Le petit rat

Play ?

Play, jouer en français dans le texte. Jouer à quoi ? Jouer à la balle, jouer au spationaute, jouer sur scène, jouer aux animaux, jouer au chef d’orchestre, jouer à être amoureux, jouer à se déguiser, jouer sa vie, jouer à être un adulte, jouer, juste pour jouer. Le jeu de séduction, le jeu de l’oie, le jeu de la vie. Qui joue ? Ça veut dire quoi jouer ? Peut-on jouer quand on est un adulte ? Et si le jeu n’était qu’un divertissement, donc un leurre ? Il ne faudrait donc pas arrêter de jouer ?

Beaucoup de questions, peu de réponses. Ou toutes faites. Alexander Ekman m’a déçu plus que plu. Ce Play m’a laissée assez indifférente, avec beaucoup de frustrations. Le premier sentiment, vient de la « non-surprise » de la création. De ne pas être à la première était sans doute une erreur, voilà donc quinze jours que mon instagram est rempli d’images de Play. Il faut dire que la pièce est fortement « instagramesque ». Plus qu’un chorégraphe Ekman est un créateur d’images. C’est joli, ça fonctionne, ça fait de belles photos. Mais le plateau très (trop ?) grand est finalement peu exploité, et quand les danseurs vont se nicher dans les coins profond du côté cour, on ne voit plus rien. A croire que les chorégraphes et metteurs en scène en oublient la salle en fer à cheval (est-ce que ce n’est pas une contrainte intéressante ?). Les images d’Ekman sont très belles : on retiendra particulièrement Aurélien Houette en immense robe blanche, le joli duo Vincent Chaillet/Sylvia Saint-Martin, le défilé de rennes, et la pluie de balles vertes formant peu à peu une piscine à balles dans la fosse d’orchestre. Les danseurs commencent ce diaporama avec une succession de jeux, habillés comme de jeunes bambins en culottes courtes. Regarder des gens jouer, cela me laisse assez indifférente. Je ne ris pas à voir les danseurs plonger dans la piscine (à vous dire vrai cela me provoque la même frustration que lorsque que je vais à Ikéa et que je passe dans l’espace enfant…). Ce jeu, enfantin, c’est ce qu’Ekman appelle le mode « on ». Au milieu de cette foule de joueurs, il y a the « off lady », incarnée par Caroline Osmont. Tailleur gris, chignon tiré, petites lunettes et escarpins. Elle est la maitresse, l’adulte, celle qui range, qui gronde, celle qui ne joue pas.

Passé ce mode « on » on passe en « off ». Les danseurs sont donc tous en tailleur gris, avec cheveux grisonnants et lunettes. Ils miment des gestes de travail, qu’ils répètent inlassablement. Heureusement, on s’accroche à la musique, qui est vraiment merveilleuse tout au long de la pièce. Puis Ekman nous livre un discours surtitré le long de la fosse (sérieusement ? et la visibilité ?) dont on se serait bien passé. Il nous explique à quel point nous courrons après un succès hypothétique et que lorsque nous y parvenons, nous ne savons pas en jouir. Il continue avec un discours sur la nécessité qui serait une illusion, y compris dans la danse et la musique…Là j’ai atteint le summum de l’agacement (je vous passe mes pensées intérieures qui ressemblaient à « mec sérieux va lire Spinoza… ou Meillassoux, peut être que tu trouveras une définition de la nécessité qui a du sens et par la même occasion celle de la contingence… Je m’excuse auprès de Félix qui a subi toute la démonstration avec beaucoup de patience et de sourire. J’ai des amis formidables !). Avait-on vraiment besoin d’un discours ?! On n’est pas non plus à la FIAC on n’a pas besoin du déroulé du processus de création. Dans la tension qui naissait du haut de ma colonne vertébrale jusqu’au coccyx, l’apaisement est arrivé avec la séance qui me semble vraiment être le beau moment du ballet. La danse sur les cubes m’a rappelé le très beau Cacti. Redoutablement efficace, cette contrainte du cube pousse la créativité d’Ekman et on se réveille enfin un peu. Le mode off se termine avec un public un peu endormi.

Après les saluts, le dernier chant ouvre la place pour transformer Garnier en espace de jeu. Enfin Garnier, c’est vite dit. Le parterre en somme. De gros ballons sont lancés, les danseurs lancent des balles jaunes dans le public, les danseurs jouent au ruban sur scène… Vous vouliez jouer ? On vous donne deux minutes de divertissement. On vous fait jouer. Enfin on vous lance la baballe. En rentrant de Play on a envie d’ouvrir Pascal pour se rappeler ce qu’est le divertissement.

Don Quichotte pour la première fois !

Evidemment je suis taquine. Je ne vois pas Don Quichotte pour la première fois. Je ne me souvenais plus de la première fois que je l’avais vu, alors je suis allée dans ma bibliothèque ou plutôt l’un de mes étagères – mon appartement est un petit cafarnaüm où les livres ont plus de place que le reste – pour chercher programme et anciennes distributions de Don Quichotte. Voilà la première fois que j’ai vu Don Quichotte c’était en 1998.

La première fois que j’ai été confrontée à Don Quichotte c’était surtout en le dansant. J’ai une professeure de danse qui est une personne formidable. On s’est toujours éclaté sur scène grâce à elle car elle n’avait jamais peur de nous faire danser des ballets énormes. J’ai donc découvert les variations de Don Quichotte en les dansant. J’ai dansé la variation Kitri acte I (castagnettes), appris la reine des dryades (pas dansé, ce n’est pas mon truc), l’adage et la variation de la demoiselle d’honneur à l’acte trois, plus toutes les parties collectives. Don Quichotte c’est long et c’est difficile.

Je ne suis pas une grande fan de ce ballet, qui passe parfois pour une suite de prouesses techniques et ce n’est pas franchement ce qui me touche dans la danse. Je suis touchée par l’âme que mettent les danseurs en scène, ce avec quoi ils viennent sur le plateau, ce qu’ils décident de donner ou non au public.

Jeudi 14 décembre, 4 h de sommeil la nuit d’avant, la journée de boulot dans les pattes. J’en suis sortie complètement émerveillée. C’est la force du classique magnifiquement dansé. A l’instar de certaines musiques tonales, la danse classique, quand on la connaît bien, n’apporte pas de surprises. Elle est bien ordonnée, on sait parfaitement ce qui vient après. C’est comme un gâteau bien ordonné. Adage, variation du garçon, variation de la fille, coda. Divertissement, pantomime, variation soliste, pantomime, etc. Passage en tutus où la ballerine principale est multipliée par le corps de ballet, souvent dans une forme féérique. Bref, à moins qu’on ne découvre le ballet classique dans sa forme du XIXème, on sait parfaitement comment va se dérouler le ballet quelque soit l’histoire. On ne fait donc pas beaucoup d’efforts d’attention, il y a une forme de confort en tant que spectateur dans cette forme classique.

C’est là que viennent vous réveiller Mathias Heymann et Ludmila Pagliero. Leur maitrise technique incroyable de la danse parfois si difficile de Noureev, leur laisse une liberté d’interprétation des personnages. Ils proposent un couple complice à la fois drôliques et élégants. Ludmila Pagliero montre de grandes qualités : elle sait jouer de la séduction jusque dans la fermeture de ses 5ème. Les fouettés faits avec l’éventail captent le public que cette belle Kitri ne quitte pas du regard. Mathias Heymann est à son plus haut niveau : il brille à tous les moments. Le public ne s’y trompe pas et s’enthousiasme pour ce couple de toutes beauté. Une représentation qui atteint son apogée grâce aux rôles secondaires exéctués sur la même longueur d’ondes. Amandine Albisson est une reine des Dryades impériales (quelle musicalité !) et Dorothée Gilbert n’a plus à démontrer sa finesse en Cupidon.

J’ai été éblouie ce soir là. J’ai ressenti ce que j’avais ressenti les premières fois, quand j’ai vu les classiques comme Don Quichotte. De la féérie et du rêve à Noël, quoi de mieux ?

Hors Cadre : François Alu rocks the ballet !

Au théâtre Antoine, le public a beaucoup ri cette après-midi. Il faut dire que François Alu sait y faire. Avec ces cinq compères – Lydie Vareilhes, Clémence Gross, Hugo Vigliotti, Takeru Coste et Simon Le Borgne – ils ont régalé le public de virtuosités et de sketchs dansants.

Ne jamais se prendre au sérieux. On pourrait mettre ce mantra en légende du spectacle de François Alu. Le spectacle est à l’image de ceux proposés par 3ème étage, la personnalité de François Alu en bonus. Il fait le show pendant près de deux heures. Pas de deux, solo, trio, le tout multipliant les difficultés techniques. On se joue de la danse, on en rit, on en dénonce certains aspects, mais non sans un certain humour : tout le monde en prend pour son grade à commencer par ce cher Louis XIV qui un jour eut l’idée de codifier la danse classique. Viennent ensuite les chorégraphes contemporains prétentieux, les professeurs méprisants et farfelus, les maitres chanteurs (vous savez ces chorégraphes qui s’approchent un peu trop des danseuses…). Ils sont caricaturés, dénoncés, le tout en dansant avec beaucoup de talent. On adore découvrir Lydie Vareilhes en chorégraphe déjantée à la recherche de SA création ou encore Hugo Vigliotti en obsédé du 4ème temps (oui désolé les musiciens, mais en danse, il y a toujours huit temps !).

Le spectacle reprend des passages connus des fidèles spectateurs de 3ème étage comme le désormais très célèbre Me 2 de Samuel Murez ou encore le concours de technique des garçons (et avec Hugo Vigliotti et Simon Le Borgne en rivaux de François Alu on n’est pas déçu du voyage). A cette machine qui fonctionne très bien, François Alu a su y glisser sa patte. La variation de Basilio pour le rôle fétiche, celle des Bourgeois pour montrer une autre facette de son talent. C’est bien cela que le public vient voir aujourd’hui. Un danseur qui sort du cadre pour nous montrer l’envers du décor, pour dire ce qu’il a à dire sur le monde du ballet classique aujourd’hui, et pour nous dévoiler toutes les facettes de sa personnalité artistique. En partageant la scène avec 5 superbes danseurs, on ne peut que sortir ravis de ce spectacle. A voir assurément.

Pour voir Hors Cadre au Théâtre Antoine c’est le samedi 14 octobre.

Giselle viennoise

Il y a des conversations qui en cinq minutes vous font prendre une décision sans même regarder son agenda. Le genre de conversation où on vous demande « T’es libre le week-end prochain ? On va voir Giselle ? » et dix minutes plus tard, vous recevez dans votre boite mail un billet d’avion et une place d’opéra. Comme ça. Il ne reste qu’à prendre un charmant hôtel histoire de profiter pleinement de la ville.

Quand je prends enfin l’agenda, je m’aperçois que c’est en même temps que les adieux de Laetitia Pujol. Manuel Legris sera à Paris et moi à Vienne. Voilà un échange qui me semble tout de même sympathique. Je lirai les comptes-rendus des bloggueurs, les articles de presse, je suivrai les live instagram et je regarderai en boucle des vidéos de Laetitia Pujol pour me consoler. De toutes façons, j’adorais Pujol en Juliette, alors je garde ce souvenir très précieux au fond de moi. Sa Giselle était grandiose aussi, alors finalement aller voir Giselle à Vienne, c’est une sorte d’hommage à ce personnage.

(c) Wiener Staatsoper GmbH / Ashley Taylor

Vienne c’est drôlement beau. Leur Giselle aussi. Avec un décor en noir et blanc, comme dans les vieux films. Ça permet de poser des couleurs sur la danse, de voir toute une palette en regardant les mouvements. Pour cela, il faut de jolis danseurs, expressifs qui nous racontent l’histoire. Portée par Denys Cherevychko, Nina Polakova et Eno Peci (dont je suis officiellement amoureuse désormais) le ballet s’offre au public avec une belle fluidité. L’orchestre joue à merveille la partition et appuie les nuances de la danse. On ne voit pas le temps passer.

Au delà du décor tout droit sorti d’un livre de Gustave Doré et des costumes qui ajoutent des nuances de gris (les Willis sont très belles dans leurs voiles couleur perle), la mise en scène d’Elena Tschernischova propose une vision moderne de Giselle. La danse est mise en avant, à l’instar d’une pantomime simplifiée mais très lisible pour le spectateur novice. Nina Polakova campe une Giselle naïve et tragique à la fois, à la danse impeccable (quelles jambes !) qui nous emporte dans son destin tragique. Son partenaire, Denys Cherevychko est un Albrecht qui montre sa supériorité de rang par une puissance assumée, qui sert de très beaux sauts et des pirouettes remarquables. Giselle supporte Albrecht à l’acte II comme une résistante le fait avec une cause perdue. Les grandes idées du ballet ressortent : amour, jalousie, déraison, pardon, mort. Cela aurait mérité d’être vu une deuxième fois. On reviendra, sur un coup de folie, pourquoi pas sur un coup de foudre, comme l’amour de Giselle pour la danse.

(c) Wiener Staatsoper GmbH / Ashley Taylor

A part ça, à Vienne :

  • Décidément sacrée collection à l’Albertina ! Un joli parcours de Monet à Picasso. Exposition magnifique sur les dessins de Dürer. En accord avec le décor schwarz-weiss de Giselle, histoire de prolonger le plaisir.
  • Le musée de l’histoire de l’art : immanquable ! Des trésors cachés ! Raphaël, Brueghel (la très impressionnante Tour de Babel est là), Rembrandt… En plus il y a un charmant café au milieu, pas de raison de ne pas y rester des heures.
  • On brunche dans la rue Kirchengasse, où on trouvera forcément un petit café bio sympa.
  • On déjeune chez Plachutta avec un bon vin viennois.
  • On goûte chez Sacher (une Sachertorte fallait-il le préciser).
  • On dîne au Palmenhaus.
  • On traine dans le parc à côté de l’Albertina (oui parce qu’à un moment il faut digérer).

Bilan de saison 16-17

Voilà six mois que je n’ai pas pris le temps d’écrire sur mon blog. La faute au temps, à la vie parisienne qui me bouffe parfois. J’ai aussi fait beaucoup de choses en plus de mon travail. J’ai voyagé plusieurs fois (vous pouvez faire un tour mon Instagram), me suis mise de manière sérieuse à la méditation, j’ai monté une comédie musicale pour un conservatoire, bref je n’ai pas eu de temps pour l’écriture, du moins pas ici. J’ai eu aussi l’impression de manquer de mots parfois pour décrire ou relater mes émotions face à un spectacle. Ce début 2017 a été si chargé qu’il n’y avait pas de place pour mon blog. Et puis, là au milieu de l’été, j’ai eu envie de reprendre mes carnets où j’ai amassé des notes, des impressions, parfois quelques dessins jetés ça et là après les spectacles. Retour sur les dix derniers mois.

  • Le phénomène Crystal Pite

La saison précédente s’était fermée par le très applaudi Blake Works de William Forsythe. Pour ma part, ce n’était pas le meilleur Forsythe, avec des tableaux parfois assez ennuyeux. Je vous passe mes impressions sur la musique de James Blake, qui ne me plait pas du tout et me gâche le mouvement. A la rentrée, on retrouvait ce programme accompagné d’une pièce de Justin Peck (sans intérêt, sauf la musique de Glass), de performances de Tino Seghal avant et après le spectacle (perso j’ai adoré, et encore plus au Palais de Tokyo), et de The Season’s Canon de Crystal Pite. J’avais déjà vu des pas de deux de Pite lors d’un gala au Japon et j’avais été absorbée par cette manière si souple, si fluide de faire bouger les corps, de les connecter entre eux. J’ai été épatée par son travail avec l’Opéra de Paris. Elle a su s’emparer de la troupe, la mettre en valeur – et on sait que c’est difficile quand on n’a que 6 semaines pour faire travailler les danseurs – et faire rêver le public. Son langage sied totalement aux danseurs de l’Opéra : Ludmila Pagliero impériale, Eleonore Guérineau, subjuguante, Alessio Carbone, plus puissant que jamais. La pièce est parfaitement construite, avec un alternance de rythmes, de nuances, de chorégraphies de groupes et de duos. C’est le spectacle parfait qui plait au plus grand nombre de spectateurs, qui ravit les danseurs et qui fait parler de lui dans la presse. La personnalité de Pite y est pour beaucoup. Tous les danseurs la décrivent comme douce, passionnée, à l’écoute de tous. Il suffit de la voir en répétition publique pour être sous le charme de la Canadienne.

C’est au Théâtre de la Colline que j’ai vu Bettrofenheit de Jonathon Young chorégraphié par Crystal Pite. C’est une pièce qui raconte ce qui se passe dans la tête d’un homme qui a vécu un traumatisme, une catastrophe. La pièce traite aussi de la solitude, du manque. J’ai adoré cette pièce que j’ai trouvé juste, loufoque, délirante. La danse de Pite sur le corps de Jonathon Young, c’est quelque chose. Le travail sur l’espace et le corps est remarquable. C’est une pièce qui peut être très anxiogène, inquiétante avec sa multitude de personnages burlesques et clownesques. On peut si sentir oppressé comme totalement emporté par cette chorégraphie si minutieuse. Les saccades s’ajoutent à la fluidité des corps, qui forment un ensemble très harmonieux.

© Wendy D Photography

  •  Les ballets qui font plaisir

Je n’ai pas boudé la série du Lac des cygnes : Myriam Ould-Braham & Mathias Heyman, Amandine Albisson & Mathieu Ganio, Ludmila Pagliero & Germain Louvet. Trois distributions magnifiques, avec des interprétations différentes, mais très intéressantes. De jolis souvenirs. A la clef aussi, deux nominations très attendues : Léonore Baulac et Germain Louvet. Une manière pour Aurélie Dupont d’afficher ses choix et de lancer la « relève » de l’Opéra de Paris.

Je me suis offert la parenthèse enchantée d’un week-end à Vienne pour voir Onéguine. L’histoire de Pouchkine me touche tellement que je ne me lasse pas de ce ballet. C’était merveilleux d’être au Staatsoper, avec une musique si bien jouée pour accompagner les danseurs. Un beau moment en compagnie de deux amis, quoi de mieux ?

La soirée Kylian réservait aussi son lot de beauté avec le mythique Bella Figura. Alice Renavand et Laetitia Pujol y étaient sublimes dans leurs robes rouges. J’ai découvert le mystérieux Tar and Feathers, que j’ai beaucoup apprécié pour le jeu des silences et de l’espace qui était créé en scène. L’atmosphère tendue contribuait à un émerveillement continu. Je n’ai pas regretté d’y être au Nouvel An.

Autre week-end, autre découvert, en décembre à Bordeaux. J’y ai découvert Coppélia de Charles Jude. Je vous laisse relire ma chronique ici. Une jolie découverte que ce soit la ville, la troupe, le ballet ou le théâtre.

Enfin, la soirée Ravel fut une agréable surprise. Je ne comptais pas y aller et puis je me suis laissée tenter par une place de dernière minute. J’étais enchantée de revoir le Boléro de Cherkaoui, que j’apprécie beaucoup. En sol de Robbins est une pièce charmante qui m’amuse beaucoup, quant à La Valse dont je ne gardais pas un bon souvenir, avec Dorothée Gilbert dedans, on apprend à l’apprécier.

  • Mes coups de coeur « danse »

Les vrais coups de coeur de ma saison commencent avec Viktor de Pina Bausch. Une pièce sombre, fascinante, dont j’ai parlé ici. C’est ensuite, un très beau solo, Loss Layers vu à la Maison de la Culture du Japon. Je vous conseille de lire l’avis de Catherine de Danse aujourd’hui, . C’est un solo chorégraphié par Fabrice Planquette pour Yum Keiko Takayama. On est aux croisements de la danse contemporaine, du Buto, de la performance plastique. On perd la notion du temps et de l’espace grâce à la scénographie (épileptiques s’abstenir) et la musique. C’était très beau, plein de poésie, totalement déroutant. Un des plus beaux spectacles que j’ai vus cette saison.

Restons au pays du soleil levant (oui passion Japon), avec Kaori Ito et son très beau Je danse parce que je me méfie des mots. La pièce est un portrait fait de questions en « pourquoi? » que la danseuse pose à son père, artiste de 70 ans. Les deux personnages nous plongent au coeur de leur intimité, de leur amour filial. Loin d’un pensum freudien, on découvre une pièce finement ciselée, où la fille danse sous le regard d’un père qui tente par cette pièce de répondre à ses questions.

C’est aussi une manière de rester au Japon surtout avec la dernière partie d’Impressing the Czarchef d’oeuvre de William Forsythe. Le Ballet de Dresde a été invité par l’Opéra de Paris et ces quelques jours de cette pièce magistrale ont été une réjouissance. J’attends les balletomanes pour refaire la chorégraphie du Bongo Bongo ! La tenue écolière japonaise devrait être l’uniforme pour aller voir du Forsythe (si vous préférez l’académique bleu – oui il est bleu ! – de In the Middle…)!

La Batsheva Dance Company a offert un très joli moment avec son Last Work. Ohad Naharin frappe fort, comme toujours. Il crée des images à travers lesquelles il délivre des messages d’une grande force. Une pièce qui marque et reste en tête plus longtemps qu’on ne l’aurait pensé. Elle se diffuse en nous.

On peut trouver qu’il fait toujours la même chose, qu’il use de facilité, et pourtant James Thierrée séduit toujours un large public. Dont moi. La Grenouille avait raison me fait briller les yeux comme ceux d’une petite fille. Cet artiste me fascine, sa magie opère complètement et j’en redemande. Ma chronique gaga à relire ici.

Derniers coups de coeur à l’Opéra : Marion Barbeau si jolie et pétillante recevant le prix de l’Arop. La soirée Cunnignham Forsythe avec cette pièce totalement lunaire de Cunningham que j’ai adorée. Enfin la soirée « Danseurs chorégraphes » qui réunissait Sébastien Bertaud, Simone Valastro, Bruno Bouché et Nicolas Paul. A part la pièce de Bertaud qui m’a laissée de marbre (trop de paillettes tue la paillette), j’ai été charmée par le conte raconté par Valastro, avec une Eleonora Abbagnato touchante en petite fille. Je ne peux pas être objective sur la pièce de Bruno Bouché, – le pas de deux entre Aurélien Houette et Marion Barbeau m’a beaucoup émue. Quant à la pièce de Nicolas Paul, j’ai trouvé que c’était une pièce remarquable, très fine, avec une chorégraphie exigeante. Sans aucun doute la plus aboutie de la soirée.

  • Les regrets et déceptions

La saison avait commencé avec une première grosse déception : La Belle au bois dormant par l’ABT, chorégraphiée par Alexei Ratmansky. Outre les costumes kitch, je n’ai pas été impressionnée par le niveau de la compagnie. Déjà que je ne suis pas fan de la Belle au Bois dormant, cette version a fini de m’achever. Décidément Ratmansky et moi, on n’y arrive pas.

Autre chorégraphe, autres soirées : je crois que Benjamin Millepied a réussi à me dégouter de Balanchine. On en a trop vu, trop mangé, on a vu les chorégraphes qui veulent l’imiter. (Bref, j’ai toujours préféré Robbins). Le Songe d’une nuit d’été a été très douloureux à regarder (ouf il y avait Hugo Vigliotti pour me remonter un peu le moral). La deuxième partie ouvrant sur la marche nuptiale a eu raison de moi. La soirée Balanchine en hommage à Violette Verdy (Brahms-Schönberg Quartet/ Sonatine / Mozartiana et Violin concerto) m’a semblé trop longue. Violin Concerto arrivant à la fin de la soirée, je n’avais presque plus d’énergie pour le regarder. Dommage c’est une de mes pièces préférées de Balanchine.

Pour finir avec l’Opéra de Paris, le Gala Chauviré n’était ni fait ni à faire… Programme court, orchestre au rabais, un film qui ne se lance pas, sans doute trop peu de répétitions pour les danseurs… Ce n’était pas un beau cadeau fait à cette grande dame de la danse. Heureusement, Dorothée Gilbert a dansé une mort du cygne sublime. Cela ne sauve pas la soirée, mais cela donne un peu d’émotions à une soirée qui en manquait cruellement.

A Chaillot, j’ai été déçue par Now de Carlson. Cela manquait de rythme et on s’est vite ennuyé. Y Olé de José Montalvo se construit comme un mélange des influences du chorégraphe. Peut être qu’on commence à être lassé par les procédés vidéos et les tableaux qui se succèdent comme une suite de sketch. Dommage, le Sacre version flamenco, au début de la pièce, c’était pas mal. Enfin Noé par le Ballet Malandain Biarritz m’a fait l’effet d’un spectacle de fin d’année. Je n’ai ni aimé les costumes, ni les chorégraphies de groupe en cascade, ni le rythme particulièrement lent de la pièce. Je suis complètement passée à côté, reste la musique superbe.

Dans la saison du Théâtre des Champs-Elysées, j’ai vu La Chauve Souris de Roland Petit par le Ballet de Rome. Enfin par le Ballet de Rome en corps de ballet et Iana Salenko (Berlin) en guest star. Je me suis ennuyée dans cette fresque parisienne aux allures de revue. Cela ne m’a pas amusé j’ai trouvé cela finalement assez vulgaire et daté.

Autre grosse déception A Swan Lake d’Alexander Ekman. Ce que j’avais vu de lui pour le NDT m’avait plutôt charmée (Cacti). Le début du ballet, avec la vidéo et les deux cygnes était plutôt prometteur. Mais au bout de quelques minutes, on comprend vite qu’il ne s’y passe rien. Alors certes Ekman a tenté de faire quelque chose avec de l’eau, mais c’est très vide de chorégraphie. On souffle un peu pendant la petite fête, qui rappelle trop certaines pièces de Pina Bausch, mais cela ne suffit pas. Au final, je suis sortie très stupéfaite par ce manque de poésie que l’on pouvait attendre d’une telle réécriture. On verra ce qu’il fera avec le ballet de l’Opéra de Paris et sa pièce Play.

  • Côté théâtre

Mon coup de coeur – tous spectacles confondus – de cette saison a été la très belle pièce du japonais Kurô Tanino, Avidya l’auberge de l’obscurité. J’ai vu cette pièce à la Maison de la Culture du Japon. Cette pièce du Festival d’Automne raconte l’histoire d’une auberge traditionnelle qdont le destin est incertain car elle est sur le chemin du tracé d’un futur Shinkasen. La pièce a pour décor un triptyque tournant où on peut voir toutes les pièces de l’auberge. La vie calme et ennuyeuse de l’auberge va être troublée par l’arrivée de deux marionnettistes. Ils révèlent les autres personnages : les deux geishas, le sansuke, l’hotesse et l’auberge devenant elle-même un personnage fascinant. J’ai été bouleversée par la beauté de cette pièce, par tant de poésie et de raffinement.

J’ai (enfin !) vu Vu du Pont, mis en scène par Ivo van Hove à l’Odéon. Je n’ai pas été déçue : la mise en scène et les comédiens étaient fabuleux. Une pièce saillante, remarquable, bref du grand théâtre. C’est la seule pièce de l’Odéon qui m’a marquée dans la saison. Le reste ne fut que déception.

Au Théâtre de la Colline, j’ai trouvé que la première saison de Wadji Mouawad assez réussi. Seuls a ouvert la saison de manière assez remarquable. Cette très belle pièce de théâtre signée du directeur de La Colline, donnée à Avignon en 2008, n’a pas perdu de sa superbe. L’autre moment fort était bien entendu Place des héros, mis en scène par Lupa, lui aussi présenté à Avignon en 2016. Dans un registre plus léger, j’ai beaucoup ri devant Lourdes, une pièce haute en couleur et pleine de dérision mené par une joyeuse troupe de comédiens issus du Cours Florent. Timon Titus présentée au 104 m’a aussi ravie. Moi, Corinne Dadat mis en scène par Mohammed Katib m’a beaucoup touchée. Au-delà de la rencontre entre ce metteur en scène et cette femme de ménage, il s’y joue une histoire des corps intéressante.

Dernière belle soirée au théâtre, ce fut avec mon amie Irina qui m’a emmené voir Lucrèce Borgia à la Comédie Française avec la sublime Elsa Lepoivre. J’avais lu le texte il y a bien longtemps (au lycée, ça commence à remonter !) et j’ai été ravie de le redécouvrir dans une si jolie mise en scène.

  • Ce que je n’ai pas pu voir (et je le regrette…)

Premier regret, manquer les nominations d’étoile. Je suis une sentimentale, j’aime bien ces moments qui transforment la carrière d’un jeune talent. Heureusement on vit à l’heure d’internet, mais ce ne sera jamais la même chose que l’émotion dans la salle.

Dans le même esprit sentimental, je n’ai pas vu les adieux de Jérémie Bélingard. Ceux qui me lisent depuis un moment savent à quel point j’apprécie ce danseur. Son Don Quichotte était si beau. Bref, j’étais en déplacement professionnel, impossible de m’y rendre. Petit pincement au coeur.

Ma fin d’année a été chargée, je n’ai donc pas pu voir ni le NDT à Chaillot, ni la Sylphide. Une prochaine fois. Ou l’occasion d’organiser un week-end en Hollande pour aller les voir sur place.

Enfin, j’aurai bien vu Tree of codes, car j’apprécie le travail plastique d’Olafur Eliasson.

 

 

Si vous avez eu le courage de me lire jusque là, merci ! Et vous ? Quels ont été vos coups de coeur? Vos déceptions ?

Voilà la saison s’achève, une dernière révérence avant septembre.

A bientôt !