Ce soir à 18h45 sur Arte, vous pourrez découvrir Les enfants de Scaramouche, un film de François Roussillon librement inspiré du ballet de José Martinez, créé pour les élèves de l’école de danse. Vu la semaine dernière, je vous livre quelques impressions sur ce film qui ravira petits et grands à Noël.
Le film commence avec Jade et Enzo, deux élèves de l’école de danse. Jade est à l’école et attend Enzo qui est externe. Aujourd’hui, il y a le grand José Martinez, danseur étoile, qui va faire une audition pour son ballet. Enzo ne se réveille pas, alors qu’il est le favori pour le rôle du danseur. Jade, affolée, tente de le réveiller. Il part en catastrophe de chez lui et faute de bus, il erre dans Paris, danse avec un violoniste, dévale les quais de Seine, poursuit sa course vers Nanterre. Enzo arrive enfin à l’école, mais ne parvient pas à accéder au studio. Fuyant sa directrice de la danse, il se réfugie dans un studio plus haut, où un rideau rouge est installé. Ce rideau est en fait une porte secrète vers l’Opéra Garnier. Fasciné par les petites souris, Enzo va les suivre dans les moindres recoins de l’Opéra Garnier tandis que Scaramouche et sa bande de la commedia dell arte vont petit à petit envahir l’Opéra. Poussé par Scaramouche, il attendra enfin l’audition pour son rôle. On entre alors dans une autre atmosphère, celle des ballets romantiques, où les petits rat se transforment peu à peu en danseurs étoiles (magnifique passage dansé par Isabelle Ciaravola et Mathieu Ganio). Puis, après ce passage qui nous fait verser une larme, on replonge dans la grande fête, avec tous les petits rats, qui dansent la grande farandole de Scaramouche. Poursuivis par l’homme de la sécurité, ils disparaissent par le même rideau magique qui mène à l’école de danse.
Les scènes dansées du film sont très belles, notamment celles sur la scène de Garnier. Il y a moments d’humour charmants ; la scène du marché de Nanterre (Allister Madin, Takeru Coste et Alice Cantonnet en guests, spécialistes du passage de balai), ou celle des petits rats dansant sous la neige. Dans l’ensemble, la réalisation du film n’est pas à la hauteur du ballet de José Martinez. Les envois de sms qui apparaissent sur l’écran, une photographie presque proche de certaines séries télévisées, des regards un peu clichés, loin du talent des interprètes font le film dénature un peu l’esprit si génial du ballet de José Martinez. Une réalisation qui pêche un peu, mais qui n’enlève pas tout le talent des petits rats et qui donne très envie de revoir Scaramouche, un ballet qui pour une fois, n’est pas plein de sucre et de niaiseries pour enfants, mais qui voit juste et montre le monde des enfants avec poésie, humour, beauté et fantaisies. Un film à regarder en famille pendant ces fêtes de fin d’année.
Quelques mots sur cette exposition qui s’achève dimanche 31 mars, avec une dédicace de Noëlla Pontois. L’exposition présente sur 3 étages la vie de danseuse de Noëlla Pontois, cette étoile qui a marqué une génération.
Au rez-de-chaussée, on découvre une collection de costumes avec au centre celui de Giselle, prônant, tel un trophée au milieu de la pièce (à noter qu’il avait été prêté à Sarah Kora Dayanova quand elle avait participé au Prix de Lausanne). Des vidéos sont projetées sur la coupole du lieu et contre des rideaux. On découvre les affiches de gala, des articles de journaux, des couvertures de magazines. A noter que la danse classique était un art bien plus populaire qu’elle ne l’est aujourd’hui, faisant ainsi la une de Télé Loisirs. Des photos en noir et blanc de Michel Lidvac, qui a une sens certain du portrait.
Au premier étage, on découvre une autre Noëlla Pontois, celle des affiches publicitaires Kodak ou l’héroïne de romans-photos. Quelques articles sur Miteki Kudo, sa fille, son entrée à l’école de danse ou dans le corps de ballet. Quelques photos personnelles aussi, d’une maman au regard admiratif sur son enfant.
Dans une autre partie de cet étage, on découvre l’impératrice de la danse dans ces grands rôles. Des photos avec Noureev, des vidéos, le costume du 2ème acte, qui semble aussi léger que sa propriétaire. Les photos sont superbes et retranscrivent assez bien pour des images figées, ce que pouvait être la grâce de l’étoile.
Pour aller au deuxième étage on monte les marches sur lesquelles sont inscrites les grands moments de la carrière de Noëlla Pontois. On arrive dans une reconstitution de sa loge, avec ses objets personnels. Éventails, barrettes de fleurs, maquillage, photos, peintures, paires de pointes, costumes personnels, on est plongé dans une intimité particulière. Lieu de préparation, de concentration mais aussi de détente, on sent toute l’âme de la danseuse dans les objets choisis avec beaucoup de raffinement.
S’ensuivent deux vidéos, avec de nombreuses images d’archives, beaucoup d’extraits avec le grand Noureev qui fut un partenaire à part de l’étoile.
L’exposition se visite avec plaisir, on passe sans se lasser devant les photos de Michel Lidvac et Francette Levieux, les costumes de l’artiste. C’est une exposition très émouvante, qui touche le spectateur, qu’il ait connu ou non l’étoile sur scène.
La page de l’évènement sur Elephant Paname, clic Plus de photos sur la page Facebook, clic
Merci à JMC pour la place.
C’est un nouveau lieu qui a surgit de terre, 3 500 m² qui vont être consacrés à la danse contemporaine et à la création. C’est un nouveau Centre de Développement Chorégraphique, à la porte de Paris, entre Ivry, Vitry et Villejuif, à deux pas du Mac/Val. L’architecte Philippe Prost a réhabilité cette ancienne usine de briques.
Cinq jours d’inauguration du 20 au 24 mars pour découvrir ce nouveau lieu, qui est très prometteur. Au programme :
MERCREDI 20 MARS 2013
Inauguration officielle de la Briqueterie, Le Président du Conseil général, Christian Favier, présentera les ambitions de la Briqueterie en compagnie de la Ministre de la Culture, du Président de la Région Ile-de- France. Réservé aux professionnels et à la presse.
JEUDI 21 MARS 2013
Journée dédiée aux professionnels et lancement de la Biennale de danse.
VENDREDI 22 MARS 2013
Nouvelle représentation de l’œuvre Les hommes sauvages. Dès 20h30, la Biennale de danse se poursuivra au théâtre de Fontenay-sous-Bois avec une nouvelle représentation de la création de Josef Nadj.
SAMEDI 23 MARS ET DIMANCHE 24 MARS 2013 Journées « portes ouvertes » à la Briqueterie
Le grand public sera invité à visiter les lieux, l’occasion de découvrir des spectacles en création et de partager un moment avec les artistes.
Le matin, plusieurs visites guidées de la Briqueterie seront proposées sur le thème de la transformation du lieu, croisant approche patrimoniale, approche du « geste architectural » et approche du projet artistique et culturel. Ces visites seront accompagnées de la projection d’un film tourné lors de la construction du site, Allégorie de la brique, réalisé par une chorégraphe cinéaste, Pascale Houbin.
Dans l’après-midi, sur le parvis extérieur, le public pourra assister à une performance de Willi Dorner, intitulée Fifting. Ce chorégraphe autrichien travaille plus particulièrement sur une appréhension de l’espace urbain.
Enfin, en soirée le samedi et en fin d’après-midi le dimanche, le public pourra assister au sein du studio-scène, à la représentation de la création de Karine Pontiès Luciola, montée en partenariat avec la compagnie Les Brigittines de Bruxelles. Cette jeune chorégraphe et danseuse française, formée à l’école de Maurice Béjart, propose un univers très singulier, fondé sur une écriture au plateau, profondément poétique, où se croisent les disciplines.
Cette année les cinémas Gaumont et Pathé ont eu l’idée géniale de retransmettre quatre soirées en direct du NDT. La première soirée avait eu lieu le 15 novembre, on pouvait y voir deux ballets de Kylian et une création de Medhi Walerski.
Cette deuxième soirée était exclusivement composée de trois pièces de Paul Lighfoot et Sol Leon. Comme en mai, clic, la réalisation était très réussie, avec des entractes très intéressants, sur la construction des ballets, l’élaboration des décors et des costumes, des extraits de répétition.
Une bande-annonce présentait les trois pièces. Noir et blanc, esthétique épurée. Un homme en costume blanc qui rit sous une pluie de cotillons ; une femme dont on ne voit que le profil en clair-obscur, ouvre une porte ; un soldat fou qui hurle, la bouche bougeant comme une vache.
J’ai passé une soirée formidable et j’ai hâte que le NDT revienne en France. D’ici là, je songe à m’organiser un petit week-end à la Haye. Trop tentant après avoir vu ça !
Sh-boom est une pièce qui se regarde comme on chanterait un air joyeux dans la rue. Musiques du monde variées, les saynètes s’enchaînent, avec beaucoup d’humour et toujours, cette exigence de recherche chorégraphique et de virtuosité technique. L’influence de Kylian est très forte dans ce ballet. D’abord avec cet humour si propre à la compagnie, que l’on avait découvert dans Birth-D ; ensuite, par de nombreux enchaînements, notamment ce quatuor de femmes dans des douches de lumières, dansant sur un tango finois. Le travail des expressions du visage est magnifique. L’homme au costume blanc fait une démonstration de jeu de scène. C’est un clown, qui vole sur scène. Ses sauts sont majestueux, plein d’amplitude. Un autre danseur, nous fait beaucoup rire, avec le fameux numéro du double costume. « John » et « Marshall » se font jouir devant un micro comme sur un ring de boxe. Hilarant, fait avec beaucoup de talent.
L’ensemble de fin avec les mouchoirs dans la bouche est aussi surprenant qu’interpellant. C’est un manifeste de la danse, elle se suffit à elle même, un geste et tout est dit. Cette pièce est comme une signature de ce qu’est le NDT aujourd’hui, mais aussi un témoignage de ce qu’il fut. Compagnie internationale, multiculturelle, riche de sa diversité qui sait allier technique époustouflante et jeu de scène formidable. Le tout avec une pointe de légèreté avec ce « sh boom, sh boom, lalalalalalalalal » !
On change complètement d’ambiance avecShoot The Moon. Après avoir vu cette pièce, j’avais le souffle coupé par tant de justesse. La pièce raconte ce qu’est la solitude, mieux qu’on ne le ferait avec des milliers de mots.
Le décor est une sorte de manège qui tourne. Il y a trois pièces au papier peint sophistiqué, noir et blanc. Dans la première pièce, il y a deux portes noires. Elles sont comme des échappatoires, mais elles cachent aussi ce qui pourrait être derrière elles. Dans la deuxième chambre, même décor avec une porte et une fenêtre. Idem dans la dernière pièce. Le décor tourne pour laisser entrevoir chaque espace.
La pièce traite du silence qui s’installe au bout de quelques temps dans les couples. Chacun est dans sa bulle de silence, chacun dans sa solitude. La chorégraphie est poignante, la musique de Philip Glass nous fait entrer très vite dans l’intimité et le désarroi des personnages.
Le langage de Paul Lightfoot et de Sol Leon est à la fois riche, complexe et hautement intelligible. Les courbes des dos montrent l’angoisse de ce couple qui ne se parle plus. Les ventres se contractent, les corps s’assemblent par habitude et non par passion. Les lignes des jambes dessinent une forme d’espoir dans cette chambre vide. Les portés se font sans effort, le travail de ces danseurs est sans pareil. Derrière la porte, il ne faut pas imaginer que l’herbe soit plus verte. Un autre couple, plus expressif, représentant sans doute, une souffrance plus explicite. Les corps sont plus malmenés, les mouvements sont plus rapides, plus rectilignes. Les visages prennent des formes plus sévères. Derrière la fenêtre, la silhouette d’un homme. Au-dessus du décor, il est filmé dans sa grande solitude. Medhi Walerski interprète à merveille (ce garçon est formidable) cet homme plongé dans son chagrin, ou dans ses regrets, d’un amour passé. Sans être lasse, la chorégraphie montre tout le vide qui règne dans cette pièce, qui devient emprisonnante, comme les pensées qui habitent le jeune homme. Les murs sont trop petits pour s’exprimer. Il s’y colle, dans la recherche d’un contact. La fenêtre joue un double rôle. Rencontrer cette femme, qui semble si triste, elle aussi, derrière cette fenêtre ou si jeter à travers, puisque plus rien ne paraît possible entre ces murs.
C’est donc une pièce plutôt sombre qui vous fait frissonner. Criante de vérité, les gestes sont bien plus compréhensibles que les mots. C’est un roman qui s’ouvre sous nos yeux, nous arrivons au chapitre de la fin.
La scénographie est divine, avec ces lumières, qui donnent de la chaleur à travers les vitres des fenêtres, une ambiance glaciale dans les pièces. Rien n’est vain, ni en trop, le film qui est projeté au dessus du décor a pleinement sa place. A la fin le décor tourne, tourne, accélère, comme le fil de la vie.
Same differences m’a beaucoup fait penser à Shine a light, clic. Même scénographie, musique similaire, si le propos principal est ici l’ego qui enferme dans des principes, un langage, un mode de mouvement et de pensée, sur la forme, cela ressemble beaucoup au spectacle que j’avais vu en mai. Ainsi on se retrouve dans un monde très onirique avec des personnages fantasques. Pluie de lumière blanche, paroles incompréhensibles hurlées par un soldat, qui traîne la patte sur une petite passerelle. Un poète, dansé par Medhi Walerski, est le personnage central. Par ses paroles douces, dans plusieurs langues, il fait le lien entre ces personnages qui, finalement, ne communiquent pas entre eux, faute d’un ego trop grand.
Le langage chorégraphique est sans cesse renouvelé. Il n’y a pas de facilité. Chaque pas est exploré, étiré, tourné, jusqu’à trouver la forme parfaite qui va convenir à chaque corps, à chaque caractère. Les ensembles montrent la grande qualité de cette compagnie. Tout est très dessiné, c’est du design chorégraphique.
Prochaine soirée avec le NDT Live au cinéma le 7 février. Le NDT a donné carte blanche à Crystal Pite, danseuse et chorégraphe canadienne, très inspirée par le travail de Forsythe. Elle a depuis monté sa compagnie Kidd Pint. Ne manquez pas de découvrir son travail.
Vendredi soir, direction Bruxelles alors que la neige tombait. Arrivée à la gare du midi, j’ai retrouvé des amis qui m’hébergeaient pour l’occasion. Nous arrivons avenue Louise, joliment décorée pour les festivités de fin d’année. Il fait froid mais j’aime les vraies ambiances de décembre.
Après un réveil sous le soleil qui inonde l’appartement, direction le musée Magritte. Nous commençons par prendre l’ascenseur qui dévoile un corps de femme à mesure que nous montons. Le décor est posé, bienvenue chez le maître du surréalisme belge. Le musée est sur trois étages, il faut commencer par le plus haut. Trois étages, trois grandes périodes de sa vie de peintre et d’homme. Le musée est assez sombre, sans fenêtre dans les salles d’exposition, mais présente un Magritte peu connu du public français. Nous avons eu une conférencière passionnante, qui a mené cette balade avec beaucoup d’amour pour le peintre.
Au premier étage, on découvre les débuts du peintre. Magritte est l’aîné d’une fratrie. Sa mère dépressive s’est suicidée dans une rivière avec un linge blanc autour de la tête, élément qu’on reverra beaucoup dans ses peintures, même si Magritte n’a jamais évoqué cet événement tragique. Magritte a étudié le dessin et la peinture et il débute tout naturellement en faisant des affiches publicitaires, des couvertures de magazines de mode, des couvertures de partitions. Lui même s’essaie à la musique sous le nom de René Georges. Ce pseudonyme, il le prend en hommage à sa femme Georgette, qu’il a rencontré à 20 ans. Les premières peintures de Magritte sont dans une technique lisse. On trouve des couleurs plutôt sombres, mais déjà les premiers thèmes de MAgritte qu’il utilisera plus tard, comme le grelot ou des lettres détournées.
Le deuxième étage est consacré à la période parisienne de Magritte. Celui-ci, adepte des idées d’André Breton décide de réunir ses économies pour partir s’installer à Paris. Magritte n’est pas un bourgeois et ne tient pas à vivre dans le centre de Paris. Il s’installe en Seine et Marne, avec Georgette. Il va beaucoup produire et cette période va être féconde. Magritte n’est pas un surréaliste comme Dali, qui donnait à voir son propre inconscient dans les tableaux. Magritte veut que le spectateur soit actif devant le tableau. Il utilise des éléments qui doivent suggérer des choses chez le spectateur. C’est au public d’avoir une démarche introspective ; il ne s’agit pas de chercher Magritte dans ses tableaux, il n’y est pas. Magritte se définit lui même comme un faiseur d’images et les tableaux les plus parlants en ce sens, sont ceux où l’on voit des formes informes dans lesquelles des mots sont écrits. Ainsi en voyant le mot « arbre », chaque personne va imaginer son arbre, chose impossible si un arbre était peint, tout le monde penserait au même mot.
Les titres des tableaux sont assez amusants, du moins surréalistes. Ils sont rarement choisis par Magritte, mais souvent par ses amis, qui passent voir ses tableaux. De fil en fil, de mots en mots ils trouvaient le titre. Magritte n’avait pas d’atelier. Il s’y refusait car il ne se définissait pas comme un peintre. Il peignait en costume trois pièces dans sa cuisine, sans faire de tâches pour ne pas fâcher Georgette.
Il y a une photo de surréalistes sur laquelle apparaît Magritte. Les hommes sont debouts, les femmes assises, telles des prostituées et leurs maquereaux. Après cela, Magritte s’est fâché avec Breton. Ce dernier avait vu autour du cou de Georgette une croix, ce qui était inconcevable dans sa vision englobante du surréalisme. Magritte se sépare des surréalistes, retourne en Belgique et continue à peindre en revendiquant un surréalisme belge.
Pendant la guerre, Magritte est discret. Il fait bien sûr partie des peintres interdits par la dominance nazie. C’est là que commence son obsession pour les oiseaux. La colombe pour la paix, la liberté. Les hiboux et les chouettes, pour la puissance dominante.
Après la guerre, Magritte commence à être reconnu pour son talent. Lui qui avait été très décrié lors de son séjour à Paris, semble à présent intéresser les galiéristes parisiens. Une galerie veut organiser une rétrospective de son œuvre et pour un peu se venger Magritte peint à la hâte une quarantaine de tableaux avec une technique vulgaire. On appellera cette période la peinture « vache » en hommage à cette vacherie.
Magritte revient vers les impressionnistes tant détestés par Breton. Il se réapproprie les couleurs, cherche sans cesse. Il est de plus en plus connu et on commence à collectionner ses tableaux. Pour vivre Matisse fait encore beaucoup de portraits, mais il finit par accepter l’offre de celui qui veut lui ouvrir l’Amérique. Ironique non pour un ancien de Parti Communiste ? Cela marche, les portes de l’Amérique s’ouvrent et Magritte va désormais travailler presque que sur commande. Les surréalistes n’auront pas réussi à faire la révolution qu’ils souhaitaient, ils ne leur restent plus qu’à rire de ce monde. Magritte invente son petit personnage au chapeau melon, qui est le symbole du fonctionnaire belge. Des formes reviennent sans cesse dans ses tableaux ; le grelot, les nuages. Il fait des séries et des variations sur différents thèmes. La visite se clôt sur un magnifique tableau L’empire des lumières. Il en a fait 17 mais celui qui est exposé ici est sans aucun doute le plus beau. Sa construction est parfaite. L’œil plonge d’abord dans l’étang, puis on remonte sur le réverbère, qui a un halo bien plus grand que ce qu’il y aurait naturellement. On est attiré par la lumière chaude des intérieurs, puis le regard montre le long de l’arbre pour arriver dans un ciel bleu parsemé de nuages. On pourrait rester là des heures.
Balade dans la ville, pour ensuite se diriger vers le Théâtre National pour voir Cendrillon de Joël Pommerat. J’avais déjà vu ce spectacle l’an passé à l’Odéon et j’adore cet auteur/metteur en scène, c’est donc avec joie que je revoyais ce spectacle. Pommerat a l’habitude de travailler sur les contes et de les réécrire d’une plume pleine de poésie mais sans complaisance avec le monde. Il donne à voir avec facilité les différentes grilles de lecture d’un conte, sans en dénaturer l’histoire.
La mise en scène de Pommerat est comme à son habitude fabuleuse. Cela commence avec un homme au centre de la pièce. Au mur, des nuages qui défilent et des mots qui apparaissent. « Imagination, lointain, histoire, rêve », la narratrice évoque ces mots qui forment d’emblée le champ lexical du conte et nous abreuvent de tout un imaginaire. On replonge dans l’enfance qu’elle soit cauchemardesque ou enchanteresse. De nouveau chez Pommerat, on met du temps à avoir le nom de l’héroïne car le spectateur la connaît déjà. Sandra, Cendrier, Cendrillon, qu’importe. Elle a mal compris les derniers mots de sa mère mourrante et se jure de penser à elle à chaque instant. Plongé dans le ménage, et dans le souvenir de sa mère, elle n’a pas le temps de considérer sa condition. Les décors sont superbes. Tantôt la maison de verre, tantôt la cave de Cendrillon, les murs se transforment avec une certaine magie si bien que le spectateur ne sait pas comment il se forme.
L’intelligence de Pommerat transforme l’histoire en une leçon de vie. Se détacher de ses parents une fois qu’ils sont morts pour s’occuper de soi, ne pas laisser sa vie filer et regarder autour de soi, s’affirmer face aux prédateurs de la vie. Cendrillon évolue dans ce monde avec seule sa mère en tête, si bien que quand le bonne fée vient, elle l’envoie balader car elle trouble ses pensées. Les scènes avec la fée sont à mourir de rire. Cette grande folle totalement loufoque évoque les premières fois, dont ne devrait pas être blasée Cendrillon. Les lumières sont magiques, on est vraiment en plein rêve. On vit un grand moment de théâtre, que ce soit du point de la mise en scène, du texte ou de la scénographie. Magique…
Texte et mise en scène : Joël Pommerat | Scénographie et lumière : Eric Soyer | Assistant lumière : Gwendal Malard | Costumes : Isabelle Deffin | Son : François Leymarie | Vidéo : Renaud Rubiano | Musique originale : Antonin Leymarie | Interprétation : Alfredo Cañavate, Noémie Carcaud, Caroline Donnelly, Catherine Mestoussis, Deborah Rouach et Marcella Carrara : La voix du narrateur, Nicolas Nore (le narrateur),
Fin de soirée au restaurant, JoPrincesse V*** et E*** m’ont gâtée. J’ai hâte de prendre le temps de regarder le nouveau DVD qui trône dans ma bibliothèque, La danse au travail. Merci encore à ces trois gentilles fées.