Répétitions

Séance de travail Robbins/Mats Ek

 

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© Anne Deniau

 

  Quelle belle semaine ! Après déjà deux Bayadères, une nomination, voilà la séance de travail Mats Ek / Jerôme Robbins. Avec les
jours qui ont vraiment allongés, je ne peux que retrouver le sourire. Celui ci s’efface peu à peu devant une flopée de scolaires (14 ans) dans les couloirs de Garnier. On a toujours de
l’appréhension de se voir le spectacle gâché par des rires idiots, des bavardages ou pire. Cela n’a pas manqué. Ce n’était pas horrible, mais suffisamment pour me déranger et qu’un « grrrrrr »
résonne dan ma tête.

 

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© Laurent Phillipe

 

Après coup, j’ai réfléchi en me mettant à leur place. Façon de parler, car, je ne suis pas à leur place. Mes parents rongeurs sans pour autant m’emmener au théâtre, à l’opéra ou au concert, m’ont
toujours appris à être curieuse. Les études aidant, les merveilleux professeurs que j’ai rencontrés (pensée particulière à Mme Noury ou M. Jambet) ont continué d’éveiller ma curiosité et d’ouvrir
mon oeil à de nouvelles choses. On accepte alors des langages nouveaux, des modes d’expression inédits. On accepte d’être mal à l’aise, d’être dérangé, bousculé. En outre, on apprend les codes de
ces lieux au fur et à mesure, ces lieux qui semblent inaccessibles, voire réservés. Il n’en est rien. Je me suis donc mise à leur place, j’ai essayé de me propulser dans un monde dont je ne
connaîtrais pas les codes. Ces adolescents ont été dérangés par la longueur de la première chorégraphie. Moi aussi d’ailleurs d’une certaine façon. Je pense qu’en fait c’est très violent pour eux
de voir ces corps bouger sans rien y comprendre. Oui parce qu’à cet âge là, on veut mettre du sens sur les choses. Qu’il doit être compliqué de préparer des élèves adolescents à voir un spectacle
comme Dances at the Gathering. C’est une démarche courageuse, et il faut saluer le travail des professeurs et des acteurs du projet Dix mois d’école et d’opéra. Cela s’apprend
d’aller au théâtre, au musée. Le regard s’éduque et ce n’est pas toujours facile. Appartement les a surpris, dans le bon sens. La tête dans le bidet c’est « dégueulasse », mais cela leur
plaît plus que la mousseline rose de la jupette. A moi aussi d’ailleurs. La notion de la valeur monétaire a été aussi abordée par les enfants. « Vas-y y’a des gens qui payent pour voir ça ?!! »
Oui, oui, même cher parfois… car l’art et l’émotion n’ont pas de prix quand on y goûte. Je reste quand même convaincue malgré tout, que c’est une excellente chose que ces ados aient eu accès à
l’Opéra. Si au moins un d’entre eux a été touché, ému, interloqué, alors le professeur a gagné quelque chose, mais surtout l’adolescent. Cela vaut bien quelques bavardages.. !

 

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© Agathe Poupeney

 

  Parlons un peu ballet puisque ce fut tout de même l’objet de la soirée. J’ai trouvé de beaux moments de grâce dans Dances at the Gathering. Les apparitions de
Mathieu Ganio sont toutes un pur régal. Dans ce type de chorégraphie, ses lignes sont particulièrement bien mises en valeur. Sa finesse technique s’épanouit dans la dentelle chorégraphique de
Robbins. Ludmila Pagliero, ce soir en rose, rayonne et le duo formé avec Mélanie Hurel est bien équilibré. Leurs danses s’accordent et elles se répondent avec une joie visible dans leurs
énergies. Il y a tout de même quelques longueurs dans cette pièce. C’est beau, c’est évanescent, la musique est sublime, mais je ne suis pas sûre de tomber sous le charme. Nous verrons en
représentation.

 

Pour Appartement, c’est une autre histoire. Un florilège d’étoiles sur scène. Marie-Agnès Gillot, hypnotisante, Chaillet scotchant, Bélingard puissant, pour ne citer
qu’eux. Le groupe est très uni, il se dégage une force très particulière. On sent que cette oeuvre est un enjeu pour chacun à la fois individuel et collectif. Ils se mettent complètement au
service de l’oeuvre au point qu’on en oublie qu’on est en répétition.

 

Mais ça parle de quoi, cette pièce ? Et bien comme son nom l’indique, cela se passe dans un appartement et les scènes de la vie quotidienne sont revisitées par Mats Ek. Noyer son chagrin dans une
baignoire, se laisser aller à la mélancolie devant la télévision, oublier bébé dans le four pendant une conversation de couple, se désespérer devant une porte qui reste définitivement fermée.
Tous les interprètes sont fabuleux. Le duo Le Riche / Renavand dans la variation de la porte est très émouvant. La pièce est traversée par ces moments mélancoliques puis rebondit dans une
atmosphère plus rock’n roll. La scène des aspirateurs reste un des moments clés. L’écriture chorégraphique est d’une finesse épatante, comme toujours chez Mats Ek. Chaque geste a un sens, et on
pourrait mettre un mot, un sentiment, un cri sur chaque mouvement. Le final est aussi un instant délicieux, car on sent que cette énergie commune qui lie tous les danseurs est exponentielle.

 

Cerise sur le gâteau, Mats Ek monte ensuite sur scène pour faire quelques corrections. Malgré la fatigue, les danseurs remettent ça plusieurs fois. Un régal pour nos yeux !

 

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© Agathe Poupeney

 

  •   Distribution du 9 mars séance de travail

Dances at the Gathering Jerome Robbins

 

Rose Ludmila Pagliero
Mauve Eve Grinsztajn
Jaune Muriel Zusperreguy
Vert Agnès Letestu
Bleu Mélanie Hurel
Marron Mathieu Ganio
Violet Karl Paquette
Vert Benjamin Pech
Brique Alessio Carbone
Bleu Christophe Duquenne

 

  Appartement Mats Ek

 

Marie-Agnès Gillot, Clairemarie Osta, Alice Renavand, Amandine
Albisson
, Christelle Granier, Laure MuretJérémie Bélingard, Vincent Chaillet, Nicolas Le Riche, Audric Bezard, Simon Valastro,
Adrien Couvez


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© Agathe Poupeney

 

 

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Séance de travail Robbins/Mats Ek:
 

© Anne Deniau

 

  Quelle belle semaine ! Après d …

Rencontre autour de la Bayadère

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© Laurent Phillipe

 

 

La Bayadère est un ballet qui attire les passions des spectateurs. Elle a une longue histoire avec l’Opéra de Paris. Remontée par Noureev et présentée au public en 1992, c’est à la fois son
dernier ballet et de loin le plus réussi. Grand ballet classique c’est 3h de bonheur, mêlant kitsch, faste, belles variations, un acte blanc avec la plus belle entrée sur scène qui existe. Je ne
sais pas combien de fois j’ai vu La Bayadère mais je sais qu’à chaque fois ce fut une grande fête, tant ce ballet est beau.

 

Aujourd’hui nous avons assisté à une répétition formidable avec Laurent Hilaire en maitre de ballet. Il a été le premier Solor, le rôle a été crée pour lui, sur lui, c’est avec
un grand enthousiasme qu’il transmet à Karl Paquette et Emilie Cozette, tout ce qu’il sait sur ce ballet.

 

C’est une prise de rôle pour Emilie Cozette, qui a dansé Gamzatti et les ombres. Elle incarne ici Nikiya, l’héroïne de ce ballet. Nikiya est une Bayadère une danseuse indienne
qui vit dans un temple. Elle rencontre Solor, ils tombent amoureux et il jure de l’aimer. C’est sans tenir compte des volontés de son père de le marier à Gamzatti, princesse. Nikiya découvre
cette union et affirme à Gamzatti que Solor est amoureux d’elle. A leurs fiançailles, Nikiya danse pour Gamzatti et Solor. De la corbeille qu’elle tient dans les mains surgit un serpent qui la
mort à la gorge, elle meurt. Solor la retrouve dans ses rêves après avoir fumé beaucoup d’opium. Ils peuvent s’aimer à tout jamais. Voilà pour vous résumer l’histoire, pour celles et ceux qui ne
la connaîtraient pas. Karl Paquette avait déjà dansé le rôle de Solor, quand il était premier danseur.

 

Pas de Brigitte Lefèvre aujourd’hui, c’est qu’elle commencerait presque à nous manquer. Laurent Hilaire rappelle tout de même que c’est Brigitte qui a voulu que ce soit Emilie Cozette et Karl
Paquette qui présentent cette rencontre. Karl Paquette débarquait fraîchement du Palais où il répétait Dances at the Gathering de Robbins et disait en avoir un peu plein de bras… Pas de chances
pour lui Laurent Hilaire ne l’a pas épargné des portés. Au piano, s’installe Elena Bonnay, à qui Laurent Hilaire adresse plein de compliments et il y a de quoi, quand on sait le travail de ces
chefs de chant.

 

Convergences La bayadère

 

Ils vont répéter le pas de deux du premier acte. Nikiya trouve l’excuse d’aller remplir sa cruche pour sortir du temple et retrouver Solor, rencontré un peu plus tôt. Laurent
Hilaire va donner beaucoup de conseils, avec de l’humour, se mettant à la place de l’un et de l’autre. Il justifie chaque geste, qui doit avoir du sens. Quand Nikiya court, il faut qu’elle
transmette ce bonheur de se retrouver. Au premier claquement de mains, elle entend Solor, au deuxième elle se retourne, ensuite il faut qu’elle exprime cette grande joie en courant vers lui et en
se jetant dans ses bras. Ce n’est pas un pas de deux de séduction donc il faut faire confiance à son partenaire dans les portés, et avoir un regard sûr. Nikiya se sent belle avec Solor, elle
n’est pas là pour le séduire. « Reste avec lui, contre lui, tu es heureuse d’être là ». Hilaire danse avec eux dans un second plan, c’est merveilleux de le voir accompagner ces danseurs avec une
tel engagement. Pour les portés, il demande à Emilie Cozette de monter plus tôt son bassin et pour ça elle doit faire confiance à son partenaire. Laurent Hilaire affine chaque détail pour que la
chorégraphie soit lisible dans l’espace par le spectateur. Il parle de vague quand Solor porte Nikiya, car c’est une image douce, à ce moment là, ils nagent dans le bonheur. On sent que Laurent
Hilaire revit son ballet, qu’il prend un infini plaisir à transmettre. Il leur fait part des volontés de Noureev « Rudolph voulait ça pour les regards ».

Il corrige aussi la musicalité sur certains passages. Il ne faut pas anticiper la chorégraphie sinon elle perd de son sens. Si Nikiya tourne la tête avec un sourire, c’est parce Solor a essayé de
l’embrasser, il faut donc attendre qu’il essaye. Il faut profiter de cet instant, des regards, pour que le public comprenne et aussi pour être juste, dans la musique.

D’un coup, Solor doit déclarer sa flamme, comme si elle grandissait et que cela devenait une nécessité de dire à Nikiya, tout l’amour qu’il a pour elle. « Sors lui le grand jeu Karl, c’est ton
amoureuse pendant une heure ! « . Il insiste sur l’exagération de la pantomime sous le regard amusé des spectateurs. La déclaration doit être incisive, « Karl tu dois être le leader de l’action ».
Il faut redonner du sens à tout cela, c’est le seul moyen de redonner de la vie aux grands ballets classiques. Lors du grand porté, Emilie Cozette ne saut pas assez dans les bras de Karl
Paquette, par peur semble t-il. C’est toujours fascinant de voir que même après l’avoir fait des centaines de fois, la peur persiste. Il faut dire que c’est tout de même une certaine hauteur.

Laurent Hilaire parle aussi des manipulations dans ce genre de pas de deux. Moins il y a de manipulation, mieux c’est car ce n’est pas toujours joli de voir des bras qui cherchent un dos ou une
hanche pour un tour. Il faut donc se servir le plus possible de la chorégraphie pour les manipulations et pour que cela semble le plus naturel possible. De même que si l’on danse en musique, on a
plus de chance d’être juste dans son corps, il en est de même en couple.

 

Le maître de ballet décide d’en remettre une petite couche à Karl Paquette pour lui faire travailler la musicalité d’un solo du dernier acte. C’est le public qui se régale.

 

Convergences La bayadère

 

Comme toujours, une rencontre intéressante, mais avec un couple qui manque encore de complicité. Chacun est dans sa bulle, et ne se livre pas vraiment à l’autre. Ce sont les débuts des
répétitions, laissons encore du temps à se couple pour s’épanouir.

 

La Bayadère, Opéra Bastille du 07 mars au 15 avril 2012.

Les 2 et 4 avril, étoile invitée : Svetlana Zakharova

 

  • Extrait Vidéo

 

Si vous voulez voir l’extrait dansé par Laurent Hilaire et Isabelle Guérin, il se trouve à 24 minutes.

Le deuxième extrait se trouve à 1h45′.

 

 

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Rencontre autour de la Bayadère:

© Laurent Phillipe

 

 

La Bayadère est un ballet qui attir …

Répétition générale Orphée et Eurydice

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@ Laurent Phillipe, 2005

 

J’ai découvert la danse contemporaine par Pina Bausch, en 1997. Je venais tout juste de commencer les cours de danse contemporaine, et je n’avais pas vraiment d’idées de ce que cela pouvait être
en scène. J’ai vu Le Sacre et ce fut un choc. J’ai ensuite découvert le reste du travail de Pina au Théâtre de la Ville, en vidéo beaucoup à la médiathèque du CND, sur youtube, au cinéma de
Beaubourg et aussi dans les livres, nombreux, sur Pina Bausch. Quand Orphée et Eurydice avait été donné en 2008, je n’avais pas pu le revoir (2005, c’est donc un lointain souvenir). Je
travaillais outre-manche et j’avais du revendre mes places d’abonnement. Il y a des ballets qu’on ne veut pas manquer. Orphée et Eurydice c’est un chef d’oeuvre, une pièce monumentale,
qui vous prend à la gorge du début à la fin. C’est très beau, voilà tout.

 

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© Agathe Poupeney – PhotoScene.fr

 

Hier soir, je suis donc allée à la répétition générale grâce à D*** que je remercie encore mille fois pour la place et la loge (38 de face, juste parfait). Ce ballet est un chemin, une traversée
dans l’univers de Pina, comme si Gluck avait écrit la musique pour elle, pour qu’elle puisse y mettre tous ces merveilleux pas de danse, tous ces mouvements qui vous transportent. La pièce est
découpée en quatre parties, qui suivent la partition de Gluck. Côté chant, j’ai été emmenée par ces voix. A Garnier, le chant c’est quand même magique. Les voix entrent dans les loges et vous
touchent directement au coeur.

 

« Oh wenn in diesen dunklen Hainen, Euridike,

noch ein dein Schatten um dein ödes GRabmal schwebt,

ach, so häre diese Klagen, sieh die Tränen,

Sieh die Tränen, die wir trauernd vergiessen für dich ! « 

 

Le premier tableau est celui du deuil. On voit Eurydice perchée, toute de blanc vêtue, morte. Pour le décor, quelques feuillages et branches mortes. On retrouve dès le début de
ce ballet les problématiques de Pina Bausch. Comment vivre sans l’être aimé ? On voit se dessiner un langage qu’on peut retrouver dans Café Müller. Les corps qui se déplacent tels des morts, ou
des somnambules, marquent l’assourdissement que provoque la mort. Orphée incarné ce soir par Stéphane Bullion, semble un peu renfermé. Si il montre une souffrance, elle est très intérieure et
intime. Il ne regarde jamais Eurydice, comme si la mort était une vérité qu’on ne peut regarder en face. C’est une complainte qu’Orphée donne à voir. La danse semble si naturelle, comme si
souvent chez Pina Bausch, parce qu’on ne peut pas tricher avec l’amour. De même que la musique, sa partition chorégraphique est fragile. Les chanteurs sont sur scène avec les danseurs pour être
les doubles, les âmes des danseurs. C’est un procédé que Pina Bausch a aussi utilisé dans Iphigénie en Tauride. Cela fonctionne très bien par ailleurs. Cela donne du relief, sans être un
simple ornement. Dès cette première partie, le corps de ballet est très investi et on sent une forte connection entre tous les danseurs. Muriel Zusperreguy est parfaite dans son rôle de l’amour.
La douceur de sa danse convainc Orphée de tenter sa chance aux enfers.

 

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© Agathe Poupeney – PhotoScene.fr

 

« Meine Bitten, meine Klagen hätten längst euch mild gerührt,

Ja, habt Mitlaid für mein Leid, der verlassnen Liebe Schmerz. »

 

Le deuxième tableau de la violence est très fort. Cerbère est représenté par trois danseurs et j’adore leur façon de parcourir l’espace dans ces grands pliés à la seconde. Ils se
déploient et dominent de deuxième mouvement. C’est face à ce monstre, qu’Orphée doit s’imposer pour passer la porte des enfers. La danse des Furies rappellent le désespoir d’Orphée tout en
faisant ressortir sa peine. Le décor est bas, fini, plongeant déjà Orphée dans les Enfers. Stéphane Bullion paraissait plus à l’aise dans ce tableau, le contraste avec la puissance des Cerbères
étant plus marquant, il signait un Orphée plus doux et désespéré. En tous les cas, ce sont bien ces trois merveilleux danseurs (Chaillet, Houette et Cordier) qui tiennent cette partie avec un
regard intense qui les lie à la fois entre eux, mais aussi avec le public, de façon très intense, presque intimidante.

 

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© Agathe Poupeney – PhotoScene.fr

 

 

« Aus dem Reich beglückter Schatten

komm zurück zu deinem Gatten,

lass ihn deines Blicks sich freu’n. »

 

Le troisième tableau de la Paix, s’ouvre sur un décor très sombre et bucolique. Orphée retrouve son Eurydice qui semble apaisée. Orphée arrive en effet dans un univers serein,
très différent de l’ambiance différente. CE tableau donne une note d’espoir pour l’avenir des deux amants. C’est un moment très agréable dans le ballet. Les corps semblent flotter. Les danses de
groupe sont superbes. Marie Agnès Gillot danse et là, le fossé se creuse avec son partenaire. C’est la troisième fois qu’elle danse le rôle, elle est Eurydice. Elle vit ce rôle dans tout son
corps et livre une danse qui vous fait frissonner. On la sent au dessus de tous les autres, comme une âme isolée qui à son tour chante et danse. On aurait presque envie qu’elle reste là. Orphée
la prend par la main et ils vont commencer leur sortie des enfers.

 

« Ach , ich habe sir verloren, all mein Glück ist nun dahin !

Wär, o wär ich nie geboren, weh, dass ich auf

Erden bin,

weh, dass ich auf Erden bin.

Eurydike, Eurydike ! « 

 

Pour terminer, la mort. Le décor est fait avec des pans de murs blancs. Au sol, quelques feuilles mortes. Eurydice suit Orphée, ils dansent sans jamais se regarder. Je n’ai pas
trouvé Stéphane Bullion à la hauteur de Marie Agnès Gillot. Techniquement toujours impeccable, il me semble qu’il n’est pas assez dans cette émotion qui doit être mêlée d’angoisse et d’espoir.
C’était une générale, il faut aussi en tenir compte. Eurydice le presse, elle veut une preuve d’amour. On le voit dans sa danse et dans le regard que MAG porte sur son partenaire. Orphée accepte
de lui donner ce regard et elle meurt. Le fameux « Ach ich habe sie verloren », est le moment le plus émouvant du ballet. Les corps des danseurs et des chanteurs se mêlent. Les voix s’éteignent,
les corps des danseurs aussi. On assiste à une mort bouleversante, qui m’a donné plein de frissons. Le ballet se termine sur une danse de deuil, où l’on emporte le corps d’Orphée. Magnifique…

 

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© Agathe Poupeney – PhotoScene.fr

 

Sortie du Palais Garnier sous des flocons de neige. Un autre instant de magie.

 

A voir les photos de Syltren. A lire les chroniques de Blog à petit pas, et
Danses avec la plume.

A lire dans la presse : Le figaro, Le financial Times, Huffington Post,

Jusqu’au 31 mai, il y a une exposition de photos sur Pina à l’Hotel Galerie Le Marceau-Bastille, à Paris.

  • Distribution du 3 février 2012

 

Orphée Stéphane Bullion
Eurydice Marie-Agnes Gillot
L’Amour Muriel Zusperreguy

Cerbère                                        
Aurélien Houette, Vincent Chaillet, Vincent Cordier

 

Thomas Hengelbrock (11, 15, 16 févr.) Direction musicale
Manlio Benzi (4, 6, 8, 9, 12, 14 févr.) Direction musicale

Maria Riccarda Wesseling Orphée
Yun Jung Choi
Eurydice
Zoe Nicolaidou L’Amour

 

Christoph Willibald Gluck Musique
Pina Bausch Chorégraphie et mise en scène
Rolf Borzik Décors, costumes et lumières

 

  • Extrait vidéo

 

 

 

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Répétition générale Orphée et Eurydice:

@ Laurent Phillipe, 2005

 

J’ai découvert la danse contemporain …

Répétition générale d’Onéguine

Quand je n’ai pas d’honneur, il n’existe plus d’honneur. 

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© Laurent Phillipe

 L’avantage de voir 3 distributions d’un ballet avant que le spectacle ne commence vraiment, c’est que l’on sait à l’avance celle(s) que l’on voudra revoir. J’avais hâte de découvrir Evan McKie dans le rôle titre. Peu d’artistes sont finalement invités à l’Opéra de Paris dans une saison.

Je vous épargne la course aux places lors d’une générale, J***, ma petite fée, m’a permis d’être en troisième loge de face et ce fut parfait. Voilà enfin le grand retour du Dupont dans un rôle intéressant, car les expériences McGregor et Ratmansky ne m’avaient pas permis
d’admirer son talent.

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 Si j’ai trouvé le premier acte un peu raide, Evan McKie laisse entrevoir de très belles choses. Il construit son personnage à mesure que la pièce avance. Au premier acte, sa
froideur pourrait presque être prise pour de la timidité. Dans le pas de deux, il montre un personnage complètement fermé qui ne s’ouvre et danse de façon ample quand il est seul. Il soulève Tatiana avec une telle légèreté, c’est comme si elle n’était pas là. Il ne la voit pas, elle ne la regarde pas. Les seuls moments où leurs yeux communiquent c’est quand il se retourne vers elle, pour lui retendre son bras pour la promenade. C’est dans une toute autre atmosphère que se déroule le duo Olga/Lenski. Myriam Ould-Braham et Josua Hoffalt montre de nouveau de grandes qualités. Elle est mutine, légère, avec une élégance de jeune fille, une danse souple, lui partenaire exemplaire, ne lâchant jamais son rôle de jeune homme amouraché, plein de vie, dansant avec joie et
générosité.

La scène de la chambre et du rêve laisse voir un EvanMcKie/Oneguine très énigmatique. Aurélie Dupont semble déjà à l’aise dans ses bras, malgré le manque de répétition. La suite des représentations sera sans aucun doute fantastique. Aurélie Dupont est comme à son habitude très aérienne, légère telle une plume. Elle ne touche pas le sol, elle est en plein rêve. Elle offre une danse élégante et ne quitte jamais son attente amoureuse face à cet homme.

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© Laurent Phillipe

  Après l’entracte, l’émotion monte encore d’un cran. Je n’ai plus du tout l’impression d’être dans une répétition. Aurélie Dupont et Evan McKie offre une dramaturgie de
toute beauté. La scène de la lettre est très violente, Tatiana est dévastée et ralentit sa danse. Elle évite son regard, son passage et même son ombre. Quand à Olga qui n’a pas vu la scène, elle danse avec entrain et joie avec le cynique. Josua Hoffalt est toujours aussi convaincant en Lenski, il s’impose devant son ami. Son solo dans la forêt avant le duel est émouvant. Il danse avec une belle technique, nuançant chaque mouvement, tout se passe comme si il savait déjà qu’il allait mourir. L’amitié brisée, il ne lui reste plus que ce moment solitaire dans cette forêt qui sera son tombeau.

J’ai aimé le froideur fragile d’Aurélie Dupont qui somme Onéguine de partir après la mort de son ami. Quelle émotion, de la revoir sur scène.

Dans le troisième acte, le bal est toujours aussi réussi. Les danses sont bien réglées, le corps de ballet est exemplaire. Les robes sont superbes, on a envie de se plonger dans
ce décor idyllique.

Je ne trouve pas que le rôle de Grémine aille à Karl Paquette, danseur trop imposant, avec une forte personnalité pour être dans ce petit rôle. Je vois plus Grémine comme un personnage effacé. Ceci dit Karl Paquette est un partenaire qui sait mettre en valeur la danseuse. Aurélie Dupont incarne à merveille la femme qu’est devenue Tatiana. Comme Ciaravola, elle est capable de passer avec aisance de la jeune fille éprise à la femme du monde. Evan McKie traverse l’espace avec un sentiment grandissant. L’amour est angoissant, oppressant, il se met à rêver de toutes ces femmes, mais pas une ne peut rivaliser avec Tatiana.

La scène finale m’a fait couler des larmes. Ils se déchirent, et chaque mouvement est étiré au maximum. J’ai été accrochée à chaque minute, à chaque seconde. Evan McKie est merveilleux, il a une aisance inégalable dans ce rôle. Il parvient à montrer dans cette dernière scène toutes les facettes du personnage avec une danse impeccable. Aurélie Dupont quant à elle, est une Tatiana qui ne sait plus quoi écouter. Son coeur lui parle de douceur, et elle se laisse faire dans des bras chaleureux, sa raison, raidit son corps, elle devient presque un objet froid. On ne peut que frissonner devant tant de grâce et de beauté.

  • Distribution du 7 décembre 2011
Eugene Oneguine Evan Mc Kie
Lenski Josua Hoffalt
Tatjana Aurélie Dupont
Olga Myriam Ould Braham
Prince Gremine Karl Paquette

 

Piotr Ilyitch Tchaikovski Musique
Kurt-Heinz Stolze Arrangements et orchestration
John Cranko Chorégraphie et mise en scène
Jürgen Rose Décors et costumes
Steen Bjarke Lumières

 

Répétitions d’Onéguine (scène orchestre et séance de travail)

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© Opéra de Paris

J’ai eu la chance en trois jours de voir deux distributions en répétition du ballet Onéguine. Vendredi dernier, grâce à une formation dans mon boulot, on a eu accès à la deuxième scène orchestre avec une distribution inédite ! Mathieu Ganio, Isabelle Ciaravola, Myriam Ould-Braham, Josua Hoffalt dans les rôles respectifs d’Eugène Onéguine, Tatiana, Olga et Lenski. En fait tout s’explique par la blessure de Nicolas Le Riche. Evan McKie a été appelé pour remplacer Le Riche. N’étant pas encore prêt pour attaquer la répétition en scène orchestre, c’est le duo Ciaravola/Ganio qui a fait la répétition. J’ai adoré pour ma part cette distribution inédite ! Quelle répétition ! C’était très beau.

Lundi j’ai assisté grâce à JMC à la séance de travail, la dite prégénérale avec la distribution Pech/Osta. Cette deuxième distribution m’a moins enchantée, peut être que j’avais été trop envoûtée par le premier couple.

Le premier acte s’ouvre dans un décor bucolique, on découvre quatre femmes dont trois attablées, qui s’affairent à la broderie de robes. La quatrième allongée dans l’herbe est
plongée dans la lecture. Tatiana, jeune femme romantique ne s’intéresse pas aux robes comme sa soeur Olga, pas plus au miroir que lui tend sa mère dans lequel on verrait le portrait du bien aimé. Les amies d’Olga arrivent et dansent avec elles. Ciaravola propose une Tatiana, très fermée, presque mélancolique. Osta est plus romantique. J’ai apprécié leurs deux interprétations. Dans un papier d’Ariane Bavelier qui date de 2009,
elle citait le directeur du ballet de Stuttgart qui disait à propos du ballet  : « On peut voir le ballet avec toutes les distributions différentes : ce sera toujours les mêmes pas,
jamais le même ballet
« . Le jeu des danseurs est primordial, c’est dans leur interprétation que réside les nuances des personnages. De même dans le rôle d’Olga, Myriam Ould Braham et Mathilde Froustey dansent complètement différemment. J’ai adoré Myriam Ould Braham dans ce rôle. Elle est délicieuse et sa danse est très fluide. Le pas de deux avec Josua Hoffalt qui est Lenski est formidable, d’une grace incomparable. Ils ont l’air de s’amuser sur scène d’y prendre un plaisir fou. Myriam Ould Braham est une Olga mutine, pleine de vie. Très envie de l’applaudir, mais chut pas d’applaudissements pendant les répétitions. Mathilde Froustey est aussi un petit bijou qui ne manque pas de séduire son partenaire Fabien Révillon. Ses équilibres sont toujours aussi impressionnants et elle affiche un large sourire, très généreux.

A l’arrivée d’Eugène Onéguine dans le jardin, un froid s’installe. Le jeune homme en noir tranche avec le reste de l’assistance. Il ne sourit pas, a un regard lointain. Là mon
coup de coeur va d’emblée vers Mathieu Ganio qui domine la scène. Son regard froid associé à son visage d’ange en font le parfait cynique. On est sous le charme d’emblée comme Tatiana et comme toutes ces héroïnes de la littérature. On ne peut s’empêcher de penser à Mr. Darcy au bal avec Elisabeth Bennet. Leur pas de deux est écrit de façon très fine. Ils marchent, Tatiana au bras d’Onéguine, qui a complètement changé d’attitude. Elle est déjà sous le charme du poète, mais lui est absent de cette romance, il se met à danser tout seul oubliant la jeune femme. Isabelle Ciaravola est déjà dans une grande tristesse, alors qu’Osta choisit d’être une Tatiana qui est interloquée par l’attitude du jeune homme.

Dans la scène du rêve mon coeur vacille devant le partenariat Ganio/Ciaravola. Quelle beauté, ce pas de deux. Les portés sont superbes. La ballerine est dans un nuage où elle
touche rarement le sol. Toujours portée plus haut, l’amour s’emballe et se renforce dans le coeur de Tatiana. Les glissés au sol sur les pointes me font penser à la rapidité de cet amour naissant. On est dans une ambiance bleutée, qui ne nous fait pas douter du rêve. A son réveil, Tatiana écrit avec entrain sa lettre d’amour pour le poète désabusé.

Salut séance de travail

© Elendae

L’acte deux nous plonge dans un intérieur russe où Tatiana va recevoir petits et grands pour y fêter son anniversaire. Si tout le monde s’enthousiasme autour d’elle, la seule
chose qui préoccupe son esprit c’est la réponse qu’Onéguine va faire de sa lettre. Nos deux belles étoiles féminines proposent deux chemins différents, mais tout deux très convaincants. Quand Onéguine déchire la lettre, j’aime le sourire mesquin de Mathieu Ganio, qui prend les sentiments de Tatiana par dessus la jambe. Il se joue de la situation quand Benjamin Pech y donne un ton plus grave. Pour continuer sa provocation , il décide de danser avec Olga pour montrer qu’il ne croit pas au sentiment amoureux. Le pas de deux est rapide, et les corps sont très rapprochés. Que ce soit Mathilde Froustey ou Myriam Ould-Braham, j’ai adoré cette partie du rôle d’Olga. Josua Hoffalt est très imposant dans son opposition à Onéguine.

Ce qui est parfois génant, ce sont les transitions entre les tableaux dues aux changements de décor. Cela fait un peu désuet et on sent qu’on comble un peu la musique avec de la pantomime. On arrive sur la scène du duel, où le trio Olga/Tatiana/Lenski reprend les pas pour montrer le désespoir de la situation. J’aime l’engagement des danseuses dans ce passage, on sent que la situation dépasse les personnages. C’est un vrai passage tragique et la musique porte bien ce moment. Lenski meurt sous la première balle d’Onéguine.

L’acte trois s’ouvre dans une salle de bal. Les danseurs sont figés, comme des poupées de cire avant la levée du rideau transparent. La danse de bal est très jolie, on pense
forcément à La Dame aux camélias. Arrivent le Prince Grémine et Tatiana qui sont désormais mariés. J’ai adoré Ciaravola dans ce troisième acte. Quelle actrice ! Elle sait passer de la jeune adolescente amoureuse en secret, à cette femme resplendissante et épanouie. Et quelle partenaire, je pense qu’elle facilite l’interprétation de Duquenne et Ganio. Sa danse est plus grande, plus époustouflante qu’aux deux premiers actes. Son regard englobe toute l’audience, les danseurs et le public. Le rouge de la robe renforce cette dominance. Quand Onéguine entre il est troublé par cette femme, il ne se reconnait plus, les pas sont plus petits, hésitants, les courses plus affolées. Il plonge dans une rêverie où il est entouré de femmes, qu’il porte, qu’il fait danser. Le regard devient vide à mesure qu’il rencontre ses femmes, puisqu’il n’y en a plus qu’une dans sa tête.

La scène finale dans la chambre de Tatiana est absolument magnifique. Ganio/Ciaravola m’ont émue aux larmes en répétition. J’ai hâte de les revoir en scène. Dans la chorégraphie, tout le caractère des personnages s’y déploie. La dominance d’Onéguine qui a une certaine violence dans ses baisers. Il agrippe sa partenaire, la fait glisser, c’est lui qui mène malgré sa requête. Il ne lâche jamais ses jambes, l’oppresse. Pour Tatiana, il s’agit de montrer sa faiblesse tout en restant ferme. Osta comme Ciaravola sont deux Tatiana résolument différentes, mais qui racontent deux histoires intéressantes. J’aime le côté tragique de cette situation et Ciaravola poussant un cri final est un moment poignant, qui vous fait frissonner.

  • Bonus vidéo : Isabelle Ciaravola avec Hervé Moreau
Piotr Ilyitch Tchaikovski Musique
Kurt-Heinz Stolze Arrangements et orchestration
John Cranko Chorégraphie et mise en scène
Jürgen Rose Décors et costumes
Steen Bjarke Lumières
  • Distribution de la scène orchestre du vendredi 2/12
Eugene Oneguine Mathieu Ganio
Lenski Josua Hoffalt
Tatjana Isabelle Ciaravola
Olga Myriam Ould-Braham
Prince Gremine Christophe Duquenne
  • Distribution de la séance de travail du lundi 5/12
Eugene Oneguine Benjamin Pech
Lenski Fabien Révillon
Tatjana Clairemarie Osta
Olga Mathilde Froustey
Prince Gremine Christophe Duquenne