Roméo et Juliette

Roméo et Juliette de Sasha Waltz, première !

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© JMC

Lundi soir, retour à Bastille, pour assister à la première de Roméo et Juliette de Sasha Waltz. Ayant vu la séance de travail et la générale, ce n’est pas avec un regard complètement neuf que j’assiste à cette représentation.

J’avais gardé un souvenir très mitigé à la création, et à vrai dire, je ne me souvenais pas de grand chose, hormis cette scénographie superbe, fait avec deux plate-formes qui se soulèvent, se détachent, transforment l’espace scénique dans lequel évoluent les danseurs.

On est plongé dans le conflit entre les deux familles. Les danseurs entrent en courant, blancs contre noirs comme dans un jeu d’échecs. La double plate forme est éclairée avec des lumières rasantes. La musique a un côté très solennel, très guerrier. Le choeur commence à chanter.

« D’anciennes haines endormies,

Ont surgi comme de l’enfer ;

Capulet, Montaigu, deux maisons ennemies,

Dans Vérone ont croisé le fer. »

Les corps, se posent, les uns contre les autres, comme des cathédrales vivantes. Cela crée une belle unité, une matière nouvelle. Les corps se collent les uns aux autres, les poids des corps sont interdépendants. C’est très graphique, les plates-formes créent des lignes, les assemblages des corps en créent d’autres.

Après cette entrée, on assiste à une danse très joyeuse. Les filles sont portées et courent à l’envers, en l’air. Les prises des portés sont surprenantes, souvent très naturelles et visibles, contrairement à d’autres. Déjà on aperçoit la silhouette de Juliette, dont le regard est différent des autres. Un regard enfantin, avec un sourire innocent, un état de grâce avant la tragédie. Roméo, de dos, en chemise, semble plus grave.

« Le jeune Roméo, plaignant sa destinée,

Vient tristement errer à l’entour du palais ;

Car il aime d’amour, Juliette…. la fille

Des ennemis de sa famille ! « 

Les jeunes femmes sont traînées, s’accrochant au cou des hommes. Les lumières sont douces, presque dorées. On distinguent les deux amants, qui sont chacun sur un praticable, comme pour marquer le rideau de fer qui existe entre les deux familles. Les lumières sont douces et dorées. On joue entre deux énergies, celle du poids du corps dans le sol ou des portés très suspendus. Les contrastes sont forts et marqués. Les corps sont dans une matière très élastique, très étirable.Les suspensions sont très belles, comme si les danseurs étaient eux aussi maintenus en l’air par des câbles.

Le son de la harpe, très douce coïncide avec Roméo qui se couche en forme foetale. Tout est fait pour rappeler l’âge des deux protagonistes, ce monde de l’enfance sacrifié pour une guerre. Roméo commence un solo très vif, dans lequel c’est l’occasion d’admirer Hervé Moreau de retour sur cette pièce. Il propose un Roméo fou d’amour, mené par ce sentiment dans ses actions. On admirera la fluidité de ses bras et de son buste qui emmènent toujours le mouvement. La douceur qui s’installe dans cette variation reflète le caractère bon et tendre du personnage de Sasha Waltz.

« Premiers transports que nul n’oublie !

Premiers aveux, premiers serments

De deux amants

Sous les étoiles d’Italie »

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© JMC

Deux amis de Roméo apparaissent et dansent en dehors des plates-formes. Ils se préparent à entrer au bal des Capulets.  Le tambourin annonce le début des festivités. On fait semblant de manger, on joue à avoir faim à se gaver, mais à la vue de Roméo, Juliette sort de cette tablée, attirée par la beauté du jeune homme. Aurélie Dupont parvient à rendre ce transport très fort, le mouvement part de sa poitrine, son regard malgré le masque semble troublé. Lui, reste assez statique, déjà gêné par le fait d’être l’imposteur au milieu de cette tablée. Elle l’emmène alors danser. Le bal peut commencer.

« Bal divin ! Quel festin !

Que de folles paroles !

Belles Véronaises

Sous les grands mélèzes

Allez rêver de bal et d’amour, 

Allez rêver d’amour

Jusqu’au jour »

 

 Le bal est une chorégraphie qui se moque des danses traditionnelles, non sans humour. J’apprécie particulièrement la musique de ce passage. Les tutus aux épaisseurs
excessives sont mis en valeur dans des petits bonds. On se moque des codes, jusqu’à ce que tout ce petit monde soit ivre et décide de rentrer chez soi. Les rires résonnent, tandis qu’au fond de la plate-forme, on aperçoit Juliette chez elle, déjà rêveuse, qui se déshabille. De son côté, Roméo rêve aussi. Il rejoint sa belle, et ils dansent ensemble le fameux pas de deux.

Cela commence par un jeu de miroir, comme pour se deviner dans le noir. Il tente de s’approcher, puis il arrive par derrière en lui cachant les yeux. La variation commence et s’enchaîne avec une très belle fluidité. On a l’impression que les deux danseurs sont reliés par un fil invisible. Le jeu est omniprésent, avec des éloignements pour se rapprocher dans une certaine exaltation. C’est un des plus beaux passages du ballet, finement chorégraphié pour dépeindre la palette des sentiments qui traversent les coeurs des jeunes amants.

La plateforme monte, Roméo et Juliette se quittent. Juliette est à son balcon, un dernier baiser sur son pied et Roméo va se réfugier dans les songes. Le mariage secret va avoir
lieu, mais pendant ce temps, la vie de Vérone continue. Sasha Waltz explore l’utilisation de l’ouverture de la plate-forme supérieure. Les femmes et les hommes se glissent dessous, dansent, avec des gestes répétitifs qui reviennent. Au dessus, Père Laurence marie les deux enfants. Ils les portent, un dans chaque bras pour sceller leur union.

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© JMC

 

La plate-forme continue de s’ouvrir, un jet de peinture noire coule. Juliette boit le poison qui fera croire qu’elle sera morte. Roméo en exil ne le sait pas. Le plus beau passage arrive à ce moment là, Roméo est seul et sans musique il tente de gravir le mur qui le sépare de Juliette.Il monte, puis se laisse glisser pour montrer son désespoir et le tragique de cette situation. Son souffle résonne, il semble comprimé, comme manquer d’air. Il résiste à sa douleur, saute, court. Un silence religieux dans la salle admire le danseur qui à lui seul parvient à occuper l’espace avec un charisme naturel.

Juliette est mise au tombeau par sa famille et Père Laurence. Aurélie Dupont montre un véritable relâchement, et se laisse complètement emmenée. Les costumes sont très beaux dans cette pièce, il y a une belle réflexion sur les matières. Juliette en robe blanche est evanescente, son âme flotte déjà dans les coeurs de son clan. On la dépose dans un lit de pierre.

« Des fleurs ! jetez des fleurs sur la vierge expirée !…

Suivez jusqu’au tombeau notre soeur adorée !… »

Roméo, sorti de l’exil, accourt. Il découvre le corps froid de Juliette. Il pleure sur le corps de sa femme, après avoir bu un poison, quand la main de Juliette sort de son
engourdissement. Un silence se fait dans la musique, une pause, comme si ce geste n’était pas certain. Roméo découvre les mouvements de Juliette et la sort du tombeau. De nouveau on assiste à un joli pas de deux, avec beaucoup de portés qui sont repris. Aurélie Dupont et Hervé Moreau sont vraiment en osmose, c’est un superbe partenariat. Juliette rayonne, mais Roméo se raidit. Il tombe et meurt. Juliette par un baiser comprend qu’il a bu du poison. Elle se poignarde et meurt sur le corps de son amant.

« Je vais dévoiler le mystère

Ce cadavre, c’était l’époux

De Juliette ! Voyez-vous

Ce corps étendu sur la terre ?

C’était la femme hélas ! de Roméo ! C’est moi

Qui les ai mariés ! »

Pas le temps de se laisser aller à l’émotion, les deux familles arrivent en courant. Père Laurence va raconter l’histoire d’amour des deux amants. Hormis la double variation chant/danse du prêtre qui fonctionne bien, parce qu’elle a une vraie force, tant d’un point de vue lyrique que chorégraphique. Nicolas Paul est excellent et s’impose de façon autoritaire au milieu de ces hostilités familiales. La fin est la réconciliation des familles, on retrouve les « cathédrales » humaines, comme une sorte d’harmonie, de paix retrouvée. Au centre, les deux corps gisants avec une certaine beauté cadavérique. Sasha Waltz a la maîtrise de la composition scénographique.

Applaudissements très chaleureux et émotions du couple principal. Joie pour Aurélie Dupont de retrouver son partenaire, émotion non dissimulée d’Hervé Moreau de retrouver
la scène. Pour ma part, j’ai adoré la scénographie, les pas de deux et la variation solo de Roméo. Les danses de groupe m’ont plutôt ennuyées, même si la musique à ces moments là prend le relais et apporte une force à la pièce. Il manque encore un petit quelque chose pour me faire basculer dans une émotion complète.

Très belle soirée qui se termine par le cocktail de première au foyer panoramique. Sasha Waltz, pétillante, et très chic (point mode : superbes escarpins…) évoque son bonheur de revenir monter cette pièce, car elle représente pour elle l’idéal à atteindre, d’ouvrir les portes entre les arts, et de les lier ensemble dans une oeuvre. Brigitte Lefèvre dans un court discours partage elle aussi son goût pour l’oeuvre et remercie un à un les acteurs qui ont permis cette reprise. Elle finit par un touchant « Hervé, on t’aime », que toute l’assemblée applaudit chaleureusement.

Encore merci à JMC pour la place.

Le livret de l’Opéra de Berlioz

Roméo et Juliette sur le site de l’Opéra

Les photos d’Agathe Poupeney

A lire dans la presse

Le Point Roméo et Juliette, l’amour Waltz à Bastille

Le Figaro Sasha Waltz à Vérone

Notulus Roméo et Juliette, version Sasha Waltz

Newspress Trois questions à Aurélie Dupont et Hervé Moreau

Res Musica Le Roméo et Juliette épuré de Sasha Waltz

Opéra de Paris, En Scène Trois questions à Sasha Waltz
Les Echos Le ballet de Berlioz sur un air de Waltz

TF1 reportage dans le JT sur le ballet Roméo et Juliette

Le Canard Enchaîné Une grande Waltz


A lire sur les autres blogs

Danses avec la plume

Blog à petits pas

Joël Riou

  • Distribution du 07 mai 2012

 

Juliette Aurélie Dupont
Roméo Hervé Moreau
Père Laurence Nicolas Paul

 

Nouvelles du 30 avril

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© Laurent Philippe/Fedephoto.com

La semaine dernière, je n’ai pas fait tout ce que j’aurais voulu. Le temps n’aidant pas à sortir (non mais franchement Monsieur le Soleil, vous êtes parti combien de temps en vacances ?), j’ai fait des travaux dans ma cuisine. J’ai vu L’histoire de Manon deux fois, avec des impressions différentes à chaque fois. Vendredi, mon ami Youssef Bouchikhi m’a proposé de venir assister à la mise en place du JT de 13h de France 2. J’ai passé une matinée formidable. La conférence de rédaction à 9h permet de déterminer les sujets qui seront traités. Je descends en salle de montage avec Youssef qui a déjà rédigé sa chronique. Vendredi, il a proposé deux spectacles vivants. Le premier Cerise Noire est une pièce de théâtre qui se déplace. Le plateau se monte sur un énorme camion. Au dessus, il y a un écran géant. Le public assiste en fait au tournage d’un film, polar américain des années 50. C’est assez bien fait. Le camion est en tournée en France, il était samedi soir à Pantin. On regarde les images en accéléré, Youssef a déjà les images en tête qu’il veut monter. Reste à décider si il les mets en off (on voit l’image à la télévision avec peu de sons pendant qu’il parle) ou en in. Une fois le montage achevé, on redit le texte par dessus, pour voir ce que ça donne, on modifie le texte, sur le logiciel du prompteur. Puis on passe au deuxième spectacle, Même si tu m’aimes, une pièce de Julien Boisselier qui traite des problèmes de couple. Les images sont amusantes, de même, on coupe, on colle, on monte. Ensuite, Youssef monte les images des Cinq dernières minutes, la séquence dont il s’occupe toute la semaine. L’invité est Pascal Elbé pour le dernier film de Laura Morante. Les différentes séquences montées et envoyées à l’ordinateur central, nous remontons pour la répétition. N’importe quel petit problème enraye la machine et le temps passe vite, alors quand le prompteur ne marche pas, l’informatique doit rappliquer vite ! Prompteur en marche, Youssef répète sa chronique plusieurs fois, pour filer ensuite au maquillage, dernier havre de calme avant la tempête. Il y a un monde fou sur le plateau, techniciens, maquilleuses, peu de journalistes, qui regardent plutôt le JT dans leurs bureaux. Je regarde un peu du plateau, et rejoins Youssef en loge qui répète de nouveau pour que le texte soit fluide et qu’il n’y ait pas d’accrochage. Il court sur le plateau, fait sa chronique, rigole avec Elise, et hop c’est déjà fini. Tout file à toute allure, voilà que le JT est déjà fini, tout le monde monte d’un étage en conférence de débriefing. Là, les rédacteurs passent en revue les sujets réussis, les accros, les sujets zappés par manque de temps. Il est 14h, je vois Youssef qui va bientôt s’écrouler de fatigue sur son bureau, alors on file manger. C’est le week-end et pourtant sur son bureau, il y a encore 20 livres, des invitations pour des spectacles à voir (notamment Mlle Julie à l’Odéon, tiens je n’ai pas de places pour ça…), une boite mail qui va imploser. Dernière question en partant « Tu vas voir quoi ce week-end?_ Pina à la Ville _ Oh tu as de la chance! » Oh oui Youssef, j’ai eu beaucoup de chance. Merci à Musica Sola pour la place. J’ai passé un moment inoubliable, je vous raconte ça vite !

Cette semaine, on va voir la répétition de Roméo et Juliette de Sasha Waltz, on peut aller prendre une bonne dose de bonne humeur en allant voir Lalala Gershwin de Montalvo-Hervieu, ou encore faire un tour à la colline pour voir Dans la jungle des villes, une création de Roger Votonbel. Et mardi on n’oublie pas d’offrir un petit brin de muguet.

  • Les sorties de la semaine

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A l’Opéra va débuter Roméo et Juliette de Sasha Waltz. Oubliez la musique de Prokofiev si vous avez vu la version de Noureev, plus classique. Ici il ‘agit de l’Opéra de
Berlioz. Comme  Orphée et Eurydice, Sasha Waltz propose ici un opéra dansé, crée pour l’Opéra de Paris, en 2007. L’histoire est toujours la même, si ce n’est qu’on plonge dans ne univers plus enfantin, il me semble. Côté chorégraphie, contemporain pur (allergiques s’abstenir), j’en garde un souvenir mitigé, je ne saurai vous dire pourquoi, il faut donc vite que je revois ce ballet.

Il reste des places (horriblement chères, soit dit en passant), presque pour toutes les dates.

Site de l’Opéra pour réserver, lire plus d’infos, interview d’Hervé Moreau et Aurélie
Dupont.

Distribution des 7, 9, 10, 12, 15 17 et 20 mai

Juliette Aurélie Dupont
Roméo Hervé Moreau
Père Laurence Nicolas Paul

Distribution des 13 et 16 mai

Juliette Mélanie Hurel
Roméo Vincent Chaillet
Père Laurence Vincent Cordier

France 3 réalisera une captation du ballet les 5, 10 et 15 mai.

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© Laurent Phillipe

Du 2 au 19 mai, on file à Chaillot voir Lalala Gershwin de Montalvo Hervieu. J’avais vu Good Morning Mr. Gershwin, spectacle plutôt réjouissant à la MAC de Créteil,
celui ci est dans la même veine. On retrouve évidemment la musique de Gerswhin, les montages vidéos rigolos des chorégraphes, des danseurs venants d’horizons divers. 50 minutes de bonne humeur qui réjouiront petits et grands.

Pour réserver et plus d’infos suivez le lien.

Un cours-atelier sera donné les dimanches 6 et 13 mai (n’oubliez pas pour autant d’aller voter!) pour les enfants.

Le 19 mai, il y aura un bal Gershwin. PAF 6€.

  • La presse de la semaine

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Au sommaire de Danse magazine ce mois-ci, retours sur La Bayadère par l’ONP, le spectacle de l’école de danse de l’ONP, le Béjart Ballet Lausanne. Des portraits de l’Opéra de Rome, de l’école de La Scala. En couverture, Héloïse Jocqueviel, Mathieu Rouaux et Clémence Gross.

Le magazine Danser quand à lui met à l’honneur le festival Montpellier Danse. Il sort aujourd’hui en kiosque.

  • L’histoire de Manon dans la presse

Ariane Bavelier pour le Figaro Aurélie Dupont porte Manon au Zénith

Interview d’Aurélie Dupont dans Tanznetz.de

ResMusica Manon à l’Opéra de Paris, une certaine idée du répertoire

Et sur les blogs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Impressions londonniennes, Les balletonautes, target= »_blank »>Le Klariscope, Le Blog de Joël Riou, Palpatine, Les
grignotages de Mimy la souris
, Danse-Opéra,Une saison à l’Opéra,  etc..

  • 1980, une pièce de Pina Bausch dans la presse

Le Figaro Les éclats lumineux de Pina Bausch

Mondomix L’enfance vue par Pina Bausch

Le Monde 1980, année charnière pour Pina Bausch

Blog Le Monde Le vert paradis de Pina Bausch

France Info 1980, une pièce majeure de Pina Bausch

20 minutes La pièce qui a donné naissance au style de Pina Bausch

Toute la culture 1980, La danse est dans le pré

  • Presse en vrac

La jeune génération à l’honneur du prochain festival de Marseille

Emannuel Gat crée une pièce pour le ballet de Marseille dans le cadre d’un festival suisse.
Repetto L’art du Made in France La croix

  • En vrac

Le journaliste Jean-Marc Proust (Slate.fr et Opéra Magazine) cherche des témoignages de gens qui trouvent les places à l’Opéra trop chères. Pour le contacter ça se passe sur
twitter @JeanMarcProust.

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Revoir Ma vie d’artiste sur France 5 consacré aux CNSMDP, c’est par ici.

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Elle court la rumeur, Hervé Moreau ne quitterait plus l’Opéra de Paris #youpi.

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  • Bonus vidéo de la semaine

Roméo et Juliette de Sasha Waltz pour donner envie…

Rencontre autour de Roméo et Juliette, Sasha Waltz

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Pour un premier jour de vacances, quoi de mieux que d’assister à une répétition à l’amphi Bastille ? Et bien rien alors après un petit verre avec V***, rencontrée par Danse en Seine,  avec qui on papote de danse, d’abonnements, et d’Arop, direction l’amphi.

Installée au premier rang, avec Elendae et Fab, j’ai une place idéale pour apprécier la répétition. Brigitte Lefèvre présente la répétition. Roméo et Juliette de Sasha Waltz succède à La Bayadère à Bastille. Cette pièce est un opéra dansé. Elle permet de réunir différents artistes qui trouvent plaisir à travailler ensemble. C’est une très belle oeuvre. Gérard Mortier a pensé à mettre une chorégraphie sur cette musique et Brigitte Lefèvre a pensé à Sasha Waltz. Cette dernière a accepté assez facilement. Quand elle était à l’Opéra, le temps était différent, car c’était un temps de création et donc d’émulation. Sasha Waltz a la même devise que Picasso « Je ne cherche pas, je trouve ». Elle a su trouver une osmose entre elle et les danseurs.

Elle avait deux assistants à l’époque qui sont venus remonter la pièce : Luc Dunberry et Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola (que pour des commodités on appellera Juan!). C’est ce dernier qui va conduire la répétition.

Ce sont Mélanie Hurel et Vincent Chaillet qui vont danser les rôles de Juliette et Roméo. Ils nous montrent la répétition du premier pas de deux, celui de l’amour. Ils se sont vus, ils se sont plus, maintenant ils vont danser ensemble.

La répétition fut passionnante, menée par Juan, qui aiguise au millimètre les intentions de la chorégraphe. Il rappelle d’emblée la spontanéité du mouvement, il ne doit pas être
dirigé, ni anticipé. si un choix se fait avec le corps, il faut que ce soit au dernier moment, pour garder le plus de naturel possible. D’autre part, il faut les deux danseurs se rappellent, qu’ils sont au tout début de leur amour. si Roméo sait que c’est elle qui le touche, c’est la première fois que Juliette l’approche de si près, c’est donc une étape importante dans leur relation. Roméo et Juliette sont presque des enfants, ils découvrent cette sensation de l’amour « Ne sois pas convaincu, ne te dis pas elle est à moi ». Chaque petit pas doit être un frisson, car c’est une étape de plus dans cet amour naissant. Les mouvements doivent être exécutés avec cette idée « j’ose ou je n’ose pas ». Il y a besoin de pudeur dans cette relation et par conséquent dans l’intention des gestes. En même temps, c’est une relation où on doit s’assurer de certaines choses, c’est pour cela que souvent Juliette doit se laisser aller dans les bras de Roméo. « Mélanie, assure-toi que c’est lui qui te porte ». Le porté où Juliette est contre le buste de Roméo et monte sa jambe pour être en planche, est très délicat et on sent l’harmonie des corps entre les deux danseurs.

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La relation progresse à mesure que le pas de deux avance. Si il y a toujours de la pudeur entre les deux amants, mais Juliette émet le désir d’être caressée par Roméo quand elle prend ses bras s’enlace avec. Roméo doit montrer ce désir en ne la quittant jamais des yeux. Ainsi Vincent Chaillet doit se tordre le cou dans de nombreuses rotations. Ils doivent le moins possible lâcher le contact entre eux. Les jambes doivent avoir la même sensualité que les jambes. D’ailleurs, le moment où Roméo est au sol et Juliette joue de ses jambes autour de lui, est applaudi par la salle absorbée par ce moment de sensualité.

Juan insiste sur la légèreté du corps, et le placement du poids du corps, pour ne pas perdre d’énergie. Le pas de deux dure douze minutes, il faut donc faire attention à garder
la même énergie et pour cela, pour à la fois être juste dans le mouvement et dans les intentions, il faut laisser aller son corps dans certaines inerties. Mélanie Hurel doit étirer sa planche à son maximum sans cambrer, pour gagner en légèreté et ainsi soulager Vincent Chaillet. En outre, en s’étirant, le visuel sera plus beau. On aura cette sensation de plénitude. « Le plus vous vous laissez aller l’un à l’autre, le moins vous aurez à vous reposer sur votre propre corps. » Mélanie Hurel doit se laisser emmener dans un porté « Reste derrière, attend qu’il t’amène. » Il faut laisser les lois physiques travailler par elles mêmes. Les chutes doivent continuer, il faut laisser le mouvement continuer. De même, la tête doit être relâchée et suivre le mouvement. Juan corrige la puissance dans les jambes. Si la technique est là, il faut plus dépendre de l’autre. Quand Juliette est en arabesque contre son corps, il faut qu’elle dépendent de lui. Si il n’est pas là, elle doit tomber. Le regard doit être attiré par cela, pas par l’arabesque.

Il faut voir la jeunesse de Roméo et Juliette, le public doit comprendre cela. Dans la chorégraphie il y a des moments ludiques, presque comme un jeu. Par exemple, les
tourbillons dans lesquels ils se cherchent du regard, les petits sauts. Il faut garder cet esprit ludique plutôt que d’essayer de bien danser, il faut donc se débarrasser de tout les habitudes qu’on peut avoir avec les danse classique. Relâcher la tête, avoir une course naturelle.

La chorégraphie jongle entre ces moments de jeu et des moments d’amour et de sensualité. Juliette tombe sur le buste de Roméo, il la caresse de sa main et choisit le visage. Ce moment est comme un chantage émotionnel. Juliette doit s’assurer de nouveau qu’elle ne se trompe pas. « Est-ce que tu m’aimes ? Tu m’aimes vraiment ? Montre moi que tu m’aimes. «  Là encore Juliette émet un désir, elle poursuit cette caresse autour de son cou et de sa poitrine. Il faut qu’on voit la continuité entre la main de Roméo et la sienne. C’est ce qu’elle aurait aimé qu’il fasse.

Après une heure de répétition, elle se termine. Nous n’avons pas pu revoir tout le travail du début faute de temps, ni le pas de deux en entier. J’aurai pu rester des heures à voir Juan corriger, affiner, conseiller, faire sentir expliquer chaque pas. C’était une fois de plus très intéressant. Rendez-vous l’an prochain pour les prochaines répétitions publiques. Au programme, on verra Sous Apparence de MAG, Don Quichotte, Kaguyahime, un extrait de la soirée mixte, et La Sylphide.

A lire aussi Blog à petit pas

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Les distributions de Roméo et Juliette :

Les 7, 9, 10, 12, 15, 17, 20 mai

Juliette Aurélie Dupont
Roméo Hervé Moreau
Père Laurence Nicolas Paul

Les 13 et 16 mai

Juliette Mélanie Hurel
Roméo Vincent Chaillet
Père Laurence Vincent Cordier

 

Hector Berlioz Musique
Sasha Waltz Chorégraphie (Opéra national de Paris, 2007)
Pia Maier-Schriever, Thomas Schenk et Sasha Waltz Décors
Bernd Skodzig Costumes
David Finn Lumières

Il y a des places pour toutes les dates. Pour réserver, suivez le lien.

Roméo et Juliette d’Olivier Py

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Hier soir rendez vous à l’Odéon. un peu de théâtre, et du Shakespeare, ça va me faire du bien. Arrivée sur la place, la foule est nombreuse. Ça mange, ça discute, ça bouquine sur les marches du
théâtre. Voilà justement Y*** caché derrière son Monde. La chaleur est toujours au rendez-vous cette semaine. Quel joie d’être en robe légère et d’aller au théâtre, avec cet air doux. Nous nous
installons au parterre, et mes yeux se baladent partout dans la salle. J’aime beaucoup cette salle. Sur scène, pas grand chose, des néons sur le mur du fond. Quelques palmiers, des tables. Tout
est à vue, le décor va se former et se transformer à mesure de la pièce.

Tous les comédiens entrent sur scène, le narrateur annonce la couleur de la pièce. Après un nouvel affront entre Capulet et Montaigu, Roméo apparaît. Au milieu de tous les trublions, Roméo est un
jeune homme romantique, qui a découvert l’amour par la figure de Rosaline. Son cousin Benvollio le taquine. Dès le début on est sous le charme de ce Roméo touchant. Sa diction n’est pas la même
que les autres. Son texte est plus doux, moins cru que celui de Benvollio. Olivier Py renoue avec un certain classicisme, dans le vocabulaire qu’il a choisit. Il ne lésine pas sur les vulgarités,
grossièretés et autres mains baladeuses.

Les rôles sont doubles, les comédiens jouent parfois deux rôles. Rosaline/Juliette, Roméo/Montaigu, Capulet/Paris, Tybalt/Lady Capulet. Olivier Py joue avec les possibilités qu’offre le théâtre
de se grimer, de changer de voix pour interpréter un personnage différent.

Juliette est jouée par une jeune femme fabuleuse. A la fois très sensuelle, mais qui sait vite redevenir enfant. La scène où on lui annonce qu’elle va rencontrer Paris est géniale. La nourrice,
comédienne géniale, pousse sa jeune protégée dans les bras de ce futur mari. On rit beaucoup pendant cette pièce et cela fait du bien. On oublie trop souvent que Shakespeare aime faire rire. Il
le développe simplement dans la tragi-comédie, comme nous l’avons chez Corneille. Olivier Py l’a bien compris. Des fois il en fait un peu trop. La grossièreté dans la parole suffit parfois, quand
elle est associé aux gestes, on frôle la vulgarité. La salle adhère, moi je suis un peu gênée.

 

J’ai beaucoup aimé la scène de bal. Un rideau de plexiglas rouge coupe la scène en deux. Tous sont masqués, Roméo porte le masque de la mort, comme un signe prémonitoire. Benvollio et Mercutio
sont à la fête, quand Roméo croise le regard de Juliette. Elle danse avec Paris, mais l’abandonne pour courir dans les bras de notre jeune héros. De nouveau tout se mélange, les personnages
disparaissent et on assiste aux ébats de ces nouveaux amoureux. C’est encore une fois assez cru, On ne cherche pas ici l’émotion, on constate l’attraction de ces deux êtres. L’émotion vient
après, au balcon. Là ils ne sont que tous les deux, il n’y a de témoins que les spectateurs. Ils sont libres de leurs paroles, de leurs émotions. Ils sont naïfs, simplement guidés par leurs
sentiments qui grandissent à chaque seconde.

Au marché, la scène avec la nourrice me fait beaucoup rire, cela me rappelle le ballet de Noureev l’an dernier. Benvollio et Mercutio taquine
la nourrice, puis embêtent Roméo. Olivier Py n’oublie pas l’ambiguïté sexuelle de Roméo. Il est jeune il se cherche. Mais ses compagnons ne cherchent pas l’amour comme lui. Son visage a changé,
il est habité par cette nouvelle âme avec qui il ne forme plus qu’un. C’est pour cela qu’il ne répond pas aux provocations du ténébreux Tybalt. Mercutio s’en charge et meurt. Roméo venge son
compagnon. Tybalt meurt, sous les yeux de Roméo, d’emblée rempli de culpabilité.

L’entracte arrive à ce moment là. Je n’ai pas vu le temps passer. Cela aurait pu continuer ainsi. A l’entracte je découvre que la salle est pleine de scolaires. Ils ont été bien absorbés car il
n’y avait pas un bruit dans la salle.

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Retour dans la salle. La pièce se retourne alors comme un sablier. Après la comédie on entre dans la tragédie, que l’on avait senti qu’à de courts instants précédemment. On entre dans un univers
noir, plus violent. La scène où Capulet force sa fille à épouser Paris est géniale, d’une violence inouïe. Il se passe la même chose dans le coeur des deux amants. Tout se répercute ainsi pendant
cette deuxième partie qui rassemble les actes quatre et cinq. C’est assez puissant, les éclairages flouent la scène. L’histoire devient un conte tragique. La mort des deux amants de Vérone est
bouleversante. Le silence de la salle en devient presque angoissant.

Il faut aller voir cette pièce, il reste des places en vente sur internet. On ne voit pas le temps passer, les comédiens sont merveilleux, la traduction d’Olivier Py est intéressante, sa mise en
scène est géniale.

 

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de William Shakespeare
mise en scène Olivier Py

version intégrale

21 septembre – 29 octobre 2011  
Théâtre de l’Odéon / 6e

traduction : Olivier Py
décor & costumes : Pierre-André Weitz
lumière : Bertrand Killy
assistante aux costumes : Nathalie Bègue
conseiller musical : Mathieu Elfassi
musique au piano interprétée sur scène par Jérôme Quéron

avec Olivier Balazuc, Camille Cobbi, Matthieu Dessertine, Quentin Faure, Philippe Girard, Frédéric Giroutru, Mireille Herbstmeyer, Benjamin Lavernhe, Barthélémy Meridjen,
Jérôme Quéron,
et David Broutté, Fabrice Charles, Gilles Hollande, Vincent Val.

durée : 3h20 (avec un entracte)

production Odéon-Théâtre de l’Europe

 

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Roméo et Juliette d’Olivier Py:

 

Hier soir rendez vous à l’Odéon. un peu de théâtre, et du Shakespeare, ça va me …

Dernière de Roméo & Juliette, Gilbert/Hoffalt.

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Samedi, alors que toute la blogosphère se rend à la représentation en matinée pour voir la prise de rôle de Myriam Ould-Braham, moi crevée après mon cours de pilates, je choisis la sieste. Après
le réconfort, l’effort, je file à mon cours de danse classique, et cours enfin à la billetterie où je retrouve Pink Lady qui tentait de nous avoir
des pass.

Dernière soirée Roméo et Juliette, pas encore tout à fait remise de celle de jeudi, c’est avec excitation et pleine d’attentes que je m’installe au fond du parterre. Dès le début du
premier acte
, je me fais la réflexion qu’il y a encore plein de détails dans les costumes et les décors que je découvre. Josua Hoffalt montre d’emblée qu’il est à la hauteur du rôle. Je
suis séduite tout de suite par son visage juvénile et son allure innocente. Un peu joueur, un peu timide, il tente une approche plus fine avec Rosaline. Laura Hecquet interprète cette dernière et le rôle lui va très bien. Elle n’en fait pas trop, joue de ses bas de jambes, tout en restant distante de ce Roméo qui ne l’intéresse pas. Mercutio, Allister Madin, et Benvollio, Yann Saïz, s’accordent très bien autour de ce Roméo. Je ne me lasse pas du combat entre les deux familles que j’avais trouvé la première fois un peu long. Cette partie permet aux danseurs du corps de ballet de montrer ce qu’ils peuvent faire en matière de jeu. Les frappes de pied sur le sol, tout l’inspiration des danses de caractère, que l’on retrouve tout au long du ballet, met bien en valeur les qualités artistiques et techniques de ces danseurs. C’est d’ailleurs plaisant de voir un ballet sans tutu, sans pointes (ou presque!). Les qualités musicales, rythmiques et théâtrales des danseurs sont évidentes, j’apprécie le côté danse populaire de ce passage du ballet. Cela me fait penser à la conférence sur les danses de bal que j’avais vue au CNSMDP. A la fin du combat, Tybalt entre sous les traits de Stéphane Phavorin (réflexion commune avec Pink Lady: « Mais qu’est-ce que c’est que ce bouc peint sur son visage?! »). Ce genre de rôle un peu noir, de personnage mystérieux lui va bien. Je l’avais adoré en Rothbart dans le Lac, il portait une puissance et une majesté qui m’avait tout de suite impressionnée. Il est un
Rothbart très différent de Stéphane Bullion, moins sanguin peut être. Techniquement comme toujours chez Phavorin, c’est très propre et il prolonge toujours les mouvements avec une intensité, une nuance, que j’aime beaucoup. Après l’arrêt du prince, nous retrouvons Juliette dans sa suite princière (tout est princier cette semaine!) accompagnée de ses amies, parmi elles on reconnaît la frimousse de Mathilde Froustey, Charline Giezendanner, Eleonore Guérineau, Daphnée Gestin, de Myriam Kamoinka et Juliette Gernez. Je n’en ai pas beaucoup parlé dans mes comptes rendus précédents, mais là où dans le Lac des cygnes j’avais trouvé que le corps de ballet s’épuisait à mesure des représentations, j’ai trouvé que là, il était parfait. Peu d’erreurs, et surtout on sentait que les danseurs et danseuses du corps de ballet s’amusaient, se faisaient plaisir sur scène. Cela change bien sûr tout le partage avec le public, et le spectacle n’en ai que meilleur.

Revenons à notre chambre de Juliette. Dorothée Gilbert, prend l’option d’une Juliette très joueuse, avec son regard naïf, complètement désintéressée (peut-être trop?) par cet
homme que sa mère et son cousin lui proposent. Je mets un peu de temps à comprendre le personnage qu’elle veut incarner, la couleur qu’elle veut donner à Juliette. En fait, d’un coup j’ai bizarrement la crainte qu’elle joue toujours le même personnage féminin que peut être Swanilda ou Clara. Je n’avais jamais vu Dorothée Gilbert dans un rôle tragique et c’est à ce moment là du spectacle que j’ai un doute.

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Le Bal des Capulets me permet d’admirer une dernière fois Delphine Moussin en Dame Capulet. On ne sait toujours rien de son statut, de sa carrière. Bizarre tout de même les
silences de l’Opéra de Paris à ce sujet. On a l’impression d’un tabou, alors qu’un communiqué de presse simplifierait tellement les choses. Enfin si il n’y avait que cela dans les silences de l’Opéra de Paris. La danse des chevaliers est toujours aussi bien réalisée, et rythmée. Allister Madin montre ses talents de Marcutio et s’en sort à merveille. Les tours sont toujours bien exécutés, et ses sauts ont pris de l’amplitude. Il donne au personnage une fraîcheur et s’amuse de toutes les bêtises qu’il doit éxécuter. Provoquer Rosaline, provoquer Tybalt sans jamais oublier un regard complice vers Benvollio, interprété avec brio par Yann Saïz, Allister Madin montre avec ce rôle (n’oublions pas son Inigno dans Paquita) qu’il a toutes les qualités pour entrer dans la classe des solistes.

C’est dans cette scène de bal que je vois Dorothée Juliette affiner son rôle de Juliette. A la vue de Roméo, son regard devient intrigué et c’est en séductrice discrète qu’elle s’impose sur la scène. Elle se fond parfois dans le groupe qui danse pour en ressortir par le bout de la pointe. Avec Josua Hoffalt c’est un partenariat qui fonctionne très bien. Attentif et rigoureux, il met en valeur sa partenaire tout en oubliant jamais son rôle. Il est un Roméo, lui aussi intrigué par ce sentiment soudain. Il tombe amoureux de cette jeune femme ; il lui dévoile ses sentiments, tout comme il délie sa danse. Il est léger et offre un spectacle très réjouissant.

La scène du balcon est très belle, Dorothée Gilbert et Josua Hoffalt forment un joli couple. Ils sont deux amants très « dansants », leur amour est bien montré par la danse plus
que par l’interprétation. Ils montrent que la chorégraphie est forte, et qu’elle est narrative sans pantomime. La musique jour aussi son rôle puisque chaque personnage a sa phrase qui revient à un rythme différent pour exprimer les sentiments qui le traversent. C’est une belle démonstration de spectacle vivant dans toute son acception.

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Sur la place principale, je ris beaucoup en regardant Allister Madin et Yann Saïz s’amuser de la nourrice. Je trouve que leur duo est top. Ils sont justes dans leur
interprétation, très très drôles. Arrive le passage des acrobates que j’apprécie beaucoup dans la rigueur du travail de groupe. Je suis par contre en désaccord complet avec les costumes et ce ridicule petit string… passons ce détail technique peu seyant. Les drapeaux, c’est comme les épées, cela fait toujours son effet. C’est impressionnant.

Le mariage par sa simplicité est touchant. La chorégraphie des voeux avec les les bras que respectent Roméo et Juliette en suivant le prêtre, me plaît beaucoup. C’est très
romantique et la complicité du prêtre qui approuve cet amour sincère, dans ce lieu si petit et si obscur, réduit par le jeu des lumières, ajoute sa touche à l’aventure romanesque.

De retour sur la place, Roméo ne dit mot à ses camarades. Mais Tybalt qui se doute de la belle affaire arrive sur la place et ne supporte plus les provocations infantiles de
Mercutio. Phavorin se rue sur Mercutio. J’ai la sensation que tout de suite Mercutio montre sa supériorité d’un point de vue du combat. Allister Madin joue très bien la mort de Mercutio et son visage se transforme à mesure que le sang coule sans que s’en aperçoive ses camarades. De même dans le combat qui oppose Tybalt et Roméo, Tybalt semble bien plus en confiance et à l’aise dans le maniement de l’épée. La prétention n’a rien de bon chers amis, et Tybalt meurt d’un coup de poignard qui plonge Roméo dans un mutisme corporel. Dame Capulet hurle son chagrin sur le cadavre tandis que Juliette est sous le choc. Dorothée Gilbert montre une Juliette qui prend acte du dilemme auquel elle va être confontrée sous peu. Sa saisie du poignard est intime, ça va se jouer
entre elle et elle-même.

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L’acte III met de nouveau en valeur le couple. Tout de blanc vêtus, vierges l’un et l’autre, leur destin ne semble prendre qu’un seul chemin. Les regards ont changé, ils sont
transits d’amour, mais si désespérés. Roméo banni subit une condamnation pire que la mort, à laquelle ne peut se résoudre Juliette. Epouser Pâris ne peut être désormais qu’un cauchemar, duquel elle essaye de s’échapper. Dorothée Gilbert est une Juliette désobéissante mais pas insolente. Elle se résout, à épouser Pâris, une fois le stratagème mis en place avec le prêtre. Le retour des fantômes de Tybalt et Mercutio est parfait. Je l’ai déjà dit mais je vais radoter un peu, ce ballet est un vrai film. Dans le pas de quatre Juliette s’échappe pour laisser s’exprimer sa rage, les autres personnages restent en pause. Le rêve de Juliette donne des aspects fantastiques au ballet. Elle flotte entre les fantômes de Tybalt et Mercutio. Le rêve de Roméo tient plus au domaine du
merveilleux (réflexion de Pink Lady, qui me fait trop rire  » pourquoi il ne rêve pas que de Juliette? »). Sous les oliviers de Mantoue, l’exil semble presque doux et agréable, avec toutes ses
jeunes femmes, telles des vestales. J’aime beaucoup « le passage de relais » entre Juliette et Ebnvollio qui ce soir se passe comme une glissade légère entre les deux interprètes. Dorothée Gilbert et Yann Saïz étirent leurs mouvements, on dirait que le film ralentit. Au réveil le regard affolé de Roméo, au son de la mauvaise nouvelle prend le dessus sur le décor idyllique. Il ne faut pas comparer, mais c’est en voyant Josua Hoffalt que je repense à Matthieu Ganio. Roméo se jette trois fois en arrière dans les bras de Benvollio. Je me souviens donc à ce moment là des sauts de Matthieu Ganio qui étaient si hauts et avec une amplitude défiant la gravité.

La scène du caveau et de la mort des deux amants est toujours aussi marquante. Le cri de Juliette, la mort de Roméo, le coup de poignard dans le coeur, me donnent toujours autant d’émotions. Je ne sais pas si je suis bon public, mais je suis rentrée dans l’histoire une fois de plus et je suis désespérée une nouvelle fois de cette fin tragique.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

Je dirais pour finir que les trois distributions que j’ai vues m’ont plu. J’ai préféré la distribution Pujol/Ganio qui m’a mis une claque, pardonnez moi l’expression, mais j’ai eu une vraie émotion forte et une révélation pour Laëtitia Pujol ce soir là. Les Mercutio ont été géniaux, Emmanuel Thibaut par son aisance à la scène, MatthiasHeymann par ses sauts si amples et Allister Madin par sa rigueur technique et son jeu. De même, les Benvollio que j’ai vus m’ont enchantés, j’ai beaucoup aimé Christophe Duquenne dans ce rôle,
car parfois j’ai l’impression qu’il est triste, un peu renfermé et là j’ai trouvé qu’il rayonnait, qu’il s’éclatait, et du coup sa danse était impeccable. Les Rosaline m’ont plu mais je regrette de ne pas avoir vu Sarah Kora Dayanova dans ce rôle. La musique était géniale, une vraie réjouissance d’entendre autre chose que du Tchaïkowsky ou du Minkus. Pink Lady m’a donné l’eau à la bouche pour aller voir la version qui se donne à Londres, j’espère que j’aurais un jour l’occasion de voir ça.

  • Distribution du 30 avril 20H00
Juliette Dorothée Gilbert
Roméo Josua Hoffalt
Tybalt Stéphane Phavorin
Mercutio Allister Madin
Benvolio Yann Saïz
Pâris Bruno Bouché
Rosaline Laura Hecquet

 

Serguei Prokofiev Musique
Rudolf Noureev Chorégraphie et mise en scène
(Opéra national de Paris, 1984)
Ezio Frigerio Décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano Costumes
Vinicio Cheli Lumières