Répétitions

Convergences Kaguyahimé Jiri Kylian

Si Paris prend des allures lunaires, c’est du côté de Bastille que l’on pouvait voir le début de la descente sur Terre de la princesse de la Lune, Kaguyahimé. Une heure de répétition avec Alice Renavand, Caroline Bance et Adrien Couvez, coachés par Elke Schepers et Patrick Delcroix.

On commence par le solo d’Adrien Couvez. Au début du ballet, les hommes du village tombent amoureux de Kaguyahimé et tente de la séduire par des danses. Kaguyahime est côté jardin, les solos partent de cour et sont construits de profil. Les corrections vont vite, Patrick Delcroix demande à Adrien Couvez  de rester plus longtemps en arabesque ou encore de donner un peu plus de hanches dans les déplacements latéraux. Il affirme au bout de cinq minutes « très bien, moi je suis content ».

Affiche Kaguyahime par Anne Deniau

On passe ensuite au dernier solo de Kaguyahimé. Elle a décidé de quitter la Terre et de retourner sur la Lune. Ce solo, ce sont ses adieux. Elle va du devant de la scène au fond, comme pour dire au revoir à la Terre. Elle bouge de façon très lente et est tout le temps en équilibre sur une jambe. C’est là que réside la difficulté de ce passage. Alice Renavand danse avec beaucoup d’implication. Son visage se transforme, devient grave. Dès la fin, Elke déclare « J’ai un problème, parce qu’Alice est déjà très bonne et très au point ! « . Elle la corrige sur quelques points, notamment des conseils pour être plus à l’aise « appuie toi vraiment sur cette hanche, tu peux exagérer cela, tu seras plus stable ». A propos d’un grand battement attitude, elle lui dit qu’il faut « emmener tout le corps, pas seulement la hanche ». Elle la corrige sur ses mains « il faut que tu aies plus d’énergie dans les mains, quand tu fais la lune va jusqu’au bout, avant de refermer tes poings ». Quand elle amrche de dos pour partir vers la Lune, elle lui conseille de ne pas aller trop vite, de contrôler l’arrivée des pieds sur le sol.

On continue avec le duo entre Caroline Bance et Adrien Couvez, qui dansent dans la confrontation des villageois et des citadins. Les costumes sont noirs et blancs, les musiques occidentales et japonaises s’affrontent. C’est très énergique, c’est un passage du ballet que j’apprécie beaucoup. Là il faut corriger certains portés, trouver ses marques. « Adrien aide là, il faut que tu la tires plus vers le haut ». Caroline Bance, recommence essaie, toujours avec un grand sourire, et une belle énergie. On sent qu’elle s’éclate dans ce langage chorégraphique. Ils doivent faire attention à la musique, qui est aussi rapide que la danse et ne pas courir derrière.

Il reste du temps, alors Elke décide de finir sur le premier solo de Kaguyahimé. Alice Renavand danse sur une plate-forme à 2m du sol. Tout est très lent, avec encore beaucoup d’équilibres, très lunaire en somme. Là encore, Alice Renavand connaît déjà bien son rôle et les corrections sont rapides. Les compliments pleuvent « quand tu danses le début, c’est magnifique ! ». Les applaudissements aussi.

Fin de répétition Kaguyahime Amphi Bastille 19/01/2013

Répétition intéressante, même si les interprètes étaient déjà très au point, ce qui est moins passionnant que lorsque qu’un rôle s’apprivoise, qu’un ballet se construit. C’est toujours une mise en bouche alléchante, avant d’aller revoir le ballet.

Relire ma chronique sur le ballet, vu en 2010, clic
Kaguyahimé de Jiri Kylian, du 1er au 17 février. Plus d’infos et réservations, clic.

Convergences Don Quichotte Rudolph Noureev

Amphithéâtre Bastille, samedi 16h, Karl Paquette Ludmila Pagliero Clotilde Vayer et Elena Bonnay entrent sur le plateau pour répéter Don Quichotte. On rentre très vite dans le vif du sujet, Clotilde Vayer n’a pas de temps à perdre, il faut corriger par rapport à ce qu’elle a vu la veille.

Elle ne va pas ménager les deux danseurs. Souvent le maître de ballet prend le temps de raconter aux spectateurs l’histoire, mais là c’est fait en vitesse TGV. Elle va leur faire répéter les variations des trois actes, presque en entier.

L’acte I présente les deux personnages principaux. Kitri est la fille de l’aubergiste Lorenzo, que ce dernier veut marier au riche Gamache. Hors de question pour cette Barcelonnaise au caractère bien trempé, qui est amoureuse de Basilio. On commence par voir l’entrée de Kitri. Elle arrive en courant sur la place de Barcelone. « Quand tu cours Ludmila, j’ai besoin de voir que tu cherches Basilio ».  Le regard doit aller partout. Clotilde Vayer a noté toutes ses corrections sur une feuille, elle vérifie que ses conseils ont été bien compris. J’ai apprécié le travail de Ludmila, qui dès l’entrée montre une Kitri forte, à la tête haute. Sa technique de pointes est assez remarquable. Son délié de pied quand elle fait le grand développé est très joli. Karl Paquette doit retravailler son manège surtout les fouettés arabesque. Kitri et Basilio se retrouvent, ils jouent de séduction. Ils s’embrassent derrière l’éventail. Clotilde Vayer les arrête à ce moment là, Karl Paquette n’en perd pas son humour « C’est plus long normalement le baiser », ce à quoi la maître de ballet (devrais-je dire maîtresse ? ça sonne mal..) lui répond que là « c’était un peu téléphoné ». Il faut que ça arrive sans que l’on s’y attende. Clac l’éventail s’ouvre et hop, Basilio renverse Kitri pour l’embrasser.
L’adage de l’acte I est très difficile. « Karl tu peux avoir plus de contact avec elle » dit Clotilde Vayer au danseur, qui se montre un partenaire très puissant. Il s’adapte complètement à la danseuse, ce travail a du être fait auparavant, car il n’y a pas de problème au niveau des prises dans les portés. Si Karl Paquette doit être proche de sa partenaire, Ludmila doit prendre plus de risques « ça doit être dangereux » dit elle à propos d’un développé à la seconde qu’elle doit garder le plus possible avant que le danseur lui fasse faire le fouetté arabesque. L’exigence de Clotilde Vayer est élevée, et elle ne laisse rien passer, « là je suis de profil, c’est très intéressant ». De profil, on voit mieux si les jambes sont au maximum de l’en-dehors. « Quand tu lèves la jambe, le poids du corps doit aller vers le bas, pour permettre d’alléger le haut ».
On passe à la variation des castagnettes. « Ludmila ce ne sont pas des vagues, mais des castagnettes que tu dois faire avec tes mains ». Sur cette variation, l’étoile rencontre un problème de musicalité, « écoute la musique une fois d’abord ». « Ce n’est pas que je ne comprends pas, c’est que c’est trop rapide ». Clotilde Vayer demande à Elena Bonnay d’accélérer le rythme de la variation pour que Ludmila se surpasse, ce qu’elle fait à merveille. La diagonale de tours cinquième est exemplaire, elle enfonce à chaque fois le talon dans le sol dans une cinquième parfaite. Pas assez pour la répétitrice, il faut que les tours avancent, ils sont trop sur place. Elle remet l’étoile au travail qui n’a pas eu le temps de reprendre son souffle. Clotilde Vayer explique ensuite au public que le premier acte de Don Quichotte est le plus cardio, car les deux solistes ont très peu de temps pour reprendre leur souffle et ils sont toujours en scène, donc dans leurs personnages. Par ailleurs le premier acte et le passage des Dryades est ce qui reste du travail de Marius Petipa. Fin de l’acte I, pas de deux de Kitri et Basilio avec les portés très impressionnants où la danseuse est portée à bout de bras. « Ludmila tu es trop lente à monter, Karl il faut la monter en 1 temps. Attention, ne la monte pas autant, tu es fort, et tu la gères, mais c’est dangereux. »

On passe à l’acte II. Kitri et Basilio ont fuit Barcelone, Lorenzo, Gamache, Don Quichotte et ses hallucinations dans lesquelles  il confond Kitri avec Dulcinée, un amour passé. Ils sont au camp des gitans. Dans la version de Marius Petipa, il y avait cinq actes. Le pas que nous allons voir n’existait pas. Les corrections vont vite, Clotilde Vayer les fait avant qu’ils refassent ce pas de deux. « Il ne faut pas perdre du temps à remonter quand vous êtes au sol. » Le pas de deux se file, Clotilde Vayer corrige ensuite les ronds de jambe à la seconde qui doivent être plus généreux et plus ensemble. Elle se demande aussi si le début du pas de deux était clair… « Vous avez compris ce qu’ils font? » Karl Paquette lance la boutade « on a fait un bébé ». Oui je pense que tout le monde avait compris…

Dans l’acte II, Kitri se transforme en Dulcinée car on plonge au milieu du rêve de Don Quichotte. Bienvenue au monde des Dryades, les nymphes de bois qui habitent ce monde merveilleux. Ludmila Pagliero passe la variation qui avait la veille des problèmes de musicalité. Clotilde Vayer nous dit de compter dans notre tête « 1, 2, 3, 4, 5 ». C’est assez terrible de nous avoir dit ça, car à chaque équilibre on a cela en tête…

On arrive au IIIème acte. Les danseurs commencent par répéter l’adage. « Karl ne sois pas en retard sur la musique, Ludmila ne décale pas la jambe mais seulement le haut du corps. » La fatigue commence à se sentir, ils n’ont pas bu et ils n’ont pas eu une minute de répis. Les pointes de Ludmila Pagliero cassent, on les voyaient se courber de plus en plus à mesure que l’heure de répétition avance. « Je voudrais que les pirouettes aillent crescendo ». Elle corrige les regards, les bras des partenaires qui bougent.
On enchaîne avec la coda, et franchement chapeau à Ludmila Pagliero qui fait ses tours fouettés avec des pointes cassées ! Karl Paquette doit refaire ses tours, Clotilde Vayer veut en voir trois au lieu de deux dans les tours suivis.

Répétition intéressante, comme d’habitude, qui nous a éclairé sur des détails techniques. Ludmila Pagliero promet d’être une Kitri flamboyante, pleine de fougue. Rendez-vous le 16 novembre !

Don Quichotte, plus d’infos et réservations sur le site de l’Opéra de Paris, clic.
A lire ailleurs : A petits pas, Danses avec la plume.

Convergences Sous Apparence, Marie-Agnès Gillot

Samedi pluvieux, l’amphithéâtre est presque plein pour assister à ce premier rendez-vous de l’année pour les convergences « danse ». Cette année, la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot crée une pièce pour les danseurs de l’Opéra de Paris. Beaucoup de mystères autour de cette création, qui se dévoilent peu à peu, mais il ne fallait pas attendre à ce que Marie-Agnès Gillot nous en dise plus.

Brigitte Lefèvre nous accueille avec des nouvelles du ballet. Elle nous raconte en quelques mots la tournée du Ballet aux États-Unis, que nombreux ont qualifié d’historique. Le ballet cette année fait honneur au tricentenaire de l’école française. La saison actuelle va montrer la vivacité de la technique classique. Le tricentenaire c’est montrer à quel point la danse classique est vivante.

Marie-Agnès Gillot entre en scène, pantalon de chauffe multicolore, pointe du Fils Prodigue aux pieds, on distingue encore les traits noirs sur le chausson. Elle est suivie de près par Aurélia Bellet, Alice Renavand, Vincent Chaillet. Caroline Beaugrand se charge de la musique.

La répétition commence, Marie-Agnès Gillot est en création. Elle lâche assez vite le micro pour pouvoir corriger ses artistes. Les filles commencent par répéter une chorégraphie déjà apprise. Elles sont face à face, elle dansent en miroir. Tout de suite, la chorégraphie est assez ondulatoire. Les pointes dessinent des grandes formes au sol ou en l’air. Les regards sont perçants. C’est doux, ça ondule, les jambes sortent des hanches pour paraître encore plus grandes. La danseuse-chorégraphe conseille ses danseurs « C’est bien les filles, je voudrais encore plus de lâché ». Après une petite correction, Vincent Chaillet entre en scène, pointes aux pieds. L’audience est plutôt surprise, on n’a pas l’habitude de voir un garçon les pointes aux pieds. Marie-Agnès Gillot a voulu jouer sur le côté androgyne des individus. Elle se joue de cet accessoire dont elle a une maîtrise si particulière. Le solo de Vincent Chaillet est très technique, on restera bouche bée devant une arabesque superbe, qui s’allongeait à l’infini. Il tourne sur pointes, la force qu’ont les garçons amène une aisance sur les pointes. Ensemble, ils réécrivent une partie du solo, car Vincent Chaillet trouve que « cela se ressemble trop la deuxième fois ». MAG travaille avec une assistante chorégraphe, au premier rang dans le public, et la caméra est l’autre aide-mémoire. « Je croyais que j’avais coupé ça », Marie-Agnès Gillot a la matière dans les mains et elle la modèle. Sous nos yeux, elle a écrire un trio où les bras de Vincent Chaillet sont fortement sollicités. Les corps des filles s’emmêlent et se démêlent autour des bras du garçon. MAG se lève, essaye à son tour, change les paramètres, corrige. Elle n’a pas de glace, ce qui la perturbe un peu, elle ne peut pas voir tout. Elle s’en réfère au public. « C’est mieux comme ça ? « . Vincent Chaillet est debout en seconde, les bras en T. Les filles sont dos au public. Leurs mains caressent le buste de Vincent, puis, elles les replacent devant elle, pour les onduler au dessus de la tête. Elles s’accrochent au T et font un zig-zag avec leur corps. Marie-Agnès Gillot continue cette valse à trois, où les bras s’enroulent. « Allez, un peu d’Apollon Musagète ». Tout ondule, MAG veut « plus de wave dans la cage thoracique ». Les artistes s’amusent des propositions de leur camarade chorégraphe, qui leur fait faire des choses assez acrobatiques, où il faut tout calculer au cm près pour que les danseurs ne se donnent pas de coups. « T’en as d’autres des comme ça ? ». L’ambiance est à l’humour, mais avant tout au travail. Les danseurs refont des petits morceaux en musique, Marie-Agnès Gillot est à genoux et les regarde comme une enfant. Son regard est tendre sur ses artistes, elle veut voir ressortir les formes qu’elle met dans l’espace. La reprise de tout le morceau créé, en musique, est magique, tout fonctionne, les pas et les tours s’enchaînent. On se laisse emmener dans cette vague avec assez de facilité.

 « Les apparences sont innocentes de nos erreurs »… Phrase de départ de la création, ce ballet se donnera du 31 octobre au 10 novembre. A priori, une seule distribution, avec en solistes Laëtitia Pujol, Alice Renavand et Vincent Chaillet.  La pièce est encore bien en création, on en saura plus d’ici une semaine ou deux.

Les prochaines convergences seront consacrées à Don Quichotte le samedi 27 octobre, à 16h.

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Plus de photos des convergences, sur la page facebook, clic.

A lire ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Impressions danse

Séance de travail Balanchine

Retour à Garnier pour la première fois de la saison, cela ne pouvait pas se passer facilement ! Outre le défilé des Galeries Lafayettes qui occupait le quartier, mes lunettes sans qui je suis complètement dans le flou, avaient décidé de divorcer. Chouette, aller voir un spectacle sans lunettes…. Certes, il n’y a pas de sur-titres, et je connais les chorégraphies, mais quand même ! Bref, j’ai passé une soirée dans le flou ou les yeux collés à mes jumelles seul moyen pour moi de voir la danse ! Chers danseurs, hier dans mes yeux vous étiez tous doublés, ce qui avait un effet grandiloquent. Parlons plutôt des ballets que vous pourrez voir à partir de lundi prochain au Palais Garnier.

Le programme est composé de trois ballets, tous trois très différents.

Le premier est Sérénade. C’est un ballet qui a été créé en 1934. C’est une des premières créations « outre-atlantique », peu de temps avant la fondation du NYC Ballet. Pas d’argument dans cette petite pièce sur une musique de Tchaïkowsky. Balanchine a fait avec les moyens du bord. Premier jour de répétition, il y avait une vingtaine de filles, le surlendemain, plus que six. Qu’à cela ne tienne, il écrit la chorégraphie, le mouvement doit continuer. Une fille entre en pleurant dans le studio ? On conserve alors cette entrée. C’est cela qui fait la douceur de pièce. Elle regorge de petites pépites, d’intentions dissimulées ça et là. Balanchine n’a eu de cesse de modifier cette pièce, en ajoutant ou retirant des détails, des regards, parfois même des gestes entiers. On peut s’inventer une histoire alors qu’il n’y en a pas. Les longs tulles bleus renforcent cette idée romantique, peut être d’une passion entre un danseur et cette jolie blonde qui arrive au cours en retard. Il n’en est rien, mais rien ne vous empêche de laisser aller votre imagination.

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Dans mes jumelles, j’ai tout de même aperçu Eleonora Abbagnato, pour ma plus grande joie. Mathilde Froustey et Myriam Ould Braham ont aussi déjà offert du spectacle !

Le deuxième ballet proposé est de loin mon préféré. Il s’agit d’Agon, ballet de 1957. Sur une musique de Stravinsky, qui peut vous sembler sans mélodie, Balanchine construit une chorégraphie qui ne manque pas d’innovation. Ce « combat » est plus une « battle » entre la danse et la musique, car il ne faut jamais en perdre le rythme. La virtuosité technique exigée par Balanchine rappelle la complexité de la partition et il se construit un dialogue entre les deux qui m’emmène dans un imaginaire fabuleux. On peut dire qu’Agon fait partie des ballets en noir et blanc au même titre que Les 4 Tempéraments (que j’adore!), où les pas de deux succèdent aux pas de quatre, sans transition et pourtant on n’en perd pas pour autant le fil.

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Le dernier ballet est Le Fils Prodigue. Il a été écrit pour Serge Lifar, dans Les Ballets Russes de Diaghilev, en 1929. La version présentée date de 1957, Balanchine avait l’habitude de remanier ses ballets. L’argument est fort simple. Un fils veut plus de liberté, et quitte le foyer familial. Il se fait voler par ses deux compères, puis il rencontre un bande de lutins, qui le mettent dans les bras d’une femme envoutante et dominatrice qui finit de le ruiner. Il se retrouve seul et en guenilles. Il rentre alors chez son père, qui est heureux d’enfin le retrouver. La chorégraphie ressemble beaucoup à du Roland Petit et on ne peut pas s’empêcher de penser au Jeune Homme et la Mort. On est dans une écriture assez fine, résolument contemporaine avec un langage néoclassique. La musique de Prokofiev sert la narration, car elle l’accompagne et insiste sur les moments forts de la vie de ce jeune homme. En même temps, cette musique offre au chorégraphe des changements de rythme fabuleux pour monter une chorégraphie d’une grande modernité. Hier soir, Je n’ai pas quitté des yeux, des jumelles Agnès Letestu… Quelles jambes !

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Les distributions sur le site de l’Opéra de Paris

Allez je m’en vais me racheter des yeux pour y voir quelque chose à la première de lundi !

Rencontre autour de Roméo et Juliette, Sasha Waltz

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Pour un premier jour de vacances, quoi de mieux que d’assister à une répétition à l’amphi Bastille ? Et bien rien alors après un petit verre avec V***, rencontrée par Danse en Seine,  avec qui on papote de danse, d’abonnements, et d’Arop, direction l’amphi.

Installée au premier rang, avec Elendae et Fab, j’ai une place idéale pour apprécier la répétition. Brigitte Lefèvre présente la répétition. Roméo et Juliette de Sasha Waltz succède à La Bayadère à Bastille. Cette pièce est un opéra dansé. Elle permet de réunir différents artistes qui trouvent plaisir à travailler ensemble. C’est une très belle oeuvre. Gérard Mortier a pensé à mettre une chorégraphie sur cette musique et Brigitte Lefèvre a pensé à Sasha Waltz. Cette dernière a accepté assez facilement. Quand elle était à l’Opéra, le temps était différent, car c’était un temps de création et donc d’émulation. Sasha Waltz a la même devise que Picasso « Je ne cherche pas, je trouve ». Elle a su trouver une osmose entre elle et les danseurs.

Elle avait deux assistants à l’époque qui sont venus remonter la pièce : Luc Dunberry et Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola (que pour des commodités on appellera Juan!). C’est ce dernier qui va conduire la répétition.

Ce sont Mélanie Hurel et Vincent Chaillet qui vont danser les rôles de Juliette et Roméo. Ils nous montrent la répétition du premier pas de deux, celui de l’amour. Ils se sont vus, ils se sont plus, maintenant ils vont danser ensemble.

La répétition fut passionnante, menée par Juan, qui aiguise au millimètre les intentions de la chorégraphe. Il rappelle d’emblée la spontanéité du mouvement, il ne doit pas être
dirigé, ni anticipé. si un choix se fait avec le corps, il faut que ce soit au dernier moment, pour garder le plus de naturel possible. D’autre part, il faut les deux danseurs se rappellent, qu’ils sont au tout début de leur amour. si Roméo sait que c’est elle qui le touche, c’est la première fois que Juliette l’approche de si près, c’est donc une étape importante dans leur relation. Roméo et Juliette sont presque des enfants, ils découvrent cette sensation de l’amour « Ne sois pas convaincu, ne te dis pas elle est à moi ». Chaque petit pas doit être un frisson, car c’est une étape de plus dans cet amour naissant. Les mouvements doivent être exécutés avec cette idée « j’ose ou je n’ose pas ». Il y a besoin de pudeur dans cette relation et par conséquent dans l’intention des gestes. En même temps, c’est une relation où on doit s’assurer de certaines choses, c’est pour cela que souvent Juliette doit se laisser aller dans les bras de Roméo. « Mélanie, assure-toi que c’est lui qui te porte ». Le porté où Juliette est contre le buste de Roméo et monte sa jambe pour être en planche, est très délicat et on sent l’harmonie des corps entre les deux danseurs.

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La relation progresse à mesure que le pas de deux avance. Si il y a toujours de la pudeur entre les deux amants, mais Juliette émet le désir d’être caressée par Roméo quand elle prend ses bras s’enlace avec. Roméo doit montrer ce désir en ne la quittant jamais des yeux. Ainsi Vincent Chaillet doit se tordre le cou dans de nombreuses rotations. Ils doivent le moins possible lâcher le contact entre eux. Les jambes doivent avoir la même sensualité que les jambes. D’ailleurs, le moment où Roméo est au sol et Juliette joue de ses jambes autour de lui, est applaudi par la salle absorbée par ce moment de sensualité.

Juan insiste sur la légèreté du corps, et le placement du poids du corps, pour ne pas perdre d’énergie. Le pas de deux dure douze minutes, il faut donc faire attention à garder
la même énergie et pour cela, pour à la fois être juste dans le mouvement et dans les intentions, il faut laisser aller son corps dans certaines inerties. Mélanie Hurel doit étirer sa planche à son maximum sans cambrer, pour gagner en légèreté et ainsi soulager Vincent Chaillet. En outre, en s’étirant, le visuel sera plus beau. On aura cette sensation de plénitude. « Le plus vous vous laissez aller l’un à l’autre, le moins vous aurez à vous reposer sur votre propre corps. » Mélanie Hurel doit se laisser emmener dans un porté « Reste derrière, attend qu’il t’amène. » Il faut laisser les lois physiques travailler par elles mêmes. Les chutes doivent continuer, il faut laisser le mouvement continuer. De même, la tête doit être relâchée et suivre le mouvement. Juan corrige la puissance dans les jambes. Si la technique est là, il faut plus dépendre de l’autre. Quand Juliette est en arabesque contre son corps, il faut qu’elle dépendent de lui. Si il n’est pas là, elle doit tomber. Le regard doit être attiré par cela, pas par l’arabesque.

Il faut voir la jeunesse de Roméo et Juliette, le public doit comprendre cela. Dans la chorégraphie il y a des moments ludiques, presque comme un jeu. Par exemple, les
tourbillons dans lesquels ils se cherchent du regard, les petits sauts. Il faut garder cet esprit ludique plutôt que d’essayer de bien danser, il faut donc se débarrasser de tout les habitudes qu’on peut avoir avec les danse classique. Relâcher la tête, avoir une course naturelle.

La chorégraphie jongle entre ces moments de jeu et des moments d’amour et de sensualité. Juliette tombe sur le buste de Roméo, il la caresse de sa main et choisit le visage. Ce moment est comme un chantage émotionnel. Juliette doit s’assurer de nouveau qu’elle ne se trompe pas. « Est-ce que tu m’aimes ? Tu m’aimes vraiment ? Montre moi que tu m’aimes. «  Là encore Juliette émet un désir, elle poursuit cette caresse autour de son cou et de sa poitrine. Il faut qu’on voit la continuité entre la main de Roméo et la sienne. C’est ce qu’elle aurait aimé qu’il fasse.

Après une heure de répétition, elle se termine. Nous n’avons pas pu revoir tout le travail du début faute de temps, ni le pas de deux en entier. J’aurai pu rester des heures à voir Juan corriger, affiner, conseiller, faire sentir expliquer chaque pas. C’était une fois de plus très intéressant. Rendez-vous l’an prochain pour les prochaines répétitions publiques. Au programme, on verra Sous Apparence de MAG, Don Quichotte, Kaguyahime, un extrait de la soirée mixte, et La Sylphide.

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Les distributions de Roméo et Juliette :

Les 7, 9, 10, 12, 15, 17, 20 mai

Juliette Aurélie Dupont
Roméo Hervé Moreau
Père Laurence Nicolas Paul

Les 13 et 16 mai

Juliette Mélanie Hurel
Roméo Vincent Chaillet
Père Laurence Vincent Cordier

 

Hector Berlioz Musique
Sasha Waltz Chorégraphie (Opéra national de Paris, 2007)
Pia Maier-Schriever, Thomas Schenk et Sasha Waltz Décors
Bernd Skodzig Costumes
David Finn Lumières

Il y a des places pour toutes les dates. Pour réserver, suivez le lien.