On ne s’ennuie jamais quand on va voir une performance de Montalvo Hervieu, on en ressort toujours avec le sourire. Le duo de chorégraphes a décidé de s’attaquer à un sacré morceau en mettant en
scène le mythe d’Orphée. Quelles questions se pose t-on quand on veut mettre en scène Orphée en 2010? Qu’est ce qu’on veut donner à voir quand on monte Orphée? Montalvo-Hervieu ont trouvé
une voie intéressante. Ils ont suivi la trame de l’histoire, avec un Orphée unijambiste. Ce qui est très touchant c’est ce danseur unijambiste qui va incarner le mythe d’Orphée à travers sa
propre histoire. Je ne connais pas le parcours de Brahem Aïache, je ne sais pas comment il est venu à la danse, d’où vient son handicap. Ce qui ressort de cette pièce c’est une lecture complexe
sur de nombreux plans. L’histoire d’Orphée est racontée à travers le montage vidéo toujours aussi beau par ailleurs et l’histoire de ce danseur.
Ce jeune danseur est dans la même quête qu’Orphée. Il n’y a pas de limite entre le handicap et la danse, de même qu’il n’y en a pas en amour. Orphée est prêt à surmonter les épreuves pour
retrouver son Eurydice, à travers la mort, puisque l’amour est plus fort que tout. Or il échoue. l’amour n’est il pas plus fort que la mort? Ne survit il pas à la mort? Orphée s’enferme dans son
monde musical par chagrin. Il ne reverra Eurydice que lorsqu’il sera mort. Or dans la version que nous proposent Montalvo-Hervieu, Orphée n’est pas mis en échec. C’est justement grâce à l’amour
de la danse qu’il peut être là devant nous. « Il faut l’amour de la danse pour tenir bon, elle ne vous donne rien en retour » disait Merce Cunningham. C’est l’amour de la danse qui lui permet de
surmonter les épreuves que la vie lui a imposées. Tout en s’éloignant de la fin tragique du mythe, les deux chorégraphes en font cette lecture contemporaine qui me parait très intéressante et qui
est à creuser.
Côté chorégraphie, c’est là que le bas blesse. Les chorégraphies de groupe sont mal réglées et peu recherchées. Les mouvements sont grotesques et mal assimilés par les danseurs. La troupe a été
renouvelée et rajeunie, il leur faut du temps pour se régler entre eux et s’imprégner du style de leurs deux chorégraphes. J’ai par contre adoré le duo entre Orphée et un autre danseur (Booba je
crois), le danseur le porte, les portés sont magnifiques, ils dansent à trois jambes. La chorégraphie est très belle, très travaillée pour le coup. J’ai aussi adoré les passages avec le danseur
sur échasses. Comme vous pouvez le voir sur les photos, il y a désormais dans la troupe un jeune équipé d’échasses qui sont montées sur ressort. La problématique du corps et de l’accessoire
continue de se poser avec lui. En effet comment danser avec des échasses, comment danser avec les autres? Là aussi de très belles trouvailles, l’échassier fait voler les danseuses
classiques de la compagnie, lance des défis à Orphée et écrit un véritable dialogue avec lui. C’est dans cet échange sur les corps que la chorégraphie devient intéressante. Chaque danseur dans sa
particularité doit gérer son corps dans la chorégraphie qui lui est imposée mais surtout dans son rapport avec le corps des autres. Ce n’est donc plus avec la musique qu’Orphée va charmer les
« habitants de la forêt » (ici ce sont des citadins parisiens comme nous le montre la vidéo), mais avec son corps, ce corps si différent qui surprend tant au début du ballet. Le public comme ses
partenaires se laisse charmer par ce corps qui devient de plus en plus fluide, qui se fond dans le langage de la danse.
Le spectacle continue jusqu’au 19 juin, cela vaut le coup d’y aller on passe une très belle soirée, on en ressort avec le sourire quoiqu’il arrive (en plus les places ne sont pas chères).
Si le thème vous intéresse, n’hésitez pas à voir aussi l’Orphée
et Eurydice de Pina Bausch.
Lien Théâtre de Chaillot
L’article du Monde La danse avec des béquilles
L’article de La Croix Montalvo Hervieu se quittent sur un Orphée festif
L’article des Echos Orphée et gestes
- Extrait du spectacle
