Nijinsky

Danser sa vie au Centre Pompidou

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Mercredi s’ouvrait la nouvelle grande exposition du Centre Pompidou, intitulée Danser sa vie. J’ai fait l’inauguration en deux parties. Le matin je suis allée à Videodanse. C’est un dispositif, qui a permis de numériser de nombreux films de danse, que ce soit des documentaires, des spectacles filmés, ou encore des performances visuelles ayant trait à la danse. Tous les premiers jeudi du mois, vous pouvez d’ailleurs découvrir un ou deux films, selon la programmation, au cinéma du musée (avec le Laissez-passez, l’entrée est gratuite).

Alain Seban (directeur du Centre Pompidou) nous présente assez ému et pas peu fier, le programme qui va avoir lieu durant toute la durée de l’expo. Plus de 150 films à voir et à revoir, allez voir sur le site et faîtes votre sélection.

On commence donc par voir la captation d’un spectacle de Jérôme Bel, Pichet Klunchun and myself (2005). Je n’avais jamais vu ce spectacle, mais il est dans la lignée de ceux fait avec Véronique Doisneau et Cédric Andrieux.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas son travail, le principe est simple. Faire parler un danseur de son travail, le faire illustrer son propos avec des pas de danse. Avec Cédric Andrieux, qui parle de son parcours via la compagnie de Merce Cunningham ou avec Véronique Doisneau, qui raconte le quotidien d’une danseuse à l’Opéra, Jérôme Bel laissait les artistes seuls en scène, se confier à un public. Là Jérôme Bel se met en scène avec Pichet, pour confronter leurs cultures respectives. Pichet est danseur de Khôn thaïlandais, sorte de danse traditionnelle, anciennement noble, reconverti en attrape touriste par toutes les agences de voyage.

Le dialogue n’est pas inintéressant, mais il me lasse parfois, surtout l’attitude de Jérôme Bel, qui à mon sens joue parfois le faux naïf. Bien sûr qu’il y a besoin de faire comme si, de jouer à celui qui ne connaît rien, mais des fois, il est à la limite et cela m’a mise mal à l’aise. Il tente aussi d’expliquer son point de vue, comme artiste contemporain occidental. Là aussi le point de vue me semble simplet. En gros, en Europe, il y a trois choses importantes pour le développement de l’art contemporain : l’état, les artistes et le public. L’état donne de l’argent aux artistes sans savoir quels sont leurs projets et le public vient voir les artistes, sans savoir ce qu’ils vont voir. Par conséquent, le public étant averti, Jérôme Bel ne comprend pas pourquoi, le public demande parfois à être remboursé (The show must go on…). Il défend aussi sa conception de mettre à égalité le public et l’oeuvre d’art, de rendre l’art accessible à tous. Je ne suis pas forcément en contradiction avec tout ce qu’il dit, mais c’est plutôt la manière dont il le dit… A la fin de la projection, il arrive devant une salle pas très accueillante, il faut bien le reconnaître, mais avec des mots assez froids en retour. Il nous dit que de toutes façons ce n’est qu’un film, que ce n’est pas le spectacle et que les musées et les films c’est enterrer l’art… Je ne vous dis pas l’ambiance de la salle qui se vidait peu à peu…Pas très réussie cette ouverture et c’est bien dommage, car ce dispositif est vraiment super et il y a plein de films à voir. Je ne reste pas pour le petit verre proposé suite à la projection, car j’avais la veille fait un petit vol plané dans un couloir, et radio et kiné m’attendaient…

Je reviens tout de même le soir, en bonne compagnie, pour prendre le temps de visiter l’exposition.

J’ai apprécié cette exposition, mais elle n’est à mon avis pas abordable pour des gens qui ne connaissent pas la danse et c’est un peu là, le reproche qu’on peut lui faire. L’exposition est bâtie autour de trois axes :

  • La danse, comme l’expression de la subjectivité
  • La danse et l’abstraction
  • La danse et la notion de performance.

Ces axes permettent de voir comment la danse a dialogué avec les arts visuels tout au long du XXème siècle, et comment ils se sont influencés.

La première partie, est plutôt intéressante et accessible. On entre en regardant une grande toile de Matisse, tout en ayant à l’oeil ce jeune homme qui fait une performance au
sol. L’ambiance est donnée, on veut un peu déstabiliser le visiteur qui va être trimballé d’une époque à une autre, d’un courant à un autre, d’un art à un autre. Dans les salles, les musiques de Stravinsky et de Debussy s’entremêlent.

Au milieu de la deuxième pièce, L’après midi d’un faune, dansé par Nicolas Le Riche trône au milieu de photos d’Isadora Duncan, grande prêtresse d’une danse libre de toutes contraintes artificielles.

On retrouve toutes les mouvements qui ont contribué à produire une danse contemporaine libre, avec Laban, Mary Wigman, Kurt Joss. La nature est au centre de cette nouvelle danse, il y a beaucoup de photos de jeunes gens qui dansent, souvent nus dans la nature. Kurt Joss c’est un des maîtres d’une certaine Pina Bausch et cette première partie se referme sur Le Sacre du Printemps, dansé par le Tanztheater en 1978, vidéo qui n’est pas d’ailleurs pas d’une grande qualité.

J’avais assisté à une conférence intéressante au Théâtre de la ville à ce sujet, à relire là. Cela permet de remettre un peu d’ordre dans cette partie d’histoire de la danse.

Dans la deuxième partie de l’exposition, il s’agit de comprendre comment la danse a participé à l’abstraction en art, avec des courants comme celui du Bauhaus. On trouve des extraits de danses futuristes, avec des costumes qui géométrisent le corps, qui le rendent artificiel. On est alors loin d’un corps proche de la nature comme dans la première partie. Il va être question de rationaliser la danse peut être. Comment faire des lignes et des points se demande alors William Forsythe. Laban continue ses recherches et veut lui aussi contraindre la danse dans un vocabulaire que l’on pourrait noter. La pièce sur le Bauhaus est impressionnante, des vieux costumes trônent au centre de la pièce, entourés de croquis de Laban, de dessins pour des mises en scène plus que carrées ! Les couleurs primaires font la loi dans les productions présentes. Cette partie se termine sur Alwin Nikolais, maître en la matière d’abstraction, jugez plutôt.

 

La dernière partie de l’exposition est un peu un fourre-tout à mon sens. On veut y montrer plein de choses, qui ont parfois peu de rapport entre elles. On y voit cependant des oeuvres intéressantes. J’ai beaucoup aimé le Wahrol sur Cunningham, ou l’espace consacré à la danse pop. On y erre un peu, car il y a beaucoup de choses avant. Je crois que la prochaine fois, je commencerai par cette partie, pour mieux comprendre pourquoi cela a été présenté comme cela.

Dans l’ensemble, c’est une belle exposition et c’est un pari risqué de faire une exposition sur la danse. J’ai découvert des tableaux, certains dessins aussi, qui m’ont beaucoup plu. On voit bien les oeuvres et la circulation est facile. A la librairie, il y a de beaux ouvrages, notamment une anthologie de textes sur la danse, qui est formidable

  • A lire, à voir…

Le catalogue raisonné de Jérôme Bel, où il s’explique en partie de ses oeuvres.

A voir, un extrait du spectacle de Jérôme Bel ici.

Le site officiel de Jérôme Bel

Hommage aux ballets russes à l’Opéra de Paris

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Marcel Schneider me racontait souvent autour d’un bon repas et d’un bon vin dans sa maison de campagne l’impression qu’il avait eue et l’émotion ressentie la première fois qu’il avait vu les ballets russes de Diaghliev à Paris.

« J’ai été conquis par cette forme d’art {la danse} en 1929, au cours de ma seizième année, quand un instinct divinatoire m’incita à m’inscrire pour la saison des Ballets Russes. Personne ne savait alors que ce serait la dernière. Le sort me favorisa : j’assistai à la création du Fils Prodigue, musique de Prokofiev, décors et costumes de Rouault, chorégraphie de Balanchine. Ces trois artistes m’étaient inconnus : je fis leur découverte avec émerveillement. » L’esprit du ballet, introduction page 9.

J’avais toujours été intriguée par les mots de Marcel, et surtout par son regard, dans lequel l’émerveillement ne l’avait pas quitté. Une étoile brillait toujours dans le fond de ses yeux, quand il parlait de Diaghilev, de Nijinsky, d’Ida Rubinstein. Toute sa passion pour la danse part de là.Ce que j’ai retrouvé hier soir c’est la découverte émerveillée dont me parlait Marcel. il y a quelque chose d’inattendu dans ces ballets russes. Ce qui m’a frappé dans toutes les pièces, c’est la modernité. Modernité chorégraphique, modernité dans les choix musicaux, modernité des décors et des costumes. Ensuite c’est ce travail commun entre chorégraphes, scénographes, musiciens, peintres, et autres artistes qui collaborent dans cette recherche de création. Parlons en donc de ces merveilles.

Mon coup de cœur va pour l’Après midi d’un faune de Nijinsky. Considéré comme fou, Nijinsky présente dans cette pièce tout son génie et son non académisme. Jugé scandaleux la première fois qu’il fut montré, aujourd’hui il continue d’interloquer les spectateurs. Les spectateurs de ma loge, apparemment novices, semblent choqués, vu leurs commentaires. Pour eux, ce n’est pas de la danse. Or pour moi tout est là. Ces gestes qu’a inventés Nijinsky sont merveilleux. Ils sont chorégraphiés au millimètre près. La justesse de la scénographie, véritable démonstration géométrique, éblouit le regard. La douceur du mythe russe nous enchante grâce à la musique de Debussy. C’est là le grand génie de cette pièce. Elle parvient avec peu de choses à nous replonger
dans des histoires merveilleuses ; petit à petit se bâtit dans notre imagination un univers fantasmagorique alimenté en permanence par l’apparition des nymphes, les sauts du faune et cette danse du voile dans laquelle la séduction paraît sans limite. A mon sens, l’après midi d’un faune est un des plus grands ballets du XXème siècle. Le génie de Nijinsky que l’on aperçoit ici, se déploie entièrement dans le Sacre du Printemps (pour ceux qui ont eu la chance de le voir à Bordeaux, sous la direction de Charles Jude).

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Le Tricorne est l’exemple le plus frappant de la collaboration entre artistes. Ici, c’est Pablo Picasso qui a été mis au travail pour la création. Il a réalisé les décors et les
costumes, qui sont sublimes, éclatants de couleurs et de formes. Là encore, le génie russe est à l’œuvre. L’œuvre est totalement hispanique, costumes, décors, musique (par un compositeur hispanique (Manuel de Falla) mais bien sûr chorégraphie. Ceux qui attendent les pointes et les tutus peuvent rentrer chez eux. On est sur une place d’un village en Espagne et les gens dansent, claquent des doigts, tapent dans les tambourins. Nous sommes passés le temps d’un précipité,  de la taïga mystérieuse à un petit port le long de la Méditerranée. Quel spectacle avec José Martinez qui contribue au voyage!

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Le Spectre de la rose est un exercice réussi. Je dis exercice, car cela représente pour moi un exercice de base (qui n’en pas pas pour autant aisé) en matière de chorégraphie. Prendre un poème, et délabyrinther les mots pour en faire des gestes. Inventer ce langage corporel pour traduire les mots de Théophile Gautier. L’atmosphère du poème est habilement retranscrite et présente la même douceur.

« Soulève ta paupière close
Qu’effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir. »

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Le spectacle se clôt dans une ambiance russe. Le titre est déjà l’objet de l’exotisme et du voyage vers ce grand pays. Petrouchka est un drame qui touche chacun. Un pantin,
malheureux à cause de son humanisation par un grand sorcier et de son amour non partagée pour une poupée russe, nous touche et nous émeut jusqu’à la dernière minute. Petrouchka mélancolique rêve d’une vie meilleure où il s’échapperait de cette boîte avec sa jolie poupée, laquelle ne pense pas à Petrouchka mais qui est totalement éprise du Maure. Petrouchka est battu, humilié. Le pantin de chiffon a le coeur qui saigne. Il est par son amour et sa passion devenu plus humain, tellement humain qu’il en meurt. Le sorcier se croît tiré d’affaire, ce n’est qu’un pantin de chiffon, mais non, l’âme de Petrouchka est là et hante cet ensorceleur de poupée. L’amour de ce pantin est sans limite est flotte sur les décors, sur les visages et dans toute la salle du Palais Garnier. Petrouchka a quelque chose de magique, nous sommes aussi des pantins ensorcelés qui, absorbés par le spectacle tragique, sommes confrontés à une réalité bien morose au tomber
du rideau. Que dire de la prestation de Nicolas Le Riche… rien une fois de plus parfait. Le masque de Petrouchka reste sur son visage même pendant le salut, il doit être bien difficile de sortir de ce rôle très touchant.

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A NE PAS MANQUER!! RETRANSMISSION LE VENDREDI
1ER JANVIER À 13H50 SUR FRANCE 3

  • Revue de presse sur le net


Article du Point

Article de culture.fr

Article du Figaroscope à propos de la soirée de gala du 16
décembre

Article du Figaroscope à propos de l’exposition sur les ballets russes

Critique d’evene.fr

  • Et dans les kiosques

Hors Série DANSER sur les Ballets russes

Connaissances des arts sur les ballets russes

  • Quelques vidéos disponibles sur le net

Noureev dans l’Après Midi d’un faune.

Le spectre de la rose dansé par Margot Fonteyn et Barishnikov

Petrouchka avec Monique Loudières

  • Distribution du 20 décembre 2009
Spectre de la Rose (Le)
LE SPECTRE Emmanuel Thibault
LA JEUNE FILLE Clairemarie Osta
Après midi d’un faune (L’)
LE FAUNE Jérémie Belingard
LA NYMPHE Amandine Albisson (changement dernière minute à place d’Émilie Cozette)
Tricorne (Le)
LE MEUNIER Jose Martinez
LA FEMME DU MEUNIER Stéphanie Romberg
Petrouchka
PETROUCHKA Nicolas Le Riche
LA POUPEE Eve Grinsztajn
LE MAURE Stéphane Bullion
LE CHARLATAN Michaël Denard