Pour la 3ème année, le Châtelet propose une pièce musicale de Sondheim. C’est à nouveau une belle découverte. Le compositeur qui remplit les salles à Broadway, propose une œuvre à la forte personnalité, tant grâce au texte qu’à la musique.
Sunday in the Park with George raconte un moment de la vie du peintre George Seurat, au moment où il a peint L’île de la Grande Jatte. Il peint sa maîtresse, Dot (point en anglais), au soleil, qui doit se figer sous la chaleur. George croque tous les passants du dimanche pour les installer dans son tableau. Malgré le mépris de Jules, peintre reconnu dans les salons officiels, Seurat commence à établir sa vision de la peinture. Harmonie, composition, lumière sont les maîtres mots de son art. Il fait valser les règles de la perspective traditionnelle, pour imposer ses couleurs et sa lumière. Avec son obsession du pointillisme, il réinvente les couleurs, comme les impressionnistes, non pas touche par touche, mais point par point. Ainsi la robe de Dot, n’est pas violette mais bien rouge et bleu. Le tout est une question d’équilibre. A force de son obsession pour obtenir les couleurs parfaites, George délaisse Dot, qui se détourne de lui, bien qu’elle attende déjà un enfant de lui. Elle se tourne vers un boulanger, moins passionnant, mais plus stable pour une vie de famille. George est tiraillé entre sa peinture et son amour pour elle, mais l’art l’emporte.
Au deuxième acte, on fait un bond en avant dans le temps. Cent ans après le tableau de Seurat, son arrière petit-fils, lui aussi artiste, se pose les mêmes questions sur son art que son aïeul. Une réflexion s’installe alors sur les principes qui doivent guider un artiste.
La musique de Sondheim est comme la peinture de Seurat. En pointillé. Le moment sans doute où ce procédé est le plus audible est dans le solo de George « The hat ». Chaque note ressemble à une touche de peinture. Le poudrage de Dot dans l’atelier laisse aussi bien entendre cette unique note qui résonne tout le long de la pièce. Les chants ne sont pas mélodiques, dans le sens où vous n’en sortirez pas avec les airs dans la tête. Les notes se juxtaposent, en pointillés, puis forme un tout harmonieux.
La force de ce « musical » réside aussi dans le texte. Une réflexion s’installe tout au long de la pièce. En interrogeant son personnage principal, George, Sondheim met le spectateur dans une réflexion aussi vis-à-vis de l’œuvre. La constance des morceaux, pas toujours facile à mémoriser, oblige le spectateur à se mettre en position d’interrogation. La deuxième acte vient répondre à certaines questions. Si le tout est harmonieux, il en ressort quelque chose qui échappe et l’on ressort conquis tant par la musique, que par les échanges entre les personnages.
La pièce est servie par une mise en scène d’une grande qualité. Le décor est fait d’une grande toile de fond courbée. Sur le plateau, il faut imaginer des disques tournant, sur eux-mêmes et entre eux. Au premier acte, sur la toile de fond est projetée l’île de la Grande Jatte, peinte par Seurat. Les arbres sont en volume sur le plateau et les personnages déambulent dans cet espace. C’est dans l’atelier de George que la mise en scène est al plus belle. Les toiles de Seurat suspendues prennent des couleurs à mesure que la toile avance. Les personnages s’animent la nuit pour chacun donner leur avis sur le travail de celui qui les emprisonne dans le tableau et les rend éternels. Le dispositif n’est jamais vain ni prétentieux. Il sert juste admirablement la pièce.
Les comédiens-chanteurs sont tous excellents. Pas d’ombre au casting, c’est très bien joué et admirablement chanté. Vite,il ne vous reste plus qu’une petite semaine pour vous y précipiter !
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Rencontre avec Laura Gravier Britten, comédienne
J’ai eu l’occasion de rencontrer la charmante comédienne Laura Gravier Britten. Franco-anglaise, du haut de ses 10 ans et demi, elle a tout d’une grande et rêve de scène pour l’avenir. Timide et humble, toujours le sourire aux lèvres, elle m’a raconté quelques moments de cette aventure. Merci à elle et à ses parents pour l’autorisation de publication.
Comment t’es tu retrouvée dans cette aventure ?
J’ai passé une audition à l’automne. Je devais chanter une chanson du spectacle et j’ai lu un texte avec le ton, en anglais bien sûr.
C’est la première fois que tu jouais dans une comédie musicale ?
Oui. Je fais du chant, de la danse et du théâtre, mais dans un grand théâtre comme le Châtelet c’est la première fois. J’étais stressée avant d’avoir la réponse car j’avais très envie d’avoir le rôle. J’avais passé l’audition pour The Sound of Music, que je n’avais pas eue, donc là je le voulais. J’étais super heureuse d’avoir été choisie.
Comment s’est préparé le spectacle ?
On a commencé par travailler les déplacements sur le plateau. Ensuite on a travaillé le chant avec le chef d’orchestre et le metteur en scène.
Tu as chanté à la première du spectacle, comment te sentais-tu ?
Bizarrement, avant je n’étais pas trop stressée. Une fois sur le plateau, avec tous ces gens dans la salle qui nous regardaient, cela montait un peu. Heureusement, cela allait bien au niveau de ma voix.
Et puis je me suis bien préparée. On est concentré avec les changements de costumes, le maquillage, la coiffure. On est pris en main, donc on n’a pas trop le temps de penser.
Il y a eu une longue standing ovation à la fin des saluts. Stephen Sondheim était même sur scène.
Oui… j’étais super émue. J’ai ressentie une grande joie. A la fin, Stephen Sondheim est venue me voir. Il m’a serré la main et m’a félicitée. Je ne parlais plus, j’étais sur un nuage.
Comment se sont passés tes rapports avec l’équipe ?
C’était génial. Avec Elisabeth Baranes (en alternance), on était considéré comme des grandes ! On ne nous prenait pas pour des bébés. On discutait beaucoup avec les autres comédiens. Évidemment on était chouchouté. On a piqué plein de fous rires en répétition, c’était vraiment sympa de travailler comme ça. Le metteur en scène disait que de toutes façons, il faut une bonne ambiance pour faire du bon travail.
Pourquoi, conseillerais-tu ce « musical » à quelqu’un ?
Tout d’abord pour les décors ! Je trouve ça vraiment beau ! Ensuite pour l’humour de la pièce. Il y a des moments vraiment drôles, comme au début du deuxième acte, quand on est tous dans le tableau. Là on entend le public qui rigole beaucoup. Et évidemment la musique, même si elle n’est pas évidente au début. J’aime beaucoup la chanter. Mes copines ont aimé les deux Célestes, Dot et George.
Que retiens-tu de cette aventure ?
La bonne ambiance et l’envie de refaire des spectacles !