Ana Laguna

Saison 15/16 au Théâtre des Champs-Elysées

Mercredi 8 avril, le TCE présente sa nouvelle saison. Une saison riche, avec des invités prestigieux et toujours des spectacles d’une grande qualité. C’est dès demain que vous pourrez vous y abonner. Le théâtre fait partie de ceux où l’abonnement réserve non seulement les meilleures places mais aussi des réductions avantageuses. Ainsi pour la danse, l’opéra et l’orchestre, vous pouvez bénéficier d’une réduction de 30% sur vos places dans la catégorie de votre choix. Regardez la saison et laissez-vous tenter.

Abonnements saison 15/16 TCE

 

Bien entendu je commence par la danse, même si ce n’est pas le coeur de la programmation. Cela étant dit, la danse tient une grande place au sein du théâtre. Elle a toujours été présente et le T.C.E. a toujours su faire preuve d’audace. L’exemple du Sacre du Printemps reste le meilleur.

  • Life in progress, Sylvie Guillem du 17 au 20 septembre 2015 

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Sylvie Guillem a choisi le Théâtre des Champs-Elysées pour faire ses adieux au public français. L’étoile atypique, unique, si singulière, va présenter un programme avec quatre pièces : une nouvelle création (un solo) d’Akram Khan, Duo de William Forsythe, une pièce de 1996 qu’elle dansera avec deux danseurs de The Forsythe Company, Brigel Gjoka et Riley Watts, une création de Russel Maliphant qu’elle dansera avec Emanula Montanari (Ballet de La Scala) et la pièce de circonstance, Bye de Mats Ek, un solo de 2011. Quatre dates pour voir ce mythe faire sa révérence. A ne pas manquer.

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  • Mirror and Music, Saburo Teshigawara du 6 au 8 novembre 2015 

Vu pour la première fois à Chaillot, j’avais été fascinée par l’univers de ce chorégraphe. Le T.C.E. continue de lui faire confiance après le somptueux Solaris. Teshigarawa est un prodige qui signe chorégraphie, scénographie, choix musicaux, et costumes. Si l’art cinétique vous touche, il ne faut pas manquer cette pièce.

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« Mon premier travail n’est pas de fixer ces corps dans une structure chorégraphique mais de les guider et de laisser le mouvement jaillir » aime à expliquer le chorégraphe japonais. Ce qui le motive est de trouver un sens
au mouvement, développer un vocabulaire qui lui est propre et l’offrir à ses interprètes pour qu’ils s’en emparent à leur tour. Sous ses airs silencieux, Saburo Teshigawara est un artiste du don, de l’échange. Mais c’est aussi un homme-orchestre qui aime à s’immerger dans les tous les domaines de ses spectacles. Chorégraphe avant tout, il se fait aussi volontiers metteur en scène, homme de lumières et de costumes et même librettiste comme ce fut le cas pour l’aventure de la création de l’opéra Solaris de son compatriote Dai Fujikura. Toujours et sans cesse, cette volonté d’explorer la danse comme un champ vierge ouvert à tous les possibles.

  • From black to blue, Mats Ek du 6 au 10 janvier 2016 

Un beau programme, lui aussi produit par Transcendanses. Trois pièces, avec la venue du Semperoper Ballet de Dresde qu’on a vu cette saison, éblouissant le Festival d’Automne (clic). On verra donc  She was black (1994) avec les danseurs du Semperoper Ballet Dresden, Solo for two (1996) dansé par Dorothée Delabie et Oscar Salomonsson et Hâche (2015) dansé par Ana Laguna et Yvan Auzely.

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  •  Para ll-èles, Nicolas Le Riche / Clairemarie Osta du 11 au 13 mars 2016 

« Il ne peut y avoir aucun espace entièrement vide » (Descartes)
Au travers d’un voyage allégorique, Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta nous parlent des liens qui nous unissent dans l’espace qui nous sépare. Para-ll-èles est ainsi une poésie dansée à deux, seul(s)… ensemble.

Nicolas Le Riche poursuit son aventure hors Opéra de Paris. La saison passée, il avait présenté un soirée Carte Blanche au TCE, le voilà qui revient en duo avec sa femme, l’étoile Clairemarie Osta pour une nouvelle création, sur une musique de Nils Peter Molvaer. A découvrir.

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  • Déesses et Démones, Blanca Li / Marie-Agnès Gillot du 22 décembre 2015 au 3 janvier 2016.

Il y a quelques mois, on les voyait toutes deux bras dessus, bras dessous, bien entourées par Jean-Paul Gautier, à l’occasion d’une soirée caritative. De cette rencontre est né un projet, où vont se mêler les univers de ces deux femmes, qui ont chacune une place particulière dans leur art.

 

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Déesses et Démones, ou la rencontre de deux étoiles de la danse pour une création « mythologique ». Comme au temps des dieux grecs, elles s’allient et s’affrontent, se transforment en démones ou en divinités bienfaisantes pour changer le destin des humains, semant autour d’elles force, joie et énergie. Ces deux femmes qui dansent sont-elles les deux faces de la même médaille ? Elles manient le chaud et le froid, elles sont le chaos et l’harmonie. Ces deux forces de la nature, virtuoses et sensibles, déesses et démones sont à la fois semblables et dissemblables.

Pour Blanca Li, la chorégraphe inclassable, et Marie-Agnès Gillot, la danseuse étoile atypique du Ballet de l’Opéra de Paris, il s’agit d’une opportunité exceptionnelle d’explorer ensemble leurs personnalités intimes. Malgré leurs parcours différents, elles se retrouvent ici en jumelles, tant dans l’harmonie que dans la violence. Elles affirment leurs différences et leurs ressemblances. Différentes et égales à la fois, avec une gestique très lyrique et puissante, elles évoquent la force des figures mythologiques et totémiques.

  • Irina Kolesnikova, Saint-Pétersbourg Ballet Théâtre du 25 au 28 février 2016

Voilà une compagnie habituée au T.C.E chez qui elle élit domicile tous les ans. La compagnie vient avec Le Lac des cygnes, Don Quichotte et Casse-Noisette. La star de la compagnie, Irina Kolenikova est la raison pour laquelle on se déplace voir la compagnie. Pour ce qui est du corps de ballet on repassera.

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  • Orphée, Studio 3 du 15 au 17 juin 2016 

Après avoir revisité la vie de Maria Callas la saison dernière et plus récemment le parcours de la grande chorégraphe américaine Martha Graham, la compagnie de danse brésilienne Studio 3 explore le mythe d’Orphée. Les enfers prennent ici les formes du chaos urbain et des ombres nocturnes de la grande métropole de São Paolo. Mythe antique ou réalité moderne ? Fondamentalement universel quoi qu’il en soit.

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Voilà pour la saison Danse. On notera l’absence du traditionnel Gala des étoiles du XXIe siècle. La précédente édition avait pourtant été une belle soirée.

OPERA MIS EN SCENE

Haendel, Theodora, mise en scène de Stephen Langridge, du 10 au 20 octobre 2015
Bellini, Norma, mise en scène de Stéphane Braunschweig, du 8 au 20 décembre 2015 (4 dates)
Mozart, Mithridate, mise en scène de Clément Hervieu-Léger du 11 au 20 février 2016 (5 dates)
Ravel, L’Enfant et les sortilèges, mise en scène de Gaël Darchen 19 et 30 mars 2016
Wagner Tristan et Isolde, mise en scène de Pierre Audi du 12 au 24 mai 2016 (5 dates)
Rossini, L’Italienne à Alger mise en scène de Christian Schiaretti, 8 et 10 juin 2016

OPERA EN CONCERT ORATORIO

Weber Le Freischütz
Mozart L’Enlèvement au sérail
Strauss Ariane à Naxos
Puccini Messa di Gloria
Rossini Zelmire
Haendel Partenope
Haendel Rinaldo
Haydn Les Sept Dernières Paroles du Christ en croix
Bach Passion selon Saint Jean
Lully Persée
Massenet Werther
Bellini La Somnambule
Bach Magnificat
Scarlatti Oratorio pour la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ
Donizetti Lucia di Lammermoor
Spontini Olympie
Pergolèse Stabat Mater 

Les textes en italique sont extraits de la brochure de la saison du T.C.E.

Convergences autour de La Maison de Bernarda

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Entre une dernière répétition et un spectacle, je suis allée pendant ce week end ensoleillé à l’amphi Bastille assister à une répétition absolument passionnante. Ana Laguna mène la danse, elle qui est si proche de Mats Ek puisqu’elle est sa femme. Elle fait répéter José Martinez, pour qui c’est une prise de rôle, Ludmila Pagliero qui danse le rôle de la soeur aînée et Charlotte Ranson qui reprend son rôle de la jeune soeur.

Ana Laguna a demandé à tous les danseurs de relire la pièce de Frederico Garcia Lorca. Je l’ai moi même relue et on peut dire que l’ambiance est bien glauque. Rien qu’en lisant la pièce, on transpire par la chaleur, ce huis-clos vous oppresse, cette femme Bernarda Alba semble vous crier dessus. Il faut lire impérativement la pièce si on veut y comprendre quelque chose. Je n’aime pas dire cela car j’aime l’idée qu’on puisse aller voir de la danse et juste apprécier car c’est du spectacle vivant. Chacun aura son ressenti. Là, la pièce est tellement forte, le texte va éclairer chaque pas. C’est ce que Ana Laguna va faire tout au long de la répétition, donner du sens à chaque mouvement, mettre des mots, décrypter le langage de Mats Ek, qui peut parfois sembler opaque à certains. En faisant relire la pièce aux danseurs, Ana Laguna a voulu qu’ils comprennent pourquoi Mats Ek a fait cette pièce. Il y a beaucoup de problématiques dans ce texte, la situation des femmes, la question de la place de la religion. Souvenir d’une Espagne ancienne mais dont les questions sont souvent actuelles.

On commence par voir la répétition de la première scène. Le père de la famille vient de mourir. Il faut porter le deuil, cela signifie rester enfermé pendant huit ans. L’expression « huis-clos » n’a jamais aussi bien portée son nom ! (L’origine de l’expression ne vient cependant pas de cela..). La mère est devant la tombe. Dans la pièce de Mats Ek, le rôle de Bernarda est joué par un homme. Cette femme est frustrée de la mort de cet homme car il l’abandonne avec 5 filles sur les bras. La jeune soeur est frustrée, car elle a d’autres choses en tête comme rencontrer un homme. Et elle a un homme en tête. La jeune a besoin de vivre. Elle veut partir avec l’homme qui doit épouser la vieille soeur.

Les corrections qu’apportent Ana Laguna aux trois danseurs sont d’abord des émotions à développer ou à atténuer. Elle leur dit toujours, il faut plus de ça, elle leur raconte une histoire, elle fait parler les personnages en même temps qu’ils dansent et c’est souvent très intense. Elle nous fait rire quand elle mélange son français avec de l’anglais, de l’espagnol ou même du suédois. Les « oh shit ! my mother ! » me donne un large sourire. Charlotte Ranson est absolument exquise dans ce rôle. C’est une danseuse que j’apprécie particulièrement. Les trois danseurs étaient merveilleux aujourd’hui. Technique impeccable et ils se plongeaient dans les personnages à une vitesse folle. Je suis très impressionnée par Ludmila Pagliero. Son regard se transforme à la vue de
sa mère, de la dot, de l’homme qu’elle doit épouser.

La deuxième scène qui est répétée est celle d’une autre rébellion de la jeune soeur. Elle décide de mettre une robe de couleur (verte dans la pièce de théâtre), car elle n’en peut plus de porter le deuil. Les autres soeurs sont heureuses dans un premier temps, car elle a la fougue de la jeunesse et donc le courage de couper ce deuil trop long. En même temps ou peu après elles sont jalouses de cette jeune soeur qui elle au moins a le courage de se rebeller. La scène qui suit est donc forcément la punition qui va être infligée à cette fille qui n’obéit pas. Plusieurs fois dans la pièce Bernarda répète cette phrase qu’une fille qui n’obéit pas devient une ennemie. Une fois encore Ana Laguna donne du sens à chaque geste. Rien n’est laissé au hasard.

La dernière scène répétée est celle ou Bernarda se retrouve seule et ouvre le placard où se trouve le Christ. Elle va danser avec cette « poupée » dans laquelle elle place ses espoirs, ses doutes, ses désirs et ses frustrations. José Martinez manie l’objet à merveille. Ana Laguna propose au public de venir essayer de danser avec ce Christ aux bras tordus. Personne n’ose franchir la barrière qui sépare danseurs et spectateurs même si le bonheur de cet amphithéâtre c’est d’être si proche des artistes pour mieux appréhender leur travail. Brigitte Lefèvre interrompt la répétition car je pense qu’Ana Laguna aurait pu continuer des heures son travail minutieux. Elle propose au public de venir regarder les documents qu’elle a apportés. Parmi ces derniers, la pièce de Lorca, le livret du ballet, des peintures de Goya. Répétition passionnante qui me donne très envie de voir cette soirée pour laquelle bizarrement je n’ai pas de places.. je vais y remédier.

 

La maison de Bernarda du 20 au 29 avril à l’Opéra Garnier.

Ballet en un Acte
D’après la pièce de Federico Garcia Lorca

Johann Sebastian Bach Musique
et musiques traditionnelles espagnoles
Mats Ek Chorégraphie
Marie-Louise Ekman Décors et costumes
Jörgen Jansson Lumières

 

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