AROP

Prix de l’AROP 2014 : Léonore Baulac et Allister Madin

Comme chaque année, les adhérents de l’Arop récompensent les artistes qui les ont marqués lors de la saison précédente. Cette année, le prix récompensent deux artistes au talent incontestable : Léonore Baulac et Allister Madin. Nouveauté de l’année, les prix de la danse et les prix lyriques ont lieu le même soir et la remise des prix se fait sur la scène de Garnier.  Après Amandine Albisson et Pierre-Arthur Raveau, voilà que les deux jeunes danseurs, l’une Coryphée, l’autre sujet,  accèdent à ce prix décernés par les membres de l’AROP.

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Qui ne se laisse pas charmer par Léonore Baulac ? Cette blonde pétillante a marqué le public alors qu’elle n’est que coryphée depuis un an. Déjà quadrille, elle se voyait confier le rôle d’Olympia dans La Dame aux Camélias de John Neumeier. Et, elle était admirable ! Très à l’aise dans les rôles néo-classiques et plus contemporains, elle a été castée pour Rain par Anne Teresa de Keersmaeker, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle y était rayonnante. A la reprise de la pièce cette année, elle a montré une grande puissance et une force en scène. A Noël, elle tiendra le premier rôle dans Casse-Noisette aux côtés de Germain Louvet. Une belle opportunité pour montrer toute l’étendue de son talent !

Léonore Baulac concours de promotion

Allister Madin est né en 1986. Il a fait l’école de danse de l’Opéra de Paris. Son côté hildago ne laisse pas le public indifférent. Ainsi, on se souviendra de sa belle prestation dans le chef des gitans dans Don Quichotte, mais aussi dans le chef des voleurs de voleurs dans L’histoire de Manon. On se souvient aussi de lui excellent et drôlissime dans le rôle d’Alain dans La Fille mal gardée. Benjamin Millepied lui confie aussi le rôle de Dorcon dans sa dernière création, Daphnis et Chloé. Allister Madin est de cette catégorie de danseurs au ballon remarquable, comme on a pu le voir dans Zaël dans La Source ou l’idôle dorée dans Bayadère. Autant vous dire que ce jeune danseur a déjà une belle expérience et encore une longue carrière devant lui, avec un répertoire varié. Ce prix vient récompenser tout ce travail et cet investissement. On lui souhaite encore de très beaux rôles et une belle et longue carrière aussi brillante qu’elle a commencé.

Allister Madin par Julien Benhamou

Félicitations aux deux danseurs récompensés !

Prix de l’AROP précédents

  • 1987 : Karin Averty et Manuel Legris
  • 1989 : Elisabeth Maurin, Marie-Claude Pietragalla et Kader Belarbi
  • 1991 : Delphine Moussin, Lionel Delanoë et Gil Isoart
  • 1992 : Agnès Letestu, Eric Camillo et José Martinez
  • 1993 : Ghislaine Fallou, Nicolas Le Riche et Fabien Roques
  • 1994 : Aurélie Dupont, Yann Bridard et Emmanuel Thibault
  • 1995 : Miteki Kudo et Jean-Guillaume Bart
  • 1996 : Clairemarie Osta et Stéphane Phavorin
  • 1997 : Marie-Agnès Gillot et Benjamin Pech
  • 1998 : Nathalie Aubin et Yann Saïz
  • 1999 : Eleonora Abbagnato et Hervé Courtain
  • 2000 : Fanny Fiat et Emmanuel Thibault
  • 2001 : Émilie Cozette et Hervé Moreau
  • 2002 : Dorothée Gilbert et Christophe Duquenne
  • 2003 : Mathilde Froustey et Stéphane Bullion
  • 2004 : Myriam Ould-Braham et Florian Magnenet
  • 2005 : Laurat Hecquet et Jean-Philippe Dury
  • 2007 : Sarah Kora Dayanova et Mathias Heymann
  • 2008 : Alice Renavand et Simon Valastro
  • 2009 : Éléonore Guérineau et Josua Hoffalt
  • 2010 : Charline Giezendanner et Marc Moreau
  • 2011 : Héloïse Bourdon et Fabien Révillon
  • 2012 : Charlotte Ranson et François Alu
  • 2013 : Amandine Albisson et Pierre-Arthur Raveau

Prix de la danse AROP 2013

Lundi 18 novembre se tenait la remise des prix de la danse AROP dans le Grand Foyer de l’Opéra Garnier. Chaque année, un comité sélectionne les jeunes danseurs qui peuvent se voir remettre le prix, qui n’est pas qu’une simple reconnaissance du public, il est accompagné d’un petit chèque. La plupart des lauréats de ce prix sont devenus des premiers danseurs, des danseurs étoiles, en tous cas, ils ont attiré à un moment de leur belle carrière le regard des spectateurs assidus de l’Arop.

Cette année, les prix de l’Arop ont récompensé Amandine Albisson et Pierre-Arthur Raveau. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, les deux danseurs seront promus en janvier 2014 premiers danseurs.

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Amandine Albisson a 24 ans. Elle entre au ballet de l’Opéra de Paris à 17 ans en 2006. Elle est promue coryphée en 2009 et sujet en 2010. Elle a reçu le Prix Carpeaux en 2009. On a pu la remarquer dans La Sylphide l’été dernier, mais aussi dans le Rendez-Vous et Le Loup de Roland Petit. Danseuse très polyvalente, aussi à l’aise dans le classique que dans le contemporain, sa nouvelle promotion est le reflet de l’évolution de la compagnie. Technique solide, elle est aussi brillante dans Bayadère que dans Forsythe ou Anne Teresa de Keersmaecker. Son discours lors de la remise de prix fut court, mais déjà rempli d’émotions.

Pierre-Arthur Raveau a 22 ans. Il entre à l’Opéra en 2009, à l’âge de 18 ans. Il gravit très vite les échelons, puisqu’en 2010, il devient coryphée et en 2011 sujet. A l’école de danse de l’Opéra, il a reçu le Prix Jeunes Espoir AROP en 2009. Il a reçu le Prix Carpeaux lui aussi en 2011. On lui donne le rôle de Basilio la saison dernière au côté de la pétillante Mathilde Froustey. Il est un brillant James dans la Sylphide l’été dernier.

Bravo aux deux nouveaux lauréats !

Avant-goût de Darkness is hiding black horses, Teshigarawa

Retour une rencontre AROP avec Saburo Teshigarawa et la répétition publique avec Nicolas Le Riche. Le chorégraphe japonais est venu créer une pièce pour la deuxième fois à l’Opéra Garnier. La première Air, m’avait laissée un très bon souvenir. J’attends avec impatience cette nouvelle création qui mettra en scène dans l’obscurité trois étoiles, Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard. Première le 31 octobre.

  • Rencontre AROP

Le ballet Darkness is hiding black horses est présenté avec deux pièces qui font partie du répertoire. Glacial Delcoy de Trisha Brown et Doux mensonges de Jiri Kylian. C’est parce que ces trois chorégraphes ont « une certaine idée de la beauté » et recherchent le mystère qu’est la beauté que Brigitte Lefèvre a décidé de les rassembler. C’est une soirée intimiste. Il y a quelque chose dans ces trois pièces avec une relation très spéciale à la musique, aux sons et au silence.

Brigitte Lefèvre : Que souhaites-tu faire pour cette nouvelle création ?

Saburo Teshigarawa : Je suis très content d’être ici. J’ai commencé les répétitions avec les danseurs qui sont des personnalités passionnantes et curieuses de mes méthodes. Nous sommes attentifs les uns aux autres, nous sommes attentifs au corps.
Dans mes créations, je me demande quelle est la réalité de la danse. Comment vit le corps, comment on bouge son corps, comment l’autre bouge son corps.
Pour cette nouvelle création, j’ai suggéré beaucoup de choses. Je donne des déclencheurs pour que mes danseurs bougent. Je ne veux pas qu’ils utilisent leur mémoire, leur mémoire corporelle. Ils en ont beaucoup. Je veux qu’ils soient libres pour ce projet. Je ne leur parle pas de l’histoire de la pièce. Ensuite je les interroge. Comment tu relâches ton corps? Comment tu as ressenti cela ? Comment, c’est toujours la question. Il nous faut rassembler nos points de vue artistiques. Pour cela il faut avoir du temps, et des artistes talentueux. Mais avec Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard, j’ai la chance d’être avec trois danseurs très talentueux.
Ce que je dis vaut aussi pour le public. Il faut d’abord que je vous parle de ma méthode.

Brigitte Lefèvre : Peux-tu nous expliquer le titre de ta pièce ?

Saburo Teshigarawa : L’obscurité (Darkness) m’intéresse. Quand on ne voit rien, on peut imaginer des choses. Peut être que sur une scène obscure, il y a des chevaux noirs. Peut être 1, 2 ou peut être 100. Ils sont tellement silencieux. Quand ils ouvrent leurs yeux, ils nous regardent.
Cela c’est le début de la pièce. Cela est né de mon imagination. Pour moi, l’obscurité fait partie de la vie. L’obscurité est le pendant de la vie. Vous étiez dans le noir avant que vous soyez né. Puis à la lumière, on pleure. A la fin de la vie, on retourne à l’obscurité. Nous avons aussi de la noirceur en nous. Attention, il ne faut pas interpréter cela de façon psychologisante. L’obscurité pour moi c’est la lumière. L’obscurité est quelque chose de très riche. J’adore la couleur noire. La danse est réaliste, c’est ce que vous verrez sur la scène.

Brigitte Lefèvre : Ta danse est-elle sensorielle ?

Saburo Teshigarawa : Notre sensation n’est jamais garantie. C’est ce qui est beau d’ailleurs. Je ne sais pas si ma danse est sensorielle. Je cherche une qualité de mouvements. Quelque chose qui serait toujours neuf. Par exemple, vous voyez, la fumée ne peut pas se localiser, c’est évanescent, cela ne se répète jamais. Je cherche ce sentiment de fraîcheur dans ma danse. Pour cela je commence par le corps et ensuite le tempo. Je m’attache aux petits détails. Ce sont les détails du corps qui vont apporter les émotions. C’est un petit détail qui va vous faire sourire ou pleurer. Il faut chercher cette flexibilité dans le corps. Les danseurs sont entrés dans cette façon de penser, ils changent aussi leur corps à présent.

Brigitte Lefèvre : Tu fais un travail d’improvisation ?

Saburo Teshigarawa : Je ne parle pas d’improvisation. Le but c’est la recherche d’une qualité ou d’une matière. Pour cela le tempo est essentiel. Vous pouvez avoir un long moment en dix secondes ou un très court en 5 minutes.

Brigitte Lefèvre : On sait que tu fais tout sur tes créations, la musique, les costumes, les lumières.

Saburo Teshigarawa : Oui en effet, je fais la musique et les lumières. Les danseurs travaillent avec la musique tous les jours. Ils vont travailler en fonction de la musique. Cela va être une recherche que je vais alimenter de questions. Par exemple, est-ce que c’est la respiration ou le poids du corps qui engendre le mouvement ? Les danseurs ont besoin de tout sentir. On recherche ensemble, on va découvrir ensemble.

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  • Répétition publique à l’amphi Bastille

La répétition avait lieu trois jours après cette rencontre AROP. L’occasion de voir en mouvement la « méthode ». Nicolas Le Riche s’est prêté à l’exercice, en nous traduisant en même temps, les instructions de l’artiste japonais et en nous expliquant le travail qu’il menait en ce moment au studio.

Teshigarawa a besoin de beaucoup de matériel avant de pouvoir fixer la chorégraphie. Il recherche la qualité du mouvement plutôt que d’imposer sa pièce. Il demande à l’étoile de commencer le travail en faisant des cercles, des lignes courbes avec son corps. Le danseur s’exécute et avec une course circulaire, son corps se met en mouvement. Il semble presque en transe, les yeux à demi-clos. Il fait attention à sa respiration. Il expérimente où l’emmène son poids du corps. Le chorégraphe le dirige dès que la danse devient automatique, faite de gestes déjà pensés. Il essaie que son danseur soit le plus organique possible. Pour cela, il le fait marcher avec le plus d’abnégation possible. La respiration est un concept très important chez Teshigarawa. Il demande de mettre de l’air partout pour créer du mouvement. Mettre de l’air entre les doigts, entre les épaules, sous les bras, partout l’air doit circuler.

Teshigarawa insiste à nouveau sur le fait qu’il ne s’agit pas d’improvisation. Il s’agit de travailler de manière organisée afin de retirer toute la mémoire corporelle. Le geste doit toujours être frais et vivant. Il faut se mettre à nu et oublier ce que l’on a appris. Nicolas Le Riche témoigne de la difficulté qu’il a éprouvée au début. Il explique qu’au début des répétitions, ils avaient très peu de solutions, parce que la liberté en danse, ce n’est pas facile. Le corps est prisonnier, non seulement de mouvements, mais aussi de rythme. Ce que leur a demandé Teshigarawa est  très technique et cela nécessite une grande ouverture d’esprit.

Teshigarawa propose des variations dans ces marches. Il fait faire des rotations pour voir comment cette énergie va se déployer et si le mouvement reste vivant. Il faut se méfier du mécanisme. Pour cela il faut bien utiliser sa respiration. Naturellement, on inspire plus qu’on ne souffle. Il faut jouer avec le souffle, trouver de nouvelles manières de mettre de l’air dans le mouvement.

Voir Nicolas Le Riche bouger avec ces mouvements si simples et si vivants fut un vrai bonheur… Vivement demain !

Nicolas Le Riche par Agathe Poupeney

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Extrait vidéo d’une répétition, clic

Rencontre avec Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

La semaine dernière, l’AROP proposait à ses membres une rencontre avec Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt, jeunes étoiles nommées l’an passé. Récit de ce portrait en questions de ces deux jeunes danseurs.

Brigitte Lefèvre : Nous fêtons nos 300 ans. Le 11 janvier 1713, Louis XIV fondait l’académie nationale de danse. Et voilà nos deux nouvelles étoiles. J’ai une admiration pour quelque chose qui se fait à la Comédie Française, ils numérotent les sociétaires. J’aurais bien aimé savoir les combientièmes étoiles sont Ludmila et Josua. A l’Opéra, chacun sait qui je dois nommer, qui je n’aurais pas du, etc… J’ai été intéressée par l’artiste singulier qu’est Josua Hoffalt. Il a une personnalité très affirmée. Sa nomination était très attendue. Ce qui est évident c’est que Josua est porteur d’une nouvelle génération. Laurent Hilaire qui le préparait sur la Bayadère était heureux de voir l’enthousiasme que ça provoque.
J’ai une énorme admiration pour Ludmila. D’abord parce qu’elle vient de l’extérieur. Elle a un courage absolu. Elle a fait le choix de l’Opéra de Paris, en restant elle-même. J’ai trouvé formidable qu’elle danse Bayadère au pied levé.
Pourquoi avez-vous fait de la danse  ? Quel est votre parcours ?

Josua Hoffalt  : C’était un peu le hasard. Je faisais du tennis, de la gymnastique, du piano. Et puis je suis allé voir le gala de fin d’année d’une copine. J’ai trouvé ça nul. A la rentrée suivante, c’est ma grand-mère qui m’a inscrit au cours de danse avec mes cousines, avec qui je m’entendais super bien et du coup, ça ne me dérangeait pas si c’était pour passer du temps avec elle. J’avais 8 ans. On me rabâche (très humblement) que j’ai du talent. Je suis le seul garçon. Les cours ne sont pas hyper drôles. Cela ne me plaît pas forcément.
Puis, j’ai commencé à regarder des vidéos de Baryshnikov. En le voyant, je me suis dit que ça pouvait être sympa. Du coup, j’ai tenté l’école de l’Opéra. Cela se passe plutôt bien. Je ne suis plus le seul garçon. Mes camarades sont Vincent Chaillet, Alexandre Labrot, Emilie Hasboun, Laura Hecquet et Mathilde Froustey. Je suis resté 4 ans à l’école sans redoubler. Mon entrée dans le corps de ballet a été rapide. L’accès aux rôles est très motivant. Mes blessures m’ont servi. J’ai pris du recul, j’ai regardé les autres. C’est très instructif. Quand je suis devenu premier danseur, j’ai véritablement changé de métier. J’ai du répartir mes efforts différemment. Ma nomination est arrivée au meilleur moment.

Ludmila par Sébastien Mathé

Ludmila Pagliero : Au début, quand j’ai commencé la danse, j’étais déçue. La prof avait un bâton pour nos jambes, il n’y avait pas de piano. Je disais à ma mère que j’avais « besoin de m’exprimer avec mon corps » mais ce cours ne me plaisait pas. J’ai fait du jazz et là ça a été le bonheur. La prof est allée voir ma mère et lui a dit qu’il fallait que je fasse du classique. J’ai donc repris et après 3 mois, j’ai intégré l’école de danse du théâtre Colon. J’y suis restée 8 ans. Au début c’était dur, il y avait ds examens et moi je n’avais pas les bases. Je me faisais engueuler. Puis les félicitations ont commencé à venir, assez rapidement en fait. Le ballet de Santiago m’ a proposé un contrat à 15 ans et demi. C’était un peu la panique chez moi. J’étais triste de quitter ma famille, si jeune, mais tellement heureuse d’être sur scène. J’y suis restée trois ans, ils m’ont nommée soliste, ce qui était une façon de tester mes capacités. C’est un petit ballet, on danse toujours la même chose, il n’y avait pas de chorégraphe, pas de danse contemporaine. Du coup, je décide de partir à New-York, dans le but qu’un directeur me voit. J’ai passé un concours j’ai gagné le grand prix et l’American Ballet Theater m’a proposé un contrat d’un an. Dans le même temps, un ami m’a dit d’essayer l’Opéra de Paris. J’y suis allée, sans pression, parce que personne ne me connaissait. Je rentre chez moi. Et là dans la nuit, le téléphone sonne, l’Opéra me propose un contrat de trois mois. Il fallait que je décide tout de suite. J’ai choisi Paris. On dansait Ivan Le Terrible. Je me suis demandée si j’allais être renouvelée, on m’a dit oui pour la saison. J’ai travaillé beaucoup, beaucoup plus. J’ai observé beaucoup, j’ai été très humble. Je n’ai jamais senti que je perdais mon temps ici. C’est une maison où on ne s’ennuie jamais.

Question du public : Avez-vous suivi des études ? Quand fait-on le choix d’être danseur, plutôt que de faire des études ?

Brigitte Lefèvre : je vous rappelle que les élèves de l’école de danse suivent un cursus scolaire et que la plupart ont le bac.

Josua Hoffalt : J’ai le bac. Pour ma part, j’ai décidé de devenir danseur quand j’ai vu un documentaire sur Nicolas Le Riche. Je me suis identifié à ce mode de vie.

Ludmila Pagliero : En Argentine, c’est compliqué. Il n’y a pas ce que vous avez en France. J’allais à l’école l’après-midi, mais c’était tout séparé. J’ai du prendre la décision de faire l’école par correspondance. Ma mère était très angoissée pour cela. Je ne voulais pas arrêter mes études même si la danse c’était ma priorité.

Question du public : On parle beaucoup du tricentenaire de l’école de danse. Comment vivez -vous cet héritage ? Et comment vivez-vous l’héritage de Noureev ?

Ludmila Pagliero : Rudolf Noureev a laissé quelque chose de très grand pour le monde entier, pas seulement à Paris.

Josua Hoffalt : L’opéra ne se réduit pas à Rudolf Noureev. J’ai envie pour ma part, d’avoir notre époque, avec nos chorégraphes, nos créateurs.

Brigitte Lefèvre : C’est important d’équilibrer les propose. Je ne veux pas qu’on  enferme la génération actuelle dans ce qu’il y a pu avoir avant. Il faut garder de Rudolf la passion qu’il avait de la danse. C’est un héritage qu’il ne faut pas vivre comme un poids mais comme un élan et un choix. Ce n’est pas une obligation.

Ludmila Pagliero : Nous sommes des danseurs classiques et contemporains, dans notre corps et notre tête.

Josua Par Agathe Poupeney

Question du public : Quel conseil donneriez-vous à un jeune enfant qui voudrait faire de la danse ? Comment savoir si c’est une vocation ?

Josua Hoffalt : C’est sûr qu’il faut le physique, mais le mental est très important aussi. A 8 ans on est jeune, je ne sais pas si on peut déjà parler de vocation. Il faut s’armer, car c’est un métier très injuste.

Ludmila Pagliero : J’ai rencontré des petites filles parfois très déterminées. Il faut savoir que l’adolescence est un moment compliqué. Il faut avoir besoin de le vouloir. Il faut beaucoup de force pour ne pas souffrir.

Question du public : Ludmila, est-ce que cela fut difficile de se faire une place ? Vous sentez vous « attachée » à la maison ? Avez-vous l’intention de partir ?

Ludmila Pagliero : Cela a été difficile, mais pas simplement à l’Opéra. Je trouvais Paris difficile à vivre. J’ai eu des gros coup de blues. Je venais pour apprendre, ma place s’est faite petit à petit. Partie ? Si il n’y a pus rien à apprendre je partirais… mais aujourd’hui j’apprends et je ne m’ennuie pas à l’Opéra.

Brigitte Lefèvre : Un artiste est par définition libre.

Question du public : Avez-vous conscience d’être d’une génération différente ?

Josua Hoffalt : Oui bien sûr. Mais cela va vite, il y a déjà des plus jeunes, d’autres qui sont prêt plus tôt. C’est court en fait une génération.

Ludmila Pagliero : Il y a la responsabilité qui grandit avec le départ des générations précédentes. Mais on commence déjà à donner, à transmettre. On est en mouvement constant.

Week-end à Bruxelles 2 : La Traviata à la Monnaie

La deuxième journée à Bruxelles, pas de soleil ce matin. Le froid est glacial et si la ville a du charme, ses températures beaucoup moins. Réveil en douceur et balade dans le centre avec mes amis. On peut y voir le grand sapin électrique qui ne manque pas d’originalité. La nuit, c’est très joli. Admirez :

Sapin de Bruxelles

Après un petit tour dans le centre, direction le Théâtre de la Monnaie. L’experte ninja qu’est E*** me permet de me replacer au deuxième rang d’orchestre pour une vue imprenable sur ce spectacle fabuleux. J’ai adoré cette mise en scène, n’en déplaisent aux réactionnaires, qui m’ont gâché quelques instants avec leurs cris idiots.

01La traviata copyright Bernd Uhlig

Le premier acte s’ouvre sur un salon moderne. De grands fauteuils en cuir, du champagne, des rires, des hommes et des femmes aux regards sensuels, pas de doute la soirée semble être bonne. Derrière un grand store, on voit par transparence des femmes dans des cases. Elles sont dans des poses très sexys, très suggestives. Plastique parfaite, elles ressemblent à des poupées dans des vitrines. Elles sont prêtes à être consommées. Le ton est donné. Ce qui va différencier ces femmes et Violetta n’est pas grand chose. Si elle croit maîtriser son destin, parce qu’elle a la parole et le désir des hommes autour d’elle, elle sera elle aussi victime des décisions des hommes. Elle sera l’objet de l’amour d’Alfredo, l’objet du contrat de Germont, l’objet de désir et d’attention des fêtes parisiennes. Elle est incarnée par Simona Šaturová qui est d’une beauté débordante. Si sensuelle et féminine, j’ai adoré sa voix pure, suave et son jeu d’actrice. Alfredo en revanche ne m’a pas emballée d’un point de vue vocal. Son jeu, par contre, était très juste. Jeune, fougueux, il est presque raillé arrivant avec pour seul cadeau l’amour, pour une femme qui croule sous les diamants. C’était vraiment dommage, surtout au premier acte, car sa voix était étouffée sous l’orchestre. La partition fut magnifiquement interprétée, ce fut un vrai régal musical.

Quand l’orgie touche à sa fin, Alfredo peut enfin déclarer son amour infaillible à Violetta, qui est restée là, malade, crachant du sang de ses poumons. Annina, son amie, est la seule témoin, mais une témoin discrète plus préoccupée par son ivresse. Charmée par le discours, sans doute nouveau pour elle, de nouveaux sentiments naissent dans son coeur. Elle accepte de suivre son amant à la campagne. Changement de décor complet. Fini le vice, finie l’orgie, bonjour maison de campagne et camélias fleuris.

Au deuxième acte, l’histoire se corse. Le père d’Alfredo, le comte de Germont vient presser Violetta de quitter son fils. En effet, celui-ci doit marier sa fille et la réputation de Violetta nuit à cette alliance. La relation clandestine n’est pas du meilleur goût de son futur gendre. Par amour pour Alfredo, il lui faut donc le laisser. J’ai beaucoup aimé les échanges entre Violetta et le comte. La voix de Scott Hendrix a une belle épaisseur, symbolisant toute l’autorité d’un père.

La traviata

L’acte III est celui qui a crée la polémique et la stupeur des néo-réactionnaires. On est plongé au milieu d’une orgie. Un homme porte une enfant, puis la recouvre de chocolat. Des femmes se baladent en guêpières de velours, bas noirs, chaines autour du cou et masques blancs sur le visage. Qu’est-ce qui choque les spectateurs ? La violence ? Oui moi aussi, elle m’a remuée. Voir ces femmes utilisées comme des chaises ou comme des urinoirs, cela me retourne le ventre. Ici, c’est du théâtre, ce n’est pas la réalité. Or cela existe bel et bien dans la réalité. Andrea Breth a construit un pont entre les femmes de l’époque de Verdi et d’Alexandre Dumas à celles d’aujourd’hui. Les enfants sont exposés à la violence, les femmes la subissent, les hommes en jouissent. C’est sublimement mené, et le début de cet acte III est d’une intelligence rare, car il allie une esthétique théâtrale, belle et léchée à une violence qui vous remue les entrailles. Le chant des matadors arrive avec une grosse tête de taureau sanguinolente. Les voix sont superbes, tout est dit avec cette mise en scène. Ceux qui pensent que cela est un « scandale » comme ils disent, feraient bien de regarder la réalité du monde tel qu’il est. Ceci est du théâtre, cela signifie quelque chose, cela dit quelque chose du monde. Ce n’est pas cette mise en scène qui est choquante. Ce sont ceux qui ne la comprennent pas.

A l’acte IV, Violetta a sombré dans la déchéance. Elle a été délaissée par ses anciennes amitiés, seule Aninna est restée fidèle et fait quelques passes pour gagner quelques billets. Une prostituée fait le trottoir, une toxicomane se pique à quelques mètres de Violetta qui crache son sang dans sa couverture en plastique. Abandonnée de tous, elle n’a plus qu’à mourir là, dans la rue sombre. Alfredo arrive trop tard, maintenant qu’il sait la vérité. La mort de Violetta est tragique.

C’est un spectacle magnifique, qu’il ne faut pas manquer même en vidéo. Ne ratez pas cet opéra, qui m’a fait frissonner du début à la fin, par sa mise en scène, sa musique si joyeuse et entrainante tout du long, puis si tragique à la fin, et ses artistes tous fabuleux.

Affiche La Traviata

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Le Soir, La Traviata : aveuglement et ignorance, clic.

DIRECTION MUSICALE Ádám Fischer
Orchestre symphonique et chœurs du théâtre de la Monnaie
MISE EN SCÈNE Andrea Breth
DECORS Martin Zehetgruber
COSTUMES Moidele Bickel
DISTRIBUTION
Violetta Valéry: Simona Šaturová,
Flora Bervoix: Salomé Haller,
Annina: Carole Wilson,
Alfredo Germont: Sébastien Guèze,
Giorgio Germont: Scott Hendricks,
Gastone: Dietmar Kerschbaum
Barone Douphol: Till Fechner
Marchese d’Obigny: Jean-Luc Ballestra
Dottor Grenvil: Guillaume Antoine
Giuseppe: Gijs Van der Linden
Commissionario: Matthew Zadow
Domestico: Kris Belligh