacroix : Oui il voulait du végétal. J’ai aimé travailler avec Jean-Guillaume. Au début j’avais peur que le choix de Brigitte ne soit pas le choix de Jean-Guillaume. Je pensais que Jean-Guillaume voudrait aller dans un classicisme et comme je suis le roi du kitch et de l’espagnolade (rires). J’aime bien être entre deux univers, minimal et maximal. J’étais un peu angoissé. Autant quand j’étais couturier, j’étais le seul écrivain du défilé, le seul maître, le seul chorégraphe, autant là, je suis au service de quelqu’un. Pour moi c’est un rêve d’enfant. Je suis là presque tous les soirs, je suis sur un nuage. J’espère que ce ballet sera repris. J’ai l’impression d’avoir accompli mon rêve d’enfant.

Je reviens à Jean-Guillaume, j’aime sa précision. Je déteste quand un metteur en scène ou un chorégraphe me dit « fais ce que tu veux, tu es libre ». J’aime qu’on me dise non et il
sait très joliment dire non. Au moins, on avance. J’ai eu l’expérience, cet hiver à Cologne pour un Aïda, où le metteur en scène me disait « tu fais ce que tu veux », il n’assistait d’ailleurs jamais aux essayages. Il était heureux à la fin, mais moi je n’étais pas satisfait.

Alors que là, je suis parti, sur l’idée du contes de fée. Cela m’a fait penser à une expo à Londres qui s’appelait « Fayries » sur toute la peinture du 18ème. La source s’inscrivait dans cette mode. Il y avait cet univers de la nature.

Brigitte Lefèvre :  Le résultat est vraiment beau, puisqu’il y a même des gens qui aiment et qui ont l’air embêté d’aimer…

Christian Lacroix : Tu parles du Monde… (rires) qui a écrit « A quoi bon? »

Brigitte Lefèvre : Je ne sais plus qui a dit ça mais « L’art est absolument inutile et c’est pour cela qu’il est indispensable ». Je crois que c’est vrai.

Christian Lacroix : Ça me fait penser à cette citation « L’art c’est ce qui rend la vie plus belle que l’art ». C’est une pirouette qui ne veut rien dire, mais je l’apprécie.

Ciaravola et Chaillet à l'acte II La Source

© Opéra de Paris

 

Brigitte Lefèvre :  Il y a eu plusieurs documentaires, et ce qui est formidable c’est la présence de JG tout le temps. Et cela c’est possible parce que cela se passe ici. C’est une justification extraordinaire pour dire ce qu’est l’opéra.

J’ai choisi les personnalités pour travailler avec Jean-Guillaume en fonction du lui, de sa personnalité.

Jean-Guillaume Bart : J’ai eu une équipe formidable qui avait le souci de travailler sur le même projet. Marc-Olivier Dupin m’a aidé à moderniser la musique, à ajouter à couper, à créer les passages pour les nymphes, mais aussi pour les hommes. Si j’avais fait une reconstitution, cela voulait dire pas de danse pour les hommes, beaucoup de pantomime, qui n’en finissait plus, cela voulait dire un espace pour danser extrêmement réduit, car il y avait de l’eau en scène qui coulait.

Brigitte Lefèvre : On est très fiers aussi quand on voit le travail des ateliers de couture, de décors qui appartiennent à cet opéra. Il faut défendre cela. On est moins retenu par le passé qu’on ne le croit. On a un socle. Regardez les décors de La Source. On a les racines, le tronc, puis à un moment cela s’élève. C’est très représentatif de l’Opéra et de la Comédie Française.

C’est un ballet incroyablement cinématographique. Je l’ai vu au cinéma. C’est digne des grands ballets d’Hollywood.

Jean-Guillaume Bart : Je suis un grand fan du cinéma américain des années 50. J’avais effectivement des plans de cinéma dans la tête quand j’imaginais à la fin tout le huit-clos, Zaël qui traverse toute l’oeuvre comme un spectateur. Il est possible que mon goût pour le cinéma transparaisse à travers l’oeuvre.

Christian Lacroix : Je découvre qu’on a les mêmes goûts en matière de cinéma !

Quand on crée des costumes, les choses changent vite, les matières changent. Dans ce ballet j’ai essayé d’être intemporel. Il y avait bien sûr en filigrane, ces films là, ces costumes là, que l’on voyait dans la années 50. C’est important qu’on voit la poésie. Pour moi, ce mot n’est pas de l’eau sucrée. C’est quelque chose dont on a tous besoin. C’est de la dentelle, le travail de Jean-Guillaume,  ce n’est pas terrible de dire cela pour un couturier. En lisant les documents autour de l’oeuvre, j’ai lu un critique de l’époque, peut être pas Théophile Gautier, a dit en sortant de La source que c’était de la dentelle.

Brigitte Lefèvre : J’aime beaucoup le ballet Emeraudes de Balanchine. Tu m’avais dit que tu partirais de cela. J’ai trouvé cela intéressant, car on sait qu’il y a Petipa, Balanchine, Forsythe et qu’au lieu de redémarrer à Petipa, on prend Balanchine pour socle. J’aurais aimé que tu nous parles de cela.

Jean-Guillaume Bart : Il y a très peu de ballet concret chez Balanchine. Il y a surtout une relation avec la musique. Je voulais que cela soit important, cette relation avec la musique. Je m’en suis beaucoup inspiré pour certains tableaux de La Source. J’ai eu aussi en tête des ballets de Fokine.

Question du public : J’avais une question sur le personnage du chasseur, du point de vue du costume comme de la danse. Par rapport à Zaël, qui a un costume luxuriant, lui il a vraiment un costume fade.J’ai pas eu la sensation que le rôle permettait de se faire remarquer. Tous les applaudissements sont pour l’elfe.

Jean-Guillaume Bart : Déjà vous avez vu Matthias Heymann, qui est formidable. Djémil est un hermite. Il est asocial, il n’ a pas besoin d’avoir un beau costume. C’est pour cela que son costume est sale. Il n’y a pas le côté paillette, mais d’un point de vue dramaturgique cela n’avait aucun sens de mettre un beau costume. C’est un personnage humain, terrestre, donc il n’est pas aussi bondissant que l’elfe. Il a quand même dans ses variations plus ahtlétiques. Il danse sur des trois temps alors que Zaël danse sur
des deux temps. Ce sont deux personnages diamétralement opposés. Pour moi c’est important d’avoir une dramaturgie cohérente au delà du numéro de danse.

Un hermite n’est pas habillé en Christian Lacroix ! (rires). On a eu beaucoup de plaisir avec Clément Hervieu-Léger à créer des personnages. Ces deux personnages ne racontent pas du tout la même chose.

La première variation de Djémil est une ode à la nature. Il a cru voir un elfe. C’est comme quand on est dans la forêt qu’on croit voir une biche. Zaël c’est le côté champagne, il vient d’un autre monde.

Brigitte Lefèvre : Je voulais aussi rendre un hommage à Swarovsky qui nous a accompagné pendant cette aventure.

Prix de la danse AROP 2011

 

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©Elendae

Vendredi soir c’est la course, je sors de chez moi en catastrophe, mais je ne sais toujours pas courir en jupe et avec 10 cm de talons. Du coup, je fais patienter la souris, qui je pense, a loupé par ma faute le début du discours. Moi aussi par la même occasion. J’arrive en plein discours d’Héloïse Bourdon, qui semble émue et dont le discours est bien préparé. Héloïse Bourdon, si vous ne la connaissez pas, et bien il va falloir ouvrir vos mirettes pendant les ballets, car c’est quelque chose. 20 ans, une technique incroyable, un des plus beaux ports de tête du corps de ballets, une élégance dans les bras, bref, quand elle est sur scène, elle ne peut pas vous laisser indifférent. L’année dernière vous l’avez peut être vue dans le lac (Czardas, ou les grands cygnes) ou en Rosaline dans Roméo et Juliette. Je ne l’ai pas beaucoup vue danser l’an dernier mais je l’ai vue au concours où elle était une très belle Odette. Le prix est amplement méritée tant la jeune femme fait l’unanimité. Douce et souriante, elle charme l’assemblée.
Juste le temps pour moi d’apercevoir Elendae et de la rejoindre au centre du foyer. C’est maintenant au tour de Fabien Révillon de se voir remettre le fameux prix. Le discours est plus libre, il est plus à l’aise, mais avec autant de sincérité. Petite attention particulière pour Karl Paquette qu’il remercie chaleureusement pour ses conseils et son soutien. L’intéressé en est touché. J’avais beaucoup aimé Fabien Révillon au concours l’an passé. J’avais trouvé qu’il avait une volonté particulièrement forte de montrer ce qu’il avait dans le ventre.

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©Elendae

Les discours et les multiples remerciements terminés, voici venu le temps des petits fours et discussions entre balletomanes. Palpatine et la souris ne sont pas loin. Voilà Joprincesse, twitteuse de choc, mon amie E***. Il n’y a pas beaucoup de danseurs dans la salle ce soir, mais par contre ça grouille de têtes grises qui ne décollent pas du buffet. Résultat, on n’a pas eu accès aux petits fours salés, heureusement on se venge sur les sucrés.. Les bloggueurs, twitteurs & cie, une équipe de choc ( et de gourmands…) ! La conversation continue sur le débat existentiel sur Lyon, à savoir qui fait le week end du 17-18 décembre AROP. J’en suis, ainsi que E***, je crois que Jo va y participer. Reste
plus qu’à convaincre les autres. Si vous hésitez, lisez mon compte rendu de celui fait il y a deux ans. J’en garde un super souvenir. La salle se vide, il faut dire qu’il n’y a plus de champagne au bout d’une heure. On est donc prié de quitter le grand foyer, juste au moment où je me serai bien lancée dans une longue traversée de grand jetés! Qu’importe, je ferai des entrechats avenue de l’Opéra en allant manger un ramen, avec les survivants de cette soirée. Elles sont tout de même très agréables ces mondanités.

Prochain rendez vous mondain : la remise des prix lyriques au Grand Hôtel le 22 novembre.