© Anne Deniau
N’ayant pas pu me rendre à Suresnes mardi (eh oh je bosse des fois!) j’y suis allée jeudi soir. C’est très bien organisé, il y a une navette qui part des Champs Elysées qui nous dépose et nous ramène après la représentation. Je dis ça pour ceux qui seraient effrayés à l’idée d’aller en banlieue ! J’ai passé une excellente soirée, je suis partie fatiguée et je suis rentrée chez moi avec le sourire jusqu’aux oreilles. Voilà du spectacle vivant !
©Agathe Poupeney/Fedephoto
La première pièce de Misook Seo, danseuse et chorégraphe coréenne, Contrastes joue avec la lumière.
Trois hommes sont sur scène, habillés de t-shirts blancs, pantalons noirs et lumières noire. Je suis assise au premier rang avec E*** et il n’y a pas de scène à proprement parlé. Les danseurs sont là à un mètre de nous. Ils cherchent quelque chose du regard et trouvent deux cordes. Les cordes vont devenir une partie de leur propre corps, à tour de rôle. Elle sont un prolongement tantôt d’un bras, tantôt d’une jambe ou de la colonne vertébrale.
A aucun moment, on ne sent un effort, ils volent et dansent avec ces cordes. Entre eux, il y a une forte complicité. Il passe une fluide, une énergie, comme une douce décharge électrique qui les conduit ou non à monter sur les cordes. Leur aisance me fait penser à la dextérité des doigts sur un piano. La musique se termine et l’ambiance qui suit est tout autre (contrastes!). Côté musique Björk, côté lumière, quelque chose de plus chaud. Sur la scène un danseur torse nu, qui va lui aussi voler sur ces cordes. Il est très vite rejoint par une jeune femme, en redingote et à roller. L’idée est géniale. Il dansent ensemble, il la porte, les lignes se dessinent, entre son arabesque à elle, elle glisse sur le sol et lui tourne en arabesque suspendu aux cordes. Ils occupent l’espace sur une même énergie, l’un en l’air, l’autre à terre. Les impulsions sont initiées par les cordes ou les rollers. C’est de toute beauté et je suis émerveillée.
© Agathe Poupeney/Fedephoto
Cette petite introduction charmante laisse place à quatre danseurs, en costumes noirs avec des chemises de couleur. Ils dansent ensemble, avec un langage plus hip-hop que dans la première partie. Ils sont tous les quatre très talentueux, et s’harmonisent bien. On retrouve encore cette idée du fluide, d’une énergie qui se transmet mais je trouve que là il manque quelque chose. La danse délaisse un peu les personnages et il manque de la gaieté comme on peut en trouver chez Mourad Merzouki ou chez Montalvo-Hervieu. Le fluide se transforme parfois en objet, ce qui provoque beaucoup de nuances. Parmi les danseurs, je suis complètement séduite par celui qui a la chemise rose, qui dégage un charisme incroyable et qu’il danse avec grandeur.
© Agathe Poupeney/Fedephoto
On entre ensuite dans une ambiance clairement Kusturica, les hommes enlèvent leurs vestes. La jeune femme revient en robe de soirée. Les hommes sont séduits, ils affichent à présent un grand sourire, c’est une vraie fête. La danseuse séduit les hommes tour à tour, puis les rejette, les portés sont superbes. Après les avoir tous mis à l’écart, elle se retrouve seule avec sa longue robe d’or pour un solo que j’ai adoré. La jeune danseuse a de nombreuses qualités, que ce soit dans les lignes, les courbes, les figures hip-hop, elle est douée et dégage quelque chose de très fort. Le drapé du tissu se pose sur ses muscles en soulignant son corps et ses mouvements. La guitare de la musique accompagne en douceur cette balade dans l’espace.
Les quatre hommes reviennent et font fuir la jeune femme qui était bien à l’aise dans cet espace pour elle toute seule. Allez hop retour de l’ambiance Kusturica avec la bande son de Chat Noir Chat blanc, ce qui me fait encore sourire (j’adore ce film). Les figures sont toujours plus impressionnantes, tout en gardant une élégance et une chorégraphie, elles se dessinent dans un huit rectiligne. La diagonale permet encore la passation d’un énergie, qui va s’arrêter avec une projection vidéo sur l’écran. Les hommes se déshabillent, laissent leur t-shirts sur la tête. L’ambiance devient oppressante, l’écran, sur lequel se déploient des tâches qui se forment et se déforment, les attire et plonge la salle dans le noir. Bravo !
© Le petit rat
Contrastes de Missok Seo
Avec : Si’mhamed Benhalima, Mathieu Bord, Erwan Godard, Kevin Mischel, Marie-Laure Raveau.
Lumières : Fred Millot
Costumes : Jérômes Kaplan, réalisés par Patricia Faget
Musique : Björk, Ludwig van Beethoven, Goran Bregovic, Dejan Sparavalo/Vojislav Aralica/Dr Nelle Karajlic/ Pink Evolution, Misook Seo, Ahn Trio.
A l’entracte, petite pause sucrée, l’ambiance est sympathique, bon enfant. Les photos dans le hall sont très belles, on voit Misook Seo au travail avec ses danseurs, de même que Jérémie Bélingard.
© Le petit rat
Retour dans la salle, toujours au premier rang, me voilà bien concentrée pour voir la création tant attendue de Jérémiiiiiie oups Jérémie Bélingard. Comme très souvent, je me suis retenue de lire les articles et blogs au sujet de Bye Bye Vénus. Je voulais que ce soit une vraie découverte. Et ce le fut. Ce qu’il faut dire, c’est que jamais Bélingard ne laisse de repos au spectateur. Tout l’espace est occupé par sa chorégraphie. C’est tellement riche de mouvement, d’expression et de sens, que jamais on ne s’ennuie. C’est comme lui, c’est fou, c’est drôle et c’est beau (si ça ce n’est pas une déclaration, je ne m’y connais pas!). En guise de décor, il choisit des ballons blancs lumineux suspendus côté cour. Un couple entre, l’homme en salopette, la jeune femme, avec un large t-shirt et des épaulettes. Je pense tout de suite au Jeune homme et la mort. La jeune femme le délaisse et le garçon regarde sa montre. Le temps s’accélère, quelque chose est proche et cela l’emporte dans une frénésie. Un cercle lumineux se forme au sol, il joue beaucoup sur cette forme pendant tout le spectacle puisqu’elle sera ensuite projetée au mur. Il danse dans cette forme, en soulignant ses contours, en remplissant une planète vide. Il y met du sens, beaucoup de richesse, les mouvements sont tellement différents les uns des autres, les appuis changent tout le temps, rien ne se répète, tout s’accélère. Et tout disparaît. C’est par la coulisse que vient à reculons, une femme sous un voile blanc, avec un souffle qui donne du mouvement à ce tissu.
© Agathe Poupeney/Fedephoto
La danseuse Lara Carvalho dégage une énergie, une rage bien à elle, très énergique. Ce qui est fort, c’est que Bélingard a donné quelque chose de lui à chacun. Sa folie a déteint sur son groupe de danseur. Il joue sur ce vent lunaire, qui souffle sur le voile. On retrouve cette ambiance lunaire, avec le rond de lumière projeté au mur. Les deux danseuses vont s’amuser à produire des ombres sur ce décor de nuit. Pensée pour Kaguyahime, car on retrouve des pas en pesanteur dans les déplacements des danseuses. Et si on jouait avec les clichés de la danse classique? Là encore des bras moqueurs me font penser à une caricature du Lac, mais c’est éphémère, tout dans ce ballet va très vite, comme un souffle de mer sur le visage.
© Agathe Poupeney/ Fédéphoto
Un brin d’humour nous fait redescendre sur terre avec un gâteau d’anniversaire et des bougies bien étranges. C’est une fête, explosion de sauts et de figures. Un brin de folie, le public rit, il est conquis.
Le passage que j’ai le plus aimé est un duo entre Fredd Goma, danseur à la peau ébène et Johanna Faye. Le couple est sous une lumière surexposée qui en fait des ombres, tantôt fines, tantôt épaisses dans l’espace. Lui est absolument génial, il a une technique parfaite et une personnalité qui ressort avec élégance. Tous ses mouvements sont d’une précision exemplaire, et il creuse en permanence l’espace. J’aime beaucoup, et vous avez du le remarquer, j’en parle tout le temps, quand les danseurs contemporains, me montre que l’air existe que c’est une matière avec laquelle on travaille, qu’on le brasse, qu’on y résiste, qu’on se bat avec lui corps à corps. Les cheveux longs de Lara Carvahlo jouait aussi avec l’air en ce sens. Le duo black&white traverse l’espace par la diagonale, ils s’attirent, sans pouvoir se donner un amour complet, comme si le désir devait rester insatisfait. L’amour reste suspendu et ne pourra jamais se réaliser.
La fin du ballet est une explosion de mouvements dans laquelle s’échappent tous les langages de la danse. La lumière s’éteint mais moi j’en aurais voulu encore un peu. Hâte de voir la suite Monsieur Bélingard.
© Le petit rat
Bye, Bye Vénus de Jérémie Bélingard
Avec : Lara Carvalho, Virgile Dagneaux, Guillaume Dechambenoit, Johanna Faye,
Fredd Goma
Scénographie : Constance Guisset
Lumières : Fred Millot
Costumes : Martin Margiela
Assistant à la chorégraphie : Aurélien Houette (sujet de l’Opéra de Paris)
Musiques : Cartola, The cinamatic orchestra, Ben Harper/The Blind Boys of Alabama, Radiohead, Jimi Hendrix, Aram Khachaturian.
© Le petit rat
Reportage sur France 3, tout le début est la chorégraphie de Misook Séo.
La presse adore !
La journaliste de Libération Marie-Christine Vernay écrit sur son blog Confidanses « Le danseur étoile Jérémie Bélingard révèle le hip hop à Suresnes« .
L’article de l’Express « Jérémie Bélingard et Misook Seo à Suresnes » par Laurence
Liban (sur son blog)
Une réflexion au sujet de “Contrastes, Bye Bye Vénus et le charme de Bélingard”