William Forsythe

Bilan de saison 16-17

Voilà six mois que je n’ai pas pris le temps d’écrire sur mon blog. La faute au temps, à la vie parisienne qui me bouffe parfois. J’ai aussi fait beaucoup de choses en plus de mon travail. J’ai voyagé plusieurs fois (vous pouvez faire un tour mon Instagram), me suis mise de manière sérieuse à la méditation, j’ai monté une comédie musicale pour un conservatoire, bref je n’ai pas eu de temps pour l’écriture, du moins pas ici. J’ai eu aussi l’impression de manquer de mots parfois pour décrire ou relater mes émotions face à un spectacle. Ce début 2017 a été si chargé qu’il n’y avait pas de place pour mon blog. Et puis, là au milieu de l’été, j’ai eu envie de reprendre mes carnets où j’ai amassé des notes, des impressions, parfois quelques dessins jetés ça et là après les spectacles. Retour sur les dix derniers mois.

  • Le phénomène Crystal Pite

La saison précédente s’était fermée par le très applaudi Blake Works de William Forsythe. Pour ma part, ce n’était pas le meilleur Forsythe, avec des tableaux parfois assez ennuyeux. Je vous passe mes impressions sur la musique de James Blake, qui ne me plait pas du tout et me gâche le mouvement. A la rentrée, on retrouvait ce programme accompagné d’une pièce de Justin Peck (sans intérêt, sauf la musique de Glass), de performances de Tino Seghal avant et après le spectacle (perso j’ai adoré, et encore plus au Palais de Tokyo), et de The Season’s Canon de Crystal Pite. J’avais déjà vu des pas de deux de Pite lors d’un gala au Japon et j’avais été absorbée par cette manière si souple, si fluide de faire bouger les corps, de les connecter entre eux. J’ai été épatée par son travail avec l’Opéra de Paris. Elle a su s’emparer de la troupe, la mettre en valeur – et on sait que c’est difficile quand on n’a que 6 semaines pour faire travailler les danseurs – et faire rêver le public. Son langage sied totalement aux danseurs de l’Opéra : Ludmila Pagliero impériale, Eleonore Guérineau, subjuguante, Alessio Carbone, plus puissant que jamais. La pièce est parfaitement construite, avec un alternance de rythmes, de nuances, de chorégraphies de groupes et de duos. C’est le spectacle parfait qui plait au plus grand nombre de spectateurs, qui ravit les danseurs et qui fait parler de lui dans la presse. La personnalité de Pite y est pour beaucoup. Tous les danseurs la décrivent comme douce, passionnée, à l’écoute de tous. Il suffit de la voir en répétition publique pour être sous le charme de la Canadienne.

C’est au Théâtre de la Colline que j’ai vu Bettrofenheit de Jonathon Young chorégraphié par Crystal Pite. C’est une pièce qui raconte ce qui se passe dans la tête d’un homme qui a vécu un traumatisme, une catastrophe. La pièce traite aussi de la solitude, du manque. J’ai adoré cette pièce que j’ai trouvé juste, loufoque, délirante. La danse de Pite sur le corps de Jonathon Young, c’est quelque chose. Le travail sur l’espace et le corps est remarquable. C’est une pièce qui peut être très anxiogène, inquiétante avec sa multitude de personnages burlesques et clownesques. On peut si sentir oppressé comme totalement emporté par cette chorégraphie si minutieuse. Les saccades s’ajoutent à la fluidité des corps, qui forment un ensemble très harmonieux.

© Wendy D Photography

  •  Les ballets qui font plaisir

Je n’ai pas boudé la série du Lac des cygnes : Myriam Ould-Braham & Mathias Heyman, Amandine Albisson & Mathieu Ganio, Ludmila Pagliero & Germain Louvet. Trois distributions magnifiques, avec des interprétations différentes, mais très intéressantes. De jolis souvenirs. A la clef aussi, deux nominations très attendues : Léonore Baulac et Germain Louvet. Une manière pour Aurélie Dupont d’afficher ses choix et de lancer la « relève » de l’Opéra de Paris.

Je me suis offert la parenthèse enchantée d’un week-end à Vienne pour voir Onéguine. L’histoire de Pouchkine me touche tellement que je ne me lasse pas de ce ballet. C’était merveilleux d’être au Staatsoper, avec une musique si bien jouée pour accompagner les danseurs. Un beau moment en compagnie de deux amis, quoi de mieux ?

La soirée Kylian réservait aussi son lot de beauté avec le mythique Bella Figura. Alice Renavand et Laetitia Pujol y étaient sublimes dans leurs robes rouges. J’ai découvert le mystérieux Tar and Feathers, que j’ai beaucoup apprécié pour le jeu des silences et de l’espace qui était créé en scène. L’atmosphère tendue contribuait à un émerveillement continu. Je n’ai pas regretté d’y être au Nouvel An.

Autre week-end, autre découvert, en décembre à Bordeaux. J’y ai découvert Coppélia de Charles Jude. Je vous laisse relire ma chronique ici. Une jolie découverte que ce soit la ville, la troupe, le ballet ou le théâtre.

Enfin, la soirée Ravel fut une agréable surprise. Je ne comptais pas y aller et puis je me suis laissée tenter par une place de dernière minute. J’étais enchantée de revoir le Boléro de Cherkaoui, que j’apprécie beaucoup. En sol de Robbins est une pièce charmante qui m’amuse beaucoup, quant à La Valse dont je ne gardais pas un bon souvenir, avec Dorothée Gilbert dedans, on apprend à l’apprécier.

  • Mes coups de coeur « danse »

Les vrais coups de coeur de ma saison commencent avec Viktor de Pina Bausch. Une pièce sombre, fascinante, dont j’ai parlé ici. C’est ensuite, un très beau solo, Loss Layers vu à la Maison de la Culture du Japon. Je vous conseille de lire l’avis de Catherine de Danse aujourd’hui, . C’est un solo chorégraphié par Fabrice Planquette pour Yum Keiko Takayama. On est aux croisements de la danse contemporaine, du Buto, de la performance plastique. On perd la notion du temps et de l’espace grâce à la scénographie (épileptiques s’abstenir) et la musique. C’était très beau, plein de poésie, totalement déroutant. Un des plus beaux spectacles que j’ai vus cette saison.

Restons au pays du soleil levant (oui passion Japon), avec Kaori Ito et son très beau Je danse parce que je me méfie des mots. La pièce est un portrait fait de questions en « pourquoi? » que la danseuse pose à son père, artiste de 70 ans. Les deux personnages nous plongent au coeur de leur intimité, de leur amour filial. Loin d’un pensum freudien, on découvre une pièce finement ciselée, où la fille danse sous le regard d’un père qui tente par cette pièce de répondre à ses questions.

C’est aussi une manière de rester au Japon surtout avec la dernière partie d’Impressing the Czarchef d’oeuvre de William Forsythe. Le Ballet de Dresde a été invité par l’Opéra de Paris et ces quelques jours de cette pièce magistrale ont été une réjouissance. J’attends les balletomanes pour refaire la chorégraphie du Bongo Bongo ! La tenue écolière japonaise devrait être l’uniforme pour aller voir du Forsythe (si vous préférez l’académique bleu – oui il est bleu ! – de In the Middle…)!

La Batsheva Dance Company a offert un très joli moment avec son Last Work. Ohad Naharin frappe fort, comme toujours. Il crée des images à travers lesquelles il délivre des messages d’une grande force. Une pièce qui marque et reste en tête plus longtemps qu’on ne l’aurait pensé. Elle se diffuse en nous.

On peut trouver qu’il fait toujours la même chose, qu’il use de facilité, et pourtant James Thierrée séduit toujours un large public. Dont moi. La Grenouille avait raison me fait briller les yeux comme ceux d’une petite fille. Cet artiste me fascine, sa magie opère complètement et j’en redemande. Ma chronique gaga à relire ici.

Derniers coups de coeur à l’Opéra : Marion Barbeau si jolie et pétillante recevant le prix de l’Arop. La soirée Cunnignham Forsythe avec cette pièce totalement lunaire de Cunningham que j’ai adorée. Enfin la soirée « Danseurs chorégraphes » qui réunissait Sébastien Bertaud, Simone Valastro, Bruno Bouché et Nicolas Paul. A part la pièce de Bertaud qui m’a laissée de marbre (trop de paillettes tue la paillette), j’ai été charmée par le conte raconté par Valastro, avec une Eleonora Abbagnato touchante en petite fille. Je ne peux pas être objective sur la pièce de Bruno Bouché, – le pas de deux entre Aurélien Houette et Marion Barbeau m’a beaucoup émue. Quant à la pièce de Nicolas Paul, j’ai trouvé que c’était une pièce remarquable, très fine, avec une chorégraphie exigeante. Sans aucun doute la plus aboutie de la soirée.

  • Les regrets et déceptions

La saison avait commencé avec une première grosse déception : La Belle au bois dormant par l’ABT, chorégraphiée par Alexei Ratmansky. Outre les costumes kitch, je n’ai pas été impressionnée par le niveau de la compagnie. Déjà que je ne suis pas fan de la Belle au Bois dormant, cette version a fini de m’achever. Décidément Ratmansky et moi, on n’y arrive pas.

Autre chorégraphe, autres soirées : je crois que Benjamin Millepied a réussi à me dégouter de Balanchine. On en a trop vu, trop mangé, on a vu les chorégraphes qui veulent l’imiter. (Bref, j’ai toujours préféré Robbins). Le Songe d’une nuit d’été a été très douloureux à regarder (ouf il y avait Hugo Vigliotti pour me remonter un peu le moral). La deuxième partie ouvrant sur la marche nuptiale a eu raison de moi. La soirée Balanchine en hommage à Violette Verdy (Brahms-Schönberg Quartet/ Sonatine / Mozartiana et Violin concerto) m’a semblé trop longue. Violin Concerto arrivant à la fin de la soirée, je n’avais presque plus d’énergie pour le regarder. Dommage c’est une de mes pièces préférées de Balanchine.

Pour finir avec l’Opéra de Paris, le Gala Chauviré n’était ni fait ni à faire… Programme court, orchestre au rabais, un film qui ne se lance pas, sans doute trop peu de répétitions pour les danseurs… Ce n’était pas un beau cadeau fait à cette grande dame de la danse. Heureusement, Dorothée Gilbert a dansé une mort du cygne sublime. Cela ne sauve pas la soirée, mais cela donne un peu d’émotions à une soirée qui en manquait cruellement.

A Chaillot, j’ai été déçue par Now de Carlson. Cela manquait de rythme et on s’est vite ennuyé. Y Olé de José Montalvo se construit comme un mélange des influences du chorégraphe. Peut être qu’on commence à être lassé par les procédés vidéos et les tableaux qui se succèdent comme une suite de sketch. Dommage, le Sacre version flamenco, au début de la pièce, c’était pas mal. Enfin Noé par le Ballet Malandain Biarritz m’a fait l’effet d’un spectacle de fin d’année. Je n’ai ni aimé les costumes, ni les chorégraphies de groupe en cascade, ni le rythme particulièrement lent de la pièce. Je suis complètement passée à côté, reste la musique superbe.

Dans la saison du Théâtre des Champs-Elysées, j’ai vu La Chauve Souris de Roland Petit par le Ballet de Rome. Enfin par le Ballet de Rome en corps de ballet et Iana Salenko (Berlin) en guest star. Je me suis ennuyée dans cette fresque parisienne aux allures de revue. Cela ne m’a pas amusé j’ai trouvé cela finalement assez vulgaire et daté.

Autre grosse déception A Swan Lake d’Alexander Ekman. Ce que j’avais vu de lui pour le NDT m’avait plutôt charmée (Cacti). Le début du ballet, avec la vidéo et les deux cygnes était plutôt prometteur. Mais au bout de quelques minutes, on comprend vite qu’il ne s’y passe rien. Alors certes Ekman a tenté de faire quelque chose avec de l’eau, mais c’est très vide de chorégraphie. On souffle un peu pendant la petite fête, qui rappelle trop certaines pièces de Pina Bausch, mais cela ne suffit pas. Au final, je suis sortie très stupéfaite par ce manque de poésie que l’on pouvait attendre d’une telle réécriture. On verra ce qu’il fera avec le ballet de l’Opéra de Paris et sa pièce Play.

  • Côté théâtre

Mon coup de coeur – tous spectacles confondus – de cette saison a été la très belle pièce du japonais Kurô Tanino, Avidya l’auberge de l’obscurité. J’ai vu cette pièce à la Maison de la Culture du Japon. Cette pièce du Festival d’Automne raconte l’histoire d’une auberge traditionnelle qdont le destin est incertain car elle est sur le chemin du tracé d’un futur Shinkasen. La pièce a pour décor un triptyque tournant où on peut voir toutes les pièces de l’auberge. La vie calme et ennuyeuse de l’auberge va être troublée par l’arrivée de deux marionnettistes. Ils révèlent les autres personnages : les deux geishas, le sansuke, l’hotesse et l’auberge devenant elle-même un personnage fascinant. J’ai été bouleversée par la beauté de cette pièce, par tant de poésie et de raffinement.

J’ai (enfin !) vu Vu du Pont, mis en scène par Ivo van Hove à l’Odéon. Je n’ai pas été déçue : la mise en scène et les comédiens étaient fabuleux. Une pièce saillante, remarquable, bref du grand théâtre. C’est la seule pièce de l’Odéon qui m’a marquée dans la saison. Le reste ne fut que déception.

Au Théâtre de la Colline, j’ai trouvé que la première saison de Wadji Mouawad assez réussi. Seuls a ouvert la saison de manière assez remarquable. Cette très belle pièce de théâtre signée du directeur de La Colline, donnée à Avignon en 2008, n’a pas perdu de sa superbe. L’autre moment fort était bien entendu Place des héros, mis en scène par Lupa, lui aussi présenté à Avignon en 2016. Dans un registre plus léger, j’ai beaucoup ri devant Lourdes, une pièce haute en couleur et pleine de dérision mené par une joyeuse troupe de comédiens issus du Cours Florent. Timon Titus présentée au 104 m’a aussi ravie. Moi, Corinne Dadat mis en scène par Mohammed Katib m’a beaucoup touchée. Au-delà de la rencontre entre ce metteur en scène et cette femme de ménage, il s’y joue une histoire des corps intéressante.

Dernière belle soirée au théâtre, ce fut avec mon amie Irina qui m’a emmené voir Lucrèce Borgia à la Comédie Française avec la sublime Elsa Lepoivre. J’avais lu le texte il y a bien longtemps (au lycée, ça commence à remonter !) et j’ai été ravie de le redécouvrir dans une si jolie mise en scène.

  • Ce que je n’ai pas pu voir (et je le regrette…)

Premier regret, manquer les nominations d’étoile. Je suis une sentimentale, j’aime bien ces moments qui transforment la carrière d’un jeune talent. Heureusement on vit à l’heure d’internet, mais ce ne sera jamais la même chose que l’émotion dans la salle.

Dans le même esprit sentimental, je n’ai pas vu les adieux de Jérémie Bélingard. Ceux qui me lisent depuis un moment savent à quel point j’apprécie ce danseur. Son Don Quichotte était si beau. Bref, j’étais en déplacement professionnel, impossible de m’y rendre. Petit pincement au coeur.

Ma fin d’année a été chargée, je n’ai donc pas pu voir ni le NDT à Chaillot, ni la Sylphide. Une prochaine fois. Ou l’occasion d’organiser un week-end en Hollande pour aller les voir sur place.

Enfin, j’aurai bien vu Tree of codes, car j’apprécie le travail plastique d’Olafur Eliasson.

 

 

Si vous avez eu le courage de me lire jusque là, merci ! Et vous ? Quels ont été vos coups de coeur? Vos déceptions ?

Voilà la saison s’achève, une dernière révérence avant septembre.

A bientôt !

Saison 15 16 du ballet de l’Opéra de Paris

Très attendue, Benjamin Millepied a dévoilée cette toute nouvelle saison le 04 février. Nouveau site internet, vidéos de présentation des étoiles, une communication ultra efficace, Millepied a décidé de changer de vitesse. Il présente une saison quelque peu surprenante, qui lui ressemble, entre classique et nouveaux chorégraphes en vogue. Mais aussi de belles initiatives émanent de ce projet comme l’association de William Forsythe comme chorégraphe résident, ou encore l’Académie, cette nouvelle institution qui aura pour entre autres buts de permettre à de jeunes chorégraphes de se lancer, mais aussi d’apprendre à construire une chorégraphie. Millepied a su convier des invités d’exceptions pour cette première saison : Anne Teresa de Keersmaeker, Maguy Marin, la Batsheva Dance Company. On ne peut que s’en féliciter. Beaucoup de soirées mixtes, ce qui est un risque quand on sait que ces soirées parfois déçoivent et ne font pas le plein ; c’est aussi une manière pour Millepied de faire découvrir sa culture très américaine au public français, avec de nombreux Balanchine mais aussi les chorégraphes à la mode comme Justin Peck , Christopher Wheeldon ou Liam Scarlett.

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Regardons cette saison, qui comme chaque année fera des heureux et des malheureux !

  • Gala d’ouverture de saison, 24 septembre 2015

Millepied l’américain ! Et oui c’est comme ça que le voient les balletomanes les plus conservateurs. En effet, comme dans les compagnies américaines, Millepied a choisi de démarrer la saison avec un Gala, qui ne peut pas se prendre dans un abonnement. Un soirée spéciale réservée aux privilégiés, ambiance tapis rouge et glamour garantie ! Sauf que c’est la seule soirée où il y aura le défilé du ballet et là, les amoureux du ballet et de cette tradition font grise mine. D’autant que (ô sacrilège !!) Millepied a décidé d’en change la musique : la compagnie ne défilera pas sur La marche troyenne mais sur du Wagner… Une décisison qui fait jaser !

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Lieu : Palais Garnier
Durée : 1h40 avec entracte

  • Jérome Robbins, George Balanchine, Benjamin Millepied 22 sept au 11 octobre 2015

Première soirée de l’année qui donne le ton pour la suite, une soirée mixte, très NYC Ballet, avec l’ Opus 19/ The dreamer (musique : Prokofiev concerto pour violon n°1 en ré majeur), qui fait son entrée au répertoire. Millepied donnera une création sur une musique de Nico Muhly qui ne manquera pas de se fondre dans cette soirée néoclassique. Pour terminer en beauté, le très beau Thèmes et Variations de Balanchine. Un classique à voir et à revoir.

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Lieu : Palais Garnier
Durée 2h00
Extrait vidéo 1, clic
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Réservation hors abonnement le 26 mai

  • 20 danseurs pour le XXème siècle Boris Charmatz

Millepied l’avait promis, il l’a fait. Il voulait que la danse se diffuse partout, pas forcément dans les salles de spectacle. Il convie donc Boris Charmatz à venir faire une création qui sera visible dans les espaces publics de Garnier. Passé le côté amusant de la chose, on se demande comment cela va-t-il se passer. Est-ce que ce sera une balade dans le Palais Garnier ou est-ce qu’il va utiliser l’espace du grand escalier comme l’a déjà fait José Martinez dans son ballet Les enfants du Paradis ? A voir.

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Lieu : dans les espaces publics de Garnier
Durée : 2h
Réservation hors abonnement le 26 mai

  • Anne Teresa de Keersmaecker du 21 octobre au 8 novembre

Excellente idée que de convier Anne Teresa de Keersmaecker qui a défaut de ne plus avoir sa place à la Monnaie (ndrl : l’Opéra belge a décidé qu’il n’y aurait plus de programmation danse la saison prochaine) pourra confier ses œuvres au ballet de l’Opéra de Paris. On sait la joie que ce fut pour nombreux danseurs de danser Rain. C’est avec 3 œuvres et non des moindres que la chorégraphe vient présenter son travail : Quatuor n°4 (Bartok)/ Die grosse Fugue (Beethoven) / La nuit transfigurée (Schönberg).

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Lieu : Palais Garnier
Durée : 1h45
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Réservation hors abonnement le 9 juin

  • La Bayadère du 17 novembre au 31 décembre 

Sans nul doute, le plus beau et majestueux ballet de Rudolph Noureev. L’histoire de Nikiya et de Solor qui tombent amoureux dans un temple sous l’œil d’un Brahmane jaloux. Cet amour est contrarié par le Rajah qui a choisi Solor pour sa fille Gamzatti. S’ensuivent jalousie, revanche, meurtre, pardon, mort, résurrection. Bref c’est mieux qu’un film ! Entre l’Inde fantasmée du XIXème siècle et la descente des ombres en tutu blanc, on ne peut qu’être émerveillé. A voir et à revoir.

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Lieu : Opéra Bastille
Durée : 2h50
En vidéo, clic
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Réservation hors abonnement le 8 septembre

  • Christopher Wheeldon / Wayne Mc Gregor / Pina Bausch du 1er au 31 décembre

La soirée mixte à ne pas manquer, pour le Sacre du printemps de Pina Bausch. Pour moi c’est la plus oeuvre du répertoire. La soirée commencera avec Polyphonia de Christopher Wheeldon et une création de Mc Gregor sur une musique de Pierre Boulez.

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Lieu : Palais Garnier
Durée : 2h10
Le sacre extrait vidéo, clic
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Réservation hors abonnement le 15 septembre

  • Démonstrations de l’école de danse du 5 au 20 décembre

Comme tous les ans, les petits rats viennent sur la scène de Garnier présenter leur travail. On assiste à plusieurs cours de danse, impeccablement réglés. C’est toujours plaisant à voir. On peut même déceler des futurs talents !

Lieu : Opéra Garnier
Durée : 2h
Extrait vidéo, clic
Réservation hors abonnement le 15 septembre

  • Batsheva Dance Company du 5 au 9 janvier

Voilà qu’après Chaillot, la Batsheva s’invite à l’Opéra de Paris. L’occasion de découvrir une nouvelle pièce du répertoire de cette compagnie si géniale ! Danseurs fabuleux, une énergie incroyable, l’assurance d’une bonne soirée !

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Lieu : Palais Garnier
Durée : 1h
Extrait vidéo, clic
Réservation hors abonnement le 6 septembre

  • Jérome Bel Jérome Robbins, du 5 au 20 février 

Jérôme Bel est de retour à l’Opéra de Paris après le solo qu’il avait fait pour Véronique Doisneau. Il sera accompagné des variations de Goldberg de Jerome Robbins. Les pièces néoclassiques se suivent et ne se ressemblent pas…

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Lieu : Palais Garnier
Durée : 2h avec 1 entracte
Extrait vidéo, clic
Réservation hors abonnement le 6 octobre

  • Rosas compagnie invitée  du 26 février au 6 mars

L’invitation d’Anne Teresa de Keersmaeker s’est aussi faite avec sa compagnie. Elle dansera ua Centre Pompidou cette pièce mystérieuse Work / Travail / Arbeid qui dure plus de 10 heures et qui peut donc se vivre d’une seule traite ou en plusieurs fois.

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Lieu : Centre Pompidou
Durée : 11h
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Réservation hors abonnement en septembre

  • Soirée Iolanta / Casse Noisette

Une soirée mixte au sens propre du terme : de l’opéra et du ballet réunis pour cette soirée Tchaikovsky. Côté ballet, un Casse Noisette chorégraphié à 5 : Sidi Larbi Cherkaoui, Édouard Lock, Benjamin Millepied, Arthur Pita, et Liam Scarlett. Cinq écritures, cinq artistes, qui peuvent donner une pièce qui promet le meilleur comme le pire.

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Lieu : Palais Garnier
Durée : /
Réservation hors abonnement le 6 novembre

  • Roméo & Juliette du 19 mars au 16 avril 2016 

 

Tout le monde connaît l’histoire et pourtant on ne s’en lasse pas. Sur la musique très narrative de Prokofiev, Noureev signe sans aucun doute son ballet le plus cinématographique. Un chef-d’oeuvre !

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Lieu : Opéra Bastille
Durée : 3h
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Réservation hors abonnement le 17 novembre

  • Ratmansky / Balanchine / Robbins / Peck du 22 mars au 5 avril 2016.

Encore une soirée mixte qui réunira Ratmansky et son Seven Sonotas (musique de Scarlatti). Ceux qui me lisent savent que je n’ai pas encore adopté le #Ratmanskyness… Mais je n’attends que d’être convaincue. Encore un Balanchine qui fait son entrée au répertoire, Duo concertant, sur une musique de Stravinsky. Puis le très beau Other Dances de Jerome Robbins et In Creases de Justin Peck sur une musique de Philip Glass (décidément!)

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Lieu : Palais Garnier
Durée : 1h45
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Réservation hors abonnement le 17 novembre

  • Spectacle de l’école de danse du 14 au 18 avril 2016.

Toujours d’une grande qualité, le spectacle de l’école est l’occasion de découvrir un peu mieux les personnalités de l’école de danse. Cette année, ils danseront Les forains de Roland Petit et Piège de lumière de John Taras.

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Lieu : Palais Garnier
Durée : /
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Réservation hors abonnement le 15 septembre

  • Maguy Marin du 25 avril au 3 mai 2016

Les applaudissements ne se mangent pas, musique de Denis Mariotte : avec un tel titre, on a déjà une folle envie de découvrir cette pièce, si on ne l’avait pas déjà vue (Biennale de Lyon 2002). La pièce traite des rapports de force entre les êtres, en s’appuyant sur les cultures d’Amérique latine. On connaît le talent de Maguy Marin, pour faire avec juste un regard ou un geste, quelque chose de grandiose. Donner cette pièce à l’Opéra de Paris, c’est faire entrer les danseurs dans une autre dimension que la simple exécution de mouvements. Quand on connaît la force des pièces de Maguy Marin, on a très envie de voir les danseurs de l’Opéra de Paris s’en emparer.

Lieu :  Palais Garnier
Durée : 1h
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Réservation hors abonnement le 17 novembre.

  • Giselle du 27 mai au 14 juin 2016

C’est avec grande joie que l’on va revoir Giselle au Palais Garnier. En effet, le ballet romantique n’avait pas été donné depuis bien longtemps. Sur un argument de Théophile Gauthier, le ballet raconte l’amour trahi d’une jeune paysanne. Elle en mourra de folie et entrera au pays des Willis, créatures de la forêt qui se vengent des hommes. Giselle est un bijou dont on ne saurait trouver meilleur écrin que la scène de Garnier. On espère qu’on y verra de jeunes danseuses s’y révéler dans le rôle titre et de beaux princes. Un rêve à vivre plusieurs fois.

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Lieu : Palais Garnier
Durée : 2h05
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Réservation hors abonnement le 12 janvier 2016

  • Compagnie invitée : English National Ballet du 21 au 25 juin 2016

A défaut d’avoir de Royal Ballet, Millepied a convié sa petite sœur dirigé par Tamara Rojo. La compagnie vient danser Le Corsaire, ballet de plus de deux heures.

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Lieu : Garnier
Durée : 2h20 avec entracte
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Réservation hors abonnement le 12 janvier 2016

  • Soirée Peck / Balanchine du 2 au 15 juillet 2016

Une soirée composée d’une création de Justin Peck sur le concerto pour pianos et orchestre en ré mineur de Poulenc et le Brahms-Schönberg Quartet de Balanchine. Encore une entrée au répertoire de Balanchine ! Un petit goût de nostalgie du NYCB M. Millepied ? Benjmain Millepied adore Justin Peck, il veut donc faire découvrir ce chorégraphe au public français. On en avait eu un aperçu lors de la venue du L.A. Dance Project. Personnellement, cela ne m’avait pas emballée.

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Lieu : Bastille
Durée : 1h30 avec entracte
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Réservation hors abonnement le 28 janvier 2016

  • Soirée William Forsythe du 4 au 16 juillet 2016

Quel honneur d’avoir le génial William Forsythe à résidence à Paris ! Il ne faut pas manquer cette soirée qui réunira Approximate Sonata dans une nouvelle version, une création sur une musique de James Blake, et Of any if end. D’habitude les fins de saison ont plutôt un goût fade, avec des ballets mièvres ou des spectacles peu attirants. Là on se précipitera pour voir cette soirée (avant de filer à Avignon?).

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Lieu : Garnier
Durée : 1h50 avec 2 entractes
Extrait vidéo, clic
Réservation hors abonnement le 28 janvier 2016

Une saison 15/16 riche tant en chorégraphes invités qu’en tant  qu’artistes. Millepied a choisi de montrer deux siècles de danse en partant de Giselle, en passant par les ballets du XIXème récrits par Noureev, les néoclassiques du XXème que sont Balanchine et Robbins pour arriver à montrer les nouvelles écritures de Wheeldon, Peck, Ratmansky, mais aussi celles de Maguy Marin, ATDK et Forsythe. Il y a forcément des absents, les chorégraphes français Béjart et Petit (exception faite du spectacle de l’EDD). Millepied a promis qu’on les verrai dans de prochaines saisons. Comme il l’a répété de nombreuses fois, dans les dizaines d’interviews qu’il a données ça et là, il donne beaucoup d’importance à la musique, source d’inspiration infinie pour la danse.

Pour vous abonner vous pouvez le faire en ligne ou par correspondance. J’ai une préférence pour le papier car avec un petit courrier on peut émettre des préférences de placement. L’abonnement à l’Opéra n’offre pas de réduction du prix contrairement à d’autres théâtres. Il garantit d’avoir une place et offre une priorité de réservation pour prendre des places supplémentaires. En champ libre, vous devez prendre au moins quatre spectacles.

Si il ne fallait en choisir que 4 :

  • Vous n’aimez que la danse classique : Bayadère, Roméo et Juliette, Giselle et English National Ballet.
  • Vous vous sentez l’âme d’un New-Yorkais : Soirée Balanchine/Millepied/Robbins, soirée Peck/Balanchine, soirée Ratmansky/Balanchine/Robbins/Peck, soirée Bel/Robbins. Du néoclassique en veux-tu, en voilà !
  • Vous aimez découvrir des compagnies étrangères : Rosas au Centre Pompidou, English National Ballet, Batsheva Dance compagnie + soirée Forsythe (et oui il en faut 4 !)
  • Vous aimez les salades composées : Bayadère, Wheldoon/Mac Gregor / Bausch, Ratmansky/Balanchine/Robbins/Peck et soirée Forsythe.
  • Vous n’aimez que la danse contemporaine : Soirée ATDK, Maguy Marin, soirée Christopher Wheeldon / Wayne Mc Gregor / Pina Bausch et journée Rosas au Centre Pompidou ou la Batsheva Dance Company.

Si vous êtes jeune (- de 30 ans) ou étudiant je vous conseille vivement de regarder l’abonnement AROP. Les dates sont certes fixées mais la réduction vous fera vite changer d’avis ! -50% pour les étudiants et -25% pour les jeunes ! Alors ? Qu’est-ce qu’on attend ? A ce prix là vous pouvez en prendre 8 ! Le site de l’Arop, clic

Qu’irez-vous donc voir la prochaine saison ?

Dresden SemperoperBallett programme Forsythe

Le portrait Forsythe se poursuit au Festival d’Automne. Trois jours seulement pour découvrir cette compagnie, inconnue du grand public en France, qui vient danser trois pièces de Forsythe au Théâtre de la Ville : la mythique In the Middle, Somewhat Elevated, la déroutante Septext et la colorée Neue Suite. Une soirée haute en émotions et en virtuosité, où l’on continue d’explorer l’écriture et l’inventivité de Forsythe. Retour sur la soirée du 28 octobre.

 

Dresden SemperoperBallet

 

Ce qu’il faut bien comprendre de ces danseurs, c’est qu’ils ont la chance d’avoir à leur tête Aaron S. Watkin qui fut un des danseurs de William Forsythe. Depuis 8 ans, il transmet ainsi tout ce qu’il a appris auprès du maître. Et quand on regarde les trois pièces de la soirée, cela se voit !  Les danseurs interprètent Forsythe avec une énergie inouïe.

La soirée s’ouvre avec Steptext. Le public n’est pas encore installé qu’un danseur commence une phrase chorégraphique. Très lentement, on peut imaginer qu’il dessine des cercles et des lignes du côté jardin. Il dégage une concentration telle, que son corps semble contenu dans une bulle. Il est toujours amusant de voir que le public, du moins une grande partie, n’est pas à l’écoute de ce danseur. Chacun continue sa conversation, jetant un rapide coup d’oeil à la scène. Quelques secondes de la Chaconne de Bach résonnent, comme pour nous rappeler que c’est sur scène que cela se passe. Les conventions du spectacle volent : pas de noir, une musique coupée brutalement de blanc, de longs noirs pour écouter la musique (très bel enregistrement par ailleurs) – celles de la danse classique aussi. Créée en 1985, la pièce n’a pas pris une ride. Deux couples sont sur scène : un couple de garçons, vêtus de noir et un couple homme/femme où l’académique rouge de la jeune femme nous absorbe le regard pendant de longs moments. Il y a un certain lyrisme chez les garçons, où les courbes des bras tranchent avec la longueur des jambes de la danseuse. Elle est comme le repère musical des autres. Elle donne le rythme de la pièce, et des variations, entrecoupées de ses slides sur pointes. La scène change de disposition à la faveur des éclairages, ce qui modifie aussi l’espace de la danse. Quelques instants, les interprètes se rassemble autour d’une phrase de bras qui se plient et se déplient par les coudes. Sobre, et terriblement efficace pour rassembler ses émotions face à une telle écriture chorégraphique.

Steptext

Neue Suite fait partie de ces pièces de Forsythe qu’il a créées avec la compagnie. Tout comme Pas./Parts pour l’Opéra de Paris, Neue Suite s’est montée à Dresde. Il en résulte une sorte de palette de couleurs – les costumes en sont l’illustration, la danse, l’argument. Forsythe y décline des pas de deux sur les musiques de Haendel,  de Luciano Berio, de Gavin Bryars et de Thom Willems. Des couples entrent sur scène en marchant et on voit toute une déclinaison de pas de deux, qui va d’un romantisme à peine voilé à une danse plus déconstruite. Les hanches se décalent de plus en plus, les dos voient des courbes et des angles se former, les jambes sortent des hanches pour dessiner des lignes qu’on n’avait pas osé imaginer. Comme un parallèle à l’histoire de cette compagnie, qui va du classique à une danse plus moderne, presque pointilliste, Forsythe montre aussi toute son histoire de l’écriture. Il y manquerait presque ce qu’il a fait de plus récent avec la Forsythe Company. Les danseurs y montrent leur manière d’interpréter la danse et comment ils se sont emparés du style Forsythe. Les corps sont entièrement habités par ces phrases graphiques, ils se laissent emmener jusque dans leur dernier souffle qui clôt la partition musicale, en laissant le public bouche bée.

 

 

In the Middle (c) SemperoperBallett

 

La pièce « signature » termine la soirée en apothéose. « Chlak » premier son qui allume la lumière et le ballet commence. Les danseurs se regardent, tournent leurs chevilles. La cerise dorée brille au dessus de leur tête. On se laisse emmener dans ce tourbillon, où les interprètes dansent avec force et finesse. Les corps athlétiques tracent des chemins dans l’espace. Il se passe quelque chose sur scène qui est tout à fait étonnant. La pièce semble être taillée pour ces corps. Ils prennent des risques, ce très enlevé. On remarquera particulièrement Jiri Bubenicek, qui danse avec beaucoup de sensualité dans le haut du corps. La superbe Elena Vostratina est lumineuse et capte sauvagement l’attention des spectateurs. Dans l’ensemble, c’est de nouveau un choc, comme à chaque fois que l’on regarde cette pièce. Le style de la compagnie nous donne un autre regard sur la pièce que l’on a l’impression de redécouvrir à chaque fois. La seule objection de la soirée est peut être ce rideau noir de fond de scène qui fermait l’espace, qui semblait tout à coup très petit. Les marches sur les côtés étaient courtes, et les danseurs avaient l’air à l’étroit.

En résumé, une soirée géniale où l’énergie de cette compagnie a conquis tout le public ! Trois belles pièces, de beaux danseurs, de la belle danse, un vrai cocktail réussi au goût  savoureux et explosif !

« Le vocabulaire n’est pas, ne sera jamais vieux. C’est l’écriture qui peut dater… La grande différence entre hier et aujourd’hui réside dans la façon de bouger et de concevoir l’espace où on se meut. «  William Forsythe.

 

 

 

Jone San Martin, Legitimo/Rezo, au 104

Présenté deux fois dans deux lieux différents, Legitimo/Rezo est une pièce qui mêle conférence dansée et mini-spectacle. Dans le cadre du Festival d’Automne, ce programme était un décryptage à la fois drôle et passionnant du travail de Forsythe. Vu au 104 le 3 octobre retour sur un de mes coups de coeur de ce début de saison.

Jone San Martin

La scène est recouverte de tapis, on se croirait dans l’appartement de Noureev. A jardin, un gros fauteuil dans lequel est assise Jone San Martin avec une tenue quelque peu loufoque. Quand le spectacle commence, elle se dévêtit et reste en simple jogging/débardeur/baskets. Elle commence à nous parler de la danse de Forsythe à travers la notation. Elle avait été invitée par Sonia Schoonejans lors d’une conférence au Théâtre de la Ville sur la notation en danse. De nombreux représentants du monde de la danse étaient là, avec de nombreux papiers, vidéos, et autres partitions. Jone San Martin revendique le corps comme partition, comme espace de notation. Elle le revendique parc que c’est comme cela qu’elle a appris à mémoriser avec Forsythe. Pour le chorégraphe, la danse « c’est de la littérature physique ». La notation fige le mouvement ; or, pour être transmis il doit pouvoir être libre, pour laisser une place à l’échec. Forsythe aime les échecs qui donnent d’autres idées de mouvements.

Le point de vue du danseur

Forsythe donne une idée, que le danseur interprète ce qui modifie l’idée initiale de Forsythe. L’aller retour est permanent jusqu’à trouver le mouvement juste. En 1986, les danseurs créent et apprennent la phrase die Befragung des Robert Scott. Jone San Martin nous en montre le début. Puis, elle nous la décrit avec les formes géométriques qu’elle fait dans l’espace. Par exemple, le premier mouvement, l’ouverture des bras, elle fait trois cercles ; mais elle crée aussi des lignes à l’intérieur du corps. Elle nous montre comment on peut faire la même phrase sans les bras ou même juste en pensant aux formes géométriques et aux intentions. Ensuite, elle danse une phrase au sol et la fais de 4 manières différentes, dont une en « Uing » (faire des U avec le corps). La phrase se réorganise pour trouver une mélodie dans les mouvements.

Ainsi, avec toutes ses phrases types que connaissent les danseurs, Forsythe a constitué tout un répertoire. Avec cet alphabet, Forsythe crée un espace de liberté pour le jeu et la spontanéité. D’ailleurs, Jone San Martin nous fait danser une courte phrase de bras pour que nous comprenions le sens de cela. Le public se prête au jeu, et nous nous amusons bien.

La qualité du mouvement

Dans The Lost of small detail, Forsythe a demandé à ses danseurs d’imaginer que le corps devient faible. Ainsi, par ce type de jeu, la qualité change, on n’est pas forcément dans l’exécution de quelque chose qui est beau, mais dans la recherche d’une qualité qui donnera un tout autre mouvement. De la même manière, après avoir appris une phrase à deux, Forsythe leur a demandé de faire les phrases seuls, avec un corps fantôme, sans perdre les appuis et la qualité des gestes. Voir Jone San Martin faire et refaire les mouvements, tout en expliquant quand elle touche son fantôme, quand elle l’enlace donne vraiment une autre compréhension de l’écriture de Forsythe. Cette écriture si graphique si précise, avec des énergies toujours subtiles, prend tout son sens avec les sous titres de la danseuse.

jone san martin 2

Le timing d’une phrase

Pour comprendre sur quelle temporalité doit se faire une phrase et à quel rythme, elle fait appel à un partenaire Josh Jonhson. A deux, ils nous redansent la phrase de Robert Scott, mais Jone suit le rythme de Josh, elle se cale sur lui. Certains mouvements sont ainsi accélérés de son côté, stoppés parfois. Puis, les danseurs nous demandent de faire des bruits d’oiseaux pour qu’ils puissent danser dessus et se caler sur nos sons. Les sons s’intensifient, s’arrêtent parfois, les danseurs suivent le rythme improvisé et imposé par le public. Jone San Martin nous explique aussi que certains rythmes ont beaucoup changé en fonction des gens qui dansent. Quand certains partent, ils emmènent quelque chose avec eux.

Le travail des pieds

Forsythe a voulu travailler une autre façon de poser le pied au sol. Les danseurs ont mis des baskets. Forsythe leur a demandé d’imaginer des territoires au sol, des îles. Il fallait faire le tour de l’île de la manière la plus fine, et ainsi, les danseurs ont utilisé l’extérieur de leurs pieds. Ils ont inventé de nouvelles façons de se déplacer sur la scène qui devenait une carte géante des territoires imaginaires de chacun. Le corps est plus resserré, plus près du sol. Les déplacements sont plus fragiles car ils reposent sur des appuis moins solides que ceux de la plante du pied.

La question

Jone San Martin propose que quelqu’un du public pose une question. « Que pensez-vous des tous ces facs-similés de Forsythe que l’on va voir au Festival d’Automne cette année? Quand on voit comment la danse de Forsythe est pensée en vous regardant… ». J’ai trouvé la réponse de Jone San Martin si juste et elle répond aussi à tout ce qu’on peut parfois entendre sur certains spectacles ou productions. « Il ne faut pas laisser tomber. Il faut transmettre. Et il faut aussi être compréhensif. Quand on donne une pièce à une autre compagnie, généralement, on a 5-6 semaines et dans ce temps là, on voit les danseurs que quelques heures par jour. Alors, ils faut apprendre à les regarder avec cela, avec ce regard-là moins que comme une compagnie qui danse toujours avec le même chorégraphe. Peut être que dans le lot, un danseur aura mieux compris que les autres et tant mieux. Et puis, franchement, ce ne serait pas juste si en 5 semaines ils apprenaient ce qu’on a mis 20 ans à apprendre. ».

La danse

Après un changement de décor, le plateau est nu et Jone San Martin entre avec une moustache en guise de déguisement. Elle danse, le style actuel de Forsythe. Elle parle, on entend des bribes de mots, des accents, sa voix est modifiée pour faire différents personnages. Dans Study #3 vu il y a quelques années, je n’avais pas compris ce que Forsythe voulait nous signifier, mais maintenant après l’heure passée avec Jone San Martin, je comprends mieux ces mouvements. Je regarde tout cette grande variation avec plaisir, imaginant les corps fantômes, les trios formés avec un seul corps, les conversations entre différents personnages. Tout un imaginaire se déploie devant moi que je n’avais pas été capable de voir auparavant. Forsythe c’est vraiment fascinant.

 

Soirée d’adieux de Brigitte Lefèvre

La directrice du ballet de l’Opéra de Paris a salué une dernière fois le public et sa compagnie hier soir sur la scène du Palais Garnier.La soirée était à l’image de sa carrière entre tradition et modernité, classique et danse moderne, héritage et transmission.

Brigitte Lefèvre le 4 octobre

La soirée a démarré avec les deux Forsythe, dansés brillamment par la compagnie. Dans Woundwork 1, comme dans Pas./Parts, les danseurs ont offert au public une danse d’exception. Mathieu Ganio étire les lignes de son corps et fait vibrer celles de Laëtitia Pujol. Un couple fait écho à un autre, Aurélie Dupont et Hervé Moreau, qui sont dans une toute autre énergie, mais pas moins intense. Leurs regards semblent englober tout l’espace et la précision de leurs ports de bras imposent des lignes graphiques qui semblent infinies, dans cet espace clos. L’explosion arrive dans Pas./Parts. La pièce a changé, les hanches se sont encore plus lâchées, les jambes des danseuses touchent le ciel. Forsythe, ce grand monsieur de la danse vient sur scène avec Brigitte Lefèvre pour féliciter les danseurs. Les détracteurs de Madame Lefèvre ne pourront pas lui enlever toute l’énergie qu’elle a su mettre pour inviter de grands chorégraphes à l’Opéra. Ces deux ballets, au répertoire, qui ouvrent la soirée, sont deux petits trésors dont elle peut être fière, surtout quand ils sont dansés avec autant de verve et d’énergie.

Brigitte Lefèvre

La soirée se poursuit avec Suite de danses d’Ivan Clustine, court petite pièce au répertoire de l’Ecole de danse, invitée pour l’occasion. La polonaise au piano est agréable aux oreilles, mais sur la scène malgré l’application des petits rats, la chorégraphie est plutôt très ennuyante. Loin des tutus longs, et des notes de Chopin, Aunis est une très jolie pièce dansée admirablement par Pablo Lagasa, Julien Guillemard et Paul Marque. Légère, les sauts bondissants et plein de ballon répondent aux soufflets des deux accordéons qui les accompagnent. La pièce est une chorégraphie de Jacques Garnier qui fut le compagnon de danse de Brigitte Lefèvre.

Etudes d’Harald Lander vient montrer l’éclat de la compagnie. Là aussi, par rapport à la première, le style s’est imprimé sur les corps des danseurs. Ce ballet « démonstration » n’en devient que plus intéressant car il est plus abouti, plus dansé. Dorothée Gilbert étincelle, entourée par les excellents Josua Hoffalt et Karl Paquette. Le final d’Etudes se prolonge avec le défilé du ballet. Aux saluts, Brigitte Lefèvre rejoint sa compagnie. Elle voudrait tous les embrasser. Le parterre se lève et applaudit. Pluie de paillettes sur celle qui a vécu toute sa vie dans cet opéra. Les amis, les collaborateurs, les machinistes, tous convergent vers la scène, invités par Brigitte Lefèvre. L’émotion n’est pas feinte, mais toute en retenue. On retiendra l’image forte de Brigitte et Benjamin à l’avant-scène. Une nouvelle ère s’ouvre donc à l’Opéra.

Brigitte Lefèvre et ses danseurs

La première fois que je suis allée à l’Opéra de Paris, j’avais 10 ans et Brigitte Lefèvre commençait ses fonctions de directrice de la danse. Depuis j’ai vu les grands ballets classiques, découvert Pina Bausch, un soir d’une soirée Stravinsky, vécu un grand choc devant le Sacre ; j’ai découvert Kylian et son esthétisme bouleversant ; je me souviens de Gillot sous la poudre blanche de Nacho Duato ; j’ai eu envie d’être amoureuse comme dans le Parc d’Angelin Preljocaj ; je suis restée hypnotisée devant Forsythe ; j’ai eu envie de faire de la scène en regardant Mats Ek ; je me suis ennuyée devant la création de d’Emanuel Gat ; j’ai vibré devant Rain ; j’ai tant frissonné devant le Boléro de Béjart et pleuré devant Le jeune homme et la mort. Je pourrais continuer la liste… J’ai vu beaucoup de ballets, de pièces dans cet opéra, j’ai eu tant d’émotions, il faut donc rendre hommage à cette femme qui a su faire de cette compagnie ce qu’elle est aujourd’hui.

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Merci à JMC pour la place.