Répétitions

Répétitions

J’adore voir des répétitions. Parfois même plus que des spectacles. J’aime voir le costume à moitié achevé, qui tient avec des épingles. J’aime voir cette forme inachevée. Tout est en devenir, rien ne semble figé. Il y aussi cette atmosphère particulière entre le stress de la première qui approche et une ambiance décontractée nécessaire au bon déroulement du travail. Quand j’assiste à une répétition, j’ai vraiment l’impression d’être une petite souris qui s’est faufilée.

Colasante Alu répétitions

En danse, j’écoute avec attention toutes les corrections du chorégraphe/maître de ballet. Il y a à chaque fois des conseils pour rendre la danse plus facile. Samedi 12 septembre, lors de la répétition de Thèmes et variations, Benjamin Millepied expliquait à François Alu comment porter en se déplaçant, sans prendre toute la force dans les bras. La danse est tout le temps une affaire de gestion de l’énergie. Chaque détail compte pour rendre le travail invisible. Une main qui vient se poser sur la ballerine doit être délicate « comme une tenir une tasse de thé avec deux doigts », un regard marqué ou un temps musical  qu’il ne faut pas oublier. Les danseurs s’exécutent, modifient le détail et la danse se transforme. C’est impressionnant de voir à quel point le langage corporel change avec un bras placé différemment à quelques centimètres de sa position initiale, ou une jambe qui monte en prenant l’énergie ailleurs que dans un quadriceps trop gonflé. Benjamin Millepied est un bon répétiteur qui déploie toute son énergie sur ce genre de petits détails ; il s’attache à une danse très fluide, qui marque fortement la musique et où la ballerine est mise en valeur.  La musique de Thèmes et Variations, est superbe pendant ce pas de deux, peut-être même que le public fera comme Mr B. en coulisses, fermer les yeux, écouter la musique et danser dans sa tête.

Photo Nanterre Les Amandiers

Photo Nanterre Les Amandiers

Au théâtre, il y a quelque chose du langage corporel qui se joue aussi. Lundi 7 septembre, je suis allée voir la répétition de Ça ira (1) Fin de Louis, de Joël Pommerat au théâtre des Amandiers. Pendant le premier acte, la pièce défile. Quelques trous dans le texte, mais le début de la pièce est bien en place. C’est ensuite, dans la deuxième partie que les choses deviennent passionnante. Au micro, Pommerat règle au millimètre le placement des chaises et des comédiens sur ce grand plateau sombre. Le choix du peu de décor doit être compensé par l’occupation de l’espace des comédiens. Avec le jeu des lumières, on passe des Etats généraux, à la réunion de quartier dans Paris. Pommerat règle les tons des voix, rappelle l’importance de chaque instant pour que le spectateur comprenne ce qu’il se joue dans cette révolution. Avec l’utilisation de figurants dans la salle, il plonge le public dans une position où la distanciation n’est plus possible. Il joue avec les codes du temps, si bien que le discours produit semble intemporel. Chaque fausse note est corrigée, il réfléchit à voix haute pour savoir si il faut garder ou raccourcir. Encore une fois, la forme est encore informe et c’est passionnant de la voir se transformer sous nos yeux. Le spectacle se jouera dans quelques jours, il faudra que tout soit prêt.

Thèmes & Variations de George Balanchine, c’est à l’Opéra de Paris à partir du 22 septembre, clic
Ça ira (1) Fin de Louis, de Joël Pommerat, c’est aux Amandiers de Nanterre à partir du 4 novembre, clic

Convergences Lac des cygnes

Du 11 mars au 9 avril 2015, l’Opéra de Paris présentera le Lac des cygnes dans la version de Rudolf Noureev. La première sera assurée par Emilie Cozette, Stéphane Bullion et Karl Paquette. Ludmila Pagliero dansera aussi ce rôle ainsi qu’Héloïse Bourdon. Ces grands ballets classiques sont l’occasion de donner la chance à des jeunes de danser, le temps d’une soirée ou deux le rôle de l’étoile. Ce sera le cas pour Sae Eun Park (distribuée le 9 avril) qui est sujet dans la compagnie. Yannick Bittencourt et Jérémy Loup Quer apprennent respectivement les rôles de Siegfried et de Rothbart. Hier à l’amphithéâtre, Elisabeth Maurin, menait la répétition du Lac des cygnes. L’ancienne étoile connaît bien le style Noureev (elle fut nommée étoile dans le rôle de Clara et dansa le Lac de nombreuses fois) et ce fut un délice de la voir expliquer et transmettre tout son art avec un large sourire.

Lac des cygnes

 

Benjamin Millepied arrive à 15h50, traverse la foule qui fait la queue pour assister à la répétition publique. Il présente la répétition, avec son style décontracté. Les danseurs entrent, ainsi que le pianiste et Elisabeth Maurin. La répétition du Lac des cygnes peut commencer. Les danseurs vont répéter le pas de 3 de l’acte III. La répétition commence et très vite, Benjamin Millepied intervient pour corriger les jeunes danseurs . Ce sont les prises dans le pas de deux qui intéressent particulièrement le chorégraphe. Pour lui « il faut toujours se mettre à la place de la fille ». Les mains doivent être élégantes, glisser dans celles du partenaire. Le placement semble aussi très important pour le chorégraphe. Il faut laisser de la place à la fille pour lui laisser l’occasion de s’envoler dans les sauts. Bref, il faut lui faciliter la vie pour la mettre en valeur. Benjamin Millepied se montre très investi, il est enthousiaste et veut tout corriger. Il prend la place du danseur pour montrer, n’hésite pas à refaire lui-même les pas. Dans une de ces interviews, il avait déclaré ne plus vouloir danser ; vraiment M. Millepied ? Il encourage ses danseurs et les félicite avec des petits mots en anglais qui font sourire l’audience.

Yannick Bittencourt et Sae Eun Park par Isabelle  Aubert

De son côté, Elisabeth Maurin transmet le style Noureev. Elle qui a travaillé au côté du maître explique le sens de la danse de celui-ci. Ainsi les bras de l’arabesque doivent exprimer une direction, vers Rothbart, ou vers Siegfried. Elle rappelle les intentions du chorégraphe, « Il faut que tu arrives comme une image » ainsi que sa chorégraphie « là c’est arabesque, puis fermer 5ème, il faut la marquer ». Avec beaucoup d’humour, elle règle les petites difficultés de chacun : « Dans ce pas de trois, on est 4 avec la cape ! ».

Après le pas de trois, on passe à l’entrée du cygne à l’acte II. C’est un passage délicat, car il faut maîtriser la pantomime qui raconte l’histoire de cette princesse prisonnière dans le corps d’un cygne. Quelques années auparavant, le public s’était délecté des explications de Patrice Bart, dans ce même amphithéâtre. Noureev a fait de la pantomime une danse raffinée, pleine de finesse. Qu’on comprenne ou non la pantomime, cette première rencontre doit être magique, électrique entre les deux danseurs. Sae Eun Park et Yannick Bittencourt dansaient pour la première fois ce passage et ils n’ont pas démérité.

Répétition Lac

 

Avant-goût de Dances at a gathering

Du 19 juin au 7 juillet, l’Opéra de Paris présente une soirée mixte, faite de Dances at a gathering de Jerome Robbins et de Psyché d’Alexei Ratmansky. De retour 3 ans après, Psyché est un ballet féerique sur la musique de César Franck. La pièce de Robbins a été crée en 1969. C’est un ballet qui ne raconte rien, c’est un dialogue entre la danse et la musique de Chopin. Samedi 31 mai, dans le cadre des Convergences, nous avons pu assister à une répétition publique menée avec humour et pédagogie par Clotilde Vayer. La maître de ballet qui remplacera bientôt Laurent Hilaire dans son poste d’associé à la direction de la danse dirigeait ce samedi, Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau pour le pas de deux entre la « jaune » et le « vert », puis Sabrina Mallem qui dansera la « verte ».

Dans ce ballet sans histoire, on désigne les personnages par leurs couleurs de costumes. Ainsi, on a vert, jaune, brique, bleu, rose, mauve, violet. Il n’y a donc pas d’argument. Pour Robbins, ce ballet est un peu comme les Sylphides. C’est par la musique que les gens ont envie de danser.

La répétition commence. Clotilde Vayer insiste sur la bonne humeur qui doit émaner de ce ballet. C’est comme une grande journée ensoleillée, un beau jour d’été. Le sourire d’Héloïse Bourdon illustre à merveille ce bonheur de danser et de partager pour la première fois ce jour-là la scène avec P-A Raveau. Clotilde Vayer demande à plusieurs reprises que « ça bouge ». Le pas de deux, comme tous les autres du ballet est une conversation entre deux danseurs. C’est un jeu de questions de réponses et la chorégraphie de l’un et de l’autre se répondent. « C’est un jeu intimiste entre vous deux ». La maître de ballet insiste sur les intentions et sur les regards, mais aussi sur le jeu qu’il faut faire avec la musique. « Il n’y a pas plus musical que Robbins ». Pierre-Arthur Raveau montre à nouveau de très belles qualités aussi bien techniques qu’artistiques. Héloïse Bourdon quant à elle est une partenaire délicieuse, qui dégage une grande délicatesse. La grande exigence de Clotilde Vayer, les pousse à se surpasser, à tout donner, si bien qu’en 30 minutes les danseurs sont déjà en nage. Il est alors temps de les laisser souffler, puisqu’ils dansent le soir même dans Palais de Cristal.

 

Clotilde Vayer, Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau, photographie d'IKAubert

La répétition se poursuit avec Sabrina Mallem qui interprétera la verte. C’est une variation qui a été crée par et pour Violette Verdy, que Clotilde Vayer a aussi dansé, coaché par M. Robbins lui-même. Clotilde Vayer nous explique que c’est une variation qui paraît très facile, parce qu’il y a peu de technique, mais qui en réalité ne l’est pas du tout. C’est une variation sur la musicalité. Toute cette variation est faite pour le public, contrairement aux autres, où les danseurs dialoguent entre eux de manière presque intime. La verte entre et elle regarde tout le public. Elle ouvre ses bras, et hop, c’est comme si quelqu’un lui marchait sur la robe. Elle ne fait pas les pas en entier, c’est une danseuse qui a de la maturité, elle ne montre pas en pas en entier. « C’est la mort d’un coupé jeté ». Il y a de nombreux pas empruntés au folklore ou à la comédie musicale. Clotilde Vayer donne tout son savoir à Sabrina Mallem qui ne ménage pas ses efforts. « tu vois là c’est salut Ghislaine Thesmar ». La maître de ballet est aussi bonne pédagogue avec ses danseurs qu’avec le public à qui elle ne manque pas d’expliquer chaque détail, chaque nom spécifique. Le salut Ghislaine Thesmar, c’est parce que Thesmar avait cette manière très particulière de faire sa révérence, en se prosternant devant son public. Clotilde Vayer passe ensuite à la deuxième partie, là où la verte va tenter d’établir un dialogue avec les hommes qui se baladent sur le plateau. « Tu fais tout pour qu’on te remarque », mais personne ne la voit. « Joue des coudes », elle s’agite devant un homme, on pense au Concert. Clotilde Vayer insiste sans cesse sur la musicalité et l’espace tout en faisant des rappels sur la technique « attention à tes bras en couronne, pas de petit chapeau… pousse des talons en avant ». Elle encourage, ne lâche pas sa danseuse pour lui faire parvenir à ce point d’équilibre où la variation est juste. Sabrina Mallem, écoute refait, avec beaucoup d’humilité et de talent. Elle se montre toutes ses qualités, notamment de très jolis bras et un beau port de tête. La répétition se termine. Clotilde Vayer nous dévoile la fin du ballet. « On regarde ». Mais on ne regarde rien, juste on regarde. On célèbre tout simplement la musique avec la danse.

Clotilde Vayer et Sabrina Mallem

A savoir, l’Opéra de Paris a récemment reçu le Prix Jerome Robbins décerné par la fondation Robbins.

Réserver des places pour la soirée Robbins Ratmansky (les soirées du 19 et du 21 sont précédées du défilé du ballet) , clic


Robbins – Ratmansky par operadeparis

Avant-goût de Darkness is hiding black horses, Teshigarawa

Retour une rencontre AROP avec Saburo Teshigarawa et la répétition publique avec Nicolas Le Riche. Le chorégraphe japonais est venu créer une pièce pour la deuxième fois à l’Opéra Garnier. La première Air, m’avait laissée un très bon souvenir. J’attends avec impatience cette nouvelle création qui mettra en scène dans l’obscurité trois étoiles, Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard. Première le 31 octobre.

  • Rencontre AROP

Le ballet Darkness is hiding black horses est présenté avec deux pièces qui font partie du répertoire. Glacial Delcoy de Trisha Brown et Doux mensonges de Jiri Kylian. C’est parce que ces trois chorégraphes ont « une certaine idée de la beauté » et recherchent le mystère qu’est la beauté que Brigitte Lefèvre a décidé de les rassembler. C’est une soirée intimiste. Il y a quelque chose dans ces trois pièces avec une relation très spéciale à la musique, aux sons et au silence.

Brigitte Lefèvre : Que souhaites-tu faire pour cette nouvelle création ?

Saburo Teshigarawa : Je suis très content d’être ici. J’ai commencé les répétitions avec les danseurs qui sont des personnalités passionnantes et curieuses de mes méthodes. Nous sommes attentifs les uns aux autres, nous sommes attentifs au corps.
Dans mes créations, je me demande quelle est la réalité de la danse. Comment vit le corps, comment on bouge son corps, comment l’autre bouge son corps.
Pour cette nouvelle création, j’ai suggéré beaucoup de choses. Je donne des déclencheurs pour que mes danseurs bougent. Je ne veux pas qu’ils utilisent leur mémoire, leur mémoire corporelle. Ils en ont beaucoup. Je veux qu’ils soient libres pour ce projet. Je ne leur parle pas de l’histoire de la pièce. Ensuite je les interroge. Comment tu relâches ton corps? Comment tu as ressenti cela ? Comment, c’est toujours la question. Il nous faut rassembler nos points de vue artistiques. Pour cela il faut avoir du temps, et des artistes talentueux. Mais avec Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard, j’ai la chance d’être avec trois danseurs très talentueux.
Ce que je dis vaut aussi pour le public. Il faut d’abord que je vous parle de ma méthode.

Brigitte Lefèvre : Peux-tu nous expliquer le titre de ta pièce ?

Saburo Teshigarawa : L’obscurité (Darkness) m’intéresse. Quand on ne voit rien, on peut imaginer des choses. Peut être que sur une scène obscure, il y a des chevaux noirs. Peut être 1, 2 ou peut être 100. Ils sont tellement silencieux. Quand ils ouvrent leurs yeux, ils nous regardent.
Cela c’est le début de la pièce. Cela est né de mon imagination. Pour moi, l’obscurité fait partie de la vie. L’obscurité est le pendant de la vie. Vous étiez dans le noir avant que vous soyez né. Puis à la lumière, on pleure. A la fin de la vie, on retourne à l’obscurité. Nous avons aussi de la noirceur en nous. Attention, il ne faut pas interpréter cela de façon psychologisante. L’obscurité pour moi c’est la lumière. L’obscurité est quelque chose de très riche. J’adore la couleur noire. La danse est réaliste, c’est ce que vous verrez sur la scène.

Brigitte Lefèvre : Ta danse est-elle sensorielle ?

Saburo Teshigarawa : Notre sensation n’est jamais garantie. C’est ce qui est beau d’ailleurs. Je ne sais pas si ma danse est sensorielle. Je cherche une qualité de mouvements. Quelque chose qui serait toujours neuf. Par exemple, vous voyez, la fumée ne peut pas se localiser, c’est évanescent, cela ne se répète jamais. Je cherche ce sentiment de fraîcheur dans ma danse. Pour cela je commence par le corps et ensuite le tempo. Je m’attache aux petits détails. Ce sont les détails du corps qui vont apporter les émotions. C’est un petit détail qui va vous faire sourire ou pleurer. Il faut chercher cette flexibilité dans le corps. Les danseurs sont entrés dans cette façon de penser, ils changent aussi leur corps à présent.

Brigitte Lefèvre : Tu fais un travail d’improvisation ?

Saburo Teshigarawa : Je ne parle pas d’improvisation. Le but c’est la recherche d’une qualité ou d’une matière. Pour cela le tempo est essentiel. Vous pouvez avoir un long moment en dix secondes ou un très court en 5 minutes.

Brigitte Lefèvre : On sait que tu fais tout sur tes créations, la musique, les costumes, les lumières.

Saburo Teshigarawa : Oui en effet, je fais la musique et les lumières. Les danseurs travaillent avec la musique tous les jours. Ils vont travailler en fonction de la musique. Cela va être une recherche que je vais alimenter de questions. Par exemple, est-ce que c’est la respiration ou le poids du corps qui engendre le mouvement ? Les danseurs ont besoin de tout sentir. On recherche ensemble, on va découvrir ensemble.

teshigawara

  • Répétition publique à l’amphi Bastille

La répétition avait lieu trois jours après cette rencontre AROP. L’occasion de voir en mouvement la « méthode ». Nicolas Le Riche s’est prêté à l’exercice, en nous traduisant en même temps, les instructions de l’artiste japonais et en nous expliquant le travail qu’il menait en ce moment au studio.

Teshigarawa a besoin de beaucoup de matériel avant de pouvoir fixer la chorégraphie. Il recherche la qualité du mouvement plutôt que d’imposer sa pièce. Il demande à l’étoile de commencer le travail en faisant des cercles, des lignes courbes avec son corps. Le danseur s’exécute et avec une course circulaire, son corps se met en mouvement. Il semble presque en transe, les yeux à demi-clos. Il fait attention à sa respiration. Il expérimente où l’emmène son poids du corps. Le chorégraphe le dirige dès que la danse devient automatique, faite de gestes déjà pensés. Il essaie que son danseur soit le plus organique possible. Pour cela, il le fait marcher avec le plus d’abnégation possible. La respiration est un concept très important chez Teshigarawa. Il demande de mettre de l’air partout pour créer du mouvement. Mettre de l’air entre les doigts, entre les épaules, sous les bras, partout l’air doit circuler.

Teshigarawa insiste à nouveau sur le fait qu’il ne s’agit pas d’improvisation. Il s’agit de travailler de manière organisée afin de retirer toute la mémoire corporelle. Le geste doit toujours être frais et vivant. Il faut se mettre à nu et oublier ce que l’on a appris. Nicolas Le Riche témoigne de la difficulté qu’il a éprouvée au début. Il explique qu’au début des répétitions, ils avaient très peu de solutions, parce que la liberté en danse, ce n’est pas facile. Le corps est prisonnier, non seulement de mouvements, mais aussi de rythme. Ce que leur a demandé Teshigarawa est  très technique et cela nécessite une grande ouverture d’esprit.

Teshigarawa propose des variations dans ces marches. Il fait faire des rotations pour voir comment cette énergie va se déployer et si le mouvement reste vivant. Il faut se méfier du mécanisme. Pour cela il faut bien utiliser sa respiration. Naturellement, on inspire plus qu’on ne souffle. Il faut jouer avec le souffle, trouver de nouvelles manières de mettre de l’air dans le mouvement.

Voir Nicolas Le Riche bouger avec ces mouvements si simples et si vivants fut un vrai bonheur… Vivement demain !

Nicolas Le Riche par Agathe Poupeney

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Convergences Le Boléro Cherkaoui/Jalet

En pleine semaine sur le Tricentenaire, pause contemporaine à l’amphi Bastille pour découvrir les premiers mouvements de ce nouveau Boléro.

Brigitte Lefèvre avait la volonté de proposer un nouveau Boléro. Quand on pense Boléro à l’Opéra, on visualise celui de Maurice Béjart, avec sur la table un sensuel Nicolas Le Riche. On peut aussi penser à celui d’Ida Rubinstein. L’Opéra avait donc envie d’une nouvelle chorégraphie. Sisi Larbi Cherkaoui a donc été convié, avec son acolyte Damien Jalet. Les deux chorégraphes ont eu l’envie de travailler avec Marina Abramovic. Le trio formée il ne restait plus qu’à créer.

Il a fallu choisir les danseurs. Ils seront onze sur scène. Parmi eux, ceux que l’on va voir répéter aujourd’hui, Alice Renavand, Adrien Couvez, Alexandre Gasse et Marc Moreau. On retrouvera aussi Marie-Agnès Gillot, Vincent Chaillet, Aurélie Dupont.

Damien Jalet s’avance et le moleskine dans les mains, commence à nous raconter cette aventure. C’est une danse de groupe, contrairement à celui de Béjart. Chacun a son rite par rapport à cette musique. Et là, il faut que chaque danseur prenne part au rituel. La musique est une œuvre imposante, c’est une montagne. Le trio a commencé par écouter l’œuvre de Ravel, de nombreuses fois. La problématique était « comment traduire cette musique physiquement ? ». La première image qui leur est apparue fut la spiral. Spirale ascendante, spirale descendante, car cette musique peut être pour certains apocalyptique. Il fallait donc trouver une gestuelle, qui traduirait cette spirale et en même temps quelque chose de constant. Au centre, rien, du vide, mais ce vide est magnétique. Les danseurs tournent autour d’un axe, mais cet axe se déplace, ainsi on est pas tout le temps dans une verticalité.

L’autre question qui s’est posée est celle de la transe. Vous avez plusieurs façons d’y parvenir, sauter sur place par exemple, mais là Cherkaoui et Jalet sont restés sur l’idée de la spirale, donc tourner. Comme la musique, qui peut amener à cet état, tourner amènera à une transe.

L’exposé de Jalet s’interrompt pour laisser place à la danse. On découvre une première phrase chorégraphique dite « de base ». C’est très beau, très fluide, on voit assez clairement la pâte de Cherkaoui avec cette souplesse dans les membres sans cesse exigée. On reste le regard figé sur James O’Hara, danseur de Cherkaoui, absolument sublime. Les corps sont attirés tantôt par le sol, tantôt par le ciel, tournant autour de cet axe imaginaire à la fois dans leur corps et au centre de la scène.

Boléro Sidi Larbi Charkaoui Damien Jalet

Derrière cette danse, Jalet et Cherkaoui ont eu la volonté d’y mettre une forme de mythologie. au début, les danseurs sont comme des dieux immatériels, chacun dans son univers (ils ne se regardent pas d’ailleurs au début), puis ces dieux se matérialisent dans l’extase provoquée par la danse. Au début, c’est calme d’ailleurs, la danse ressemble à des volutes de fumée.

Les danseurs doivent essayer d’être dans une forme d’opposition dans le corps, pour créer une force d’amortissement.

A partir de la phrase principale, les chorégraphes ont crée des phrases complémentaires appelées « orbite ». Les phrases vont résonner entre elles, et vont s’absorber, comme une émulsion. Ainsi la 3ème phrase, on trouve un premier contact physique, dos à dos. Un peu comme le discours d’Aristophane, dans Le Banquet de Platon, les danseurs sont collés dos à dos, c’est le début de la fusion entre deux personnes.

Jalet commence à corriger les danseurs, même si visiblement ce n’est pas son propos aujourd’hui. Il veut nous donner les clefs pour profiter pleinement du spectacle. Il leur dit d’essayer d’utiliser le minimum d’énergie possible. Il faut jouer sur une forme de résistance, notamment quand on danse avec le corps de l’autre. Il faut penser au dessin de la spirale dans l’espace, il faut que le corps se prolonge.

Si il n’y a pas de solistes dans le ballet, il y a tout de même des formes d’isolations. Un peu comme dans le Sacre de Pina, il y a toujours une personne qui ne fait pas partie du groupe. Un couple qui se scinde et hop un solo démarre. Là encore, cela crée des oppositions par rapport aux phrases déjà existantes. Ce qui intéresse les chorégraphes, ce n’est pas la forme du vase, mais comment le liquide se déplace dans le vase. On voit bien avec les extraits montrés aujourd’hui, que le geste est exploité dans toutes ses configurations, dans toutes ses orientations, décliné et transformé pour former un tout harmonieux, qui va nous faire entrer en transe.

Boléro de Damien Jalet & Sidi Larbi Cherkaoui Aurélie Dupont en répétition

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Marina Abramovic tiendra une conférence publique (en anglais) mercredi 24 à 20h. Gratuit, sur réservation, clic