On me demande souvent pourquoi je ne parle jamais d’opéra. Quand je dis à des proches ou à de nouvelles rencontres que je vais à l’Opéra, on se met à me parler de chant. Je réponds
que je vais voir de la danse, l’interlocuteur est déçu (quoi la danse ? Cet art mineur, qui ressemble à de la gymnastique sur de la musique ?). Pendant mes études de philosophie, dans
les copies de philo de l’art, je prenais souvent mes exemples dans la danse. C’était quitte ou double. Ou cela plaisait, ou on me disait que la danse n’était pas un art reconnu par les sages (ils
avaient du en omettre quelques-uns tout de même…). Je ne prétends pas en connaître un rayon sur la danse, dans ce blog, je ne vous transmets que quelques impressions, quelques émotions que j’ai
pu ressentir. C’est un partage bien rendu, car grâce à ce blog j’ai fait de fabuleuses rencontres. Je pense entre autres aux bloggeurs-euses, avec qui je partage toujours de bons moments. Je
pense aussi aux passionnés que j’ai rencontrés ça et là. Ce qui est sûr, c’est que je ne connais rien à l’opéra. Je n’y suis pas beaucoup allé ces dernières années, à cause du prix, souvent trop
élevé pour mon portefeuille pour découvrir ces œuvres. Voilà pourquoi je ne parle pas d’opéra. On ne peut pas tout faire dans la vie, surtout moi. Depuis le début de l’année, de gentils petits
rats m’ont offert l’opportunité de découvrir plusieurs opéras. Je suis donc allée voir successivement Salomé, La Clémence de Titus, Faust, et Tannhaüser. Je vais tout de même
essayer d’en parler un peu.
J’écoute principalement de la musique classique chez moi, dont des opéras. Je connais donc la plupart des airs chantés dans ces œuvres. En fait, il y a quelque chose que je n’aime pas dans
l’opéra, c’est la longueur de l’action. Il y a des œuvres où cela n’en finit pas. Amatrice de théâtre, j’ai du mal avec les actions lentes. Au théâtre, la parole est acte et fait avancer
l’action. Dans l’opéra, cela dure, cela dure. Quand c’est dans ma chaîne hi-fi cela ne me dérange pas, mais sur scène, j’ai tendance à m’ennuyer vite, surtout quand il ne se passe rien dans la
scénographie.
Dans La Clémence de Titus, j’ai complètement été emportée dans l’action. La musique de Mozart me touche beaucoup, elle est facile d’accès, et l’italien résonne tout de suite dans
les cœurs. La scénographie est magnifique, à la fois épurée et imposante. Le bloc de pierre qui se dénude pour laisser place à la statue de Titus est un formidable fil rouge, sur laquelle la
métaphore du pouvoir se dessine peu à peu. Les chanteurs font un vrai travail de comédiens, avec une mise en scène finement réglée.
A contrario c’est ce qui m’a profondément déplu dans Salomé. La musique récitative s’accompagne d’une mise en scène très stagnante. J’ai eu l’impression que les chanteurs étaient
plantés là, au milieu d’un décor qu’ils n’utilisaient pas. Si le rideau s’ouvre sur ce faste intérieur, on reste dedans et je me suis sentie presque coincée dans une histoire qui avait des
longueurs. La pièce n’est pourtant pas longue. La danse des voiles est pour moi, le passage le moins réussi. D’un coup, la chanteuse se met à danser maladroitement et la crédibilité se perd. Je
crois que j’aurais aimé voir cet opéra en version concert, je suis sûre que j’aurais été plus emballée.
Beaucoup de spectateurs déçus ont vu Faust en version concert, ce ne fut pas mon cas. Si vous avez suivi la saga Alagna dans les journaux, on peut dire que ce Faust fut un
fiasco. Représentations annulées pour cause de grève, conflits avec le ténor italien, changement de chef d’orchestre, la presse en a beaucoup parlé. Dans cet opéra on peut dire qu’ils n’ont pas
lésiné sur la scénographie. SI le décor de départ m’a beaucoup plu, la suite fut kitsch et assez vaine pour l’avancée de l’action. Tous les effets possibles et imaginables sont utilisés, trop. De
la transformation de Faust comme un bioman (ce qui nous avait donné un bon fou rire avec Mimy), au squelette géant de la kermesse, en passant par un jardin jungle de Marguerite, la mise en scène
étouffe l’action. On se perd, et on finit vite par décrocher. Si les chants sont superbes avec ces grands airs célèbres qui se succèdent, le trop plein de fioritures finit par écraser la
partition.
La partition est bien servie dans Tannhäuser. La musique est magnifique, chantée par des voix qui m’ont donné plus d’une fois des frissons. Dans la mise en scène proposée, Tannhäuser est un
artiste qui va participer à un concours après avoir vécu dans le Vénusberg. Son style va choquer les autres artistes et amateurs d’art. J’ai adoré cet opéra. La mise en scène est superbe, du
début à la fin. Les tableaux retournés pendant tout l’opéra éveillent votre curiosité, comme si le sublime était in-visible. Les lumières jouent avec les contrastes en permanence, pour offrir un
spectacle aux lignes définies. De même que dans Titus, il y a ici un vrai travail de mise en scène, chaque chanteur est profondément imprégné par son personnage et c’est précisément cela
qui me touche.
Je n’ai pas eu l’occasion de voir Lulu. J’aurais beaucoup aimé découvrir l’œuvre en Opéra. J’adore la pièce de Wedekind et j’étais curieuse de découvrir ce que ça donnait en Opéra.
Le petit rat s’est pris des vacances bien reposantes en Bretagne et en Bourgogne. Comme je vous le disais, on ne peut pas tout faire, il faut savoir s’aménager du temps. Ceci dit Lulu
passe sur France musique en direct samedi soir. Je serai à Versailles pour voir Marie-Antoinette, mais je ne manquerai pas de le podcaster.
L’opéra c’est donc sympa, mais je lui préfère encore la danse et le théâtre qui me font vingt fois plus vibrer. Je trouve cela aussi aprfois moins accessible à tous points de vue. Je suis
persévérante, donc je poursuivrais ces découvertes.
Et c’est tout à fait ce que les gens adorent dans l’opéra (à l’exception des mélomanes qui tombent amoureux de la musique de Strauss et de Salomé, brrrrrr), la théatralité de l’oeuvre qui s’allie
avec la musique! Et ce qu on trouve également dans la danse! Tannhauser était une merveille car tout y était poétique et réussi! Certaines oeuvres réussissent d’ailleurs à mélanger danse et opéra
comme cela se faisait avant, un petit apercu avec l’Orphée et Eurydice de Bausch? Opéra et danse viennent d’horizons très different mais se retrouvent dans le lyrisme et la beauté!
ce commentaire vous paraîtra un peu hors-sujet, ne m’en voulez pas…
c’est à propos des philosophes… évidemment! pourquoi ne parlent-ils pas de la danse? d’abord ils en parlent – « ils », ce sont les Anciens (l’antiquité), Platon et Aristote surtout, parce que les
grecs sont les inventeurs de la scène bien sûr (le théâtre!) et parce que leurs arts n’étaient jamais déracinés du rituel, du religieux – donc la danse faisait partie intégrante de leur vie.
Après l’antiquité grecque, ils n’en parlent pour ainsi dire jamais. Pourquoi? je pense pour deux raisons :
d’une part une raison historique, qui fait que la danse n’est alors pas constituée comme art. Elle se constitue comme art, vraiment avec Louis XIV et c’est à ce moment que les philosohes (je
pense à la critique de la faculté de juger de Kant, mais surtout à tous ceux qui cherchent une écriture chorégraphique) commencent à la regarder comme un objet constitué. Mais ça
reste très rare, c’est vrai. Je crois que c’est parce qu’elle est alors avant tout un objet politique, plus qu’esthétique. La danse, comme objet, est, sous l’ancien régime, aristocratique, danse
de cour où on montre son rang.
Est-ce à dire qu’on ne danse pas sous l’ancien régime? ce serait absurde, tous les hommes dansent. Mais justement (c’est ma deuxième raison), elle n’est pas un objet philosophique (à la
différence de la peinture et de la musique) parce que tous les hommes dansent – alors que tous les hommes ne peignent pas… c’est un art soit aristocratique, soit populaire – donc on ne
la voit pas, elle est trop répandue, tout le monde danse, comme tout le monde mange, dort, fête etc. ; soit elle est trop politique.
Ce n’est qu’au 19ème qu’on commencera d’en faire un objet d’étude esthétique – pourquoi au 19ème? à cause du romantisme! la danse ne pouvait devenir un objet artistique (cad un art de
spécialistes, non plus un fait populaire) qu’avec le romantisme. Je ne crois pas que ce soit le lieu de dire pourquoi (peut-être en ferais-je un billet!)… Alors les auteurs ont commencé d’en
parler : Théophile, bien sûr (Gautier!), Mallarmé, Baudelaire – bref les romantiques ; puis Valéry, Bergson (à cause du rapport entre temps et mouvement bien entendu), mais la passion romantique
pour la ballerine était passée…
Aujourd’hui ce sont les phénoménologues qui s’y intéressent. Je ne peux pas vous conter pourquoi ni comment dans un commentaire de blog… mais c’est important ce qui se passe autour de la danse.
Souvent c’est mal fait (c’est gonflé de dire ça!), c’est pompeux et prétentieux – bref les défauts des nouveaux intellos. Mais il se joue un truc important, là. Je vous en reparlerai quand ce
sera plus clair dans les esprits, car ce n’est qu’un début et ça tatonne…
Pardon pour ce long long commentaire… pénible et peu ordonné! mais je tenais à l’écrire!
Pendant super longtemps je me suis dit que l’Opéra c’était pas pour moi, que j’étais complètement hermétique. Mais finalement depuis un moment je commence à me dire que j’aimerai bien « essayer ».
Bref, quelque chose d’accessible à conseiller pour cette saison ?
Je fais le chemin inverse du v^otre ! persévérez dans l’opéra comme moi je persévère dans la danse où j’ai beacoup de mal à comprendre les arguments !