Shakespeare

Roméos & Juliettes 2016

Cette année, je n’ai pas beaucoup de temps. Un peu pour aller au spectacle, très peu pour écrire, d’autant que j’ai retrouvé un peu ma boulimie de lecture et je préfère passer mes soirées le nez dans les livres. Roméo et Juliette fait vraiment partie de mon top 10 des ballets. Une occasion pour revoir la version Noureev trois fois et passer des soirées très diverses sur le plan émotionnel. Retour sur 3 couples : Mathieu Ganio & Amandine Albisson (19 mars), Léonore Baulac & Germain Louvet (24 mars), Dorothée Gilbert & Hugo Marchand (15 avril).

Roméo & Juliette Danse des Capulets

J’appréhendais un peu cette série. Le remue-ménage à l’Opéra de Paris, avec tout le rabattage médiatique autour de Benjamin Millepied, ce n’est jamais une bonne chose pour l’unité qui est nécessaire à ce genre de grosses productions. Avant le ballet, j’avais très envie de voir Myriam Ould-Braham que j’avais trouvé lumineuse en Nikiya à Noël. Malheureusement, l’étoile s’est blessée quelques jours avant que je trouve enfin un billet pour la voir.

Pour le reste des distributions, j’avais plutôt hâte de découvrir de nouvelles Juliettes. Laëtitia Pujol m’avait laissé un souvenir mémorable. Avec Mathieu Ganio, ils formaient pour moi le couple parfait, fusionnel dans la danse comme dans le jeu. Je n’ai pas été déçue des nouvelles Juliettes découvertes sur cette série. Amandine Albisson a ouvert la série avec beaucoup de force. Je l’ai trouvée juste, parfois un peu timide dans le jeu, mais elle a cette finesse qui permet de ne pas en faire trop pour convaincre le public. Le couple fonctionne parfaitement, d’autant que le reste de la distribution brille par une certaine harmonie. François Alu et Fabien Révillon sont accordés comme deux frères de sang. Mathieu Ganio au milieu de ses deux compères a le visage angélique qu’on prête naturellement à Roméo dans l’imaginaire. La magie de la musique de Prokofiev accompagne les émotions et ajoute une note tragique qui manque un peu parfois dans cette distribution très léchée.

Roméo & Juliette LB GL 2016

Léonore Baulac et Germain Louvet ont remplacé au pied levé MOB et Hoffalt qui ne pouvaient danser. Il était assez impressionnant de voir comment cette représentation, à qui il manquait sans doute un peu de préparation. Germain Louvet campe un Roméo juvénile et transi, à l’instar de sa Juliette, Léonore Baulac. Le couple incarne certainement cette jeunesse sans filtre, amoureuse, faisant fi du reste du monde, l’espace d’un instant, lors de la scène du balcon. On voit dès les premiers instants sur scène, la joie de Léonore Baulac d’incarner ce rôle. Elle est pétillante et très investie : elle montre beaucoup de charisme, elle parvient à attirer le regard en permanence sur elle. J’ai trouvé son interprétation un peu forcée, manquant de nuances parfois entre le bonheur et le tragique.

Roméo & Juliette DG HM 2016

L’adhésion complète au personnage de Juliette a été offerte par Dorothée Gilbert, qui a réussi à mon sens à allier perfection technique, fusion avec son partenaire – Hugo Marchand prend une vrai maturité avec ce rôle et on oublie le côté lisse dû à sa jeunesse – et comédienne investie. J’ai été soufflée par le pas de deux du balcon : les deux danseurs sont parvenus à donner quelque chose de très fort au public, proche dans leurs gestes des mots de Shakespeare. La confiance que Gilbert accorde à son partenaire ne rend que l’histoire plus crédible. Elle se jette dans ses bras comme l’adolescente Juliette à corps perdu dans l’amour. Dorothée Gilbert passe par toutes les émotions, sans laisser de côté la danse. Elle transcende le rôle, comme si chaque pas, chaque tout petit pas que Noureev a chorégraphié, prenait sens au bout de ses chaussons. On redécouvre presque le ballet. C’est merveilleusement dansé, c’est admirable de justesse et cela nous laisse forcément dans une émotion nouvelle, que l’on avait pas ressentie avant.

Roméo et Juliette, mise en scène de Baptiste Belleudy

Il en faut du talent et de l’intelligence pour monter Roméo et Juliette de Shakespeare. Il faut que le spectateur soit ému par cet amour premier entre deux êtres, qu’il croit à la haine profonde entre deux familles, qu’il croit que seule la mort est l’issue de cet amour impossible et enfin qu’il rit, car le texte est truffé de bons mots. Hier soir, direction la Cité des Arts, pour découvrir un Roméo et Juliette monté dans un lieu bien particulier, La Tour Vagabonde. Si vous êtes déjà allés à Londres, vous êtes certainement passé devant le théâtre du Globe. Cette tour en est une réplique parfaite et c’est avec des yeux d’enfants qu’on entre dans ce petit théâtre.

La tour vagabonde

La pièce est finement mise en scène. Tous les ressorts du lieu sont bien utilisés. Les trois étages créent des espaces différenciés, très utiles pour la scène du balcon. Les combats à l’épée sont magnifiés et se font jusque dans les airs. Le bal des Capulets est bien chorégraphié, mêlant la joie de cette fête et la tradition d’un bal. Les enchaînements des scènes se font en chantant, ce qui vous donne des frissons, tant les voix sont bien travaillées. Ainsi à la mort de Tybalt, le Lacrimosa était d’une beauté sans pareille. Les lumières sont également très bien pensées. Plein feux lors des combats, notes bleutées dans la cellule de Frère Laurent. La traduction utilisée ici (Jean Sarment) est excellente. Les scène sont drôles, on rit de bon cœur, grâce aux jeux de mots de Mercutio et Benvollio. Il y a tout ce qu’on veux trouver dans une bonne mise en scène de la pièce de jeunesse de Shakespeare. La temporalité s’envole, on est dans le temps de l’amour. C’est une vraie fête et le public vibre complètement avec les comédiens.

Parlons-en justement des comédiens ! On est absorbé par leur jeunesse. Juliette (Anne-Solenne Hatte) est d’une beauté juvénile, Roméo (Baptiste Belleudy) découvre l’amour à mesure qu’il lit sur ce visage pur. Mercutio (Paul Gorostidi, soit dit en passant, je suis de l’avis de la nourrice..) et Benvollio (Stéphane Peyran) sont de vrais bon compagnons, railleurs sans manquer d’honneur. La nourrice de Juliette (Sylvy Ferru) nous fait nous tordre de rire, sans oublier de rester tendre avec sa petite protégée. Tybalt (Sylvain Mossot) est un félin aux griffes acérées. C’est admirablement joué, sans prétention, mettant en valeur le texte sans en faire des tonnes. Chanteurs, danseurs, ces comédiens savent tout faire et avec un vrai talent. C’est un plaisir intense de voir cette troupe donner autant d’émotions. On en ressort complètement ému, après avoir rit et frémit. Du vrai bonheur ! Si vous aimez Shakespeare, les histoires d’amour, l’humour, les combats à l’épée, allez voir cette pièce. Le lieu, l’ambiance, tout est réuni pour passer une excellente soirée !

Saluts Roméo et Juliette le 23 mars 2013

Après le spectacle, n’hésitez pas à vous rendre dans la petite auberge à côté du théâtre. On y dégustera vin chaud et raclette, normal, le projet de cette tour vient de Suisse. On pourra discuter de la pièce avec les comédiens, l’ambiance est bon enfant et très sympathique. Merci à Youssef B. pour cette jolie découverte. Il en parlera vendredi dans sa chronique sur France 2.

Le site de la compagnie Les mille Chandelles, clic

Roméo et Juliette, à partir du 20 mars et jusqu’en juillet.
Avec : Géraldine Azouelos, Baptiste Belleudy, Jonathan Bizet, Axel Blind, Gaspard Caens, Raphëlle Cambray, Laurent Evuort, Sylvy Ferru, Clémence Fougea, Thomas Gauthier, Jean-Luc Gillier, Paul Gorostidi, Anne-Solenne Hatte, Robin Laporte, Bernard Métraux, Sylvain Mossot, Françoise Muxel, Stéphane Peyran, Dominic Rouvillé, Frederico Santacroce, Jean-Laurent Silvi, Louis Yerli.