Noureev

Rencontre autour de la Bayadère

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© Laurent Phillipe

 

 

La Bayadère est un ballet qui attire les passions des spectateurs. Elle a une longue histoire avec l’Opéra de Paris. Remontée par Noureev et présentée au public en 1992, c’est à la fois son
dernier ballet et de loin le plus réussi. Grand ballet classique c’est 3h de bonheur, mêlant kitsch, faste, belles variations, un acte blanc avec la plus belle entrée sur scène qui existe. Je ne
sais pas combien de fois j’ai vu La Bayadère mais je sais qu’à chaque fois ce fut une grande fête, tant ce ballet est beau.

 

Aujourd’hui nous avons assisté à une répétition formidable avec Laurent Hilaire en maitre de ballet. Il a été le premier Solor, le rôle a été crée pour lui, sur lui, c’est avec
un grand enthousiasme qu’il transmet à Karl Paquette et Emilie Cozette, tout ce qu’il sait sur ce ballet.

 

C’est une prise de rôle pour Emilie Cozette, qui a dansé Gamzatti et les ombres. Elle incarne ici Nikiya, l’héroïne de ce ballet. Nikiya est une Bayadère une danseuse indienne
qui vit dans un temple. Elle rencontre Solor, ils tombent amoureux et il jure de l’aimer. C’est sans tenir compte des volontés de son père de le marier à Gamzatti, princesse. Nikiya découvre
cette union et affirme à Gamzatti que Solor est amoureux d’elle. A leurs fiançailles, Nikiya danse pour Gamzatti et Solor. De la corbeille qu’elle tient dans les mains surgit un serpent qui la
mort à la gorge, elle meurt. Solor la retrouve dans ses rêves après avoir fumé beaucoup d’opium. Ils peuvent s’aimer à tout jamais. Voilà pour vous résumer l’histoire, pour celles et ceux qui ne
la connaîtraient pas. Karl Paquette avait déjà dansé le rôle de Solor, quand il était premier danseur.

 

Pas de Brigitte Lefèvre aujourd’hui, c’est qu’elle commencerait presque à nous manquer. Laurent Hilaire rappelle tout de même que c’est Brigitte qui a voulu que ce soit Emilie Cozette et Karl
Paquette qui présentent cette rencontre. Karl Paquette débarquait fraîchement du Palais où il répétait Dances at the Gathering de Robbins et disait en avoir un peu plein de bras… Pas de chances
pour lui Laurent Hilaire ne l’a pas épargné des portés. Au piano, s’installe Elena Bonnay, à qui Laurent Hilaire adresse plein de compliments et il y a de quoi, quand on sait le travail de ces
chefs de chant.

 

Convergences La bayadère

 

Ils vont répéter le pas de deux du premier acte. Nikiya trouve l’excuse d’aller remplir sa cruche pour sortir du temple et retrouver Solor, rencontré un peu plus tôt. Laurent
Hilaire va donner beaucoup de conseils, avec de l’humour, se mettant à la place de l’un et de l’autre. Il justifie chaque geste, qui doit avoir du sens. Quand Nikiya court, il faut qu’elle
transmette ce bonheur de se retrouver. Au premier claquement de mains, elle entend Solor, au deuxième elle se retourne, ensuite il faut qu’elle exprime cette grande joie en courant vers lui et en
se jetant dans ses bras. Ce n’est pas un pas de deux de séduction donc il faut faire confiance à son partenaire dans les portés, et avoir un regard sûr. Nikiya se sent belle avec Solor, elle
n’est pas là pour le séduire. « Reste avec lui, contre lui, tu es heureuse d’être là ». Hilaire danse avec eux dans un second plan, c’est merveilleux de le voir accompagner ces danseurs avec une
tel engagement. Pour les portés, il demande à Emilie Cozette de monter plus tôt son bassin et pour ça elle doit faire confiance à son partenaire. Laurent Hilaire affine chaque détail pour que la
chorégraphie soit lisible dans l’espace par le spectateur. Il parle de vague quand Solor porte Nikiya, car c’est une image douce, à ce moment là, ils nagent dans le bonheur. On sent que Laurent
Hilaire revit son ballet, qu’il prend un infini plaisir à transmettre. Il leur fait part des volontés de Noureev « Rudolph voulait ça pour les regards ».

Il corrige aussi la musicalité sur certains passages. Il ne faut pas anticiper la chorégraphie sinon elle perd de son sens. Si Nikiya tourne la tête avec un sourire, c’est parce Solor a essayé de
l’embrasser, il faut donc attendre qu’il essaye. Il faut profiter de cet instant, des regards, pour que le public comprenne et aussi pour être juste, dans la musique.

D’un coup, Solor doit déclarer sa flamme, comme si elle grandissait et que cela devenait une nécessité de dire à Nikiya, tout l’amour qu’il a pour elle. « Sors lui le grand jeu Karl, c’est ton
amoureuse pendant une heure ! « . Il insiste sur l’exagération de la pantomime sous le regard amusé des spectateurs. La déclaration doit être incisive, « Karl tu dois être le leader de l’action ».
Il faut redonner du sens à tout cela, c’est le seul moyen de redonner de la vie aux grands ballets classiques. Lors du grand porté, Emilie Cozette ne saut pas assez dans les bras de Karl
Paquette, par peur semble t-il. C’est toujours fascinant de voir que même après l’avoir fait des centaines de fois, la peur persiste. Il faut dire que c’est tout de même une certaine hauteur.

Laurent Hilaire parle aussi des manipulations dans ce genre de pas de deux. Moins il y a de manipulation, mieux c’est car ce n’est pas toujours joli de voir des bras qui cherchent un dos ou une
hanche pour un tour. Il faut donc se servir le plus possible de la chorégraphie pour les manipulations et pour que cela semble le plus naturel possible. De même que si l’on danse en musique, on a
plus de chance d’être juste dans son corps, il en est de même en couple.

 

Le maître de ballet décide d’en remettre une petite couche à Karl Paquette pour lui faire travailler la musicalité d’un solo du dernier acte. C’est le public qui se régale.

 

Convergences La bayadère

 

Comme toujours, une rencontre intéressante, mais avec un couple qui manque encore de complicité. Chacun est dans sa bulle, et ne se livre pas vraiment à l’autre. Ce sont les débuts des
répétitions, laissons encore du temps à se couple pour s’épanouir.

 

La Bayadère, Opéra Bastille du 07 mars au 15 avril 2012.

Les 2 et 4 avril, étoile invitée : Svetlana Zakharova

 

  • Extrait Vidéo

 

Si vous voulez voir l’extrait dansé par Laurent Hilaire et Isabelle Guérin, il se trouve à 24 minutes.

Le deuxième extrait se trouve à 1h45′.

 

 

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Rencontre autour de la Bayadère:

© Laurent Phillipe

 

 

La Bayadère est un ballet qui attir …

Mes lectures du mois de juillet

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Au mois de juin, le petit rat a été débordé et ses lectures ont été très hachées…et peu nombreuses. Heureusement, le mois de juillet est enfin arrivé pour rattraper le retard. Quoi de mieux qu’une plage ensoleillée pour dévorer des livres ? Lectures de plage, lectures loisirs, j’ai dans mon panier de plage un ou deux romans de Katarina Mazetti, le dernier Laurent Gaudé, quelques magazines, Danser bien sûr que je n’ai pas fini de lire, le Telerama hors série sur Louis-Ferdinand Céline, quelques magazines de déco car je change d’appartement à la rentrée.

 

  • Polina de Bastien Vives

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Amélie m’a offert la BD lors la prégénérale de Rain. Je l’ai dévorée, j’ai adoré, je l’ai relue,
prêtée, relue encore. C’est l’histoire d’une petite fille, qui va entrer dans une grande école de danse, qui va y faire de belles rencontres. Elle va croiser sur sa route son maître, son premier amour, ses premières déceptions. Ses errances et ses doutes vont la mener vers un destin nouveau, une grande carrière. C’est l’histoire d’une petite fille qui devient une femme.

C’est très bien écrit, super bien dessiné, je ne suis pas fan de BD, mais là j’ai complètement accroché !

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  • Les 50 ans de la désertion de Noureev

Le 16 juin dernier, une conférence était donnée au Salon Florence Gould. Je n’ai pas pu y aller (l’horaire 17h30 n’y invitant que des retraités…). Par contre on peut se rattraper en lisant les dizaines (centaines?) de livres qui parlent. La biographie écrite par Ariane Dollfus Noureev l’insoumis, présente la vie du danseur par thème. Cette bio est facile à
lire car elle fonctionne par thèmes et les choses sont expliquées plusieurs fois de façons différentes. Au milieu du livre, des photos retraçant la vie de l’artiste. C’est un livre qui permet vraiment de découvrir facilement la vie de Noureev.

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Vous pouvez lire la biographie de Colum Mc Cann qui s’est attaché à montrer la passion dévorante de Noureev qui l’a mené à avoir cette vie exceptionnelle. A lire en anglais si possible.

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Ensuite il y a de superbes livres de photos sur Noureev. Un très beau est celui édité aux Editions de Lamartinière.

  • Comprendre le Miami City Ballet

Ceux qui se sont comme moi régalés en voyant le Miami City Ballet aux Etés de la
danse, peuvent faire durer le plaisir en lisant la biographie passionnante, d’Edward Villella, ancien danseur du New-York City Ballet et fondateur du Miami City Ballet. Only in English, pour ceux qui n’ont pas le niveau en anglais, il va falloir s’y mettre !

Prodigal Son

 

Et vous, vous lisez quoi cet été ?

 

Nouvelles de la semaine du 13 juin

Copyright Deyan Parouchev

© Deyan Parouchev

Quoi?! Vous n’avez jamais cliqué sur le lien quand je parle de mon photographe préféré? Pfff ! Mon ami Deyan a profité du week end de la Pentecôte pour faire de superbes photos de Sarah Kora Dayanova et d’Allister Madin (tous deux sujets à l’Opéra de Paris… moi pendant ce temps là je faisais trempette dans la Méditerranée). Ce que j’aime dans les photos de Deyan c’est ce qu’il capte des gens, la fragilité de l’instant. J’aime ses portraits qui font ressortir à merveille les personnalités, qui montrent forces et faiblesses, tout en gardant une distance esthétique qui me plaît beaucoup (le petit rat a servi de cobaye il en sait quelque chose ! Sacré rat de laboratoire, on est bon à tout faire !). En tous les cas, ses images ont charmé plusieurs artistes, et la série risque de continuer pour de belles aventures. Je lui ai déjà dit mais je le redis, bravo !

 

  • La sortie de la semaine : encore du théâtre ! 

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© Élisabeth Carecchio

Dernière pièce de la saison à La Colline, mais très prometteuse tant les critiques élogieuses sont nombreuses. Réservez donc vos places pour aller voir Que faire ? (le retour) de Charles Massera et Benoit Lambert. J’y vais le 29 juin j’ai hâte de voir cette dernière pièce. L’humour y est au rendez vous pour finir l’année dans la joie et la bonne humeur.

A lire dans la presse : Marianne 2, Le monde, Rue89, Telerama.

« Cent ans après la parution du célèbre Que faire? de Lénine, un couple dans sa cuisine prend soudain conscience de la vacuité des modes de vie dans les pays de l’hémisphère nord en ce début de siècle. Ils décident alors de faire le tri dans l’Histoire, l’Art et la Pensée : la Révolution française, on garde? et la Révolution russe? et Nietzsche? et Mai 68 ? et l’Art conceptuel ?… Tels Bouvard et Pécuchet affrontant les contradictions du néo-libéralisme et de la post-modernité, ils se (re)mettent à l’ouvrage, et cherchent une issue. Les textes de Jean-Charles Massera fournissent ici l’impulsion d’un ensemble où l’on pourra trouver aussi bien des considérations sur le bricolage que les traces d’un lyrisme politique oublié, ou encore une table, des chaises, des assiettes, des verres et une soupière… Mais peut-être aussi Descartes, Deleuze, Malevitch ou Flaubert… Par la confrontation rêvée de deux acteurs singuliers, Martine Schambacher et François
Chattot, Benoît Lambert continue d’explorer nos inquiétudes, nos préjugés, nos espoirs et nos déceptions. “Que faire ?”, la question politique par excellence, fait ainsi retour en cuisine pour une comédie dans laquelle des gens ordinaires tentent, dans la confusion ambiante, de reprendre leur vie en main. »

  • La conférence de la semaine : Noureev

Confirmation un peu tardive, jeudi 16 juin, aura lieu une conférence sur Rudolph Noureev au Salon Florence Gould à 17h30. Un peu trop tôt pour moi je ne pourrais m’y rendre, dommage j’aurais voulu entendre Ariane Dollfus parler de son sujet de prédiclection. Pour se consoler, vous pouvez lire sa bio de Noureev, passionnante et très facile d’accès si vous ne connaissez rien à la danse ou à Noureev.

noureev l'insoumis par Ariane Dollfus aux Editions Flammarion

« À l’occasion des cinquante ans de son passage à l’ouest, l’Opéra organise cette table ronde sur Rudolf Noureev et la dissidence jeudi 16 juin à 17h30, au Palais Garnier (Salon Florence Gould). Une rencontre animée par Brigitte Lefèvre (Directrice de la Danse de l’Opéra national de Paris) et Christophe Ghristi (Directeur de la Dramaturgie de l’Opéra national de Paris), avec la participation de Pierre Lacotte (chorégraphe, spécialiste de la reconstruction des ballets de répertoire du XIXe siècle), André Larquié (Président du Cercle des Amis de Rudolf Noureev) et Ariane Dollfus (journaliste, écrivain). Places à retirer au guichet, sur place, au Palais Garnier. »

  • Le buzz de la semaine : Mc Gregor ou comment l’Opéra se met à la communication

Ouh on en fait du bruit de cette nouvelle création du mutant anglais. Un diaporama très vendeur avec Jérémie Bélingard et Mathias Heyman shootés par Anne Deniau, une répétition que l’on met en ligne (n’est-ce pas Bri-Bri qui fait la chasse aux petites vidéos?) avec Josua Hoffalt et Alice Renavand, une vidéo du compositeur, le retour d’Aurélie Dupont sur ce ballet (voir le communiqué de presse via Danses avec la plume) sur toute la comm qui est faite sur ce ballet qui à mon humble avis va laisser une grande partie de la salle vide. J’attendrais donc le 14 juillet pour y aller gratuitement… ou pas je préfère me refaire les Enfants du Paradis à Garnier.Mac Gregor c’est un peu comme la remarque de Katie dans Singing in the Rain « When you have seen one you have seen them all… ».

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© Anne Deniau/ Opéra de Paris

  • L’expo photo de la semaine : Agathe Poupeney met les femmes à l’honneur

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La talentueuse photographe de l’Opéra expose ses photos à Montmorency. Je sais que certains ont du mal à passer le périph pour qui derrière c’est la province (oui oui Palpatine c’est bien à toi que je pense), mais cela vaut le coup de faire une petite promenade
en banlieue pour voir les photos d’Agathe Poupeney. L’expo dure jusqu’au 28 juin.

Sinon vous pourrez aussi voir les photos d’Agathe cet été lors du festival Paris quartier d’été où elle exposera dans La cour d’honneur des Invalides, mais je vous en reparlerai
à ce moment là.

Entrée gratuite
du lundi au vendredi de 15h à 18h.
le samedi et dimanche de 11h à 13h et de 15h à 18h.

  • Le bonus vidéo de la semaine : Le Lac des cygnes par Mats Ek

J’ai regardé cela l’autre soir et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Je trouve ça chirurgical et très drôle, souvent angoissant, et superbement chorégraphié. A vous d’apprécier !

Dernière de Roméo & Juliette, Gilbert/Hoffalt.

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Samedi, alors que toute la blogosphère se rend à la représentation en matinée pour voir la prise de rôle de Myriam Ould-Braham, moi crevée après mon cours de pilates, je choisis la sieste. Après
le réconfort, l’effort, je file à mon cours de danse classique, et cours enfin à la billetterie où je retrouve Pink Lady qui tentait de nous avoir
des pass.

Dernière soirée Roméo et Juliette, pas encore tout à fait remise de celle de jeudi, c’est avec excitation et pleine d’attentes que je m’installe au fond du parterre. Dès le début du
premier acte
, je me fais la réflexion qu’il y a encore plein de détails dans les costumes et les décors que je découvre. Josua Hoffalt montre d’emblée qu’il est à la hauteur du rôle. Je
suis séduite tout de suite par son visage juvénile et son allure innocente. Un peu joueur, un peu timide, il tente une approche plus fine avec Rosaline. Laura Hecquet interprète cette dernière et le rôle lui va très bien. Elle n’en fait pas trop, joue de ses bas de jambes, tout en restant distante de ce Roméo qui ne l’intéresse pas. Mercutio, Allister Madin, et Benvollio, Yann Saïz, s’accordent très bien autour de ce Roméo. Je ne me lasse pas du combat entre les deux familles que j’avais trouvé la première fois un peu long. Cette partie permet aux danseurs du corps de ballet de montrer ce qu’ils peuvent faire en matière de jeu. Les frappes de pied sur le sol, tout l’inspiration des danses de caractère, que l’on retrouve tout au long du ballet, met bien en valeur les qualités artistiques et techniques de ces danseurs. C’est d’ailleurs plaisant de voir un ballet sans tutu, sans pointes (ou presque!). Les qualités musicales, rythmiques et théâtrales des danseurs sont évidentes, j’apprécie le côté danse populaire de ce passage du ballet. Cela me fait penser à la conférence sur les danses de bal que j’avais vue au CNSMDP. A la fin du combat, Tybalt entre sous les traits de Stéphane Phavorin (réflexion commune avec Pink Lady: « Mais qu’est-ce que c’est que ce bouc peint sur son visage?! »). Ce genre de rôle un peu noir, de personnage mystérieux lui va bien. Je l’avais adoré en Rothbart dans le Lac, il portait une puissance et une majesté qui m’avait tout de suite impressionnée. Il est un
Rothbart très différent de Stéphane Bullion, moins sanguin peut être. Techniquement comme toujours chez Phavorin, c’est très propre et il prolonge toujours les mouvements avec une intensité, une nuance, que j’aime beaucoup. Après l’arrêt du prince, nous retrouvons Juliette dans sa suite princière (tout est princier cette semaine!) accompagnée de ses amies, parmi elles on reconnaît la frimousse de Mathilde Froustey, Charline Giezendanner, Eleonore Guérineau, Daphnée Gestin, de Myriam Kamoinka et Juliette Gernez. Je n’en ai pas beaucoup parlé dans mes comptes rendus précédents, mais là où dans le Lac des cygnes j’avais trouvé que le corps de ballet s’épuisait à mesure des représentations, j’ai trouvé que là, il était parfait. Peu d’erreurs, et surtout on sentait que les danseurs et danseuses du corps de ballet s’amusaient, se faisaient plaisir sur scène. Cela change bien sûr tout le partage avec le public, et le spectacle n’en ai que meilleur.

Revenons à notre chambre de Juliette. Dorothée Gilbert, prend l’option d’une Juliette très joueuse, avec son regard naïf, complètement désintéressée (peut-être trop?) par cet
homme que sa mère et son cousin lui proposent. Je mets un peu de temps à comprendre le personnage qu’elle veut incarner, la couleur qu’elle veut donner à Juliette. En fait, d’un coup j’ai bizarrement la crainte qu’elle joue toujours le même personnage féminin que peut être Swanilda ou Clara. Je n’avais jamais vu Dorothée Gilbert dans un rôle tragique et c’est à ce moment là du spectacle que j’ai un doute.

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Le Bal des Capulets me permet d’admirer une dernière fois Delphine Moussin en Dame Capulet. On ne sait toujours rien de son statut, de sa carrière. Bizarre tout de même les
silences de l’Opéra de Paris à ce sujet. On a l’impression d’un tabou, alors qu’un communiqué de presse simplifierait tellement les choses. Enfin si il n’y avait que cela dans les silences de l’Opéra de Paris. La danse des chevaliers est toujours aussi bien réalisée, et rythmée. Allister Madin montre ses talents de Marcutio et s’en sort à merveille. Les tours sont toujours bien exécutés, et ses sauts ont pris de l’amplitude. Il donne au personnage une fraîcheur et s’amuse de toutes les bêtises qu’il doit éxécuter. Provoquer Rosaline, provoquer Tybalt sans jamais oublier un regard complice vers Benvollio, interprété avec brio par Yann Saïz, Allister Madin montre avec ce rôle (n’oublions pas son Inigno dans Paquita) qu’il a toutes les qualités pour entrer dans la classe des solistes.

C’est dans cette scène de bal que je vois Dorothée Juliette affiner son rôle de Juliette. A la vue de Roméo, son regard devient intrigué et c’est en séductrice discrète qu’elle s’impose sur la scène. Elle se fond parfois dans le groupe qui danse pour en ressortir par le bout de la pointe. Avec Josua Hoffalt c’est un partenariat qui fonctionne très bien. Attentif et rigoureux, il met en valeur sa partenaire tout en oubliant jamais son rôle. Il est un Roméo, lui aussi intrigué par ce sentiment soudain. Il tombe amoureux de cette jeune femme ; il lui dévoile ses sentiments, tout comme il délie sa danse. Il est léger et offre un spectacle très réjouissant.

La scène du balcon est très belle, Dorothée Gilbert et Josua Hoffalt forment un joli couple. Ils sont deux amants très « dansants », leur amour est bien montré par la danse plus
que par l’interprétation. Ils montrent que la chorégraphie est forte, et qu’elle est narrative sans pantomime. La musique jour aussi son rôle puisque chaque personnage a sa phrase qui revient à un rythme différent pour exprimer les sentiments qui le traversent. C’est une belle démonstration de spectacle vivant dans toute son acception.

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Sur la place principale, je ris beaucoup en regardant Allister Madin et Yann Saïz s’amuser de la nourrice. Je trouve que leur duo est top. Ils sont justes dans leur
interprétation, très très drôles. Arrive le passage des acrobates que j’apprécie beaucoup dans la rigueur du travail de groupe. Je suis par contre en désaccord complet avec les costumes et ce ridicule petit string… passons ce détail technique peu seyant. Les drapeaux, c’est comme les épées, cela fait toujours son effet. C’est impressionnant.

Le mariage par sa simplicité est touchant. La chorégraphie des voeux avec les les bras que respectent Roméo et Juliette en suivant le prêtre, me plaît beaucoup. C’est très
romantique et la complicité du prêtre qui approuve cet amour sincère, dans ce lieu si petit et si obscur, réduit par le jeu des lumières, ajoute sa touche à l’aventure romanesque.

De retour sur la place, Roméo ne dit mot à ses camarades. Mais Tybalt qui se doute de la belle affaire arrive sur la place et ne supporte plus les provocations infantiles de
Mercutio. Phavorin se rue sur Mercutio. J’ai la sensation que tout de suite Mercutio montre sa supériorité d’un point de vue du combat. Allister Madin joue très bien la mort de Mercutio et son visage se transforme à mesure que le sang coule sans que s’en aperçoive ses camarades. De même dans le combat qui oppose Tybalt et Roméo, Tybalt semble bien plus en confiance et à l’aise dans le maniement de l’épée. La prétention n’a rien de bon chers amis, et Tybalt meurt d’un coup de poignard qui plonge Roméo dans un mutisme corporel. Dame Capulet hurle son chagrin sur le cadavre tandis que Juliette est sous le choc. Dorothée Gilbert montre une Juliette qui prend acte du dilemme auquel elle va être confontrée sous peu. Sa saisie du poignard est intime, ça va se jouer
entre elle et elle-même.

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L’acte III met de nouveau en valeur le couple. Tout de blanc vêtus, vierges l’un et l’autre, leur destin ne semble prendre qu’un seul chemin. Les regards ont changé, ils sont
transits d’amour, mais si désespérés. Roméo banni subit une condamnation pire que la mort, à laquelle ne peut se résoudre Juliette. Epouser Pâris ne peut être désormais qu’un cauchemar, duquel elle essaye de s’échapper. Dorothée Gilbert est une Juliette désobéissante mais pas insolente. Elle se résout, à épouser Pâris, une fois le stratagème mis en place avec le prêtre. Le retour des fantômes de Tybalt et Mercutio est parfait. Je l’ai déjà dit mais je vais radoter un peu, ce ballet est un vrai film. Dans le pas de quatre Juliette s’échappe pour laisser s’exprimer sa rage, les autres personnages restent en pause. Le rêve de Juliette donne des aspects fantastiques au ballet. Elle flotte entre les fantômes de Tybalt et Mercutio. Le rêve de Roméo tient plus au domaine du
merveilleux (réflexion de Pink Lady, qui me fait trop rire  » pourquoi il ne rêve pas que de Juliette? »). Sous les oliviers de Mantoue, l’exil semble presque doux et agréable, avec toutes ses
jeunes femmes, telles des vestales. J’aime beaucoup « le passage de relais » entre Juliette et Ebnvollio qui ce soir se passe comme une glissade légère entre les deux interprètes. Dorothée Gilbert et Yann Saïz étirent leurs mouvements, on dirait que le film ralentit. Au réveil le regard affolé de Roméo, au son de la mauvaise nouvelle prend le dessus sur le décor idyllique. Il ne faut pas comparer, mais c’est en voyant Josua Hoffalt que je repense à Matthieu Ganio. Roméo se jette trois fois en arrière dans les bras de Benvollio. Je me souviens donc à ce moment là des sauts de Matthieu Ganio qui étaient si hauts et avec une amplitude défiant la gravité.

La scène du caveau et de la mort des deux amants est toujours aussi marquante. Le cri de Juliette, la mort de Roméo, le coup de poignard dans le coeur, me donnent toujours autant d’émotions. Je ne sais pas si je suis bon public, mais je suis rentrée dans l’histoire une fois de plus et je suis désespérée une nouvelle fois de cette fin tragique.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

Je dirais pour finir que les trois distributions que j’ai vues m’ont plu. J’ai préféré la distribution Pujol/Ganio qui m’a mis une claque, pardonnez moi l’expression, mais j’ai eu une vraie émotion forte et une révélation pour Laëtitia Pujol ce soir là. Les Mercutio ont été géniaux, Emmanuel Thibaut par son aisance à la scène, MatthiasHeymann par ses sauts si amples et Allister Madin par sa rigueur technique et son jeu. De même, les Benvollio que j’ai vus m’ont enchantés, j’ai beaucoup aimé Christophe Duquenne dans ce rôle,
car parfois j’ai l’impression qu’il est triste, un peu renfermé et là j’ai trouvé qu’il rayonnait, qu’il s’éclatait, et du coup sa danse était impeccable. Les Rosaline m’ont plu mais je regrette de ne pas avoir vu Sarah Kora Dayanova dans ce rôle. La musique était géniale, une vraie réjouissance d’entendre autre chose que du Tchaïkowsky ou du Minkus. Pink Lady m’a donné l’eau à la bouche pour aller voir la version qui se donne à Londres, j’espère que j’aurais un jour l’occasion de voir ça.

  • Distribution du 30 avril 20H00
Juliette Dorothée Gilbert
Roméo Josua Hoffalt
Tybalt Stéphane Phavorin
Mercutio Allister Madin
Benvolio Yann Saïz
Pâris Bruno Bouché
Rosaline Laura Hecquet

 

Serguei Prokofiev Musique
Rudolf Noureev Chorégraphie et mise en scène
(Opéra national de Paris, 1984)
Ezio Frigerio Décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano Costumes
Vinicio Cheli Lumières

 

Sublime Juliette, Laëtitia Pujol ou la tragédie incarnée

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

Je ne suis pas blasée. Souvent j’entends dire « Oh mais tu en vois tellement, tu en regardes tellement en DVD tu ne dois plus avoir d’émotions ». Mais non, la danse est bien l’art qui me procure le plus d’émotions et c’est pourquoi j’ai toujours besoin d’en voir plus, d’en savoir plus, de la comprendre plus. Les émotions se transforment et s’affinent parfois, mais elles restent entières et sincères. Elles ne baissent que rarement en intensité, elles prennent au contraire des ascensions étonnantes.

Laëtitia Pujol nous a offert un spectacle sans pareil. J’ai toujours trouvé sa technique exemplaire mais je ne pensais pas qu’elle avait ça en elle. Quand je dis « ça » j’entends ce
talent de comédienne. Elle ne joue pas Juliette, elle est Juliette. Et ce jusqu’au bout des ongles.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

C’était une distribution superbe. A la séance de travail j’étais tombée sous le charme du ballet. Il y a des centaines de détails que vous voyez sur scène qui ne sont pas visibles dans une captation vidéo. Ce soir j’ai été complètement émue par l’histoire, le jeu des danseurs, très bien réglé.

Ce qui fait la force de Laëtitia Pujol dans ce ballet, c’est qu’elle transcende le rôle. Elle retrouve des traits d’enfants dans la première scène où on la voit jouer avec ses
amis. Elle a en face d’elle Delphine Moussin dans le rôle de Lady Capulet qui en impose pas mal. Pour clore la famille Capulet Bullion en Tybalt, fou de rage contre les Montaigu, sanguin, explosif, avec de belles lignes.

Pour Roméo, Mathieu Ganio au physique de prince ne fait pas pâle figure en face de sa Juliette. Technique parfaite, grâce et élégance, fougueux et amoureux, le couple qui se
connaît bien, fonctionne à merveille. Ils vont très bien ensemble, on croît à leur histoire d’amour comme dans un conte de fées et moi qui adore les histoires d’amour et les rebondissements tragiques, je rentre dedans à 100%.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

L’acte I est marqué par les trublions et amis de Roméo qui mettent une ambiance douce et drôle dans cette tragédie. A la fête des Capulets, le ton de haine est donné. La danse
des chevaliers fait toujours son effet, la musique n’y étant pas pour rien. Chaque thème, résonne et nous rappelle à l’histoire, si bien que le spectateur novice ne peut pas s’y tromper. Matthias Heymann en Mercutio remplit ses promesses. Bonds, légèreté, insolence lui vont très bien. Benvollio incarné par Christophe Duquenne se montre lui aussi très joueur. Duquenne est d’ailleurs parfait dans ce rôle et semble bien plus à l’aise que dans les rôles de prince qu’on s’entête à lui coller. Je l’ai vraiment trouvé très épanoui dans ce rôle. Myriam Ould Braham est mutine en Rosaline, mais n’est pas assez indifférente à Roméo à mon goût. Bullion montre au fur et mesure ses talents et une fois encore, me laisse stupéfaite devant son interprétation de Tybalt. L’acte I se termine par la scène du balcon qui est pleine d’amour et de tendresse. C’est finalement le seul moment de répit pour les deux amants. Tant Pujol que Ganio semblent épris et leur couple nous
plonge dans le film de cette tragédie. L’un et l’autre interprètent les rôles à la perfection. Je suis complètement sous le charme, et bouleversée par ce couple.

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© Syltren / Rêves impromptus

L’acte II est celui de Roméo, Juliette ne faisant que deux apparitions, au mariage secret chez le prêtre, et à la mort de Tybalt. Sur la place, Mercutio et Benvollio se moquent
de Roméo. Le pas de trois entre les amis est superbe, Ganio me surprend à chaque minute, il sait être drôle, sortir de ce carcan de prince, tout en gardant des lignes et une technique superbes. Heymann s’amuse bien dans ce rôle, mais entre les deux amis c’est vraiment Duquenne qui se révèle. J’aime beaucoup le deuxième acte, à cause de ce passage. Celui avec la nonne qui se fait malmener par Mercutio et Benvollio est très drôle. On est plongé dans une ambiance de rue. Ca grouille, ça s’insulte entre Montaigu et Capulet, c’est tout le temps en mouvement, si bien qu’on ne s’ennuie jamais. L’entrée de Tybalt interrompt cette joyeuse ambiance. Le combat entre Tybalt et Mercutio nous plonge dans un film de capes et d’épées. C’est fou comme on peut se prendre au jeu
alors qu’on connaît déjà la fin. Je suis très admirative des danses avec des accessoires, et là ce combat à l’épée est impressionnant. On sent la salle qui frémit, au bruit des épées qui tombent, qui s’entrechoquent. Heymann interprète avec brio la mort de Mercutio. Il est en souffrance tandis que ses amis lui consacrent une fausse procession. Ganio se montre très drôle dans cette séance, il change radicalement de visage quand il découvre que le corps de Mercutio se refroidit et qu’il est ensanglanté. Il se rue sur Tybalt et c’est un nouveau duel avec une pression bien plus forte qui commence. La mort de Tybalt ramène Juliette à la scène et là Laëtitia Pujol m’a donné de sacrés frissons. Elle sort une colère, ses os ressortent, la chair de poule envahit toute sa peau, ses yeux sortent des orbites à travers des larmes, c’est d’abord avec haine qu’elle se dirige vers Roméo, qui reste sous le choc impassible. Face à la figure de l’être aimé, elle lutte mais ne peut lui résister, elle est aimanté par lui. Le jeu de Pujol est juste fou, elle est incroyable. Mille fois bravo !

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© Syltren / Rêves impromptus

L’acte III est celui de Juliette, l’action se passe chez les Capulets. Juliette est désespérée. Là encore Laëtitia Pujol se montre si investie dans le rôle qu’elle tient le
ballet dans son regard. Elle se montre très farouche face à la volonté de ses parents, et au désir de Pâris, incarné par Bruno Bouché, qui est très froid et déterminé dans sa volonté d’épouser Juliette. J’aime beaucoup la danse à quatre avec Capulet, Lady Capulet, Pâris et Juliette. Delphine Moussin a tout de la noblesse dans son port de tête et son regard qui balaye l’espace en permanence.Là encore on est dans un film avec une voix off. Juliette s’échappe, son thème musical revient et on est plongé dans son esprit où elle se révolte, où il faut qu’elle trouve une solution.Toute la suite est très lente. Il y a la découverte du corps de Juliette inerte par sa famille, le rêve de Roméo à Mantoue, son réveil, où il apprend par Benvollio la mort de sa chère et tendre. La mort de Frère Laurent, l’arrivée dans le caveau, la mort de Pâris. La dernière scène dans le caveau me plonge dans cette tragédie. Ganio est parfait, il désespère devant ce corps sans vie. Il boit le poison, et meurt quelques secondes avant le réveil d’une Juliette qui croit retrouver espoir. La vue de Pâris mort puis de Roméo. Son cri, bien qu’il soit sans voix, pourrait vous casser les tympans tant il semble venir des profondeurs de ses entrailles. On a envie de crier bravo tout de suite. Je suis dans mon flot de larmes (je ne vous ai jamais dit que Le petit rat
était ultra sensible et romantique?), affolée par ce drame. C’était sublime.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

J’ai donc passé une superbe soirée, je remets ça samedi soir avec Dorothée Gilbert et Josua Hoffalt ais la barre est placée très haute. En compagnie de Pink Lady, j’ai rencontré Laura de Bella Figura, que j’ai oublié de féliciter pour son article dans le programme qui est très bien écrit. Ensuite nous avons filé au cocktail Arop (il n’y a pas de petits plaisirs), où je cite les dames en robes à plus de 1000€ vous parlent ainsi quand vous tentez d’obtenir une coupe de champagne « eh les minettes, on laisse passer les grands mères d’abord, oh les minettes! « … mouais botoxées et vu la dose de peinture sur le visage… ma grand mère ne ressemblait pas à ça. On ne peut pas être et avoir été mesdames, alors si il faut jouer les grands mères pour passer avant les autres, il ne faut pas se donner le look d’une jeune femme. C’était ma petite anecdote de la soirée, qui rendent toujours les évènements à l’Opéra uniques. Je vous rassure ce qui a rendu ma soirée merveilleuse, c’est bien
Laëtitia Pujol.

A lire absolument sur le blog de Pink Lady, l’interview de Yuri Uchiumi, choréologue, l’interview de Linda Darell, qui raconte la première de Roméo et Juliette, à Londres. Vous comprendrez mieux la genèse de cette oeuvre et comment elle se transmet.

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© Agathe Poupeney / Fedephoto.com

 

  • Distribution du 28 avril 19h30
Juliette Laëtitia Pujol
Roméo Mathieu Ganio
Tybalt Stéphane Bullion
Mercutio Mathias Heymann
Benvolio Christophe Duquenne
Pâris Bruno Bouché
Rosaline Myriam Ould Braham

 

  • Bonus vidéo